Un champ d’application élargi

Un champ d’application élargi

Les contours du dispositif

C’est la raison d’être du dispositif (Sous-section I) qui détermine son champ d’application (Sous-section II).

Raison d’être du dispositif

L’idée maîtresse du dispositif, restée constante depuis sa création, est que dans certaines villes, un local d’habitation, pris dans son acception sociale de « logement », doit être préservé comme tel. En conséquence, son affectation à un autre usage est interdite, du moins sans autorisation.
Seul l’intérêt général peut justifier pareille atteinte au principe, de valeur constitutionnelle, de liberté du commerce et de l’industrie et surtout aux attributs du droit de propriété (et spécialement à l’usus), ce d’autant plus que cette législation est indépendante de celle relative au changement de destination des immeubles qui, loin de s’y confondre, vient s’y superposer : tout changement dans l’usage d’un local d’habitation nécessite une autorisation préalable et ce, sans préjuger de toute autre autorisation pouvant être rendue nécessaire par une autre règle de droit public ou de droit privé.
Les crises succédant aux crises, le définitif a, comme c’est souvent le cas, succédé au provisoire : les règles de protection de l’usage des logements se sont trouvées pérennisées, codifiées mais aussi modifiées à de si nombreuses reprises que leur application en devenait malaisée, la pratique et la doctrine critiquant même le caractère inintelligible de certaines dispositions. Le législateur en ayant pris la mesure, une ordonnance no 2005-655 du 8 juin 2005 vint réformer l’ensemble du dispositif, en particulier quant à son champ d’application. Peine perdue : si les règles actuelles sont encore animées par l’esprit de ce texte, plusieurs nouvelles retouches ont été nécessaires quant à sa lettre, notamment pour tenir compte de l’évolution d’autres législations. Ces ajouts et modifications successifs sont le signe d’une législation trop complexe et ont pour conséquence de rendre de nouveau le dispositif réformé de 2005, instable.
Malmené, critiqué, il a pourtant été consacré par une décision de la Cour de justice de l’Union européenne du 22 septembre 2020, repris et complété par trois arrêts rendus par la Cour de cassation le 18 février 2021, à l’occasion de contentieux sur la location meublée à des fins touristiques. La Cour ainsi pu énoncer, notamment, que « la règlementation (…) est justifiée par une raison impérieuse d’intérêt général tenant à la lutte contre la pénurie de logements destinés à la location et proportionnée à l’objectif poursuivi, en ce que celui-ci ne peut pas être réalisé par une mesure moins contraignante, notamment parce qu’un contrôle a posteriori interviendrait trop tardivement pour avoir une efficacité réelle ». Elle répond en ce sens aux exigences de clarté et d’objectivité de la directive « Service » de l’Union européenne. Il est certain que cette position jurisprudentielle rend de l’éclat au blason, souvent terni, de la police du changement d’usage et lui octroie une légitimité ne pouvant plus être contestée.

Champ d’application du dispositif

L’ordonnance de 2005 redéfinit le champ d’application géographique (§ I) et matériel (§ II) du contrôle des changements d’usage.

