L'assiette du droit de l'exploitant

L'assiette du droit de l'exploitant

– Autorisations administratives. – Tout d'abord, il convient de rappeler que toute installation de production d'électricité est soumise à l'obtention d'une autorisation administrative (C. énergie, art. L. 311-1), même si l'exploitant sera dispensé d'une telle autorisation dès lors que la puissance de l'installation ne dépasse pas 50 mégawatts (MW) (C. énergie, art. R. 311-2). Ce seuil s'avère toutefois suffisamment élevé pour qu'un grand nombre de projets soient en réalité dispensés de cette autorisation préalable. Àtitre d'exemple, rappelons que la région Nouvelle-Aquitaine disposait au 31 mars 2021 de cent trente-sept installations de production d'énergies éoliennes pour une puissance totale de 1 183 MW, soit environ 8,6 MW par installation.
Concernant les centrales photovoltaïques, et plus précisément celles installées directement au sol et non sur un bâtiment, leur installation sera soumise à permis de construire, et si la puissance excède 250 Kilowatts-crête (kWc), à étude d'impact et enquête publique. Par ailleurs, si le projet est susceptible d'entraîner divers impacts sur les milieux naturels, des autorisations environnementales spécifiques devront être obtenues (autorisation de défrichement, volet « espèces protégées », autorisation environnementale unique, notamment).
Concernant les implantations d'éoliennes, nous retrouvons le même régime d'autorisations, auquel il faut ajouter la soumission du projet à la réglementation des installations classées pour la protection de l'environnement, y compris les modifications substantielles, autrement appelées repowering, portant sur des installations déjà existantes.
Ces questions intéressant exclusivement l'exploitant, et puisque nous avons choisi de nous focaliser sur la relation contractuelle entre le propriétaire foncier et ce dernier, nous centrerons nos réflexions sur les autorisations administratives nécessaires à la validité et à l'efficacité de ce lien contractuel.
Ainsi notre étude portera exclusivement sur la détermination de l'assiette de l'installation de production d'électricité. En cela se pose principalement le problème de la division de l'immeuble, qu'il s'agisse de la division au sens urbanistique ou de la division au sens civiliste. Afin de cerner au mieux la question, nous distinguerons selon que l'immeuble est bâti (Section I) ou non bâti (Section II).

L'immeuble non bâti

– La nécessaire division foncière. – Qu'il s'agisse d'éoliennes, ou à un degré moindre de panneaux photovoltaïques, il est rare que la totalité de l'unité foncière soit affectée à la production d'électricité. Dès lors, et compte tenu de la nécessaire constitution d'un droit réel au profit de l'exploitant, la problématique de la division foncière constitue une contrainte juridique dont le praticien doit impérativement tenir compte afin d'assurer à son montage l'efficacité juridique intégrale que les cocontractants attendent légitimement.

Identification de l'assiette des unités de production

– Publicité foncière. – Ainsi que nous l'avons vu dans nos développements précédents, parmi le large choix de mécanismes contractuels permettant de lier le propriétaire foncier et l'exploitant, les solutions les plus adaptées nous semblent être celles permettant la constitution d'un droit réel au profit de ce dernier. Qu'il s'agisse d'un bail superficiaire ou d'un droit réel en tant que tel, l'acte constitutif va donc devoir faire l'objet d'une publication au fichier immobilier.
Àce titre, les règles de la publicité foncière vont obliger les contractants à individualiser la parcelle objet de la constitution de droit réel. Cette individualisation résultera d'un plan de division de la parcelle établi par un géomètre-expert, qui devra parallèlement présenter aux services du cadastre compétent un document d'arpentage permettant à l'administration d'affecter, par le biais d'un procès-verbal du cadastre, un nouveau numéro à chacune des parcelles issues de la division, et permettant ainsi la publication du titre de l'exploitant.
– Division foncière et volumétrie. – Il faut également noter qu'il est tout à fait possible de soumettre une parcelle non bâtie à une division volumétrique, laquelle n'emportera pas division cadastrale, seul l'état descriptif de division devant alors faire l'objet d'une publication au service de publicité foncière.

