L'immeuble non bâti

L'immeuble non bâti

– La nécessaire division foncière. – Qu'il s'agisse d'éoliennes, ou à un degré moindre de panneaux photovoltaïques, il est rare que la totalité de l'unité foncière soit affectée à la production d'électricité. Dès lors, et compte tenu de la nécessaire constitution d'un droit réel au profit de l'exploitant, la problématique de la division foncière constitue une contrainte juridique dont le praticien doit impérativement tenir compte afin d'assurer à son montage l'efficacité juridique intégrale que les cocontractants attendent légitimement.

Identification de l'assiette des unités de production

– Publicité foncière. – Ainsi que nous l'avons vu dans nos développements précédents, parmi le large choix de mécanismes contractuels permettant de lier le propriétaire foncier et l'exploitant, les solutions les plus adaptées nous semblent être celles permettant la constitution d'un droit réel au profit de ce dernier. Qu'il s'agisse d'un bail superficiaire ou d'un droit réel en tant que tel, l'acte constitutif va donc devoir faire l'objet d'une publication au fichier immobilier.
Àce titre, les règles de la publicité foncière vont obliger les contractants à individualiser la parcelle objet de la constitution de droit réel. Cette individualisation résultera d'un plan de division de la parcelle établi par un géomètre-expert, qui devra parallèlement présenter aux services du cadastre compétent un document d'arpentage permettant à l'administration d'affecter, par le biais d'un procès-verbal du cadastre, un nouveau numéro à chacune des parcelles issues de la division, et permettant ainsi la publication du titre de l'exploitant.
– Division foncière et volumétrie. – Il faut également noter qu'il est tout à fait possible de soumettre une parcelle non bâtie à une division volumétrique, laquelle n'emportera pas division cadastrale, seul l'état descriptif de division devant alors faire l'objet d'une publication au service de publicité foncière.

Autorisations d'urbanisme

Le contrôle de la division des sols en vue de construire constitue l'un des principaux moyens pour l'autorité publique de contrôler l'édification de nouvelles constructions, et ce quelle que soit la destination voulue. Particulièrement technique, cette réglementation nécessite une attention vigilante du praticien, lequel se doit donc de vérifier, d'une part, la légalité de l'opération envisagée et, d'autre part, la préservation des intérêts de chacun au regard de la solution choisie. Si, en principe, la possibilité de diviser sa propriété reste un libre choix du propriétaire, cette division, dès lors qu'elle est réalisée en vue de construire, est soumise à un régime d'autorisation administrative strict, et ce qu'il s'agisse de lotissement (§ I) ou de division primaire (§ II). Le conseil délivré par le notaire en la matière sera donc fondamental.

Division foncière et contrôle de l'autorité compétente : le lotissement

– Division foncière et lotissement. – L'article L. 442-1 du Code de l'urbanisme définit ainsi le lotissement : « Constitue un lotissement la division en propriété ou en jouissance d'une unité foncière ou de plusieurs unités foncières contiguës ayant pour objet de créer un ou plusieurs lots destinés à être bâtis ». Dès lors, trois critères cumulatifs concourent à une opération de lotissement :
  • l'existence d'une unité foncière au départ (A) ;
  • la division de cette unité foncière (B) ;
  • l'édification de bâtiments sur les lots créés par suite de la division (C).

Une unité foncière

– Définition. – Il faut ici rappeler la définition de l'unité foncière telle qu'établie par le Conseil d'État : « îlot de propriété d'un seul tenant, composé d'une parcelle ou d'un ensemble de parcelles appartenant à un même propriétaire ou à la même indivision ». La notion d'îlot signifie que les parcelles définissant l'unité foncière doivent impérativement être contiguës, et par conséquent présenter une continuité matérielle et physique. Une voie publique passant au milieu des parcelles appartenant à un seul et même propriétaire vient donc rompre cette continuité, et il existera donc deux unités foncières, de part et d'autre de cette voie.
– Pluralité d'unités foncières. – Les réformes relatives aux lotissements contenues dans les ordonnances no 2005-1527 du 8 décembre 2005 et no 2011-1916 du 22 décembre 2011 ont permis de faire évoluer la matière et autorisent maintenant plusieurs propriétaires à mener une seule opération d'aménagement ayant pour assiette leurs différentes propriétés, à condition toutefois que l'ensemble présente bien une réelle contiguïté. Dès lors, le permis d'aménager obtenu sera délivré à l'ensemble des propriétaires concernés, ou éventuellement à leur mandataire commun. Si une incertitude avait pu naître suite à l'ordonnance du 8 décembre 2005 quant à savoir si un permis d'aménager pouvait porter sur des unités foncières non contiguës, l'ordonnance du 22 décembre 2011 modifiant l'article L. 422-1 du Code de l'urbanisme, a rappelé le principe de la contiguïté des parcelles objet de l'opération d'aménagement.
Toutefois, par dérogation à ce principe, la loi no 2018-1021 du 23 novembre 2018 dite « loi Elan » a, dans son article 157, introduit à titre expérimental la possibilité de délivrer un permis d'aménager « multi-sites », et ce exclusivement dans le cadre d'une opération de revitalisation du territoire, telle que définie par l'article 303-2 du Code de la construction et de l'habitation.
Si cette dernière faculté ne nous paraît pas ouvrir de perspectives réelles pour un acteur industriel de la production d'électricité, il nous semble en revanche que la possibilité de déposer un seul dossier de permis d'aménager sur un tènement constitué entre plusieurs propriétaires peut faciliter la tâche de l'industriel qui pourra ainsi optimiser ses démarches relatives à l'obtention de son autorisation administrative.

