L'occupant n'est pas héritier

L'occupant n'est pas héritier

Sont ici visés le partenaire de Pacs et le concubin non bénéficiaires d'un testament quoiqu'ils demeuraient avec le défunt. Il peut également s'agir d'un parent ou encore d'un frère ou d'une sœur qui était hébergé par le défunt. Deux situations sont à envisager selon que le défunt était seul propriétaire du logement (Sous-section I) ou en indivision avec le partenaire de Pacs ou le concubin (Sous-section II).

Le défunt seul propriétaire du logement

– Une situation précaire. – Le partenaire de Pacs ou le concubin qui demeurait avec le défunt se trouve a priori fort dépourvu face aux héritiers (§ I) : n'étant pas légataire (en propriété ou en usufruit), il n'a aucun droit dans la succession ; devenu occupant sans droit ni titre, il doit donc libérer les lieux. Ce constat n'autorise pas, pour autant, les héritiers à se faire justice eux-mêmes : ils commettraient le délit de violation de domicile. Ils peuvent donc être contraints d'obtenir une autorisation judiciaire pour obliger l'occupant à quitter le logement (§ II).

La saisine des héritiers

– Rappel du principe. – À défaut de libéralité, le logement appartenant au seul défunt, quoique occupé par son concubin ou partenaire, est menacé par la saisine des héritiers qui leur permet d'appréhender les biens successoraux de plein droit, sans aucune formalité.
– Cas du concubin survivant. – Aucune protection légale n'est accordée au concubin survivant, quelle qu'ait été la durée de la vie commune. Le concubinage, défini à l'article 515-8 du Code civil, constitue une union de fait exclusive de tout cadre juridique légal. Napoléon Ier ne disait-il pas : « Les concubins se passent de la loi, la loi se désintéresse d'eux ». Dès lors que l'occupant seul propriétaire n'est plus, les héritiers peuvent entrer en possession de l'ensemble des biens dépendant de sa succession. Le concubin est considéré comme un occupant sans droit ni titre et donc tenu de quitter les lieux à première demande des héritiers.
– Cas du partenaire de Pacs survivant. – Le partenaire de Pacs, quant à lui, bénéficie d'un répit temporaire : il peut se maintenir dans les lieux pendant un an à compter du décès, à la charge de la succession. À l'expiration de ce délai, il est également considéré comme un occupant sans droit ni titre.

La libération des lieux

– Position du problème : un conflit de principes. – L'hypothèse est ici que le concubin ou le partenaire de Pacs survivant se maintient dans le logement. Deux principes juridiques entrent, en ce cas, en conflit : d'une part la saisine, instantanée ou différée, des héritiers telle que prévue à l'article 724 du Code civil ; d'autre part, la protection du domicile de l'occupant demeuré dans le logement autrefois commun.
Solution du problème. La protection du domicile l'emporte, ce qui induit deux conséquences :
  • d'une part, l'occupation sans droit ni titre, par le concubin ou partenaire d'un logement, autrefois commun, postérieurement au décès du propriétaire, ne constitue pas une violation de domicile (A) ;
  • d'autre part, les héritiers tentés d'expulser l'occupant de leur propre chef, sans y avoir été préalablement autorisés par une décision de justice (C), sont passibles du délit de violation de domicile (B).

L'absence de violation de domicile pour l'occupant

L'article 226-4 du Code pénal définit la violation de domicile comme le fait de s'introduire « dans le domicile d'autrui à l'aide de manœuvres, menaces, voies de fait ou contrainte, hors les cas où la loi le permet ». A contrario, si l'occupant justifie d'un titre susceptible de lui conférer un droit, même temporaire et déchu, lui ayant permis de s'introduire ou de demeurer dans les lieux, la violation de domicile n'est pas caractérisée. Tel est le cas du concubin ou du partenaire de Pacs qui vivait conjointement avec le défunt. Il n'a usé d'aucune voie de fait pour pénétrer dans le logement puisqu'il était autorisé par le défunt à résider avec lui. Il bénéficie de ce fait d'un répit jusqu'à la signification de la décision judiciaire autorisant les héritiers à procéder à son expulsion avec l'aide de la force publique. L'occupant dispose alors d'un délai de deux mois pour libérer le logement, voire davantage en période de trêve hivernale, entre le 1er novembre et le 31 mars de l'année suivante. L'occupant peut, en outre, solliciter du juge des délais de grâce pour se maintenir dans les lieux. Les délais accordés sont de trois mois minimum et ne sauraient dépasser trois ans.

La violation de domicile par les héritiers

– Sources de la protection du domicile. – La saisine ne permet donc pas aux héritiers, à elle seule, de disposer librement du logement du défunt quand celui-ci le partageait avec son concubin ou partenaire. Elle se heurte à la protection particulière dont fait l'objet le domicile de l'occupant survivant en tant qu'attribut de la personnalité. Pour assurer cette protection, la jurisprudence française se fonde sur l'article 9 du Code civil aux termes duquel : « Chacun a droit au respect de sa vie privée ». Le Conseil constitutionnel érige au rang des libertés publiques constitutionnellement garanties l'inviolabilité du domicile. La jurisprudence européenne se fonde quant à elle sur l'article 8 de la Convention européenne des droits de l'homme qui dispose que : « Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ». Par application de ces principes hautement proclamés, la loi Alur, en 2014, a introduit dans le Code pénal français un nouveau délit de violation de domicile. Est puni de trois ans d'emprisonnement et 30 000 € d'amende celui qui force « un tiers à quitter le lieu qu'il habite sans avoir obtenu le concours de l'État dans les conditions prévues à l'article L. 153-1 du code des procédures civiles d'exécution, à l'aide de manœuvres, menaces, voies de fait ou contraintes ». Finalement, les héritiers qui tentent d'expulser l'occupant du logement dépendant de la succession de leur auteur sans avoir, préalablement, demandé en justice l'assistance de la force publique sont sanctionnés bien plus sévèrement que les squatteurs, qui eux écopent seulement d'un an d'emprisonnement et de 15 000 € d'amende ! Rien ne justifie cette différence de traitement entre l'héritier, titulaire d'un droit de propriété, qui cherche à reprendre son bien, et celui qui, sans droit ni titre, s'introduit dans le domicile d'autrui.
Interdictions faites aux héritiers. Les héritiers ne peuvent donc pas accéder au logement, autrefois commun, sans l'accord exprès et formel du concubin ou du partenaire de Pacs survivant, fût-ce pour récupérer les effets personnels du défunt, sous peine de se rendre coupables du délit de violation de domicile. Tant que dure l'occupation, les héritiers ne peuvent ni louer l'immeuble ni le vendre sauf, dans ce dernier cas, à trouver un candidat prêt à se charger de l'expulsion de l'occupant, lequel s'opposera probablement à toute visite préalable du bien par l'acquéreur potentiel. Bien qu'ils aient la charge des risques et soient responsables des dommages qui pourraient être causés par le défaut d'entretien, les héritiers ne peuvent pas pénétrer dans le logement pour vérifier son état et faire effectuer les réparations nécessaires. La Cour de cassation a récemment rappelé que la responsabilité du propriétaire est engagée en cas de dommage causé à l'occupant sans droit ni titre suite à un accident survenu en raison du défaut d'entretien du logement. Le fait que l'occupation soit illicite n'exonère pas le propriétaire de son obligation d'entretien. Les héritiers ne peuvent pas, non plus, obtenir le paiement d'une contrepartie financière à l'occupation par voie d'exécution forcée, d'autant que l'occupant n'a pas de titre.
Le seul recours qui leur est ouvert est de solliciter en justice une décision d'expulsion, puis de parvenir à son exécution par les voies légalement admises.