Autorisations d'urbanisme

Le contrôle de la division des sols en vue de construire constitue l'un des principaux moyens pour l'autorité publique de contrôler l'édification de nouvelles constructions, et ce quelle que soit la destination voulue. Particulièrement technique, cette réglementation nécessite une attention vigilante du praticien, lequel se doit donc de vérifier, d'une part, la légalité de l'opération envisagée et, d'autre part, la préservation des intérêts de chacun au regard de la solution choisie. Si, en principe, la possibilité de diviser sa propriété reste un libre choix du propriétaire, cette division, dès lors qu'elle est réalisée en vue de construire, est soumise à un régime d'autorisation administrative strict, et ce qu'il s'agisse de lotissement (§ I) ou de division primaire (§ II). Le conseil délivré par le notaire en la matière sera donc fondamental.

Division foncière et contrôle de l'autorité compétente : le lotissement

– Division foncière et lotissement. – L'article L. 442-1 du Code de l'urbanisme définit ainsi le lotissement : « Constitue un lotissement la division en propriété ou en jouissance d'une unité foncière ou de plusieurs unités foncières contiguës ayant pour objet de créer un ou plusieurs lots destinés à être bâtis ». Dès lors, trois critères cumulatifs concourent à une opération de lotissement :
  • l'existence d'une unité foncière au départ (A) ;
  • la division de cette unité foncière (B) ;
  • l'édification de bâtiments sur les lots créés par suite de la division (C).
Une unité foncière
– Définition. – Il faut ici rappeler la définition de l'unité foncière telle qu'établie par le Conseil d'État : « îlot de propriété d'un seul tenant, composé d'une parcelle ou d'un ensemble de parcelles appartenant à un même propriétaire ou à la même indivision ». La notion d'îlot signifie que les parcelles définissant l'unité foncière doivent impérativement être contiguës, et par conséquent présenter une continuité matérielle et physique. Une voie publique passant au milieu des parcelles appartenant à un seul et même propriétaire vient donc rompre cette continuité, et il existera donc deux unités foncières, de part et d'autre de cette voie.
– Pluralité d'unités foncières. – Les réformes relatives aux lotissements contenues dans les ordonnances no 2005-1527 du 8 décembre 2005 et no 2011-1916 du 22 décembre 2011 ont permis de faire évoluer la matière et autorisent maintenant plusieurs propriétaires à mener une seule opération d'aménagement ayant pour assiette leurs différentes propriétés, à condition toutefois que l'ensemble présente bien une réelle contiguïté. Dès lors, le permis d'aménager obtenu sera délivré à l'ensemble des propriétaires concernés, ou éventuellement à leur mandataire commun. Si une incertitude avait pu naître suite à l'ordonnance du 8 décembre 2005 quant à savoir si un permis d'aménager pouvait porter sur des unités foncières non contiguës, l'ordonnance du 22 décembre 2011 modifiant l'article L. 422-1 du Code de l'urbanisme, a rappelé le principe de la contiguïté des parcelles objet de l'opération d'aménagement.
Toutefois, par dérogation à ce principe, la loi no 2018-1021 du 23 novembre 2018 dite « loi Elan » a, dans son article 157, introduit à titre expérimental la possibilité de délivrer un permis d'aménager « multi-sites », et ce exclusivement dans le cadre d'une opération de revitalisation du territoire, telle que définie par l'article 303-2 du Code de la construction et de l'habitation.
Si cette dernière faculté ne nous paraît pas ouvrir de perspectives réelles pour un acteur industriel de la production d'électricité, il nous semble en revanche que la possibilité de déposer un seul dossier de permis d'aménager sur un tènement constitué entre plusieurs propriétaires peut faciliter la tâche de l'industriel qui pourra ainsi optimiser ses démarches relatives à l'obtention de son autorisation administrative.
La division d'une unité foncière
