L'habitat inclusif

L'habitat inclusif

– Un moyen terme entre la maison et l'établissement spécialisé. – Troisième voie, intermédiaire entre la vie à domicile et l'hébergement en structure, l'habitat inclusif est aussi appelé « habitat accompagné ». Il concerne au premier chef les personnes en perte d'autonomie, soit en raison de l'âge, soit en raison d'un handicap, qui font le choix, personnellement ou en famille, d'un mode d'habitat regroupé favorisant les liens humains entre elles et, parfois, avec d'autres habitants parfaitement autonomes, tous manifestant une volonté commune de Vivre ensemble. Comme l'indique un auteur, l'enjeu de l'habitat inclusif est de sortir les personnes concernées des institutions spécialisées dans le handicap ou la vieillesse pour leur offrir une vie plus harmonieuse, se rapprochant, autant que faire se peut, de la normalité d'un logement classique. La personne – ou sa famille – participe à ce choix plutôt que de le subir en étant placée dans un établissement.
– Les apports de la loi Elan. – L'habitat inclusif est, lui aussi, régi par la loi Elan, que nous retrouverons plus loin dans notre étude de l'adaptation du logement au handicap et à la vieillesse. Il est destiné aux personnes handicapées et aux personnes âgées en perte d'autonomie, qui font le choix de se regrouper dans un lieu de vie commun, autour duquel existe un projet de vie sociale et partagée et défini par un cahier des charges national. Afin d'encourager ce dispositif, un forfait pour l'habitat inclusif, alloué par les agences régionales de santé (ARS) a été créé pour le financement de tels projets.

Le forfait ARS pour l'habitat inclusif

Un forfait financé par la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie (CNSA) est attribué aux personnes handicapées bénéficiaires de l'allocation adulte handicapé (AAH), de la prestation de compensation du handicap (PCH) ou d'une pension d'invalidité, ainsi qu'aux personnes âgées. Le montant, la durée et les modalités de versement et de suivi de l'utilisation du forfait font l'objet d'une convention avec l'ARS, qui sélectionne les projets et leurs porteurs. Le versement forfaitaire est attribué au porteur du projet de vie sociale et partagée de l'habitat inclusif : association, collectivité, opérateur social ou médicosocial… Mais il est calculé au regard des caractéristiques individuelles de chaque résident de l'habitat inclusif : peuvent ainsi y prétendre les personnes handicapées titulaires de l'AAH, de la PCH, de l'allocation compensatrice ou d'une pension d'invalidité, ou encore les personnes majeures orientées vers un établissement ou un service spécialisé par la commission des droits et de l'autonomie des personnes handicapées (CDAPH). Le forfait pour l'habitat inclusif peut également être attribué aux personnes âgées classées dans les GIR 1 à 5 (groupes iso-ressources). Se détermine alors un montant individuel du forfait compris entre 3 000 et 8 000 € par an et par habitant, sans que le total versé pour un même habitat inclusif puisse excéder 60 000 €. Le montant, la durée et les modalités de versement et de suivi de l'utilisation et, le cas échéant, du reversement de l'aide font l'objet d'une convention avec l'ARS, dans des conditions fixées par le décret no 2019-629 du 24 juin 2019. Ces sommes servent essentiellement à rémunérer les intervenants et non la construction de cet habitat.
Un peu comme au théâtre, nous présenterons tout d'abord le public de l'habitat inclusif (§ I), ses acteurs (§ II) puis, pour planter le décor, les logements auxquels il s'applique (§ III).

Le public concerné par l'habitat inclusif

– L'âge et le handicap. – La loi de 2018 définit l'habitat inclusif comme étant « destiné aux personnes handicapées et aux personnes âgées qui font le choix, à titre de résidence principale, d'un mode d'habitation regroupé, entre elles ou avec d'autres personnes, le cas échéant dans le respect des conditions d'attribution des logements locatifs sociaux (...) et des conditions d'orientation vers les logements-foyers (...), et assorti d'un projet de vie sociale et partagée défini par un cahier des charges national fixé par arrêté des ministres chargés des personnes âgées, des personnes handicapées et du logement ». La qualification d'habitat inclusif peut donc être retenue dès lors que deux personnes, âgées ou handicapées, au moins, exercent le choix, pour leur résidence principale, d'une habitation groupée. Pour autant, ni l'âge ni le handicap ne sont définis par l'article L. 281-1 du Code de l'action sociale et des familles. M. Zalewski-Sicard propose de retenir l'âge minimum de soixante ans si la personne est reconnue inapte au travail et soixante-cinq ans dans les autres cas. En ce qui concerne les personnes handicapées, il propose de se référer à l'article L. 114 du même code : « Constitue un handicap, au sens de la présente loi, toute limitation d'activité ou restriction de participation à la vie en société subie dans son environnement par une personne en raison d'une altération substantielle, durable ou définitive d'une ou plusieurs fonctions physiques, sensorielles, mentales, cognitives ou psychiques, d'un polyhandicap ou d'un trouble de santé invalidant ».
– L'ouverture aux valides. – Pour autant, ces critères précédemment énumérés quant à la vieillesse et au handicap ne sont pas restrictifs, car les personnes valides non concernées par ces problématiques et attirées par ce type d'habitat y sont également accueillies, sous réserve qu'au moins deux personnes âgées ou handicapées y résident. Cela permet notamment d'accueillir les conjoints des personnes âgées ou handicapées qui ne sont eux-mêmes ni âgés ni handicapés. Bien entendu, le logement concerné, bien qu'accueillant des personnes valides, comportera les équipements nécessaires aux besoins de ses habitants en perte d'autonomie.