La nécessité d'une décision de justice

– Procédure aux fins d'expulsion. – Une procédure d'expulsion nécessite une autorisation judiciaire. Les héritiers doivent introduire une instance au fond ou, plus fréquemment, entamer une procédure en référé (mieux adaptée à une réponse rapide) devant le président du tribunal judiciaire. Le référé présente en effet un triple avantage : les délais d'audience sont plus courts ; l'ordonnance d'expulsion est assortie de l'exécution provisoire ; enfin, les héritiers ne sont pas tenus de postuler devant le tribunal judiciaire.
– Mise à exécution. – Une fois la décision d'expulsion rendue, les héritiers mandatent un commissaire de justice chargé de la mettre en œuvre. En premier lieu, celui-ci adresse à l'occupant une signification d'avoir à libérer les locaux. Il doit ensuite attendre un délai de deux mois avant de procéder à l'expulsion. Ce délai est prorogeable pour une durée maximale de trois mois dans l'hypothèse où l'expulsion aurait, pour l'occupant, « des conséquences d'une exceptionnelle dureté, notamment du fait de la période de l'année considérée ou des circonstances atmosphériques ». Le juge peut à l'inverse réduire, voire supprimer le délai de deux mois.
– Schéma des suites possibles. – Schématiquement, la procédure se poursuit alors de la manière suivante :
  • en cas de départ volontaire de l'occupant, le commissaire de justice dresse inventaire du mobilier laissé sur place en précisant s'il a une valeur vénale ou non. Il appartient aux héritiers de se rendre sur les lieux, le cas échéant assistés d'un serrurier et d'un déménageur, pour procéder au retrait de ces meubles et reprendre possession de leurs biens ;
  • à défaut de départ volontaire de l'occupant, le commissaire de justice requis en dresse procès-verbal et les héritiers sont fondés à requérir l'intervention de la force publique. À défaut, comme en cas de retard excessif, la responsabilité de la puissance publique est engagée et peut leur permettre de solliciter l'indemnisation de leur préjudice.
On lira sur l'extension web le détail de cette procédure.

L'efficacité relative de la saisine et la relative protection du concubin ou du partenaire de Pacs

Si la saisine permet en principe aux héritiers de prendre (immédiatement ou moyennant une formalité) possession de l'héritage dès le décès, tel n'est pas le cas pour le logement que le défunt occupait avec son concubin ou son partenaire de Pacs. Pour autant, la protection du domicile, proclamée comme un droit fondamental par plusieurs engagements internationaux de la France, ne permet pas à ce dernier de se maintenir indéfiniment dans les lieux. Il est tenu de libérer les lieux après le décès mais, s'il s'y maintient indûment, une procédure judiciaire est indispensable pour son expulsion. Cette solution n'est satisfaisante pour personne. Les héritiers risquent d'être privés de leur droit de disposer librement de leur propriété pendant des années en raison de la longueur et de la complexité de la procédure et du refus éventuel d'intervention de la force publique. Quant au concubin ou partenaire de Pacs qui vivait avec le défunt, peut-être depuis de nombreuses années, s'il est démuni, âgé et sans possibilité de relogement, la menace de l'expulsion peut être traumatisante. Au notaire d'anticiper la situation par ses conseils, si faire se peut.