Champ d’application géographique

S’agissant d’une restriction importante du droit de propriété, le contrôle du changement d’usage des locaux d’habitation (qualifié autrefois de « changement d’affectation ») ne saurait concerner l’ensemble du territoire national, de manière générale et absolue. Aussi a-t-il, dès l’origine, été présenté comme étant « à géométrie variable », impératif dans certaines communes, facultatif dans d’autres. Cependant, depuis l’après-guerre, ce contrôle ne trouvait une réelle application qu’à Paris, dans le département des Hauts-de-Seine, et sur une partie des communes de Lyon, Nantes et Chambéry.
C’est pour tenir compte de ce décalage entre théorie et pratique que l’ordonnance de 2005 procédât à une réécriture des règles, restreignant leur domaine d’application de plein droit (A) tout en maintenant la possibilité d’une application volontaire (B).
Le champ d’application obligatoire
Le législateur ne contrôle les changements d’usage qu’en présence d’une réelle tension sur le marché du logement. C’est pourquoi, selon l’article L. 631-7, alinéa 1 du Code de la construction et de l’habitation ce contrôle s’applique obligatoirement :
  • dans toutes les communes des Hauts-de-Seine (92), de la Seine-Saint-Denis (93) et du Val-de-Marne (94), quel que soit leur nombre d’habitants ;
  • et dans les communes (et non pas les agglomérations) de plus de 200 000 habitants au regard du recensement de la population réalisé par l’INSEE.
Pour autant, en dehors de ces communes, la réalité matérielle peut nécessiter d’instaurer volontairement ce même dispositif.
L’extension volontaire du dispositif
L’ordonnance du 8 Juin 2005 maintient la possibilité d’une application volontaire et différenciée du contrôle des changements d’usage au-delà du champ d’application obligatoire de ses dispositions. Cette louable intention de souplesse, qui permet aux pouvoirs locaux d’adapter la règlementation à la réalité du marché du logement, ne va pas sans un inconvénient pratique : le propriétaire (et son notaire) aura parfois du mal à déterminer s’il convient ou non de solliciter une autorisation avant d’opérer un changement d’usage.
La situation ne se simplifie guère lorsqu’après avoir ainsi exploré le champ d’application géographique du contrôle, le praticien se confronte à ses critères matériels.

Hors des communes dans lesquelles le contrôle du changement d’usage est impératif, comment savoir si un bien y est malgré tout soumis ?

Le praticien doit connaître les règles de compétence de l’instauration volontaire du contrôle, puis se renseigner sur son éventuelle modulation géographique. Encore lui faut-il savoir à qui s’adresser !
– Les règles de compétence de l’instauration volontaire
Principe : l’instauration volontaire du dispositif d’autorisation de changement d’usage résulte d’une initiative du maire de la commune mais ne sera applicable qu’après arrêté préfectoral.
Exception : Si la commune concernée fait partie des 1 149 communes dans lesquelles est applicable la taxe annuelle sur les logements vacants l’instauration du contrôle relève du pouvoir exclusif de l’Établissement public de coopération intercommunale ou, à défaut, du conseil municipal.
– La possibilité de modulation territoriale
Le contrôle des changements d’usage peut n’être instauré que sur une partie du territoire communal. Cette précision, apportée par la loi n° 2002-276 du 27 février 2002, permet d’en circonscrire l’application aux seuls quartiers dans lesquels il se justifie (centre-ville historique ou zone littorale par exemple).

