Des conventions en faveur de la production de logements dans les opérations d’aménagement

Des conventions en faveur de la production de logements dans les opérations d’aménagement

Le Projet partenarial d’aménagement (PPA), la Grande opération d’urbanisme (GOU) et les Opérations de revitalisation du territoire (ORT) sont trois innovations créées par la loi no 2018-1021 du 23 novembre 2018, portant évolution du logement, de l’aménagement et du numérique déjà citée, dite loi Elan.
Ces dispositifs contractuels font suite à plusieurs outils ayant développé le partenariat entre collectivités :
  • les Contrats de développement territorial (CDT), prévus pour le Grand Paris, par la loi no 2010-597 du 3 juin 2010, qui sont des outils de planification et de programmation conclus entre l’État, les communes et les EPCI dans la limite de leurs compétences, ayant pour objet de définir, les objectifs et les priorités en matière d’urbanisme, de logement, de transports, de déplacements et de lutte contre l’étalement urbain, d’équipement commercial, de développement économique, sportif et culturel, y compris en matière d’économie sociale et solidaire, de protection des espaces naturels, agricoles et forestiers et des paysages et des ressources naturelles ;
  • les Projets d’intérêt majeur (PIM), créés par la loi no 2014-366 du 24 mars 2014 dite Alur, par lesquels, par contrat, l’autorité administrative, les communes et les établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre pour les objets relevant des compétences qui leur ont été transférées, décident de la réalisation d’un projet d’intérêt majeur qui comporte la réalisation d’actions ou d’opérations d’aménagement et, le cas échéant, de projets d’infrastructure ;
  • les Contrats d’intérêt national (CIN), créés spontanément par le Comité Interministériel du Grand Paris, qui peuvent se définir comme un « outil collaboratif [qui] favorise une approche intégrée des transports, du logement, et du développement économique sur la base d’une gouvernance partenariale entre l’État et ses opérateurs, les collectivités et les entreprises privées ».
Ces outils étaient peu flexibles et ne permettaient pas une réelle co-construction des projets d’aménagement d’ampleur entre les différents acteurs. C’est dans ce contexte qu’ont été créés les PPA et les GOU, afin de renforcer la dynamique de coopération entre collectivités au service des projets.
Dans une circulaire publiée par le ministère de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales et par le ministère de la transition écologique le 30 août 2021, visant à encourager les préfets de régions et de départements à déployer en lien avec les collectivités territoriales plusieurs outils pour lutter contre l’artificialisation des sols, la mise en place de partenariats entre les acteurs publics pour donner un sens territorial au ZAN est très prégnante. Pour les auteurs de la circulaire, l’objectif ZAN devra être décliné au niveau régional d’ici deux ans et jusqu’au niveau local d’ici six ans maximum. Si la mise en place d’une stratégie à moyen terme, via les contrats de relance et de transition écologique (les « CRTE ») qui doivent être élaborés à l’échelle des bassins de vie, est mise en avant, les ministres considèrent que les outils opérationnels que sont les ORT (Sous-section II) et les PPA (Sous-section I) seront des piliers de cette politique. Ils encouragent les préfets à inciter les communes et les intercommunalités à conclure ces conventions et à s’engager dans des opérations de revitalisation des territoires, notamment les villes engagées dans le programme « Petite Villes de demain », puis celles dans le programme « Action cœur de ville ».

Les PPA et GOU

La mise en place d’une convention de PPA (§ I) et la création d’une GOU (§ II) à la suite de sa signature sont des outils d’urbanisme opérationnel et partenarial pouvant favoriser l’offre de logement.

La mise en place de la convention de PPA

Le Projet Partenarial d’Aménagement (PPA) est un dispositif contractuel devant favoriser le développement de projets urbains mixtes souvent complexes combinant logements, commerces et activités. L’objectif de la loi est de promouvoir un partenariat privilégié entre l’État et les collectivités – particulièrement à l’échelon intercommunal, en conduisant, chaque partie prenante à prendre des engagements réciproques notamment financiers. Il est alors possible aux parties d’identifier les équipements publics répondant aux besoins du projet de territoire, leur localisation et leur financement ou bien de prendre des engagements sur la constructibilité des programmes immobiliers et la possible mise en conformité des documents d’urbanisme en conséquence. Les parties peuvent en outre par exemple, fixer des délais.
Un PPA peut être conclu entre l’État et un ou plusieurs établissements publics ou collectivités territoriales suivants : un établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre ; un établissement public territorial ; la ville de Paris ; la métropole de Lyon ; une ou plusieurs communes membres de l’établissement public ou de la collectivité territoriale signataire du contrat de projet partenarial d’aménagement.
Peuvent être associés à ce contrat, sur proposition des signataires, toute société d’économie mixte ainsi que par toute autre personne publique ou tout acteur privé, pourvu qu’il soit implanté dans son périmètre territorial, susceptible de prendre part à la réalisation des opérations prévues par ce même contrat et ne pas se trouver dans une situation de conflit d’intérêts avec les autres signataires.
Le contenu du contrat n’est pas fixé par la loi, ce qui laisse aux acteurs une grande marge de manœuvre. En pratique, le contrat devra définir le périmètre de l’opération, les modalités de gouvernance, les engagements réciproques des signataires, les opérations à réaliser au sein du périmètre et la désignation d’un opérateur dédié, les éventuelles participations financières ainsi que les modalités éventuelles de réalisation des équipements publics.
La mise en place d’un tel contrat permet la mobilisation de divers mécanismes :
  • les immeubles bâtis et non bâtis qui font partie du domaine privé de l’État pourront être cédés au profit de la personne publique à l’initiative de l’opération, ou au profit de l’opérateur d’aménagement ;
  • la possibilité de recourir aux établissements publics d’aménagement de l’État pour mener, même en dehors de leur périmètre, des études préalables à la formation du contrat ;
  • la possibilité de définir un périmètre de grande opération d’urbanisme qui déclenchera des effets juridiques facilitant la réalisation des opérations d’aménagement.