Focus sur la procédure d'expulsion de l'occupant sans titre d'un logement

L'hypothèse est celle d'un concubin ou partenaire de Pacs non héritier qui se maintient indûment dans les lieux, mais peut être transposée à tous les autres cas d'occupation sans droit ni titre.
1 – Première étape : obtenir une décision d'expulsion. Une procédure d'expulsion nécessite une autorisation judiciaire. Les héritiers, justifiant de leur qualité par l'acte de notoriété et des droits de leur défunt auteur sur son logement, doivent introduire une instance au fond ou, plus fréquemment, entamer une procédure en référé (mieux adaptée à une réponse rapide) devant le président du tribunal judiciaire. Le référé présente en effet un triple avantage : les délais d'audience sont plus courts ; l'ordonnance d'expulsion est assortie de l'exécution provisoire ; enfin, les héritiers ne sont pas tenus de postuler devant le tribunal judiciaire.
2 – Deuxième étape : obtenir l'exécution de la décision d'expulsion. Une fois la décision d'expulsion rendue, les héritiers mandatent un commissaire de justice chargé de la mettre en œuvre. En premier lieu, celui-ci adresse à l'occupant une signification d'avoir à libérer les locaux. Il doit ensuite attendre un délai de deux mois avant de procéder à l'expulsion. Ce délai est prorogeable pour une durée maximale de trois mois dans l'hypothèse où l'expulsion aurait, pour l'occupant, « des conséquences d'une exceptionnelle dureté, notamment du fait de la période de l'année considérée ou des circonstances atmosphériques ». Le juge peut à l'inverse réduire, voire supprimer le délai de deux mois. Deux situations peuvent alors se présenter, selon l'attitude de l'occupant condamné à libérer les lieux :
2.1 – Exécution volontaire. Si l'occupant quitte les lieux volontairement, le commissaire de justice constate le départ et dresse un procès-verbal de reprise et, s'il y a lieu, un inventaire du mobilier en précisant s'il paraît avoir une valeur marchande ou non. Il doit se faire accompagner du maire (ou d'un conseiller ou fonctionnaire municipal délégué par le maire à cette fin) ou d'une autorité de police ou de gendarmerie, ou encore de deux témoins majeurs.
Toute la difficulté est de s'assurer du départ effectif de l'occupant, car s'il n'est finalement pas avéré, le commissaire de justice peut voir sa responsabilité engagée pour violation de domicile. À noter que lorsqu'elle est ainsi commise par un dépositaire de l'autorité publique, la violation de domicile est également passible de deux ans d'emprisonnement et 30 000 € d'amende. De la qualité de l'auteur de l'infraction dépend en principe la sévérité des peines, celles encourues par les agents publics étant logiquement plus élevées que celles encourues par des particuliers. Dans notre cas, bien que l'héritier soit un particulier, il est aussi sévèrement sanctionné.
2.2 – Absence d'exécution volontaire. Faute pour l'occupant d'avoir libéré le logement, le commissaire de justice doit requérir le concours de la force publique. Il doit au préalable dresser un procès-verbal de difficulté mentionnant les diligences accomplies et constatant le maintien de l'occupant dans les lieux. Il peut se rendre sur place afin d'inviter l'occupant à quitter le logement. Si ce dernier refuse ou s'il est absent mais que l'occupation est avérée, le commissaire de justice dresse un procès-verbal d'expulsion ou de constat d'occupation des lieux. En période de trêve hivernale, il ne peut pas solliciter le départ de l'occupant, ce qui ne l'empêche pas de dresser un procès-verbal de difficulté.
3 – Troisième étape : requérir l'intervention de la force publique. La demande d'intervention de la force publique est adressée par le commissaire de justice au préfet et non à la gendarmerie ou au commissariat. L'État est tenu de prêter son concours à l'exécution du jugement ou de l'ordonnance ayant prononcé l'expulsion. Le défaut de réponse dans un délai de deux mois équivaut à un refus.
Le retard ou le refus d'intervention engagent la responsabilité de l'État.
3.1 – Responsabilité pour faute de la puissance publique. Si les forces de l'ordre tardent à intervenir, les héritiers peuvent intenter une action en responsabilité sous réserve de prouver que le retard leur a causé un préjudice. Ils doivent démontrer que l'administration a porté une atteinte grave et manifestement illégale à une liberté fondamentale au sens de l'article L. 521-2 du Code de justice administrative. La liberté de disposer de son bien, corollaire au droit de propriété, en est une. En revanche, le droit au logement n'est pas considéré comme une liberté fondamentale.
Le préfet peut refuser le concours de la force publique, mais sa décision sera entachée d'illégalité si elle n'est pas justifiée par les exigences de l'ordre public. Il doit arbitrer entre son obligation d'assurer, d'une part, l'exécution de la décision d'expulsion afin de garantir le respect du droit de propriété, et, d'autre part, la prévention des troubles à l'ordre public. À titre d'exemple, un préfet a pu à juste titre refuser de prêter son concours à l'expulsion d'un occupant âgé de quatre-vingt-trois ans qui résidait dans les lieux depuis trente-cinq ans avec sa fille, dont les ressources étaient faibles et qui n'avait aucune solution de relogement.
3.2 – Responsabilité sans faute de la puissance publique
Engagements internationaux de la France. La Cour européenne des droits de l'homme a condamné à plusieurs reprises des États, dont la France, pour violation de l'article 1 du Protocole additionnel no 1 à la Convention européenne des droits de l'homme qui énonce le principe du respect de la propriété. Le texte est ainsi libellé : « Toute personne physique ou morale a droit au respect de ses biens. Nul ne peut être privé de sa propriété que pour cause d'utilité publique et dans les conditions prévues par la loi et les principes généraux du droit international ».
Les considérations d'ordre public ou social justifiées par « l'application d'une loi relevant de la politique sociale et économique », comme le logement social, permettent à l'État de surseoir à l'exécution de la décision judiciaire d'expulsion mais uniquement pendant le temps « strictement nécessaire » pour trouver une solution satisfaisante.
Un juste équilibre doit être trouvé entre, d'une part, l'intérêt légitime de la communauté à prévenir les troubles à l'ordre public et, d'autre part, le respect du droit de propriété. C'est pourquoi le préfet peut différer le concours de la force publique, mais pour un délai raisonnable qui ne saurait s'étendre sur plusieurs années.
Indemnisation en cas d'inexécution. Sur ce fondement, et quand bien même la décision de refus serait légalement justifiée, l'État engage sa responsabilité en raison de la rupture de l'égalité devant les charges publiques. Il s'agit, en effet, d'une responsabilité sans faute. L'État est donc tenu d'indemniser le propriétaire (en l'espèce, les héritiers) à hauteur du préjudice subi du fait de l'inaction des autorités de police (perte de l'indemnité d'occupation, charges, travaux non remboursés ayant un lien direct avec le refus de concours de la force publique, remboursement des frais irrépétibles).
4 – Voies de recours
4.1 – Voies de recours ouvertes à l'occupant. L'occupant peut interjeter appel de la décision d'expulsion. Il peut également saisir le juge pour demander des délais. Ni l'appel ni la saisine n'étant suspensifs, le propriétaire est, théoriquement, en droit de faire exécuter la décision d'expulsion. Une ordonnance de référé est rarement réformée. Mais si le juge de l'exécution est saisi, l'héritier propriétaire est tenu d'une obligation de loyauté. S'il fait procéder à l'expulsion du concubin ou du partenaire survivant, il peut être condamné à des dommages-intérêts, lesquels sont généralement compensés par les sommes dont ce dernier sera débiteur au titre de la violation du droit de propriété.
4.2 – Voie de recours ouverte aux héritiers. Si le juge de l'exécution a accordé des délais à l'occupant, les héritiers peuvent faire appel de la décision. Cet appel n'est pas non plus suspensif. Les héritiers apprécieront l'opportunité de faire appel en fonction des délais nécessaires pour obtenir des audiences et du temps accordé à l'occupant pour quitter les lieux.
5 – Dernière étape : reprise des locaux et retrait du mobilier. La libération des lieux impose à l'occupant de retirer ses meubles. Ces derniers sont transportés, à ses frais, dans le lieu de son choix. À défaut, deux situations peuvent se rencontrer, selon que l'inventaire des meubles fait ou non ressortir une valeur marchande :
  • s'il est indiqué dans l'inventaire que les meubles ont une valeur marchande, les héritiers peuvent soit les laisser sur place, soit les entreposer dans un autre lieu de leur choix dans l'attente de leur retrait par l'occupant expulsé. Ce dernier dispose alors d'un délai de deux mois (non renouvelable) à compter de la remise du procès-verbal d'expulsion pour les emporter. À l'expiration de ce délai, les meubles non retirés sont vendus aux enchères publiques.Le commissaire de justice doit définir la nature des meubles pour éviter les contestations relatives à la propriété des biens. Quels meubles appartenaient au défunt et quels meubles appartiennent à son concubin ou partenaire de Pacs ? La question est délicate. Le juge de l'exécution n'a pas à trancher la question de la propriété des meubles ;
  • si les meubles n'ont aucune valeur marchande, ils sont réputés abandonnés. Les documents de nature personnelle sont placés dans une enveloppe scellée conservée par le commissaire de justice pendant deux ans, puis détruits à défaut pour l'occupant expulsé de les avoir repris. Le commissaire de justice dresse au préalable un procès-verbal afin de lister les documents détruits.

Le couple propriétaire du logement

– Principes généraux. – Si le logement est la propriété indivise du défunt et de son concubin ou partenaire de Pacs, cette indivision se perpétue à son décès. L'indivisaire survivant se trouve donc en indivision avec les héritiers de l'indivisaire défunt. Il est, de ce fait, dans une situation instable. En effet, nul n'étant tenu de demeurer dans l'indivision, les héritiers peuvent provoquer le partage. En attendant, le partenaire ou le concubin survivant est redevable d'une indemnité d'occupation jusqu'au partage ou la vente du bien. Toutefois, le partenaire de Pacs n'est pas tenu au paiement de cette indemnité pendant l'année du décès, puisque la succession doit le loger à ses frais pendant cette période.
– Exclusion du maintien de l'indivision. – Contrairement au conjoint survivant ou à un héritier copropriétaire, ni le concubin ni même le partenaire de Pacs ne peut prétendre au maintien dans l'indivision du logement prévu par l'article 822 du Code civil.
– Admission du sursis à partage. – En revanche, le concubin ou le partenaire survivant a la possibilité de demander au juge le sursis au partage du logement indivis. Il peut être accordé pour deux années au plus, et sous réserve pour le demandeur de démontrer que la réalisation immédiate du partage pourrait porter atteinte à la valeur du bien indivis. Si cette démonstration peut être aisément faite pour une entreprise, elle s'avère bien plus délicate pour un logement.
– Distinction quant à l'attribution préférentielle. – La situation du concubin diffère ici de celle du partenaire de Pacs. Le concubin survivant ne peut pas demander l'attribution préférentielle du logement, les dispositions de l'article 831-1 du Code civil n'étant pas applicables à une indivision conventionnelle. En effet, le champ d'application de l'attribution préférentielle du logement, quant aux personnes, est limité à tout héritier copropriétaire, au conjoint survivant et au partenaire de Pacs qui se trouvent donc, sur ce point, dans une situation préférable à celle du concubin. Mais l'attribution préférentielle au profit d'un partenaire de Pacs n'est pas de droit : elle doit lui être conférée par testament. À défaut elle n'existe pas, ce qui constitue une différence majeure avec celle à laquelle peut prétendre un conjoint survivant.
Le couple vieillissant, il est très fréquemment soucieux du sort du survivant. Sa préoccupation essentielle est, la plupart du temps, la conservation du cadre de vie du survivant et, par la même, de son logement. Cette préoccupation est accrue en présence d'enfants, notamment s'ils sont issus d'une précédente union. La solution la plus protectrice, en présence d'enfants, reste le mariage qui assure au survivant de pouvoir conserver son logement. En effet, la seule personne autorisée à porter atteinte à la réserve des descendants est le conjoint survivant, grâce à la quotité disponible spéciale entre époux. Cette atteinte se limite toutefois à l'usufruit.
Malgré ce constat, de nombreux couples choisissent de ne pas se marier. Certains le font par conviction personnelle, d'autres après l'amère expérience d'un divorce conflictuel et coûteux, d'autres enfin pour ne pas perdre un avantage fiscal, financier ou social accordé aux seuls célibataires, veufs ou divorcés. Un exemple assez fréquemment rencontré dans nos études est celui de la personne divorcée qui ne veut pas se remarier afin de percevoir la pension de réversion de son ex-conjoint. Cette situation réserve à chaque membre du couple le droit de mettre fin unilatéralement à l'union.
Faute d'accéder au statut légal du mariage et donc de bénéficier de règles protectrices en cas de décès, il appartient aux membres du couple non marié de prendre les mesures nécessaires pour conserver le cadre de vie du survivant. Plusieurs solutions peuvent être envisagées : la conclusion d'une convention d'indivision (§ I), la faculté d'acquisition ou d'attribution (§ II) ou encore la libéralité (§ III).

