Conception juridique et temporelle du ZAN

Conception juridique et temporelle du ZAN

– Trois textes fondateurs. – La mécanique du ZAN repose sur trois textes fondamentaux de la loi Climat et Résilience, que sont :
  • Son texte fondateur, l’article 191 : « Afin d’atteindre l’objectif national d’absence de toute artificialisation nette des sols en 2050, le rythme de l’artificialisation des sols dans les dix années suivant la promulgation de la présente loi doit être tel que, sur cette période, la consommation totale d’espace observée à l’échelle nationale soit inférieure à la moitié de celle observée sur les dix années précédant cette date.Ces objectifs sont appliqués de manière différenciée et territorialisée, dans les conditions fixées par la loi ».
  • L’article 192 qui :
  • L’article 194 qui établit la méthodologie pour y parvenir en opérant la réécriture de plusieurs articles du Code de l’urbanisme et du Code général des collectivités territoriales.
Relevons dès à présent que l’utilisation de l’acronyme « ZAN » est un abus de langage, juridiquement parlant. En effet, le texte de loi édicte non pas une « zéro artificialisation nette » mais « une absence de toute artificialisation nette ». Il serait donc plus conforme de parler « d’ATANS » plutôt de que « ZAN », même si le résultat auquel il doit être abouti reste le même.
La loi s’efforce donc de définir ce qu’elle entend par « artificialisation nette » (Sous-section I) et fixe une échéance pour y parvenir : l’an 2050 (Sous-section II).

Les notions juridiques du ZAN

Ces notions juridiques sont issues de l’article L. 101-2-1 du Code de l’urbanisme, permettant ainsi d’apprécier ce que doit être « l’absence totale de toute artificialisation nette ». Il y a donc deux composantes essentielles : la première est la notion d’artificialisation (§ I), la seconde, celle d’artificialisation nette (§ II).

La notion d’artificialisation

Si l’on doit parvenir à une absence de toute artificialisation nette, encore faut-il savoir ce qu’est l’artificialisation (A) et pouvoir opérer la distinction entre une surface artificialisée et une surface non artificialisée (B).

Définition juridique de l’artificialisation

L’artificialisation d’une surface est définie à l’article L. 101-2-1 du Code de l’urbanisme comme « l’altération durable de tout ou partie des fonctions écologiques d’un sol, en particulier de ses fonctions biologiques, hydriques et climatiques, ainsi que de son potentiel agronomique par son occupation ou son usage ».
On comprend donc que l’artificialisation ne se conçoit pas par la seule nature du sol mais au travers du processus qui va procéder à son déclassement. Aussi, si un terrain peut être artificialisé, c’est qu’à l’origine il ne l’est pas. Comment alors distinguer l’un de l’autre ?

La distinction entre surfaces artificialisées et non artificialisées

Celle-ci est primordiale puisque c’est à partir d’elle que devront s’appuyer les documents de planification et d’urbanisme pour parvenir à l’objectif fixé. La summa divisio résulte de la loi (I), complétée par une nomenclature établie par décret (II).
La distinction législative des surfaces
Pour l’article L. 101-2-1 du Code de l’urbanisme constitue une surface :
  • artificialisée : « une surface dont les sols sont soit imperméabilisés en raison du bâti ou d’un revêtement, soit stabilisés et compactés, soit constitués de matériaux composites » ;
  • non artificialisée : « une surface soit naturelle, nue ou couverte d’eau, soit végétalisée, constituant un habitat naturel ou utilisée à usage de cultures ».
C’est donc à partir de ces définitions que devront s’appuyer les élus locaux des différents échelons territoriaux en prenant en compte des seuils de référence entre l’une et l’autre. Pour les y aider, un décret est venu les compléter au travers d’une nomenclature.
La nomenclature des surfaces
Le décret no 2022-763 du 29 avril 2022 insère un article R. 101-1 au Code de l’urbanisme auquel est annexée la nomenclature des catégories de surfaces.
Les surfaces artificialisées
Elles sont au nombre de cinq selon la nomenclature :
  • surfaces dont les sols sont imperméabilisés en raison du bâti (constructions, aménagements, ouvrages ou installations) ;
  • surfaces dont les sols sont imperméabilisés en raison d’un revêtement (artificiel, asphalté, bétonné, couvert de pavés ou de dalles) ;
  • surfaces partiellement ou totalement perméables dont les sols sont stabilisés et compactés ou recouverts de matériaux minéraux ;
  • surfaces partiellement ou totalement perméables dont les sols sont constitués de matériaux composites (couverture hétérogène et artificielle avec un mélange de matériaux non minéraux) ;
  • surfaces à usage résidentiel, de production secondaire ou tertiaire, ou d’infrastructures notamment de transport ou de logistique, dont les sols sont couverts par une végétation herbacée, y compris si ces surfaces sont en chantier ou sont en état d’abandon.
Les surfaces non artificialisées
Elles sont au nombre de trois selon la nomenclature :
  • surfaces naturelles qui sont soit nues (sable, galets, rochers, pierres ou tout autre matériau minéral, y compris les surfaces d'activités extractives de matériaux en exploitation) soit couvertes en permanence d'eau, de neige ou de glace ;
  • surfaces à usage de cultures, qui sont végétalisées (agriculture, sylviculture) ou en eau (pêche, aquaculture, saliculture) ;
  • surfaces naturelles ou végétalisées constituant un habitat naturel, qui n'entrent pas dans les catégories 5°, 6° et 7°.
Le décret prend également soin d’apporter plusieurs précisions :
  • seules les surfaces terrestres jusqu'à la limite haute du rivage de la mer sont prises en compte ;
  • le classement est effectué selon l'occupation effective du sol observée, et non selon les zones ou secteurs délimités par les documents de planification et d'urbanisme ;
  • l'occupation effective est mesurée à l'échelle de polygones dont la surface est définie en fonction de seuils de référence précisés par arrêté du ministre chargé de l'urbanisme selon les standards du Conseil national de l'information géographique.

