La transmission des charges et le développement des obligations réelles

La transmission des charges et le développement des obligations réelles

Pour garantir l’effet de ces clauses, outre l’arsenal des sanctions des obligations contractuelles étudié précédemment, il conviendra de prévoir une transmission de ces obligations à tous les propriétaires successifs. Généralement, comme cela a déjà été indiqué, il est stipulé dans le corps même de la clause qu’elle devra être reproduite dans toutes les ventes ultérieures, sous peine de sanction contractuelle dont l’effet pourrait être maintenu à l’égard du vendeur défaillant. Et, s’agissant de charges qui s’imposent au propriétaire, il est usuel de procéder à la publication de ces clauses en vertu de l’article 28-2° du décret no 55-22 du 4 janvier 1955 portant réforme de la publicité foncière car, même si certaines de ces clauses ne portent pas directement atteinte au droit de disposer, cela permet d’informer les tiers et de s’appuyer sur les notaires qui interviendront sur les ventes ultérieures et assureront alors la bonne transmission de ces obligations.
On pourrait cependant être tenté de réfléchir à un système plus simple en recourant à une technique réelle, c’est-à-dire qui affecte le bien et non pas ses acquéreurs successifs, à titre personnel. Cela pourrait prendre la forme d’une obligation réelle légale s’inspirant de l’obligation réelle environnementale (C. env., art. L. 132-3), voire, sur le fondement du droit positif, d’un droit réel de jouissance spéciale.
En effet, en l’absence de fonds dominant ces obligations ne peuvent pas prendre la forme de servitudes. Il s’agit davantage d’un service entre un fonds, le bien vendu, et une personne, la personne publique venderesse. C’est la figure juridique, que l’on retrouve désormais en jurisprudence au travers de la notion de droit réel de jouissance spéciale. En effet, la Cour de cassation a reconnu dans son arrêt du 31 octobre 2012 Maison de Poésie que l’on peut librement, sous réserve des règles d’ordre public, constituer des droits réels spécifiques autres que ceux qui sont énoncés à l’article 543 du Code civil ou qui procèdent d’une loi spéciale. Ces droits sont nommés « Droits réels de jouissance spéciale » et permettent de constituer des droits réels sur mesure dans des situations pour lesquelles les droits réels nommés (usufruit, droit d’usage et d’habitation, servitude, etc.) ne correspondent pas aux situations juridiques envisagées. À l’instar d’une servitude entre deux fonds, ce droit réel ne devra pas priver le propriétaire de toutes les utilités de la chose : autrement il faut utiliser les titres d’occupation constitutifs de droits réels prévus par la loi.
Partant, dans les ventes consenties dans le cadre d’un appel à projets, la restriction de jouissance consistant à interdire à l’acquéreur certains usages déterminés de la chose serait donc envisageable. Et s’agissant d’un droit réel, elle s’imposerait passivement aux propriétaires successifs. L’arsenal des sanctions du droit des obligations n’aurait pas besoin d’être mobilisé puisque chaque propriétaire du bien devra se conformer à l’exécution du droit réel qui grève son fonds, comme pour une servitude. Reste toutefois la question de la durée de cette limitation, car la Cour de cassation paraît refuser, à titre de principe, que le droit réel de jouissance spécial soit perpétuel, ce qui, dans l’absolu devrait permettre d’aller jusqu’à 99 ans si l’on se réfère au droit des baux constitutifs de droits réels. L’avantage serait aussi d’uniformiser la durée de ces dispositifs entre les ventes et les titres constitutifs de droits réels, en permettant dans les deux cas des durées semblables pour les obligations spéciales ainsi contractées.

Les obligations spéciales prévues dans les ventes consécutives à des appels à projets ont-elles un impact sur la nature de la vente ?

Rappelons déjà que la vente d’immeuble est un contrat dont il faut présumer qu’il relève du droit privé parce qu’il crée essentiellement des rapports de droit privé, même lorsque l’acquéreur est une personne morale de droit public, à moins que les parties n’aient pris le soin, dans un but d’intérêt général, de stipuler des clauses, que l’on continue d’appeler, par commodité, des « clauses exorbitantes du droit commun », malgré les récentes évolutions jurisprudentielles, et qui confèrent ainsi au contrat une nature administrative. Relèvent généralement du régime des contrats administratifs les clauses conférant un pouvoir unilatéral ou dissymétrique. Qu’en est-il des clauses relatives aux obligations accessoires étudiées ? S’agissant de l’obligation de réaliser le programme dans un délai imparti, rien de très spécifique : c’est d’ailleurs un engagement que l’on retrouve dans de nombreux contrats de droit privé et notamment les baux constitutifs de droits réels. Les clauses d’affectation existent aussi en droit privé et ne confèrent aucun pouvoir unilatéral à l’administration. Elles comportent une obligation de faire ou de ne pas faire et sont sanctionnées dans les termes prévus par les parties.
Il conviendra toutefois de prendre garde à ce que les politiques publiques qui justifient les appels à projets n’orchestrent pas toute l’économie des contrats qui seront conclus. C’est ainsi que dans un jugement du 6 juin 2016, le Tribunal des conflits a considéré que « les clauses de la convention du 25 août 1970 prévoyant notamment, en contrepartie de la cession (par la commune)… une garantie accordée au vendeur de ne pas supporter le coût des impôts fonciers pour les biens conservés, des garanties accordées aux habitants de Vignec d’acheter ou de louer des biens immobiliers sur le territoire de la commune d’Aragnouet à des conditions privilégiées, ainsi que l’accès à des « emplois réservés » et le bénéfice de conditions préférentielles d’utilisation du service des remontées mécaniques, impliquaient dans l’intérêt général que cette convention relève du régime exorbitant des contrats administratifs ». Le juge des conflits avait aussi, précédemment, jugé exorbitantes des clauses d’une vente imposant des modalités d’exploitation d’un ensemble hôtelier, notamment en termes de fixation du prix des chambres, tout en garantissant un taux d’occupation des locaux et en prévoyant des conditions de remboursement pouvant aboutir à une revente en faveur de la personne publique à un coût déterminé et non au prix du marché.
Mais les clauses des ventes dans les appels à projets ne vont pas jusqu’à un tel niveau de contrôle et d’immixtion de la personne publique, ce qui éloigne donc le risque de requalification en contrat administratif, auquel il conviendra toutefois de rester vigilant.
S’agissant des titres d’occupation constitutifs de droits réels, il convient de rappeler que certains d’entre eux sont qualifiés par la loi de contrats administratifs : c’est le cas des autorisations d’occupation du domaine public et des baux emphytéotiques administratifs. Ceux qui relèvent du droit privé sont prévus par la loi ; c’est notamment le cas des baux à construction et emphytéotiques. Il n’est pas possible d’y inscrire des clauses restreignant certaines prérogatives du preneur. Et le recours au droit réel de jouissance spéciale (DRJS) ne devrait pas avoir pour effet de conférer un droit réel à la carte pour contourner le régime impératif de ces baux, un DRJS ne pouvant être consentie que sous réserve des règles d’ordre public. En revanche, le juge administratif semble admettre la validité d’un bail emphytéotique qui comporterait des clauses exorbitantes, dès lors que celles-ci auraient pour effet d’emporter sa qualification en contrat administratif et viendraient donc par la même occasion l’exclure du champ du régime de l’emphytéose.