La convention d'indivision

– Intérêt pratique. – La convention d'indivision limite, sans l'exclure totalement, le droit des indivisaires à provoquer le partage. Elle réduit donc le risque, pour le survivant, d'être privé de son cadre de vie. Rappelons qu'une convention d'indivision peut être conclue pour une durée déterminée (qui ne peut excéder cinq ans) ou indéterminée.
– Convention à durée déterminée. – Si la convention est conclue pour une durée déterminée, le droit de provoquer le partage est en principe suspendu jusqu'au terme fixé. Un indivisaire peut toutefois l'exercer pendant la durée de la convention, mais pour de justes motifs seulement, telle la mésentente grave. Le juste motif s'apprécie par rapport à l'indivisaire et non à ses créanciers qui voudraient agir par le biais de l'action oblique. L'impossibilité de provoquer le partage leur est en effet opposable.
– Convention à durée indéterminée. – Lorsque la convention ne prévoit pas de durée déterminée, le droit de provoquer le partage demeure, mais l'indivisaire ne peut en faire usage de mauvaise foi ou à contretemps. Ainsi, il ne peut demander le partage dans le seul but de nuire à ses coïndivisaires, sans avoir de motifs légitimes et sérieux, ou à une période qui n'est pas propice, compte tenu du contexte économique notamment.
– Un cas particulier : le décès de l'indivisaire. – Lorsque la convention conclue entre les concubins ou partenaires est à durée déterminée, au décès du premier elle est automatiquement transformée en une convention à durée indéterminée et la quote-part du défunt est dévolue à ses héritiers. Il est loisible aux héritiers de consentir à ce qu'une nouvelle convention à durée déterminée soit conclue avec le survivant. Cette règle est une exception au principe de la saisine en vertu duquel les héritiers sont tenus de poursuivre les contrats du défunt. Le contrat de bail conclu par le défunt est ainsi opposable à l'héritier du bailleur. Supprimer cette exception permettrait de renforcer l'efficacité des conventions d'indivision. Les héritiers seraient tenus de poursuivre la convention d'indivision jusqu'à l'expiration du délai fixé et ne pourraient provoquer le partage qu'en arguant de justes motifs.

La faculté d'acquisition ou d'attribution

– Intérêt pratique. – Permettre au survivant d'un couple non marié de devenir propriétaire de la part indivise du défunt contribue au maintien de son cadre de vie. À cet effet, les acquéreurs en indivision peuvent convenir d'une faculté d'acquisition ou d'attribution au profit du concubin ou du partenaire indivisaire survivant.

Conseils pratiques

<strong>1 – </strong>La faculté d'acquisition ou d'attribution s'exerce toujours à titre onéreux. Aussi, pour permettre au partenaire ou concubin survivant d'exercer cette faculté, il est recommandé de souscrire une <strong>assurance décès à 100 % sur chaque tête pour garantir le remboursement de la totalité de l'emprunt </strong>contracté lors de l'acquisition du bien. Dégagé de cet emprunt au décès du premier partenaire ou concubin, en cas d'exercice de la faculté d'acquisition ou d'attribution, le survivant pourra ainsi obtenir un nouveau crédit pour financer le prix ou la soulte dû aux héritiers.

<strong>2 – </strong>Il peut également être conseillé au couple de souscrire une <strong>assurance-vie dont le capital sera versé au survivant pour s'acquitter du prix</strong>. Rappelons que le capital est censé n'avoir jamais transité par le patrimoine du souscripteur. Il n'entre donc pas dans la masse de calcul de l'article 922 du Code civil pour la détermination de la réserve et de la quotité disponible et n'est pas susceptible de réduction pour atteinte à la réserve. Il en va de même pour les primes versées. Les héritiers peuvent toutefois démontrer que les primes versées sont manifestement exagérées eu égard aux facultés du souscripteur. L'appréciation du caractère exagéré des primes est établie au jour de leur versement, au regard de la situation patrimoniale et familiale du souscripteur, de son âge et de l'utilité du contrat. L'ensemble de ces critères doit faire l'objet d'un examen par le juge, qui ne saurait s'en tenir au seul patrimoine du souscripteur.

<strong>3 – Point d'attention : la faculté d'acquisition ou d'attribution ne peut pas être stipulée pour l'usufruit seulement. </strong>Cela reviendrait à modifier la nature des droits du copartageant, ce que la convention ne peut pas faire. Être copartageant, c'est avoir le droit de se faire attribuer n'importe quel bien dans l'indivision. Le partage reste un droit en nature, seule l'égalité est un droit en valeur. Pour la même raison, on ne saurait imaginer une faculté d'attribution alternative de l'usufruit ou de la pleine propriété, au choix de son bénéficiaire.

– Dépendance ou indépendance par rapport à la convention d'indivision : une question non tranchée. – Une telle faculté doit-elle être incluse dans une convention d'indivision ou peut-elle être stipulée dans un acte d'acquisition en indivision, indépendamment d'une telle convention ? L'enjeu est d'importance.
– Thèse de la dépendance. – Selon certaines opinions, la faculté d'acquisition ou d'attribution devrait nécessairement faire partie d'une convention d'indivision de champ plus large (précisant donc sa durée, limitée ou illimitée, et réglant les autres aspects de la gestion des biens indivis, notamment par la désignation d'un gérant de l'indivision), conforme aux dispositions des articles 1873-2 et suivants du Code civil. Cette position se fonde sur un argument de codification. En effet, l'article 1873-13 du Code civil fait partie du chapitre premier du titre neuvième bis intitulé : « Des conventions relatives à l'exercice des droits indivis ». Pour les partisans de cette analyse, une faculté d'attribution ou d'acquisition stipulée dans l'acte d'achat du logement, en dehors de toute convention d'indivision, constituerait un pacte sur succession future prohibé en vertu de l'article 722 du Code civil. En outre, l'article 1873-13 du même code étant un texte d'exception, il doit faire l'objet d'une appréciation stricte.
– Thèse de l'indépendance. – Il nous semble cependant possible de soutenir une thèse inverse, postulant que la faculté d'acquisition ou d'attribution peut être contenue dans l'acte d'acquisition. Cette position repose sur une considération pratique. Si, en effet, la faculté d'acquisition ou d'attribution devait obligatoirement être contenue dans une convention d'indivision plus complète, les indivisaires se trouveraient dans l'obligation de faire un choix entre une durée limitée à cinq ans maximum, ou une durée illimitée. L'idée d'une faculté d'acquisition ou d'attribution stipulée dans une convention à temps limité, si elle n'est pas théoriquement inconcevable, paraît néanmoins peu conforme aux attentes de la pratique : en présence de concubins ou de partenaires, il est exceptionnel que les indivisaires souhaitent se protéger dans l'hypothèse où l'un d'eux décéderait dans les cinq ans à venir, puis voir disparaître cette protection si leur union perdure ! La demande des intéressés est, le plus souvent, exactement inverse : si leur union dure (par hypothèse, plus de cinq ans), ils entendent se protéger le plus efficacement possible. Faire dépendre d'une convention d'indivision globale la faculté d'acquisition ou d'attribution placerait ainsi les indivisaires devant une étrange alternative leur commandant de choisir :
  • soit une protection amoindrie de leur vivant (en optant pour une convention à durée indéterminée qui laisse subsister le droit de chacun d'exiger le partage) afin d'améliorer leur situation en cas de décès ;
  • soit, à l'inverse, une stabilisation de l'indivision entre vifs par une convention à durée déterminée (limitée à cinq ans maximum) mais qui fragilise la protection du survivant.
– Synthèse. – Les deux thèses reposent sur l'idée que la faculté d'acquisition ou d'attribution ne constitue pas une disposition autonome. Il semble que cette idée doive être abandonnée. En effet, la faculté de l'article 1873-13 du Code civil est bien une convention relative à l'exercice d'un des droits indivis. Elle a un objet différent, puisqu'elle influe sur le droit au partage et ses modalités, et unique : l'attribution du bien au survivant. Ayant vocation à produire ses effets au décès d'un indivisaire, elle ne peut pas avoir de durée limitée dans le temps. Pour ces raisons, nous inclinons à penser que la faculté d'acquisition ou d'attribution constitue à elle seule une convention relative à l'exercice de droits indivis et peut valablement être stipulée indépendamment d'une convention d'indivision conforme aux dispositions des articles 1873-2 et suivants du Code civil.
– Publicité foncière. – La convention prévoyant la faculté d'acquisition ou d'attribution des droits indivis du prémourant sur le logement du couple doit être publiée au service de la publicité foncière. À défaut de publication, la convention est opposable aux héritiers, qui ne sont pas des tiers mais les continuateurs de la personne du défunt.

