Le mécanisme régissant le changement d’usage est spécifique tant au titre de son autonomie (Sous-section I), que de son régime (Sous-section II).
Le mécanisme du changement d’usage
Le mécanisme du changement d’usage
L’articulation du contrôle de l’usage avec les autres autorisations
Répétons-le, la législation relative au changement d’usage obéit à ses propres règles ; elle est, notamment, autonome à l’égard de la législation sur le changement de destination (§ I). Cependant, au fil des réformes, certaines règles communes sont apparues (§ II).
Le principe d’indépendance
Parce qu’il obéit à une finalité sociale de protection du logement qui lui est propre, le dispositif du Code de la construction et de l’habitation est indépendant de toute autre législation de droit privé (droit des copropriétés, lotissements, baux) mais aussi de toute autre législation de droit public et notamment celles issues du Code du tourisme quant à la location meublée, ou, à titre essentiel, du Code de l’urbanisme quant au changement de destination.
Rappelons à titre liminaire que la destination d’un bien au sens du Code de l’urbanisme est ce pourquoi il est conçu ou transformé. L’usage au sens de la présente réglementation est ce à quoi il est utilisé
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Ainsi, le fait de transformer un local autre que d’habitation en un local d’habitation ne nécessite pas d’autorisation préalable au changement de son usage ; en revanche, il requiert la non-opposition à déclaration préalable de travaux ou un permis de construire au titre de son changement de destination, selon qu’il s’accompagne ou non de travaux.
Inversement, la transformation d’un local d’habitation pour un autre usage nécessite toujours une autorisation de changement d’usage. Mais, elle ne devrait pas nécessiter d’autorisation au titre de la réglementation sur le changement de destination. En effet, le changement d’usage étant par principe consenti à titre personnel et donc temporaire, le local devra revenir à un état d’habitation après cessation de l’activité.
Enfin, une autorisation de changement d’usage et une autorisation de changement de destination seront requises cumulativement :
- si le changement d’usage autorisé n’est pas simplement personnel, mais est consenti à titre réel et donne lieu alors à compensation ;
- et/ou si le changement d’usage s’accompagne de travaux nécessitant une déclaration préalable de travaux ou un permis de construire.
Ce principe d’indépendance posé, voyons désormais les imbrications communes de l’une et l’autre des législations.
Les éléments d’identité
Les législations du changement d’usage et du changement de destination se rejoignent quant à l’autorité décisionnaire et quant à la procédure à suivre.
Identité de compétence
Depuis le 1er avril 2009, ce sont les maires qui ont compétence pour délivrer l’autorisation de changement d’usage ; ils détenaient déjà, depuis 1982, la compétence d’autorisation du changement de destination. Il y a là un facteur de sécurité pour les demandeurs.
Identité de procédure
Bien que les deux législations soient indépendantes, deux éléments procéduraux les font se rejoindre.
I/ Selon l’article L. 425-9 du Code de l’urbanisme « lorsque le projet porte sur des travaux ayant pour objet un changement d’usage de locaux destinés à l’habitation, soumis à autorisation préalable en application de l’article L. 631-7 du Code de la construction et de l’habitation, ces travaux ne peuvent être exécutés qu’après l’obtention de l’autorisation mentionnée à cet article ».
II/ Selon l’article L. 631-8 du Code de la construction et de l’habitation « Lorsque le changement d’usage fait l’objet de travaux entrant dans le champ d’application du permis de construire, le demande de permis de construire ou la déclaration préalable vaut demande de changement d’usage. Ces travaux ne peuvent être exécutés qu’après l’obtention de l’autorisation mentionnée à l’article L. 631-7 ».
Ainsi, lorsque les deux réglementations s’appliquent, le dépôt simultané des deux dossiers est requis. Ils seront instruits en même temps par la même autorité, mais l’autorisation du changement d’usage devra nécessairement être préalable à celle du changement de destination. Cela signe la prédominance de l’autorisation de changement d’usage sur celle du changement de destination.
Lorsque le pétitionnaire aura obtenu son « sésame », encore faudra-t-il déterminer les droits qu’il lui confère.