Les obligations spéciales prévues dans les ventes consécutives à des appels à projets ont-elles un impact sur la nature de la vente ?

Rappelons déjà que la vente d’immeuble est un contrat dont il faut présumer qu’il relève du droit privé parce qu’il crée essentiellement des rapports de droit privé, même lorsque l’acquéreur est une personne morale de droit public, à moins que les parties n’aient pris le soin, dans un but d’intérêt général, de stipuler des clauses, que l’on continue d’appeler, par commodité, des « clauses exorbitantes du droit commun », malgré les récentes évolutions jurisprudentielles, et qui confèrent ainsi au contrat une nature administrative. Relèvent généralement du régime des contrats administratifs les clauses conférant un pouvoir unilatéral ou dissymétrique. Qu’en est-il des clauses relatives aux obligations accessoires étudiées ? S’agissant de l’obligation de réaliser le programme dans un délai imparti, rien de très spécifique : c’est d’ailleurs un engagement que l’on retrouve dans de nombreux contrats de droit privé et notamment les baux constitutifs de droits réels. Les clauses d’affectation existent aussi en droit privé et ne confèrent aucun pouvoir unilatéral à l’administration. Elles comportent une obligation de faire ou de ne pas faire et sont sanctionnées dans les termes prévus par les parties.
Il conviendra toutefois de prendre garde à ce que les politiques publiques qui justifient les appels à projets n’orchestrent pas toute l’économie des contrats qui seront conclus. C’est ainsi que dans un jugement du 6 juin 2016, le Tribunal des conflits a considéré que « les clauses de la convention du 25 août 1970 prévoyant notamment, en contrepartie de la cession (par la commune) … une garantie accordée au vendeur de ne pas supporter le coût des impôts fonciers pour les biens conservés, des garanties accordées aux habitants de Vignec d’acheter ou de louer des biens immobiliers sur le territoire de la commune d’Aragnouet à des conditions privilégiées, ainsi que l’accès à des « emplois réservés » et le bénéfice de conditions préférentielles d’utilisation du service des remontées mécaniques, impliquaient dans l’intérêt général que cette convention relève du régime exorbitant des contrats administratifs ». Le juge des conflits avait aussi, précédemment, jugé exorbitantes des clauses d’une vente imposant des modalités d’exploitation d’un ensemble hôtelier, notamment en termes de fixation du prix des chambres, tout en garantissant un taux d’occupation des locaux et en prévoyant des conditions de remboursement pouvant aboutir à une revente en faveur de la personne publique à un coût déterminé et non au prix du marché.
Mais les clauses des ventes dans les appels à projets ne vont pas jusqu’à un tel niveau de contrôle et d’immixtion de la personne publique, ce qui éloigne donc le risque de requalification en contrat administratif, auquel il conviendra toutefois de rester vigilant.
S’agissant des titres d’occupation constitutifs de droits réels, il convient de rappeler que certains d’entre eux sont qualifiés par la loi de contrats administratifs : c’est le cas des autorisations d’occupation du domaine public et des baux emphytéotiques administratifs. Ceux qui relèvent du droit privé sont prévus par la loi ; c’est notamment le cas des baux à construction et emphytéotiques. Il n’est pas possible d’y inscrire des clauses restreignant certaines prérogatives du preneur. Et le recours au droit réel de jouissance spéciale (DRJS) ne devrait pas avoir pour effet de conférer un droit réel à la carte pour contourner le régime impératif de ces baux, un DRJS ne pouvant être consentie que sous réserve des règles d’ordre public. En revanche, le juge administratif semble admettre la validité d’un bail emphytéotique qui comporterait des clauses exorbitantes, dès lors que celles-ci auraient pour effet d’emporter sa qualification en contrat administratif et viendraient donc par la même occasion l’exclure du champ du régime de l’emphytéose.