Convention d'indivision prévoyant la faculté d'acquisition ou d'attribution des droits indivis du prémourant

En cas de décès de l'un des acquéreurs, le survivant pourra, conformément aux dispositions de l'article 1873-13 du Code civil, acquérir ou se faire attribuer dans le partage la quote-part du défunt dans le bien objet de la présente vente, à charge de tenir compte à la succession de la valeur de cette quote-part à l'époque de l'acquisition ou de l'attribution.
Cette faculté sera caduque si son bénéficiaire ne l'a pas exercée par une notification faite aux héritiers dans le délai d'un mois à compter du jour où il aura été, pour la première fois, mis en demeure de prendre parti. La mise en demeure émanera valablement de l'un quelconque des héritiers. Elle ne pourra intervenir avant l'expiration du délai de quatre mois prévu à l'article 771 du Code civil pour exercer l'option successorale.
En cas de caducité de cette faculté, le partage se fera dans les conditions de droit commun.
La valeur des droits indivis du défunt sera déterminée soit conventionnellement soit, en cas de contestation, par un expert désigné par les parties sur une liste établie par la cour d'appel. En cas de désaccord des parties sur cette nomination, l'expert sera désigné par le président du tribunal judiciaire statuant en référé à titre définitif, saisi alors par la partie la plus diligente.
L'acte de cession devra être établi dans les trois mois soit de l'accord amiable sur le prix, soit de la production de l'expertise.
Le prix (si acquisition), ou la soulte éventuelle (si attribution) est payable comptant, sauf accord des parties sur une autre modalité de paiement.

La libéralité

– Objectifs. – Protéger l'autre peut procéder d'une volonté expresse exprimée par voie testamentaire ou dans le cadre d'une libéralité entre vifs. La première forme a l'avantage de permettre au disposant de revenir sur sa décision, en cas de séparation notamment. Encore faut-il que le disposant songe à révoquer le testament, la révocabilité automatique en cas de séparation des partenaires n'étant pas prévue par les textes. Le défunt peut léguer ses droits dans le logement à son coïndivisaire, en propriété ou en usufruit. Le testament permet également d'instituer un concubin légataire universel ou à titre universel. On peut même s'interroger sur la question de savoir si le concubin ou le partenaire de Pacs bénéficiaire d'un legs universel ou à titre universel peut être, en vertu d'une interprétation large du terme qu'autorise l'article 724-1 du Code civil, considéré comme « héritier » et puisse, en cette qualité, demander l'attribution préférentielle du logement. Compte tenu des limites de ce procédé, il est utile de lui adosser d'autres moyens de sécuriser la transmission.

Les limites du procédé

– Limite fiscale. – Pour le concubin non pacsé, ces dispositions sont enfermées dans une limite fiscale bien connue : l'imposition au taux de 60 % applicable aux personnes non parentes. En revanche, les partenaires de Pacs bénéficient de la même fiscalité favorable que les époux : en matière de donation, ils sont taxés, après application d'un abattement de 80 724 €, selon le barème progressif prévu à l'article 777 du Code général des impôts.

Tarif des droits applicables pour les donations entre époux et entre partenaires liés par un pacte civil de solidarité

FRACTION DE PART NETTE TAXABLE TARIF APPLICABLE (%)
N'excédant pas 8 072 €5
Comprise entre 8 072 € et 15 932 €10
Comprise entre 15 932 € et 31 865 €15
Comprise entre 31 865 € et 552 324 €20
Comprise entre 552 324 € et 902 838 €30
Comprise entre 902 838 € et 1 805 677 €40
Au-delà de 1 805 677 €45
Cette fiscalité avantageuse se justifie si le pacte civil de solidarité présente une certaine stabilité, autrement dit s'il n'est pas établi aux seules fins de la donation. Ainsi, le bénéfice de l'abattement est remis en cause lorsque le pacte prend fin l'année même de sa conclusion ou la suivante pour un motif autre que le mariage des partenaires entre eux ou le décès de l'un d'eux.
Pour les transmissions à cause de mort, les partenaires sont exonérés de droits de mutation à titre gratuit quel que soit le montant du legs.
– Limite civile. – Une autre limite commune aux concubins et aux partenaires de Pacs en présence de descendants est, évidemment, la quotité disponible. La réserve héréditaire des descendants devant être préservée, la libéralité qui leur est consentie peut être sujette à réduction. Elle le sera certainement si le logement est le principal actif successoral, ce qui est fréquemment le cas. Cette réduction se fait en valeur : le survivant doit verser une indemnité aux héritiers réservataires pour conserver le logement. Encore faut-il qu'il ait les moyens financiers pour s'en acquitter. Depuis la loi du 23 juin 2006, la réduction en valeur est en effet la règle de principe. Le gratifié peut néanmoins opter pour une réduction en nature si les conditions de l'article 924-1 du Code civil sont réunies. Notamment, le logement donné ou légué doit être « libre de toute charge dont il n'aurait pas déjà été grevé à la date de la libéralité ».