Les régimes de l’autorisation
L’objectif de la police du changement d’usage étant la protection du nombre de logements existants, l’autorisation délivrée est par principe personnelle (§ I). Elle peut cependant, sous certaines conditions, se rattacher au local et devenir réelle (§ II).
L’autorisation de changement d’usage délivrée à titre personnel
« L’autorisation de changement d’usage est accordée à titre personnel. Elle cesse de produire effet lorsqu’il est mis fin, à titre définitif, pour quelque raison que ce soit, à l’exercice professionnel du bénéficiaire ».
L’objectif poursuivi par la loi est clairement établi. Si un local doit perdre son « usage d’habitation », ce ne peut l’être qu’à titre temporaire ; le temps de l’exercice du professionnel qui bénéficie de l’autorisation.
Notons que la référence du texte au terme « professionnel » provient d’un oubli lors de sa mise à jour en 2005. Une acception large doit être retenue, englobant également les activités libérales, artisanales ou commerciales. De même, bien que cela ne soit pas précisé par le texte, l’autorisation de changement d’usage ne vaut que pour l’activité considérée à la demande. Il ne peut être substitué une activité à une autre sans une nouvelle autorisation. La seule extension possible concerne les activités connexes à l’activité autorisée.
Du fait de son caractère personnel, l’autorisation n’est pas transmissible en cas de vente ou de cession du bail. En revanche, le caractère intuitu personae de l’autorisation permet de déjouer son caractère temporaire en constituant une personne morale. Une cession des parts n’entraine pas de changement de propriétaire ou de locataire du local. L’autorisation devient ainsi « intemporelle » dès lors que l’activité considérée ne change pas.
Ce détournement du dispositif peut être qualifié de fraude au texte dès lors qu’un régime d’autorisation intiutu rei existe.
L’autorisation de changement d’usage délivrée à titre réel
Ce régime d’autorisation réelle résulte de la seconde partie des alinéas 1 et 2 de l’article L. 631-7-1. L’esprit du dispositif veut qu’il ne soit pas supprimé de logements. Aussi est-il admis qu’un propriétaire voulant définitivement s’affranchir de la notion d’habitation de son local puisse le faire en offrant une compensation. Celle-ci résultera de la transformation à l’inverse d’un local jusqu’alors hors habitation, en local d’habitation.
La compensation étant requise a minima d’une surface équivalente, il n’y aura jamais de destruction de surface d’habitation. Mieux, la compensation nécessitant parfois une surface d’habitation créée supérieure à la surface d’habitation désaffectée. Ce dispositif permet donc l’augmentation des surfaces affectées au logement.
Cela est d’autant plus vrai que depuis 2005, toute compensation financière est exclue et seule une compensation en nature est autorisée, malgré de nombreuses critiques formulées par les praticiens.
En effet le propriétaire n’est pas toujours en mesure de pouvoir compenser avec d’autres locaux lui appartenant. Il doit alors obtenir de la surface à affecter à un usage d’habitation auprès d’une personne tierce. Cela a créé un onéreux marché de niche dit « marché de la cession de commercialité ».
De plus, la compensation doit nécessairement être concomitante à l’opération projetée, ce qui peut retarder la réalisation du projet.
Enfin, le règlement municipal peut définir des contraintes supplémentaires en application de l’article L. 631-7-1, alinéa 4.
La conjugaison de tous ces éléments fait de ce régime un parcours du combattant pour le propriétaire et son conseil.
Dès lors qu’une autorisation est délivrée intuitu rei, elle est définitivement attachée au local considéré et sera donc transmissible avec lui. Inversement le local ayant servi à la compensation est définitivement regardé comme étant à usage d’habitation ; toute réversion dans son usage devra faire l’objet d’une nouvelle autorisation. Afin de garantir la traçabilité des autorisations délivrées à titre réel, depuis le 10 juin 2005, celles-ci doivent faire l’objet d’une publicité foncière ou d’une inscription au livre foncier pour chacun des locaux considérés au moyen d’un acte notarié.