La division d'une unité foncière

– Constitution de droits réels et division foncière. – Que les rapports entre le propriétaire et l'exploitant soient régis par la conclusion d'un bail superficiaire ou la constitution d'un droit réel autonome (usufruit ou droit réel de jouissance spéciale), il est indéniable que, dès lors que ce contrat ne porte que sur une partie d'une unité foncière, il crée une division, laquelle constitue donc l'un des trois critères de définition du lotissement. En effet, l'article L. 442-1 du Code de l'urbanisme précité définit la division comme pouvant s'opérer en propriété ou en jouissance. Par conséquent, qu'il s'agisse d'un bail réel ou d'une constitution d'un droit réel autre qu'un droit de propriété, il s'agira d'une division en jouissance rentrant dans la définition de ce critère. Concernant les baux superficiaires, la solution est admise depuis longtemps.
– Constatation de la division et date de création du lotissement. – Seul l'acte authentique procédant effectivement à la division fait naître le lotissement : les actes préparatoires, tels par exemple l'établissement du document d'arpentage ou encore la rédaction d'un état descriptif de division ne sauraient suffire à constater l'existence du lotissement.

L'implantation de bâtiments

– La notion de bâtiment. – Il n'existe pas à ce jour de définition de la notion de bâtiment dans les textes, qu'il s'agisse de droit de l'urbanisme ou de droit de la construction. Initialement, l'administration avait tenté d'imposer une vision plutôt extensive de ce que constituait un bâtiment, en l'assimilant à l'ensemble des constructions soumises à permis de construire. Pourtant, la Cour de cassation a considéré que des abris de jardin construits par des locataires sur une même propriété ne constituaient pas des bâtiments, alors même que leur édification était soumise à l'obtention préalable d'un permis de construire. Cette décision est confortée par le juge administratif qui a jugé qu'une piscine ne disposait pas du caractère de bâtiment, bien que son implantation soit soumise à l'obtention d'une autorisation de construire. Plus récemment le Conseil d'État a proposé de définir le bâtiment comme « s'entendant d'une construction couverte et close ». Mais il faut également avoir à l'esprit qu'en matière d'urbanisme, la notion de construction ne peut être réduite à celle de bâtiment, et au titre de l'article L. 421-1 du Code de l'urbanisme des ouvrages d'infrastructures constituent des constructions au même titre que des clôtures ou des murs, par exemple.
– Installation de production d'électricité et notion de bâtiment. – L'édification d'une unité de production d'électricité (sauf réglementation spécifique comme nous le verrons plus loin en matière d'éolienne) est soumise à l'obtention préalable d'un permis de construire, cela ne fait pas de doute. Pour autant, ces installations peuvent-elles être assimilées aux bâtiments visés par l'article L. 442-1 du Code de l'urbanisme ?
Il nous paraît difficile d'affirmer que ces installations, de nature industrielle et à ce titre soumises à un certain nombre d'autorisations préalables, puissent être assimilées à des constructions de type abri de jardin ou piscine. Par conséquent, il nous semble peu évident que les jurisprudences de la chambre criminelle de la Cour de cassation et du Conseil d'État soient applicables en la matière. Si ces installations de production d'électricité sont assimilées à des bâtiments, alors la réglementation des lotissements doit s'appliquer dès lors que les conditions sont remplies. Il restera à déterminer, en fonction de l'ampleur du projet, si l'autorisation à solliciter sera une simple non-opposition à déclaration préalable, ou plus vraisemblablement un permis d'aménager.
En tout état de cause, et dans le silence des textes et de la jurisprudence, nous ne pouvons ici que reprendre la position exprimée par le 103e Congrès des notaires de France : « Ne pourrait-on considérer par simplification que toute division en vue d'implanter une construction nouvelle devrait être soumise à la réglementation des lotissements ? ».
Cela nous semblerait effectivement constituer une solution, certes extensive, mais qui aurait le mérite de la clarté.