Sécuriser la transmission

Afin de sécuriser la transmission, plusieurs techniques peuvent être mises en œuvre.
L'assurance-vie
Pour permettre au survivant de s'acquitter de l'indemnité de réduction et, pour le concubin, des droits de mutation à titre gratuit, il peut être conseillé au couple de souscrire une assurance-vie croisée.
La renonciation anticipée à l'action en réduction (Raar)
– Principe. – Du vivant du disposant, la transmission du logement au profit du concubin ou du partenaire peut être sécurisée si les descendants acceptent de renoncer par anticipation à l'action en réduction en cas de dépassement de la réserve héréditaire. Si l'accord des enfants communs est souvent aisé à obtenir, il en va probablement différemment pour ceux issus d'une précédente union.
– Conditions. – Véritable pacte sur succession future autorisé par la loi du 23 juin 2006, la renonciation anticipée à l'action en réduction prend la forme d'un acte authentique spécifique reçu par deux notaires, le second étant nommé par le président de la Chambre des notaires. Les conditions de réception de cet acte doivent être scrupuleusement respectées à peine de nullité :
  • chaque renonçant le signe séparément en présence des deux notaires ;
  • le notaire est tenu d'informer chaque renonçant quant aux conséquences de la Raar, qui ne seront pas les mêmes pour celui qui a déjà bénéficié d'une donation l'ayant rempli de sa réserve et pour celui qui n'a rien reçu ;
  • la renonciation peut être faite dans le même acte par plusieurs héritiers réservataires. Si un héritier auteur de la renonciation est prédécédé lors de l'ouverture de la succession du disposant ou renonce à sa succession, la renonciation est alors opposable à ses représentants.
En outre, la renonciation ne peut pas être de principe ; elle doit être circonstanciée. L'acte doit contenir le nom du ou des bénéficiaires de la renonciation. Enfin, la Raar est ouverte aux seuls héritiers majeurs non soumis à une mesure de protection. Elle n'est pas ouverte aux mineurs ni aux majeurs protégés comme figurant sur la liste des actes « interdits » que le tuteur ne peut pas accomplir, même avec autorisation.
Enfin, la Raar est ouverte aux seuls héritiers majeurs non soumis à une mesure de protection. Elle n'est pas ouverte aux mineurs ni aux majeurs protégés comme figurant sur la liste des actes « interdits » que le tuteur ne peut pas accomplir, même avec autorisation.
– Restriction à l'effet de la Raar. – L'effet abdicatif de la Raar connaît une limite particulière : si un héritier auteur de la renonciation se trouve, au jour de l'ouverture de la succession du disposant, dans un état de besoin qui disparaîtrait s'il était rempli de tout ou partie de ses droits à réserve, il peut demander la révocation de la renonciation. Cette demande doit être formée dans l'année du décès et s'applique uniquement à concurrence des besoins de l'héritier demandeur.
– Rappel. – Rappelons que la Raar n'est pas soumise aux droits de mutation à titre gratuit.
La libéralité en usufruit
Ses objectifs
Afin de préserver les droits des héritiers du sang, la transmission du logement peut être consentie en usufruit seulement. La valeur de l'usufruit étant inférieure à celle de la pleine propriété, le montant de l'indemnité de réduction, si elle est due, est corrélativement moins important, tout comme le montant des droits de mutation à titre gratuit dont l'assiette est déterminée par application du barème de l'article 669 du Code général des impôts. Pareille transmission peut notamment résulter d'une donation de la nue-propriété du logement aux descendants avec stipulation d'une clause de réversion d'usufruit au concubin ou partenaire, au cas de survie.
En ces hypothèses, le maintien du cadre de vie du survivant est a priori assuré, sous réserve de l'application éventuelle du mécanisme de l'article 917 du Code civil, qui peut venir limiter l'efficacité de la libéralité. Si, l'âge avançant, l'occupant ne peut plus se maintenir dans le logement, il pourra le louer afin de se procurer les revenus nécessaires à un relogement mieux adapté à ses besoins.

Point d'attention : la réversion d'usufruit consentie au concubin ou au partenaire est irrévocable

Le notaire ne doit pas manquer d'indiquer aux parties qu'une telle stipulation d'usufruit réversible consentie au profit du concubin ou du partenaire pacsé est absolument irrévocable, contrairement à celle consentie au conjoint pour laquelle la loi a instauré une révocabilité automatique en cas de divorce s'agissant de dispositions prenant effet au décès de l'époux donateur. En cas de séparation des concubins ou des partenaires, elle sera maintenue.
Ses limites
L'ordre public successoral : la réduction
– L'imputation sur la quotité disponible. – La libéralité consentie au survivant ne doit pas porter atteinte à la réserve. Comme toute libéralité hors part successorale, le legs en usufruit s'impute uniquement sur la quotité disponible ordinaire et peut, comme tout autre legs, être réduit en cas de dépassement. Les héritiers réservataires doivent recevoir leur réserve en pleine propriété et libre de toute charge. La Cour de cassation l'a rappelé à plusieurs reprises au visa de l'article 913 du Code civil : « Aucune disposition testamentaire ne peut modifier les droits que les héritiers réservataires tiennent de la loi ». Seul le conjoint survivant, bénéficiaire d'une quotité disponible spéciale, peut être attributaire de l'usufruit de la réserve.
Les modalités d'imputation. Rappelons que l'opération d'imputation des legs sur la quotité disponible consiste à soustraire de sa valeur celle des biens ou droits légués. Si la valeur des seconds est supérieure à la première, le legs est sujet à réduction. Mais comment imputer une libéralité en usufruit sur une quotité disponible exprimée, elle, par une quote-part en toute propriété ? Après des années d'hésitations doctrinales et jurisprudentielles, la solution est venue d'un arrêt de la première chambre civile rendu le 22 juin 2022, favorable au système dit « de l'imputation en assiette ».

L'imputation sur la quotité disponible des libéralités consenties en usufruit : fin d'une controverse

À défaut de précision légale, la doctrine a longtemps été divisée quant au mode opératoire d'imputation des libéralités en usufruit. Deux écoles s'affrontaient :
  • pour les partisans de la première, l'imputation de la libéralité devait se faire en valeur, après conversion de l'usufruit. Avec cette méthode, la libéralité avait moins de chance d'être réductible, la valeur de l'usufruit étant d'autant plus faible que l'usufruitier est âgé ;
  • pour les partisans de la seconde école, majoritaires, l'imputation de la libéralité devait se faire en assiette puisque les héritiers réservataires doivent recevoir leur réserve en pleine propriété. Avec cette méthode, dès lors que la valeur en pleine propriété du bien donné ou légué en usufruit est supérieure à celle de la quotité disponible, la libéralité est réductible, même si la valeur de l'usufruit ne dépasse pas celle de la quotité disponible. Or le logement constitue bien souvent le principal actif du patrimoine. La réduction est donc, tout aussi souvent, inévitable.
La jurisprudence a longtemps hésité, penchant tantôt pour une méthode, tantôt pour l'autre. Un arrêt récent de la Cour de cassation a, enfin, clos le débat. La Haute juridiction pose un principe clair : l'imputation des libéralités en usufruit est opérée en assiette. Elle condamne ainsi l'imputation en valeur :
« Vu les articles 913 et 919-2 du code civil :
Il résulte du premier de ces textes qu'aucune disposition testamentaire ne peut modifier les droits que les héritiers réservataires tiennent de la loi.
Aux termes du second, la libéralité faite hors part successorale s'impute sur la quotité disponible. L'excédent est sujet à réduction.
Il s'en déduit que les libéralités faites en usufruit s'imputent en assiette ».
Cet arrêt de principe a été rendu dans le cadre de la succession d'une personne laissant une compagne légataire de l'usufruit de la maison d'habitation (dont la valeur dépassait largement la quotité disponible) et une fille née d'une précédente union.
Pour la doctrine, cet arrêt de la plus Haute juridiction constitue une décision majeure en droit patrimonial de la famille. Les praticiens peuvent maintenant procéder aux liquidations des successions sans avoir à exposer aux intéressés les différentes méthodes d'imputation et recueillir leur accord unanime pour l'application de l'une ou l'autre ou, à défaut d'entente, attendre le verdict judiciaire.