L’absence d’application de la nomenclature pour la période 2021-2031

En l’attente d’outils nationaux approuvés pour la détermination et le calcul des surfaces artificialisées, la nomenclature issue du décret du 29 avril 2022, ne sera prise en compte qu’à compter de la période 2031-2041 du ZAN.
Pour la période 2021-2031, seule la notion d’ENAF (espaces naturels, agricoles et forestiers) est retenue.

Le jardin pavillonnaire : bienvenue chez les fous ?

1. En application de la nomenclature annexée à l’article R. 101-1, les surfaces à usage résidentiel dont les sols sont couverts par une végétalisation herbacée sont des surfaces artificialisées.
À s’en tenir à cette définition, les jardins pavillonnaires seraient donc artificialisés, à moins qu’ils ne soient végétalisés comme constituant un habitat naturel.
2. Sous couvert de l’arrêté ministériel devant fixer les seuils d’appréciation (lesquels ne seront a priori pas ceux des parcelles cadastrales), qu’adviendra-t-il des opérations de redécoupage foncier, à l’instar du BIMBY ?
Devra-t-on faire la distinction entre le jardin simplement engazonné (artificialisé) et le jardin arboré/paysagé (non artificialisé) ? Et si l’on suit ce raisonnement, est-ce à dire que seuls les premiers auraient une valeur foncière en tant que terrains constructibles sans avoir potentiellement à compenser par une renaturation ? N’est-ce pas alors encourager à la destruction des surfaces végétalisées de ces jardins ?
3. À l’instar du marché de la cession de commercialité né de la police sur le changement d’usage, les notaires seront-il un jour sollicités par deux propriétaires afin d’établir un acte de cession de droits à artificialisation en contrepartie d’un engagement de renaturation ?

La notion d’artificialisation « nette »

Cette notion d’artificialisation « nette » constitue le pilier majeur de la trajectoire dessinée par la loi Climat et Résilience.
Elle s’oppose à l’artificialisation « brute » de par la définition qui en a été donnée par le législateur (A) en ce qu’elle permet de mettre en œuvre la séquence ERC (B).

La définition juridique de l’artificialisation « nette »

Elle est donnée par l’article L. 110-1-2 nouveau du Code de l’urbanisme comme « le solde de l’artificialisation et de la renaturation des sols constatées sur un périmètre et une période donnés ».
On voit ici apparaître deux nouvelles notions que sont la « renaturation » ou « désartificialisation ». Elles-mêmes sont définies comme « des actions ou des opérations de restauration ou d’amélioration de la fonctionnalité d’un sol, ayant pour effet de transformer un sol artificialisé en un sol non artificialisé » au terme du même article.
Ainsi, par opposition au ZAB, le ZAN n’interdit pas qu’un terrain non artificialisé ne le devienne en 2050 dès lors qu’une compensation pourra être offerte. C’est en cela que le ZAN emprunte la séquence ERC du Code de l’environnement.

La séquence ERC

La séquence « Eviter-Réduire-Compenser » est un principe général du droit de l’environnement puisque figurant à l’article L. 110-1 du Code éponyme. Elle a pour objet la protection contre les atteintes à la biodiversité.
Transposée au ZAN cette séquence peut, par exemple, se dérouler comme suit :
1°) Éviter. L’évitement consistera en l’absence d’artificialisation nouvelle qui pourra se traduire notamment par :
  • la surélévation ;
  • la reconversion du bâti existant (transformation d’immeubles tertiaires en logements) ;
  • la mobilisation des logements vacants.
2°) Réduire. La réduction pourra s’opérer par :
  • l’optimisation foncière (BIMBY) ;
  • la restriction des nouvelles zones constructibles ;
  • la densification dans les formes d’urbanisation.
3°) Compenser. La compensation consistera en la renaturation ou la désartificialisation telles que nous venons de les évoquer. Elle pourra par exemple s’inscrire dans la reconquête des friches.
À n’en pas douter, cette dernière partie de la séquence est certainement celle la plus controversée, difficile à engager et coûteuse à mettre en œuvre. Elle devra nécessairement s’accompagner d’une politique publique d’accompagnement d’envergure.
Les notions juridiques du ZAN étant ainsi appréhendées, il convient désormais d’étudier son échéancier.