Division primaire

– Exception à la réglementation des lotissements. – Les exceptions à la procédure de lotissement sont établies par l'article R. 442-1 du Code de l'urbanisme, notamment celle dite de la « division primaire », telle que définie par le a) de cet article :
« Ne constituent pas des lotissements au sens du présent titre et ne sont soumis ni à déclaration préalable, ni à permis d'aménager :
a) les divisions en propriété ou en jouissance effectuées par un propriétaire au profit de personnes qui ont obtenu un permis de construire ou d'aménager portant sur la création d'un groupe de bâtiments ou d'un immeuble autre qu'une maison individuelle au sens de l'article L. 231-1 du Code de la construction et de l'habitation. (…) ».
Cette exception semble donc largement simplifier la problématique de la division foncière pour le propriétaire : en effet, seule l'obtention par l'exploitant de son permis de construire autorisant l'implantation conditionnera la régularisation du bail superficiaire ou de l'acte de constitution de droit réel, et non une double autorisation, d'abord de diviser, puis de construire.
En outre, la question de savoir si une installation de production électrique constitue ou non un bâtiment est ici éludée : la condition d'obtention d'un permis de construire « un immeuble autre qu'une maison individuelle » nous semble suffire à utiliser ce mécanisme et donc éviter de placer l'opération sous l'empire de la réglementation des lotissements.
– Dispense de permis de construire. – Cette solution nous semble toutefois impossible à mettre en œuvre dans le cas où l'installation de production d'énergie renouvelable est constituée d'un parc d'éoliennes soumis à autorisation environnementale. En effet, dans cette hypothèse, l'obtention de l'autorisation environnementale prévue aux articles L. 181-1 et suivants du Code de l'environnement dispense l'exploitant de l'obtention d'un permis de construire, ainsi que cela résulte de l'article R. 425-29-2 du Code de l'urbanisme. Dès lors, la condition du permis de construire ne pourra être remplie, et l'utilisation de la technique de division primaire sera par conséquent prohibée.
– La problématique de l'assiette du permis de construire. – La règle est aujourd'hui clairement établie : dans le cadre d'une division primaire, le terrain d'assiette de la demande de permis de construire est constitué par le terrain dans son ensemble, sans tenir compte de la division projetée. Longtemps débattue, la question a été tranchée par un arrêt du Conseil d'État du 12 novembre 2020 ; l'arrêt va même plus loin en précisant qu'une demande de permis modificatif portant sur le permis initial lui-même demandé sur le tènement d'origine doit également porter sur l'assiette foncière d'origine, c'est-à-dire avant division, et ce alors même que la division a pu intervenir entre-temps.
Par conséquent il conviendra ici pour le praticien d'attirer précisément l'attention du propriétaire sur le fait que les droits à construire sur le solde de propriété restant lui appartenir pourraient être amputés. En outre, si plusieurs opérations sont prévues concomitamment, il faut également attirer l'attention du propriétaire sur le risque de voir plusieurs demandeurs d'autorisation d'urbanisme revendiquer les mêmes surfaces de plancher constructibles, au risque d'en excéder le maximum pouvant être développé sur la parcelle d'origine.
Àl'inverse, par le biais d'une déclaration préalable ou d'un permis d'aménager, le permis de construire devant par la suite être requis ne pourra l'être que sur la base de la nouvelle assiette foncière et donc ainsi sauvegarder les droits du propriétaire sur la parcelle conservée.

Le choix de la procédure

L'arbitrage entre ces deux manières de procéder à la division, soit par le biais de la division primaire, soit par le biais de la réglementation des lotissements, devra donc s'opérer en fonction des intérêts du propriétaire à sauvegarder.
Àtitre d'exemple, si ce propriétaire souhaite conclure rapidement un bail à construction sur une partie de sa propriété et n'envisage pas de céder ou de construire la partie restant disponible, alors la solution de la division primaire devrait en toute logique s'imposer.
A contrario, si plusieurs opérations doivent être menées de façon simultanée, alors il nous semble plus prudent d'organiser en amont la division en se plaçant dans le cadre de la réglementation des lotissements.