L'imputation en assiette d'une libéralité en usufruit après l'arrêt du 22 juin 2022

Prenons l'exemple d'une succession dont l'actif est composé du logement d'une valeur de 300 000 €, de 50 000 € de liquidités et d'une voiture d'une valeur de 10 000 €, soit un total de 360 000 €.
Le défunt laisse sa concubine, âgée de soixante-quinze ans, et un fils issu d'une précédente union.
Par testament olographe, il a légué à sa concubine l'usufruit du logement. La valeur économique de cet usufruit peut être fixée à 129 600 € (300 000 × 43,2 %).
Il a également consenti un don manuel à son fils d'un montant de 50 000 € pour lui permettre de payer ses études aux États-Unis.
Le quantum de la réserve comme de la quotité disponible est de ½.
La masse de calcul de la réserve et de la quotité disponible comprend, outre le montant de l'actif net successoral, la réunion fictive des donations. L'argent donné n'ayant pas été utilisé pour acquérir un bien, le montant réuni à la masse de calcul sera égal au montant donné.
La masse de calcul est égale à 410 000 € (360 000 + 50 000).
La réserve est de 205 000 € et la quotité disponible de 205 000 €.
Si l'on impute la libéralité en usufruit en assiette, soit 300 000 €, elle excède la quotité disponible. Elle est donc sujette à réduction pour 95 000 (300 000 – 205 000), alors même que la valeur de l'usufruit (129 600) est inférieure à la quotité disponible (205 000).
Pour le calcul de l'indemnité de réduction, en revanche, celle-ci se faisant en valeur, il y a lieu de convertir l'usufruit. En utilisant la même méthode de calcul économique, l'indemnité sera égale à 41 040 € (95 000 × 43,2 %).
L'article 917 du Code civil, une alternative à la réduction
– Préambule. – Cette question a été largement traitée par le 118e Congrès des notaires de France qui a notamment présenté un schéma décisionnel que nous reprendrons in fine. Il nous semble cependant utile d'en refaire une rapide présentation.
– 1) Bref historique. – L'article 917 du Code civil figure déjà dans le Code civil de 1804. À cette époque, les legs de rente viagère et de revenus étaient fréquents. Le texte a été mis en place pour éviter toute discussion.
– 2) Présentation. – L'article 917 du Code civil dispose que : « Si la disposition par acte entre vifs ou par testament est d'un usufruit ou d'une rente viagère dont la valeur excède la quotité disponible, les héritiers au profit desquels la loi fait une réserve, auront l'option, ou d'exécuter cette disposition, ou de faire l'abandon de la propriété de la quotité disponible ».
Le législateur a voulu éviter les difficultés de détermination de l'indemnité de réduction en présence d'une libéralité en usufruit. Il impose aux héritiers réservataires de faire un choix :
  • soit ils demandent la réduction pour conserver leur réserve en pleine propriété mais doivent alors renoncer définitivement à la quotité disponible qui sera dévolue en pleine propriété au bénéficiaire de la libéralité en usufruit ;
  • soit ils laissent s'exécuter la libéralité pour conserver le logement, en nue-propriété dans un premier temps, puis en pleine propriété au décès du gratifié, lequel n'aura aucune indemnité à verser aux héritiers.
– 3) Caractéristiques de l'option conférée aux héritiers. – L'option est personnelle à chaque héritier. Chacun est libre de disposer de son droit à réserve. Si les réservataires ne sont pas tous d'accord et que le bien grevé de l'usufruit est indivisible, il appartient au juge de trancher. L'option n'est enfermée dans aucun délai. L'héritier ne peut pas être mis en demeure d'exercer l'option. Seul le juge peut lui imposer un délai dans le cadre des opérations de liquidation et de partage. Le texte ne prévoit pas non plus de forme particulière pour l'exercice de l'option. Elle peut être tacite ou expresse. Dans tous les cas, il convient de la constater dans un acte de déclaration d'option. L'option sera impérativement reprise dans l'attestation immobilière pour les besoins de la publicité foncière puisqu'il n'y a pas nécessairement de partage. Tel est le cas si l'héritier laisse s'exécuter le legs puisqu'il y aura démembrement et non indivision. En revanche, si l'héritier abandonne la quotité disponible pour se préserver une réserve en pleine propriété, une indivision se crée avec le légataire. Enfin, une fois exercée, l'option de l'héritier réservataire est irrévocable.
– 4) Un champ d'application strictement limité. – Le champ d'application de l'article 917 du Code civil est limité. Plusieurs conditions doivent être réunies cumulativement et elles s'apprécient strictement en raison du caractère dérogatoire du texte.
– 4.1 – Une libéralité en usufruit seulement. – L'article 917 du Code civil suppose l'existence d'une libéralité en usufruit et en usufruit seulement. Son application est donc exclue en présence de libéralités mixtes en usufruit et en propriété, mais également en cas de concours avec d'autres libéralités en propriété ou en nue-propriété. En effet, en cas d'option pour la réduction, l'héritier doit abandonner au gratifié la propriété de la quotité disponible, ce que l'existence d'une autre libéralité imputable sur cette même quotité rendra impossible. Son application est également exclue si l'objet de la libéralité est un droit d'usage et d'habitation.
4.2 – Une libéralité réductible. En outre, la libéralité doit excéder la quotité disponible et donc être sujette à réduction.
– 5) Intérêt de la disposition. – L'article 917 du Code civil n'est pas d'ordre public. Le disposant peut en écarter l'application. Cette possibilité donne lieu, chez les auteurs, à des recommandations exactement opposées. Une partie de la doctrine préconise de l'écarter systématiquement afin d'assurer au gratifié l'exécution de la disposition en usufruit et donc le maintien de son cadre de vie. L'occupant devra alors régler aux héritiers l'indemnité de réduction pour pouvoir conserver l'usufruit du logement. Pour d'autres auteurs, le texte doit absolument être maintenu. Il peut contribuer à la protection du concubin ou du partenaire. Ces auteurs expliquent que dans un nombre de cas non négligeable, les héritiers réservataires auront intérêt à laisser s'exécuter la libéralité en usufruit plutôt que d'abandonner au gratifié la pleine propriété de la quotité disponible, ce qui reviendrait dans l'immédiat à les placer dans une situation, inconfortable, d'indivision, et, pour l'avenir, à les priver définitivement d'une partie de la succession qui, par hypothèse, ne sera transmise qu'aux héritiers ou légataires du gratifié. Si le disposant exclut l'application de ce texte dans la libéralité, le gratifié sera alors privé de la propriété de la quotité disponible en cas de réduction de la libéralité et, éventuellement, tenu au paiement d'une indemnité de réduction.
– Dès lors, que faut-il conseiller ? – Le notaire doit interroger les concubins et les partenaires de Pacs sur leur priorité :
  • soit il leur importe avant tout d'être assurés que le survivant pourra rester dans le logement, quel qu'en soit le prix, auquel cas l'article 917 du Code civil doit être expressément écarté par le testament ;
  • soit il leur importe de ne pas s'exposer au risque pour le survivant de devoir s'acquitter d'une indemnité de réduction, auquel cas l'article 917 du Code civil ne doit pas être écarté. Il convient alors de mettre en place des garde-fous afin d'inciter les héritiers à consentir à l'exécution de la libéralité en usufruit.
Dans tous les cas, le notaire doit se réserver la preuve du conseil donné. Si le disposant décide de ne pas écarter l'application de l'article 917 du Code civil, il devra le mentionner dans le testament.

De l'intérêt d'une assurance-vie avec clause bénéficiaire conditionnelle pour contrer l'effet de l'article 917 du Code civil

Le disposant soucieux de protéger le cadre de vie de son légataire en usufruit peut tenter de dissuader ses héritiers réservataires de demander la réduction de la libéralité en usufruit, en souscrivant une assurance-vie comportant une clause bénéficiaire conditionnelle dont la teneur est ici résumée :
1. Le capital sera versé en totalité aux héritiers à condition qu'ils laissent s'exécuter la libéralité consentie au concubin ou partenaire, portant sur l'usufruit du logement.
2. L'exercice de l'option que les héritiers tiennent de l'article 917 du Code civil est enfermé dans un délai à l'expiration duquel, à défaut de s'être prononcé, le bénéficiaire se trouve automatiquement modifié : le capital est intégralement versé au partenaire ou au concubin.
3. En cas d'option par les héritiers pour la réduction de la libéralité avant l'expiration du délai fixé, le capital est démembré entre le concubin ou partenaire et les héritiers, et est versé en totalité au concubin ou partenaire, avec naissance d'une dette de restitution dont une convention adjointe de quasi-usufruit pourra déterminer les conditions de remboursement.