Les acteurs de l'habitat inclusif

– Le porteur de projet. – Construire un habitat inclusif nécessite l'intervention d'un porteur de projet chargé d'élaborer le projet de vie commune et apte à percevoir le forfait délivré par l'agence régionale de santé à l'issue de l'obtention de l'agrément correspondant. Le porteur de projet peut être une association, une collectivité, un opérateur social ou médicosocial, un bailleur social ou encore un prestataire de services à la personne ou un gestionnaire d'établissements et services médicosociaux. Ces personnes morales ont notamment pour mission, aux termes du décret du 24 juin 2019, d'élaborer avec les habitants un projet de vie sociale et partagée, en s'assurant de la participation de chacun d'entre eux, et d'animer et réguler la vie quotidienne de l'habitat inclusif. Ils ont la possibilité de recourir à des services d'accompagnement pour la réalisation des activités de la vie quotidienne, assurés tant par l'intervention des services sociaux et médicosociaux que par la présence ponctuelle d'animateurs.
– Les habitants et leurs proches. – Il est déterminant que le projet soit élaboré avec les habitants ou leurs familles. Ce projet doit nécessairement envisager :
  • la prévention de la perte d'autonomie ;
  • l'anticipation des risques liés à l'évolution de la situation des habitants ;
  • les activités mises en place (ludiques, culturelles, sportives) ;
  • la facilitation de la vie sociale et citoyenne (proximité des commerces, transports, centres de soins, services publics).
Le projet est matérialisé par la rédaction d'une charte à laquelle tous les habitants et les acteurs de l'habitat inclusif concernés devront adhérer, y compris les bailleurs et les tiers participant au projet. Cette charte doit satisfaire à certaines obligations de conformité.
– La charte : une double obligation de conformité. – La charte doit porter un projet conforme au modèle de cahier des charges national figurant en annexe I de l'arrêté du 24 juin 2019 relatif au modèle du cahier des charges national du projet de vie sociale et partagée de l'habitat inclusif. Ce document constitue, ainsi, le socle commun de tout projet d'habitat inclusif.
On peut consulter ici l'intégralité du texte de cet arrêté :
En outre, la charte doit être compatible avec le règlement de copropriété ou les statuts de l'association syndicale si le groupe de logements est concerné par ces dispositifs.

Le type de logement adapté à l'habitat inclusif

Un logement unique ou un ensemble de logements, meublés ou non

Le champ d'application de l'habitat inclusif est largement défini (I), mais le statut qui en découle peut être amené à se cumuler avec d'autres régimes impératifs (II).

Un champ d'application large

Large dans sa définition, le champ d'application de l'habitat inclusif ressortit avant tout à un socle commun : le modèle national de cahier des charges.
– Le logement au sens large, mais non l'hébergement. – Il n'est pas nécessaire que les habitants soient propriétaires de leur logement, ils peuvent aussi le louer pour profiter de ce type d'habitat. Le parc privé comme le parc public sont donc concernés. De même n'est-il pas nécessaire que le logement soit unique, il peut aussi s'agir d'un ensemble de logements indépendants, qui peuvent eux-mêmes revêtir plusieurs formes. En revanche, sont exclus les résidences hôtelières, même à vocation sociale, les résidences universitaires, sociales ou services, les pensions de famille, les Ehpad, les résidences autonomie, les foyers d'accueil médicalisés.