Champ d’application matériel

L’essence même du dispositif est la protection du logement au sens d’habitation stable et pérenne d’un foyer.
Cette volonté de protection du logement au sens large affecte donc tant les personnes visées (A) que les locaux concernés (B).
Les personnes visées
Le dispositif de contrôle du changement d’usage s’applique à toutes les personnes qu’elles soient physiques ou morales, privées ou publiques.
Seuls les organismes d’habitation à loyer modéré et les sociétés d’économie mixte bénéficient, à cet égard, de dispositions particulières.
Les locaux concernés
Le texte ne définit pas l’usage d’habitation, mais il émane clairement de la circulaire diffusée pour son application qu’il doit être entendu d’une façon très large. Le contrôle du changement d’usage est donc applicable à tout local à usage de logement, indépendamment de toute autre considération.
La nature des locaux : un logement et ses annexes
L’alinéa 2 de l’article L. 631-7 définit les locaux à usage d’habitation protégés comme « toutes catégories de logements et leurs annexes, y compris les logements-foyers, logements de gardien, chambres de service, logements de fonction, logements inclus dans un bail commercial, locaux meublés donnés en location dans les conditions de l’article L. 632-1 ou dans le cadre d’un bail mobilité conclu dans les conditions prévues au titre Ier ter de la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989 tendant à améliorer les rapports locatifs et portant modification de la loi n° 86-1290 du 23 décembre 1986 ».
Bien que n’ayant pas valeur normative, la circulaire UHC/DH2 n° 2006-19 du 22 mars 2006 prise en application de l’ordonnance n° 2005-655 du 8 juin 2005 précise que cette notion « recouvre tous les locaux d’habitation ainsi que leurs annexes quels que soient les parcs dont ils relèvent, privé ou public, et leur date de construction ».
Il n’est donc désormais plus fait de distinction au sens de « l’usage », qu’entre les locaux d’habitation et les autres locaux.
Les circonstances indifférentes
Il importe peu, en revanche, que le local soit habité ou vacant. Il n’est même pas nécessaire qu’il soit habitable : Le contrôle reste applicable à un logement frappé d’un arrêté de péril ou d’insalubrité, d’une interdiction d’habiter ou de diviser. Peu importe également que ce local réponde ou non aux normes de décence (Il est notamment fait référence aux chambres de service).
De même, le contrôle s’applique quelle que soit l’organisation juridique du local (monopropriété, copropriété, lotissement, volumétrie…) et son mode de détention (pleine propriété, démembrement, indivision, location, commodat…).
Enfin, outre les précisions (non limitatives) apportées par le texte sur certaines catégories de logements (logements-foyers…) afin d’éviter des interprétations jurisprudentielles, le changement d’usage d’un local annexe à l’habitation est également soumis à autorisation.
La date d’appréciation de la notion d’habitation
La date de référence du 1er janvier 1970
La preuve de l’usage du local au 1er janvier 1970 ou de son évolution conforme depuis, constitue l’élément essentiel de la police du changement d’usage dans la protection du logement. En effet, l’alinéa 3 de l’article L. 631-7 du Code de la construction et de l’habitation dispose que « pour l’application de la présente section, un local est réputé à usage d’habitation s’il était affecté à cet usage au 1er janvier 1970. Cette affectation peut être établie par tout mode de preuve. Les locaux construits ou faisant l’objet de travaux ayant pour conséquence d’en changer la destination postérieurement au 1er janvier 1970 sont réputés avoir l’usage pour lequel la construction ou les travaux sont autorisés », puis en son alinéa 4 : « Toutefois, lorsqu’une autorisation administrative subordonnée à une compensation a été accordée après le 1er janvier 1970 pour changer l’usage d’un local mentionné à l’alinéa précédent, le local autorisé à changer d’usage et le local ayant servi de compensation sont réputés avoir l’usage résultant de l’autorisation ».
Si de prime abord cet article est compréhensible, sa mise en œuvre est sujette à de nombreuses difficultés.
La date du 1er janvier 1970, retenue par la réforme de l’ordonnance de 2005, avait pour ambition de régler les multiples difficultés d’application du régime connues jusqu’alors. Elle correspond à la date de la dernière révision des valeurs foncières, pour laquelle tout propriétaire devait déclarer à l’administration les caractéristiques de son local et donc son usage. Dès lors, l’examen du fichier des propriétés bâties constitue la pierre angulaire du dispositif, réalisant, en quelque sorte, une « photographie administrative » du local à cette date. Il est accessible auprès des Centres des impôts fonciers par tout propriétaire et mis à disposition des professionnels ayant besoin de le consulter.
Cependant, comme pour tout fichier faisant l’objet d’un classement depuis plus de cinquante ans, son exploitation peut être difficile, notamment en cas de destruction de la fiche, d’erreur dans son indexation, ou encore d’incohérence de l’information relevée lors de la création de la fiche ou lors d’une actualisation…
C’est pourquoi le Code de la construction et de l’habitation réserve la possibilité de prouver par tout autre moyen l’affectation du local considéré. La pratique s’en remet classiquement aux désignations dans les actes de vente, règlements de copropriété ou baux ainsi qu’à toute pièce administrative ou fiscale en possession du demandeur (taxe sur les bureaux, autorisations de travaux…).
L’évolution de l’usage depuis le 1er janvier 1970
Il n’est pas tenu compte de la situation antérieure, pas plus que de son évolution postérieure, sauf si depuis le 1er janvier 1970 :
  • le local a fait l’objet d’un changement de destination, régulièrement autorisé, par un permis de construire ou une déclaration préalable ;
  • le local entre dans un des cas particuliers que sont à la fois l’affectation temporaire à l’usage d’habitation d’un local autre entre 1994 et 2005 ou le changement d’usage avec compensation réalisé avant 2005.
La charge de la preuve de l’usage
Selon une jurisprudence désormais bien établie de la Cour de cassation, il appartient à la commune de prouver l’usage d’habitation au 1er janvier 1970 si elle entend faire valoir un usage illicite du local à ce jour. Relevons cependant qu’un arrêt du Conseil d’État a procédé (à tort ?) à une distinction quant à la nature de la preuve à apporter selon que le local est à usage d’habitation ou à un autre usage. Dans le premier cas, en application du principe de « réputation », la preuve se rapporte par la situation de « fait » au 1er janvier 1970 alors que dans la seconde hypothèse, il faut se référer à la situation de « droit » à cette date : « Il résulte des termes mêmes de cet article qu’en l’absence d’autorisation de changement d’affectation ou de travaux postérieure, un local est réputé être à usage d’habitation s’il était affecté à cet usage au 1er janvier 1970, sans qu’il y ait lieu de rechercher si cet usage était fondé en droit à cette date. En revanche, ces dispositions n’ont ni pour objet ni pour effet d’attacher pareilles conséquences au constat, au 1er janvier 1970, de l’affectation d’un local à un autre usage que l’habitation ».
Dès lors qu’il est établi que le changement d’usage du local entrera dans le champ d’application du dispositif, le propriétaire, le locataire ou l’occupant devra alors solliciter l’autorisation spécifique prévue par le texte, sans préjuger des autres autorisations pouvant être rendues nécessaires.

