Une définition riche de conséquences juridiques

Une définition riche de conséquences juridiques

On peut mesurer les enjeux de la recherche d'une définition du coliving tant lors de la construction de la résidence (§ I) qu'au cours de son fonctionnement (§ II).

Quelles destination et sous-destination lors de la construction d'une résidence de coliving ?

– Hésitation. – En droit de l'urbanisme, de quelles destination et sous-destination relève la construction (rénovation ou réhabilitation) d'une résidence de coliving ? Il est, tout d'abord, permis d'hésiter entre la destination « habitation » et celle de « commerces et activités de services ». Cette dernière destination est elle-même subdivisée en deux sous-destinations que sont les « activités de service où s'effectue l'accueil d'une clientèle » et l'« hébergement hôtelier » (temporaire, courte durée, service commercial).
– Discussion. – Généralement l'investisseur d'un projet de coliving qui doit construire ou rénover un immeuble choisit la destination « habitation ». Toutefois, notre consœur Anne Muzard, souligne que le décret du 31 janvier 2020 distinguant les sous-destinations « hôtels » et « autres hébergements touristiques », ainsi que l'arrêté du 31 janvier 2020 ayant supprimé la référence aux constructions destinées à l'hébergement temporaire de courte ou moyenne durée proposant un service commercial, ont laissé (volontairement ?) de côté le coliving, « en quête de son écrin juridique ». Un autre auteur y voit plutôt « une résidence services qui s'ignore ». Cette opinion repose sur un constat : aucun des critères habituellement retenus pour qualifier le coliving ne permet d'écarter la qualification de résidence services, énoncée par l'article L. 631-13 du Code de la construction et de l'habitation. Il propose de retenir, pour les pétitionnaires de construction de tels projets, la destination « habitation » et la sous-destination « hébergement ». La destination « habitation » englobe le logement et l'hébergement, alors que celle de « commerce et activités de services » correspond aux hébergements touristiques, artisanat, restauration.
Intérêts de la distinction. Les conséquences du rattachement de l'opération à l'une ou l'autre des catégories proposées se mesurent en termes, notamment, d'obligations de création d'emplacements de stationnement et de respect de la mixité sociale.

Quel contrat pour le coliver ?

– Le bail. – La question est de savoir si le bail consenti à l'occupant d'un coliving relève ou non de la loi de 1989. Certes, il s'agira toujours d'une location meublée, ce qui appelle un statut locatif moins contraignant. Rappelons cependant que :
  • depuis la loi Alur, la loi de 1989 s'applique, par principe, à la location meublée, moyennant certaines exceptions, lorsqu'elle est consentie à titre de résidence principale ;
  • il y a résidence principale lorsque le locataire habite le logement au moins huit mois dans l'année . Une location prévue pour une plus courte durée demeure soumise au statut de droit commun du Code civil.
Dès lors, deux conceptions sont possibles. Pour certains, il y a lieu d'appliquer la loi de 1989 au bail en coliving dès lors que l'occupation du locataire est prévue pour durer plus de huit mois par an. Pour d'autres, tel n'est pas le cas. Selon cette dernière tendance, il s'agirait d'un contrat sui generis, une résidence mise à disposition dans les conditions spécifiques du coliving ne pouvant être qualifiée de « principale ». Cette position fait intervenir le second critère caractéristique de la notion : la fourniture de services.
– Les services. – Il n'y aurait de coliving que lorsque le contrat va au-delà de la simple mise à disposition d'une habitation meublée dotée des éléments ordinaires de confort. L'idée est que le coliving doit affranchir l'occupant de certaines tâches ménagères ou administratives et lui proposer un confort personnalisé. Ceci devrait se traduire :
  • en premier lieu, par la possibilité d'avoir recours à des prestations telles qu'accès à l'internet, système de télévision connectée, assurances collectives, cours de sport à domicile, services de réparation, etc. ;
  • en second lieu, par l'existence, au sein de la résidence, d'espaces communs (salle de sport, buanderie, blanchisserie, salle de cinéma, jardin, garage…) ou partagés (salle de séjour, cuisine, salle de bains, etc.).
Le coliving serait donc un mode d'occupation d'immeubles à usage d'habitation, dont les occupants partagent des services et des espaces communs, et utilisent des technologies fournies par leurs bailleurs ou par une société spécialisée qualifiée d'« opérateur ». Néanmoins, ne pourrait-on déceler dans certains colivings une simple colocation, régie, en ce cas, par la loi de 1989 ?
– Conclusion sur le Vivre ensemble. – Au terme de cet inventaire, peut-être incomplet, il apparaît que le Vivre ensemble est une réelle aspiration que partagent un nombre certain de citoyens français. Il semble répondre à un besoin lié tout à la fois à la diversité de la population et à son vieillissement, d'une part, et au coût du logement, d'autre part. Face à la pluralité des outils, le notaire aura sans doute un rôle croissant à jouer. Il est trop tôt, aujourd'hui, pour dire lequel, ce d'autant plus que, procédant d'inspirations analogues, mais dépourvues de caractère collectif, d'autres aspirations se font jour avec le développement de modes d'habitats individuels dits « alternatifs ».