La création d’une GOU à la suite de la signature d’un PPA

Définition et modalités de création

La Grande Opération d’urbanisme (GOU) est un outil opérationnel devant permettre une concentration au niveau de l’intercommunalité des leviers nécessaires à la réalisation d’une ou plusieurs opérations d’aménagement d’envergure.
Une opération d’aménagement peut être qualifiée de GOU, selon le texte, « lorsqu’elle est prévue par un contrat de PPA et que, en raison de ses dimensions ou de ses caractéristiques, sa réalisation requiert un engagement conjoint spécifique de l’État et d’une collectivité territoriale ou d’un établissement public » cocontractant d’un tel contrat. Cette qualification est décidée par l’organe délibérant de la collectivité territoriale ou de l’établissement public cocontractant, après avis conforme des communes dont le territoire est inclus en tout ou partie dans le périmètre de l’opération et avec l’accord du représentant de l’État dans le ou les départements concernés. La délibération, qui définira le périmètre et la durée de la GOU, doit être pris après avis conforme des communes dont le territoire est inclus en toute ou partie dans le périmètre de la GOU et accord du préfet ou des préfets de départements concernés.

Effets juridiques

Dans le périmètre d’une GOU, l’exercice de certaines compétences est dérogatoire et des outils juridiques spécifiques peuvent être mobilisés :
  • transfert à l’échelon intercommunal de la compétence en matière (i) de délivrance des autorisations d’urbanisme (ii) de réalisation, construction, adaptation et gestion des équipements publics (sur avis conforme des communes concernées) ;
  • faculté de recourir à une procédure intégrée pour mettre en compatibilité les documents d’urbanisme contraignants. La « PIGOU » permet, à l’instar de la PIL (V. infra) de simplifier les procédures administratives susceptibles de freiner la réalisation de GOU, en permettant l’évolution des documents de planification en une seule procédure ;
  • faculté pour l’autorité à l’initiative de la GOU de conclure des conventions de projet urbain partenarial ;
  • délimitation d’une zone d’aménagement différé (ZAD) au sein de la GOU permettant l’instauration d’un droit de préemption et la détermination de son bénéficiaire ;
  • qualification d’intérêt communautaire ou métropolitain des GOU ;
  • possibilité de recourir à l’expérimentation du permis d’innover, qui autorise les maîtres d’ouvrages à déroger aux règles opposables à leur projet à condition de démontrer que sont atteints des résultats satisfaisant aux objectifs poursuivis par les règles auxquelles il est dérogé ;
  • faculté de cession par l’État des immeubles bâtis et non bâtis de son domaine privé pour la réalisation d’opérations d’aménagement prévues dans un PPA au profit de la personne publique à l’initiative de l’opération ou de l’opérateur dédié (cession avec décote) ;
  • obligation de prévoir une densité minimale des constructions. L’article L. 312-4 du Code de l’urbanisme, modifié par la « loi Climat et Résilience », prévoit que l’acte décidant de la qualification de GOU doit non seulement fixer la durée et le périmètre de la GOU mais également une densité minimale de constructions, le cas échéant déclinée par secteur, laquelle doit être inscrite directement dans le contrat de projet partenarial d’aménagement. Il s’agit ici d’une obligation qui s’inscrit directement dans l’objectif de lutte contre l’artificialisation des sols ;
  • de plus, afin de favoriser le renouvellement urbain et la densité, il est possible de déroger aux règles du PLU sur les gabarits et stationnement.
Ainsi, ces partenariats et les effets juridiques qui leurs sont associés peuvent être de nature à faciliter l’engagement des opérations notamment en matière de logement.