– Constitution de droits réels et division foncière. – Que les rapports entre le propriétaire et l'exploitant soient régis par la conclusion d'un bail superficiaire ou la constitution d'un droit réel autonome (usufruit ou droit réel de jouissance spéciale), il est indéniable que, dès lors que ce contrat ne porte que sur une partie d'une unité foncière, il crée une division, laquelle constitue donc l'un des trois critères de définition du lotissement. En effet, l'article L. 442-1 du Code de l'urbanisme précité définit la division comme pouvant s'opérer en propriété ou en jouissance. Par conséquent, qu'il s'agisse d'un bail réel ou d'une constitution d'un droit réel autre qu'un droit de propriété, il s'agira d'une division en jouissance rentrant dans la définition de ce critère. Concernant les baux superficiaires, la solution est admise depuis longtemps.
– Constatation de la division et date de création du lotissement. – Seul l'acte authentique procédant effectivement à la division fait naître le lotissement : les actes préparatoires, tels par exemple l'établissement du document d'arpentage ou encore la rédaction d'un état descriptif de division ne sauraient suffire à constater l'existence du lotissement.
L'implantation de bâtiments
– La notion de bâtiment. – Il n'existe pas à ce jour de définition de la notion de bâtiment dans les textes, qu'il s'agisse de droit de l'urbanisme ou de droit de la construction. Initialement, l'administration avait tenté d'imposer une vision plutôt extensive de ce que constituait un bâtiment, en l'assimilant à l'ensemble des constructions soumises à permis de construire. Pourtant, la Cour de cassation a considéré que des abris de jardin construits par des locataires sur une même propriété ne constituaient pas des bâtiments, alors même que leur édification était soumise à l'obtention préalable d'un permis de construire. Cette décision est confortée par le juge administratif qui a jugé qu'une piscine ne disposait pas du caractère de bâtiment, bien que son implantation soit soumise à l'obtention d'une autorisation de construire. Plus récemment le Conseil d'État a proposé de définir le bâtiment comme « s'entendant d'une construction couverte et close ». Mais il faut également avoir à l'esprit qu'en matière d'urbanisme, la notion de construction ne peut être réduite à celle de bâtiment, et au titre de l'article L. 421-1 du Code de l'urbanisme des ouvrages d'infrastructures constituent des constructions au même titre que des clôtures ou des murs, par exemple.
– Installation de production d'électricité et notion de bâtiment. – L'édification d'une unité de production d'électricité (sauf réglementation spécifique comme nous le verrons plus loin en matière d'éolienne) est soumise à l'obtention préalable d'un permis de construire, cela ne fait pas de doute. Pour autant, ces installations peuvent-elles être assimilées aux bâtiments visés par l'article L. 442-1 du Code de l'urbanisme ?
Il nous paraît difficile d'affirmer que ces installations, de nature industrielle et à ce titre soumises à un certain nombre d'autorisations préalables, puissent être assimilées à des constructions de type abri de jardin ou piscine. Par conséquent, il nous semble peu évident que les jurisprudences de la chambre criminelle de la Cour de cassation et du Conseil d'État soient applicables en la matière. Si ces installations de production d'électricité sont assimilées à des bâtiments, alors la réglementation des lotissements doit s'appliquer dès lors que les conditions sont remplies. Il restera à déterminer, en fonction de l'ampleur du projet, si l'autorisation à solliciter sera une simple non-opposition à déclaration préalable, ou plus vraisemblablement un permis d'aménager.
En tout état de cause, et dans le silence des textes et de la jurisprudence, nous ne pouvons ici que reprendre la position exprimée par le 103e Congrès des notaires de France : « Ne pourrait-on considérer par simplification que toute division en vue d'implanter une construction nouvelle devrait être soumise à la réglementation des lotissements ? ».
Cela nous semblerait effectivement constituer une solution, certes extensive, mais qui aurait le mérite de la clarté.