Les adaptations du dispositif aux évolutions de la société

Sans perdre de vue l’objectif général de préservation du logement, trois situations particulières font l’objet de règles spécifiques en termes de police du changement d’usage : l’affectation partielle de la résidence principale à usage professionnel ou commercial ou usage mixte (Sous-section I) ; la location meublée (Sous-section II) ; et l’affectation temporaire à l’habitation de locaux ayant une autre utilisation (Sous-section III).

L’usage mixte de la résidence principale

Ne voulant pas créer un frein au développement de nouvelles formes d’activités économiques pouvant être exercées à domicile, le législateur a introduit, par touches successives, de nouvelles dispositions en faveur d’une possible utilisation de sa résidence principale à des fins professionnelles ou commerciales. Ces dispositions sont désormais codifiées sous les articles L. 631-7-2 à L. 631-7-4 du Code de la construction et de l’habitation, qui définissent d’une part le champ d’application de la réglementation de l’usage mixte d’une résidence principale (§ I) et, d’autre part, son contenu, qui varie en fonction des nuisances qu’il peut engendrer (§ II).

Le champ d’application de la réglementation de l’usage mixte de la résidence principale

La règlementation de l’usage mixte ne concerne que les locaux à usage d’habitation constituant la résidence principale de l’occupant et n’est applicable que si le changement d’usage envisagé présente un caractère partiel , le local devant conserver ses attributs propres à l’habitation (cuisine, pièce d’eau…).
De plus, l’usage mixte ne doit pas contrevenir aux stipulations contractuelles résultant d’un bail (s’il existe) ou d’un règlement de copropriété (s’il existe) .
Si ces trois conditions sont respectées, l’exercice d’une activité professionnelle ou commerciale (au sens large, et donc artisanale) devient possible, mais il peut, malgré ce, nécessiter une autorisation.

Les effets de la réglementation de l’usage mixte de la résidence principale

Les règles diffèrent en ce qu’elles permettent (A) ou non (B) de se dispenser de toute autorisation.
L’usage mixte libre
Une partie du local d’habitation occupé à titre de résidence principale peut être librement utilisée à des fins professionnelles ou commerciales dans deux cas.
L’absence de réception de public ou de marchandises
Le premier cas est celui dans lequel ces activités excluent toute réception de public et de marchandises. Cette règle concerne donc au premier chef le télétravail et le e-commerce. Elle s’étend aux représentants légaux des personnes morales .
Les locaux en rez-de-chaussée
Le deuxième cas est celui dans lequel l’activité prévue comporte l’accueil du public et/ou de marchandises, mais s’exerce dans un local situé en rez-de-chaussée, et n’engendre ni nuisance ni danger pour le voisinage, ni désordre pour le bâti.
Ce régime dérogatoire n’est pas applicable aux logements appartenant aux organismes d’habitations à loyer modéré ; une autorisation identique à celle étudiée ci-après leur est toujours nécessaire.
L’usage mixte soumis à autorisation
Que les locaux soient situés en rez-de-chaussée ou en étage, et qu’il y ait ou non réception du public ou de marchandises, l’usage mixte d’une résidence principale est soumis à autorisation préalable dès lors que l’activité exercée pourrait comporter un risque de désordres. L’activité ne doit néanmoins engendrer, par principe, ni nuisance, ni danger pour le voisinage et ne doit conduire à aucun désordre pour le bâti. L’appréciation de ces critères relève du pouvoir du maire lors de l’instruction de la demande d’autorisation.
Ce régime particulier s’applique aux logements appartenant aux organismes d’habitations à loyer modéré mais uniquement pour des activités professionnelles, à l’exclusion des activités commerciales.