Les ORT

Les opérations de revitalisation de territoire (ORT) ont été créées par la loi Elan en 2018 afin de répondre à deux enjeux : développer l’approche intercommunale pour favoriser la cohérence d’ensemble des divers projets d’aménagement, d’une part ; formaliser un projet d’intervention dans toutes ses dimensions (commerces, services publics, habitats) afin de lui donner une visibilité et une légitimité politique, d’autre part.
Les interventions à mener sont diverses :
  • maintenir l’offre de commerce, de services et d’équipements ;
  • lutter contre l’habitat dégradé ou indigne, et la vacance ;
  • réhabiliter les friches ;
  • produire des logements adaptés.
Les ORT ont donc pour objet, selon le Code de l’urbanisme, « la mise en œuvre d’un projet global de territoire destiné à adapter et moderniser le parc de logements et de locaux commerciaux et artisanaux ainsi que le tissu urbain de ce territoire pour améliorer son attractivité, lutter contre la vacance des logements et des locaux commerciaux et artisanaux ainsi que contre l’habitat indigne, réhabiliter l’immobilier de loisir, valoriser le patrimoine bâti et réhabiliter les friches urbaines, dans une perspective de mixité sociale, d’innovation et de développement durable ».
Pour réaliser ce projet global, une convention est conclue entre l’État, ses établissements publics intéressés, un établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre et tout ou partie de ses communes membres, ainsi que toute personne publique ou tout acteur privé susceptible d’apporter un soutien ou de prendre part à la réalisation des opérations prévues par la convention, pour que la signature de cette convention n’entraîne pas un conflit d’intérêt. Il s’agit donc d’un contrat unique, intégrateur. Cette convention a pour objet la définition du projet et à ce titre, dresse la liste des différentes actions qui devront être menées pour le réaliser en agissant de manière multisectorielle. Elle précise la délimitation du périmètre des secteurs d’intervention, parmi lesquels figurent nécessairement le centre-ville de la Ville principale du territoire de l’établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre signataire et, éventuellement, un ou plusieurs autres centres-villes de communes membres de cet établissement et des parties déjà urbanisées de toute commune membre de cet établissement. Elle précise sa durée, le calendrier, le plan de financement des actions prévues à leur répartition dans les secteurs d’intervention délimités. Une concertation publique à l’initiative de l’EPCI peut être engagée préalablement à sa signature. De plus, elle peut comprendre tout ou partie des actions d’amélioration de l’habitat prévues à l’article L. 303-1 du Code de l’urbanisme. Dans ce cas, et pourvu qu’elle en comporte toutes les caractéristiques (périmètre, montant des aides, etc.), elle tient lieu de convention d’opération programmée d’amélioration de l’habitat (dite OPAH). La convention ORT peut également prolonger une convention d’OPAH.
Cette convention peut prévoir plusieurs actions et notamment en matière de logement :
  • un dispositif d’intervention immobilière et foncière contribuant à la revalorisation des îlots d’habitat vacant ou dégradé et incluant notamment des actions d’acquisition, de travaux et de portage de lots de copropriété ;
  • un plan de relogement et d’accompagnement social des occupants, avec pour objectif prioritaire leur maintien au sein du même quartier requalifié ;
  • l’utilisation des dispositifs coercitifs de lutte contre l’habitat indigne ;
  • un projet social, comportant notamment des actions en faveur de la mixité sociale et d’adaptation de l’offre de logement, de services publics et de services de santé aux personnes en perte d’autonomie.
  • les signataires de la convention peuvent s’appuyer sur l’aide technique de l’État et de ses opérateurs.
La mise en place d’une ORT emporte plusieurs effets juridiques. Parmi eux, la possible instauration du droit de préemption urbain renforcé et celui sur les fonds artisanaux, les fonds de commerce, les baux commerciaux et les terrains faisant l’objet de projet d’aménagement commercial ou encore la dispense d’autorisation d’exploitation commerciale pour les projets situés dans un secteur d’intervention incluant un centre-ville identifié par la convention ORT.
En matière de logement, il faut noter la faculté de bénéficier d’aides de l’Anah afin de rénover des immeubles en vue de les vendre en accession sociale ou les louer avec conventionnement sur 9 ans avant revente (DIIF) ou bien encore la possibilité de recourir à la procédure intégrée pour mettre en compatibilité des documents d’urbanisme.
Enfin, l’un des autres effets notables d’un tel secteur d’intervention, est la possibilité, ouverte jusqu’en 2025, de recourir au permis d’innover afin de déroger « aux règles opposables à leur projet à condition de démontrer que sont atteints des résultats satisfaisant aux objectifs poursuivis par les règles auxquelles il est dérogé ».
Le Rapport d’Information de la Mission conjointe de contrôle sur la revitalisation des centres-villes et des centres-bourgs du Sénat publié le 29 septembre 2022 dresse un bilan du régime des opérations de revitalisation de territoire qui toutefois doit être perfectionné. Il indique que la méthode des ORT, qui créé une dynamique de revitalisation et un élan partenarial est appréciée des élus. Toutefois, le rapport note un sous-financement et une mise en œuvre trop complexe. Aussi, la Mission formule 14 recommandations pour renforcer la politique actuelle de revitalisation. Nous pouvons citer, parmi d’autres, la création d’un fonds dédié, l’extension du dispositif dit « Denormandie » aux locaux commerciaux ou la dispense des opérations de revitalisation du territoire de l’application de la règle du ZAN « zéro artificialisation nette ».