La temporalité du ZAN à l’horizon 2050

– Deux périodes successives. – Parce qu’elle est ambitieuse, qu’elle nécessite la mise en place de nouveaux outils et une modification profonde des documents de planification et d’urbanisme, la trajectoire ZAN est scindée en deux grandes périodes.
La première est transitoire, pour la décennie en cours (2021-2031) (§ I). La seconde consistera en la mise en œuvre effective de la trajectoire permettant d’aboutir à l’absence de toute artificialisation des sols d’ici 2050 (§ II).

La période transitoire (2021-2031) : la mesure de consommation d’ENAF

Sans s’en être forcément rendus compte, nous sommes entrés depuis 2021 dans la phase transitoire du ZAN et ce jusqu’au 22 août 2031. En effet rappelons que l’article 191 de la loi Climat et Résilience édicte : « le rythme de l’artificialisation des sols dans les dix années suivant la promulgation de la présente loi doit être tel que, sur cette période, la consommation totale d’espace observée à l’échelle nationale soit inférieure à la moitié de celle observée sur les dix années précédant cette date ».
Ayant pris la mesure des enjeux qu’implique la trajectoire ZAN à chaque échelon territorial et de la nécessité de disposer d’outils d’identification et de mesure nationalement approuvés suffisamment précis, les pouvoirs publics ont fixé pour objectif à notre décennie la réduction de moitié du rythme de consommation réelle des espaces naturels, agricoles et forestiers (ENAF) par rapport aux dix dernières années.
En effet, l’État n’est pas à ce jour en mesure de proposer un outil suffisamment précis et nationalement approuvé permettant d’analyser l’artificialisation telle qu’entendue par le texte. De surcroît chaque échelon territorial a pu appréhender depuis plusieurs années son propre système de mesure. Dans l’attente donc d’un outil unique et national d’identification et de mesure, le législateur s’est reporté sur la notion d’ENAF qui est, elle, d’ores et déjà connue.
En clair : de 2021 à 2031 il n’y a pas lieu de parler de mesure de l’artificialisation de sols mais de la mesure de consommation d’espaces NAF.
La consommation d’ENAF (ou espaces NAF) est entendue comme la création ou l’extension effective d’espaces urbanisés sur le territoire concerné . À cet effet, il a été créé un « Observatoire de l’artificialisation des sols », qui a publié pour la première fois en juillet 2022 ses données pour les années 2009 à 2021, accessibles sur un site en ligne.
À ce jour le site propose plusieurs données relatives à la consommation d’espace mais le pastillage s’arrête à l’échelon territorial de la commune. Par exemple, la ville du Mans a consommé, entre 2009 et 2021, 1 007 700 m² de nouvelles surfaces, dont 673 628 m² pour l’habitat. Par rapport à l’augmentation de la population sur la période 2013/2018, cela représente une réduction de 294,46 m² / habitant supplémentaire. On constate donc une densification sur le territoire au titre de la période considérée. Si l’on s’en tient à la période transitoire en cours, la commune du Mans devrait parvenir au 22 août 2031 à une consommation d’espaces réduite à 503 850 m².
On peut lire ci-après in extenso le « Flash relatif aux apports de la loi Climat et Résilience dans la lutte contre l’artificialisation des sols » ( Ministère de la Transition écologique, janv. 2022, p. 4 ) :

L’application de la trajectoire ZAN (2031-2050) : la mesure de l’artificialisation

Passée cette période de « rodage » la mesure « simplifiée » de consommation d’espaces NAF cèdera la place à celle de l’artificialisation, axe réel de la trajectoire ZAN.
Cette période s’étalant de 2031 à 2050 se scindera elle-même en deux temps successifs, le premier du 23 août 2031 au 22 août 2041, le second allant jusqu’au 22 août 2050. Sur chacune de ces deux phases devra à nouveau être défini un rythme de réduction de l’artificialisation propre à aboutir au ZAN (ou ATANS) en 2050.
Pour y parvenir, il sera fait application :
  • De la nomenclature des sols artificialisés telle qu’étudiée ci-avant, issue du décret du 29 avril 2022, sauf évolution de ce texte d’ici 2031.
  • D’un nouvel outil de mesure de l’artificialisation des sols dénommé référentiel d’occupation du sol à grande échelle (OCS GE) qui devrait être opérationnel à l’échelle national d’ici 2024.
Cependant, outre la nomenclature et le référentiel, la mise en application de la trajectoire ZAN à compter de 2031 nécessite une révision profonde des documents de planification et d’urbanisme à chaque échelon du territoire ; ce qui explique également l’actuelle période transitoire.