Tableau récapitulatif du régime dérogatoire de l’usage mixte

Usage mixte soumis à autorisation Usage mixte dispensé d’autorisation
Art. L. 631-7-2Art. L. 631-7-3Art. L. 631-7-4
Niveau Tous niveauxRez-de-chaussée
Local Résidence principale du demandeur de l’autorisationRésidence principale de la personne exerçant l’activité
Activités Activités libérales/commerciales sauf opposition du bail et/ou du règlement de copropriété
Réception de clientèle OuiNonOui
Réception de marchandises OuiNonOui
Tranquillité des tiers Aucune nuisance ni danger pour le voisinage ni désordre pour le bâtiPas de restriction particulièreAucune nuisance ni danger pour le voisinage ni désordre pour le bâti

La location meublée

Avec le Code du tourisme, la police du changement d’usage constitue aujourd’hui un rempart face aux dérives qui accompagnent le succès grandissant de la location meublée de tourisme. C’est d’ailleurs à cet effet que les communes qui sont en dehors de son champ d’application obligatoire peuvent en décider l’application volontaire.
L’objectif étant toujours la préservation du logement, le contrôle du changement d’usage ne s’applique cependant pas lorsque la location meublée permet d’en assurer la pérennité. Il en est ainsi s’agissant de la résidence principale du loueur ou du locataire (§ I). Seule la location meublée de tourisme est alors soumise à contrôle (§ II).

La location meublée libre

La mise en location meublée d’un logement n’est pas soumise à contrôle préalable lorsqu’elle porte sur la résidence principale de son loueur (A) ou de son occupant (B).
La résidence principale du loueur
En application du dernier alinéa de l’article L. 631-7-1 A, la location meublée « touristique » n’est pas soumise à autorisation lorsqu’elle porte sur la résidence principale du loueur. La définition de la résidence principale est celle retenue par l’article 2 de la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989. Il s’agit du logement « occupé au moins huit mois par an, sauf obligation professionnelle, raison de santé ou cas de force majeure, soit par le preneur ou son conjoint, soit par une personne à charge au sens du Code de la construction et de l’habitation ».
La résidence principale du locataire
Aucune autorisation n’est requise en cas de location meublée entrant dans les conditions de l’article L. 632-1 du Code de la construction et de l’habitation. Ce bail étant essentiellement régi par les dispositions de la loi du 6 juillet 1989 et portant sur une résidence principale du locataire, la stabilité dans l’occupation et la préservation du logement sont atteints.
Notons que le bail mobilité créé par la loi Elan du 23 novembre 2018 est expressément exclu du contrôle de changement d’usage. Bien que s’agissant d’une location de courte durée et hors résidence principale, elle obéit à des considérations spécifiques au regard de la personne pouvant y prétendre et permet également de valoriser les « pied-à-terre » inoccupés, justifiant ainsi son exclusion du régime d’autorisation.
En dehors de ces cas particuliers, dès lors que la location meublée de courte durée est répétée et consentie à une clientèle de passage, elle tombe sous le coup d’une autorisation.