Liquidation comparative avec et sans application de l'article 917 du Code civil

Reprenons les données de l'exemple précédent.
1. Si l'article 917 du Code civil n'a pas été écarté par le testament, l'héritier peut demander la réduction de la libéralité. La compagne du défunt doit alors s'acquitter de l'indemnité de réduction d'un montant de 41 040 € pour pouvoir conserver l'usufruit du logement.
2. Si l'article 917 n'a pas été écarté, deux options sont possibles :
2.1 – Soit l'héritier laisse s'exécuter le legs : la légataire a l'usufruit du logement d'une valeur en propriété de 300 000 €. L'héritier en a la nue-propriété ainsi que la pleine propriété des autres biens de la succession : liquidités pour 50 000 € et voiture d'une valeur de 10 000 €, soit un total de 60 000 €.
2.2 – Soit l'héritier abandonne la pleine propriété de la quotité disponible, évaluée à 205 000 €, à la légataire afin de recevoir immédiatement l'intégralité de sa réserve en pleine propriété, soit 205 000 €. Héritier et compagne du défunt se retrouvent ainsi en indivision.
Dans le premier cas, l'héritier reçoit 360 000 € mais ne pourra en percevoir une large partie (300 000 €) qu'au décès de la compagne usufruitière. Dans le second cas, il perçoit immédiatement ses droits successoraux, mais pour seulement 205 000 €. L'immédiateté est cependant relative puisqu'un partage doit être établi, l'option de l'héritier ayant pour conséquence de créer une indivision avec la légataire.

Formule de clause bénéficiaire conditionnelle visant à prévenir l'application de l'article 917 du Code civil

« Je désigne comme bénéficiaires mes enfants, vivants ou représentés, à condition qu'ils laissent s'exécuter le legs en usufruit du logement consenti à M./Mme X. Mes enfants, ou leurs représentants, devront faire connaître leur décision dans les quatre mois de la date à laquelle ils auront été informés par la compagnie d'assurance de la teneur de la présente clause. Si mes enfants, ou leurs représentants, demandent, avant l'expiration du délai ci-dessus fixé, la réduction du legs consenti à M./Mme X., je désigne alors M./Mme X. bénéficiaire de l'usufruit du capital et mes enfants, vivants ou représentés, bénéficiaires de la nue-propriété. Le capital sera versé à M./Mme X. Faute d'avoir exercé l'option qu'ils tiennent de l'article 917 du Code civil avant l'expiration du délai ci-dessus fixé, le capital sera versé à M./Mme X. »
– 6) Appréciations doctrinales divergentes. – Certains auteurs préconisent d'abroger l'article 917 du Code civil en raison de sa complexité d'application. Ils le jugent en outre en contradiction avec le principe général de la réduction en valeur posé par la loi du 23 juin 2006 puisqu'il offre la possibilité aux héritiers réservataires d'abandonner en nature la pleine propriété de la quotité disponible. D'autres au contraire le plébiscitent, et le 102e Congrès des notaires de France s'est prononcé en faveur de son maintien et de sa clarification compte tenu des errements de la jurisprudence sur la question des modalités d'imputation de la libéralité en usufruit. Nous avons vu que la jurisprudence a depuis lors clos le débat en faveur de l'imputation en assiette. Le 118e Congrès des notaires, quant à lui, a conclu que : « Finalement, la question n'est pas de savoir si les dispositions de l'article 917 du Code civil sont cohérentes ; elle est de mettre en place une réelle ingénierie sur la rédaction des testaments des partenaires, en fonction de leurs propres souhaits et aspirations ». À la suite de cette conclusion figure un schéma décisionnel que nous nous permettrons de reproduire ici in extenso :
D'autres alternatives à la réduction
– 1) Alternatives testamentaires. –
L'obligation naturelle. Un testateur, propriétaire du logement, peut inviter ses héritiers à respecter sa volonté en ne demandant pas la réduction de la libéralité en usufruit dont le logement fait l'objet. L'obligation qui pèse sur les héritiers n'a pas de valeur juridique ; il s'agit d'une obligation naturelle. Elle suppose un acte volontaire unilatéral de leur part pour être exécutée, mais elle peut faire naître chez eux un devoir de conscience envers le défunt et son concubin ou partenaire.
– Le délai de paiement de l'indemnité. – Le disposant peut aussi user de la faculté que lui offre l'article 924-3 du Code civil pour prévoir dans son testament un délai de paiement de l'indemnité de réduction pouvant aller jusqu'à dix ans. Ce texte, après avoir posé le principe selon lequel l'indemnité de réduction est payable comptant au partage, prévoit une exception lorsque la libéralité porte sur un bien qui peut faire l'objet d'une attribution préférentielle. Tel est, précisément, le cas du logement. Toutefois, son caractère exceptionnel implique qu'il soit interprété strictement. Aussi cette possibilité est-elle ouverte au partenaire de Pacs, mais a priori refusée au concubin.
– 2) Legs d'un simple droit d'usage. – Le disposant peut encore faire porter la libéralité sur le droit d'usage et d'habitation, viager ou temporaire, plutôt que sur l'usufruit afin de réduire davantage le montant de l'indemnité de réduction. L'article 917 du Code civil n'est pas applicable, étant, comme on l'a vu, réservé aux libéralités en usufruit.
– 3) Libéralité graduelle ou résiduelle. – Le disposant peut enfin avoir recours aux libéralités graduelles et résiduelles.
En présence d'une libéralité graduelle, le concubin ou partenaire, dit « gratifié en premier », a l'obligation de conserver le logement donné ou légué en pleine propriété jusqu'à son décès, date à laquelle il sera transmis à une ou plusieurs personnes, qualifiées de « seconds gratifiés », qui peuvent être les héritiers réservataires. Si la charge de conserver et d'entretenir le logement est trop lourde pour le concubin ou partenaire, il peut en abandonner l'usufruit au(x) gratifié(s) en second.
En présence d'une libéralité résiduelle, le concubin ou partenaire gratifié en premier n'est pas tenu d'une obligation de conservation ; il est libre de céder le logement à titre onéreux. Sauf stipulation contraire dans l'acte de donation, le bénéficiaire de la libéralité peut également disposer du logement à titre gratuit entre vifs. Il ne peut, en revanche, en disposer par voie testamentaire. Il y a donc un risque pour le second gratifié de ne jamais recevoir le bien. Conventionnellement, il peut être prévu le versement immédiat de l'indemnité de réduction comme pour une libéralité en usufruit et le versement d'un complément d'indemnité uniquement en cas de vente.
– La possible révocation de la libéralité secondaire. – L'acceptation de la donation par le second gratifié n'est pas nécessairement donnée dans l'acte de donation. Elle peut intervenir postérieurement, même après le décès du disposant. Or, tant que le second gratifié n'a pas accepté, le disposant demeure libre de révoquer la seconde donation. Une telle révocation n'entache pas de nullité la donation faite au profit du premier gratifié.
– Le spectre de la réduction. – Graduelle ou résiduelle, si la libéralité dépasse la quotité disponible, elle est sujette à réduction, sauf à faire renoncer les héritiers à l'action en réduction dans les conditions de l'article 930 du Code civil. La renonciation sera a priori plus facile à obtenir en présence d'une libéralité graduelle dont les seconds gratifiés sont les héritiers réservataires, compte tenu de l'interdiction d'aliéner, puisqu'ils sont assurés de recevoir le bien au décès du premier gratifié.