L'habitat inclusif : une réalité protéiforme

Un habitat inclusif peut correspondre à des types d'ensembles immobiliers très différents.
L'habitat regroupé. Consiste en de petits ensembles de logements indépendants, auxquels sont associés des espaces de vie partagée, dans un environnement adapté et sécurisé. L'Association des paralysés de France (APF) affiche aujourd'hui quatre cents logements qui répondent à des formules différentes d'habitat inclusif, permettant d'organiser l'aide humaine entre les différents locataires et d'assurer leur sécurité avec souvent une présence d'auxiliaires de vie 24 heures sur 24.
L'habitat éclaté correspond à l'institution « hors les murs », foyers d'accueil médicalisés ou maisons d'accueil spécialisées, comprenant des petits logements indépendants plus agréables et plus humains que des chambres dans un grand bâtiment unique.
L'habitat ou hébergement transitoire qui permet aux personnes concernées de tester leur autonomie, ou de proposer du répit aux aidants. Il peut s'agir d'appartements « tremplin » où l'on s'entraîne à l'autonomie, ou d'habitats d'insertion où l'on apprend sur une durée plus longue à gérer son budget, son suivi médical, faire ses courses, cuisiner, etc.
– Logements sociaux. Résidences autonomie (ex-logements-foyers). – Lorsque le projet est le fait d'un organisme de logement social, une autorisation préfectorale doit être sollicitée dans son dossier de demande d'agrément, en mentionnant notamment le pourcentage de logements dédiés et les adaptations prévues. L'organisme peut alors bénéficier de subventions ou de prêts aidés, en contrepartie desquels le préfet peut réserver une partie des logements construits ou aménagés pour l'habitat inclusif. Les résidences autonomie accueillant les personnes âgées ou handicapées sont également éligibles au dispositif.

L'application cumulative de certains statuts

L'habitat inclusif peut relever cumulativement du statut de la copropriété et du régime juridique impératif des baux d'habitation principale, nus ou meublés.
– Cas de l'ensemble de logements. – Lorsque le projet inclusif s'inscrit dans un ensemble de logements, ceux-ci doivent être destinés à l'habitation dans la continuité du projet social et partagé. Il faut qu'ils soient pourvus de locaux communs affectés au projet d'habitat inclusif. Les droits conférés à la personne âgée ou handicapée peuvent être réels ou personnels. Si chaque habitant est propriétaire de son propre logement, le critère de locaux communs étant déterminant, le statut de la copropriété s'appliquera nécessairement à cet ensemble.
– Cas du logement unique. – Si l'habitat inclusif s'établit dans un logement unique, l'article L. 281-1 du Code de l'action sociale et des familles précise qu'il peut être meublé ou non. Il sera régi par le régime de la colocation défini par la loi du 6 juillet 1989 ou à l'article L. 442-8-4 du Code de la construction et de l'habitation. On peut rappeler que la colocation est « la location d'un même logement par plusieurs locataires, constituant leur résidence principale, formalisée par un contrat unique ou plusieurs contrats entre les locataires et le bailleur » (loi Alur, art. 8-1). Ce n'est que dans l'annexe I du modèle national de cahier des charges qu'il est dit que « l'occupant peut être propriétaire ou locataire (y compris dans le cadre d'une colocation ou d'une sous-location avec l'accord du propriétaire) ». On a pu s'étonner du fait que le modèle de cahier des charges lui-même n'y fait pas allusion. Il ne faut pas, à notre sens, y lire une restriction qui n'a pas lieu d'être : où serait l'intérêt de réserver la formule aux seuls locataires ?

Comportant les équipements nécessaires

– Un logement adapté. – Pour qu'un logement entre dans le cadre de l'habitat inclusif, il faut nécessairement qu'il possède des caractéristiques fonctionnelles adaptées aux besoins spécifiques de ses habitants. C'est ainsi qu'il devra être équipé en matière de domotique et comporter les aménagements ergonomiques adaptés au handicap et/ou à la vieillesse, qui favoriseront l'autonomie, l'accessibilité et les déplacements. Le logement doit être construit ou aménagé spécifiquement pour l'accueil des personnes en perte d'autonomie.
– Conclusion (nécessairement provisoire) : un premier bilan de l'habitat inclusif. – Selon la CNSA, le soutien apporté à l'habitat inclusif permet de répondre à la volonté de nombreux Français de vieillir chez eux, grâce à un accompagnement adapté à leur situation, au moyen notamment du forfait pour l'habitat inclusif créé par la loi Elan. Le nombre de projets d'habitat inclusif financés a triplé depuis 2019, malgré la période de pandémie qui a sévi dans l'intervalle. La CNSA a alloué aux agences régionales de santé (ARS), au cours de l'exercice 2021, jusqu'à 25 millions d'euros pour financer les forfaits de vie sociale et partagée au sein d'habitats inclusifs.
Le tour d'horizon actuel du Vivre ensemble ne serait pas complet sans évoquer l'essor de l'habitat participatif.