La location meublée soumise à autorisation

Le dernier alinéa de l’article L. 631-7 prévoit que « le fait de louer un local meublé destiné à l’habitation de manière répétée pour de courtes durées à une clientèle de passage qui n’y élit pas domicile constitue un changement d’usage au sens du présent article ». Ce texte pose donc le principe que la location meublée à des fins touristiques est soumise à autorisation préalable (A). Il existe cependant, là encore, un régime dérogatoire (B).
Le principe de l’autorisation
La législation de la protection du logement prend ici tout son sens. Le détenteur d’un local d’habitation ne peut pas l’affecter à une location touristique sans y être préalablement autorisé. Il s’agit là de lutter efficacement contre la déperdition des logements face aux tentations des plateformes de location en ligne. C’est d’ailleurs bien ce texte qui incite aujourd’hui de nombreuses communes, pourtant hors champ d’application obligatoire du dispositif, à le rendre volontairement applicable. En effet, contrairement à la législation relative au changement de destination, sa mise en œuvre est relativement simple pour la commune. Elle lui permet de faire une appréciation fine de ses besoins de protection et comporte des sanctions suffisamment dissuasives pour décourager volonté de s’y soustraire. C’est donc tout naturellement que la police du changement d’usage, couplée au Code du tourisme, est devenue le fer de lance de cette lutte.
Le texte prend soin de ne pas faire référence à l’article L. 324-1-1 du Code de tourisme qui définit « les meublés de tourisme ». Il lui emprunte la notion de clientèle de passage qui n’élit pas domicile mais prend pour critère d’application temporel, la location répétée de courte durée, sans la définir. Il semble ainsi laisser à la commune toute latitude pour fixer le curseur selon ses exigences et aux juges un pouvoir souverain d’appréciation des notions de durée et de répétition. Cependant, ces deux critères doivent aujourd’hui s’apprécier à la lumière de l’arrêt de principe de la troisième chambre civile de la Cour de cassation en date du 18 février 2021. La notion de répétition est caractérisée à partir de deux contrats conclus au cours de la même année. La notion de courte durée l’est si le contrat a « une durée inférieure à un an, telle qu’une location à la nuitée, à la semaine ou au mois ».
Si la pratique de location meublée répétée de courte durée le fait basculer dans le champ d’application du texte, le pétitionnaire doit solliciter une autorisation préalable de changement d’usage (indépendamment de la nécessité du respect des règles sur le changement de destination et des règles de droit privé).
La commune qui souhaite éliminer pareilles locations peut, en outre, subordonner son autorisation à une compensation, obérant le plus souvent la rentabilité de ces locations et ce, même si l’autorisation devient alors réelle.
Inversement, la commune souhaitant préserver une attractivité touristique via ces plateformes de location, tout en endiguant les abus, peut encadrer ces locations touristiques en instaurant un régime d’autorisation personnelle et temporaire.
Le régime d’autorisation temporaire
– Mécanisme. – L’article L. 631-7-1-A du Code de la construction et de l’habitation, créé par la loi Alur, permet à la commune (ou à l’EPCI) d’instaurer un régime d’autorisation temporaire de la location meublée touristique de courte durée. Il lui laisse le soin définir les critères et modalités de son application « en fonction notamment des caractéristiques des marchés de locaux d’habitation et de la nécessité de ne pas aggraver la pénurie de logements ».
Cette autorisation n’est délivrée qu’à titre personnel, le texte précisant que le local ne change alors pas de destination au sens du Code de l’urbanisme. Surtout, elle ne peut être délivrée qu’à une personne physique, excluant de facto du dispositif toute détention sociétaire.
Appréciation critique et conseil pratique. Si l’objectif de lutte contre la professionnalisation de ces locations est louable, il n’en demeure pas moins que l’impossibilité d’accorder l’autorisation temporaire à une personne morale constitue un frein à l’investissement ou à la transmission familiale. Il y a là, en outre, une source de responsabilité pour le conseil, qui préconiserait de recourir à la forme sociétaire sans vérifier la règlementation de la commune du lieu d’investissement. Enfin, la différence de traitement entre personnes physiques et morales pourrait apparaître comme une rupture d’égalité peu compréhensible, si ce n’est injuste.
Les régimes particuliers que nous venons d’étudier ont pour point commun de contrôler le passage de l’habitation à une activité. Il existe cependant un régime organisant le changement d’usage en sens inverse.

L’expérimentation d’un régime dérogatoire de « location mixte » à Nice

Depuis l’année universitaire 2022-2023, la ville de Nice a instauré un régime de location particulièrement novateur au regard de la réglementation sur le changement d’usage.
Il prévoit de coupler une location meublée étudiante (pendant une période de 5 à 9 mois, avec un loyer plafonné) à une location meublée touristique (pendant 3 mois l’été).
Dans cette hypothèse, le propriétaire (que ce soit une personne physique ou morale) peut bénéficier d’une autorisation de changement d’usage, sans compensation.

L’affectation temporaire à usage d’habitation

L’article 81 de la loi no 2015-990 du 6 août 2015, dite « loi Macron », a créé l’article L. 631-7-1 B du Code de la construction de l’habitation. Ce texte prévoit la possibilité d’affecter à un usage d’habitation des locaux ayant un autre usage, pour une période maximale de quinze ans. Son application nécessite une délibération du conseil municipal (ou de l’organe délibérant de l’EPCI) qui définira les règles de la déclaration préalable à respecter.
À l’issue de la période d’occupation et au plus tard dans les quinze ans, le local pourra retrouver son usage antérieur sans avoir à solliciter une autorisation régie par l’article L. 631-7-1. Le texte ne le précise pas, mais par le jeu du parallélisme des formes, on suppose qu’une déclaration identique à la déclaration initiale sera requise pour effectuer ce « retour arrière ». En effet, il est essentiel de constituer la preuve du retour à l’usage d’activité ; à défaut, le local sera définitivement regardé comme étant à usage d’habitation au sens de l’article L. 631-7.
En cas de mise en location, le bailleur doit mentionner l’affectation temporaire du local loué. Cela lui permettra alors de donner congé pour motif sérieux et légitime sur ce fondement lors de la réaffectation à l’état antérieur. Ce texte ne permet cependant pas de déroger à la règle légale sur la durée du bail, au sens de l’article 11 de la loi no 89-462 du 6 juillet 1989.

Le contrôle administratif du passage activité / habitation : comme un air de déjà vu…

1. Fait surprenant, un dispositif quasi-identique à celui figurant à l’article L. 631-7-1 B du Code de la construction de l’habitation avait déjà été introduit sous l’ancien article L. 631-7-1 par la loi no 94-624 du 21 juillet 1994 avant d’être supprimé par l’ordonnance du 8 juin 2005. Sa réintroduction au Code de la construction et de l’habitation résulte d’un amendement présenté comme étant susceptible « d’avoir un effet réel sur le déblocage de nombreuses opérations foncières et immobilières, générant ainsi de l’activité économique pour le BTP, et d’optimiser ainsi le potentiel des territoires économiques où l’usage du foncier est le plus tendu. Les opérations de transformations de bureaux en logements ont notamment vocation à être incitées par cette disposition ».
2. Il est vrai qu’avec 4 , 4 millions de mètres carrés de bureaux inoccupés en Île-de-France (le télétravail apparaissant comme la cause de cette et désaffection des grands ensembles de bureaux) l’intention du législateur est louable. Cependant, dans les faits, ce dispositif avait été supprimé par l’ordonnance de 2005 en raison de la marginalité des opérations engagées malgré un dispositif d’incitation fiscale l’accompagnant.
3. Alors, aux mêmes causes, les mêmes effets ? Le cœur du problème réside dans le fait que ce texte n’est pas adapté aux opérations de transformations d’envergure des grands ensembles de bureaux. Les contraintes techniques, juridiques et le coût financier qui les accompagnent ne permettront pas à l’investisseur d’équilibrer son projet sur une période maximale de quinze années, s’il doit ensuite revenir à l’usage antérieur. Dans ces situations seule une réversibilité non contrainte sur une période aussi courte pourra inciter à y souscrire. Cela sera d’autant plus vrai que la durée d’affectation à l’habitation pourra être longue.
4. Finalement, en l’état actuel, ce texte n’a vocation à s’appliquer qu’aux immeubles conçus initialement comme de l’habitation, qui se sont trouvés affectés à un usage autre au 1er janvier 1970 et qui, de préférence, sont détenus en monopropriété. L’exemple type sera l’immeuble Haussmannien. Dans cette hypothèse, le propriétaire peut trouver intérêt à faire temporairement de la location d’habitation dans l’attente de trouver un nouveau locataire professionnel ou commercial.
Il ne peut donc constituer à ce jour le fondement juridique d’une augmentation significative du nombre de logements.