Division primaire

– Exception à la réglementation des lotissements. – Les exceptions à la procédure de lotissement sont établies par l'article R. 442-1 du Code de l'urbanisme, notamment celle dite de la « division primaire », telle que définie par le a) de cet article :
« Ne constituent pas des lotissements au sens du présent titre et ne sont soumis ni à déclaration préalable, ni à permis d'aménager :
a) les divisions en propriété ou en jouissance effectuées par un propriétaire au profit de personnes qui ont obtenu un permis de construire ou d'aménager portant sur la création d'un groupe de bâtiments ou d'un immeuble autre qu'une maison individuelle au sens de l'article L. 231-1 du Code de la construction et de l'habitation. (…) ».
Cette exception semble donc largement simplifier la problématique de la division foncière pour le propriétaire : en effet, seule l'obtention par l'exploitant de son permis de construire autorisant l'implantation conditionnera la régularisation du bail superficiaire ou de l'acte de constitution de droit réel, et non une double autorisation, d'abord de diviser, puis de construire.
En outre, la question de savoir si une installation de production électrique constitue ou non un bâtiment est ici éludée : la condition d'obtention d'un permis de construire « un immeuble autre qu'une maison individuelle » nous semble suffire à utiliser ce mécanisme et donc éviter de placer l'opération sous l'empire de la réglementation des lotissements.
– Dispense de permis de construire. – Cette solution nous semble toutefois impossible à mettre en œuvre dans le cas où l'installation de production d'énergie renouvelable est constituée d'un parc d'éoliennes soumis à autorisation environnementale. En effet, dans cette hypothèse, l'obtention de l'autorisation environnementale prévue aux articles L. 181-1 et suivants du Code de l'environnement dispense l'exploitant de l'obtention d'un permis de construire, ainsi que cela résulte de l'article R. 425-29-2 du Code de l'urbanisme. Dès lors, la condition du permis de construire ne pourra être remplie, et l'utilisation de la technique de division primaire sera par conséquent prohibée.
– La problématique de l'assiette du permis de construire. – La règle est aujourd'hui clairement établie : dans le cadre d'une division primaire, le terrain d'assiette de la demande de permis de construire est constitué par le terrain dans son ensemble, sans tenir compte de la division projetée. Longtemps débattue, la question a été tranchée par un arrêt du Conseil d'État du 12 novembre 2020 ; l'arrêt va même plus loin en précisant qu'une demande de permis modificatif portant sur le permis initial lui-même demandé sur le tènement d'origine doit également porter sur l'assiette foncière d'origine, c'est-à-dire avant division, et ce alors même que la division a pu intervenir entre-temps.
Par conséquent il conviendra ici pour le praticien d'attirer précisément l'attention du propriétaire sur le fait que les droits à construire sur le solde de propriété restant lui appartenir pourraient être amputés. En outre, si plusieurs opérations sont prévues concomitamment, il faut également attirer l'attention du propriétaire sur le risque de voir plusieurs demandeurs d'autorisation d'urbanisme revendiquer les mêmes surfaces de plancher constructibles, au risque d'en excéder le maximum pouvant être développé sur la parcelle d'origine.
Àl'inverse, par le biais d'une déclaration préalable ou d'un permis d'aménager, le permis de construire devant par la suite être requis ne pourra l'être que sur la base de la nouvelle assiette foncière et donc ainsi sauvegarder les droits du propriétaire sur la parcelle conservée.

Le choix de la procédure

L'arbitrage entre ces deux manières de procéder à la division, soit par le biais de la division primaire, soit par le biais de la réglementation des lotissements, devra donc s'opérer en fonction des intérêts du propriétaire à sauvegarder.
Àtitre d'exemple, si ce propriétaire souhaite conclure rapidement un bail à construction sur une partie de sa propriété et n'envisage pas de céder ou de construire la partie restant disponible, alors la solution de la division primaire devrait en toute logique s'imposer.
A contrario, si plusieurs opérations doivent être menées de façon simultanée, alors il nous semble plus prudent d'organiser en amont la division en se plaçant dans le cadre de la réglementation des lotissements.

L'immeuble bâti

– Régime juridique de l'immeuble bâti. – Imaginer un immeuble bâti comme support d'une installation de production d'électricité décarbonée n'est pas une idée nouvelle. Voilà plusieurs années que l'on peut visuellement constater l'apparition de panneaux photovoltaïques en toitures d'immeubles. Si l'équipement pour la seule consommation d'énergie des occupants de l'immeuble ne pose guère de problème sinon en matière d'autorisation d'urbanisme (la décision ressortissant au strict exercice de son droit de propriété par le propriétaire), il en va différemment dès lors que l'installation est déléguée à un exploitant autre que le propriétaire. Dans la continuité de nos développements, la constitution d'un droit réel au profit de ce dernier nous semblant toujours la meilleure solution, le caractère bâti de l'immeuble contraint fortement le choix du lien contractuel entre propriétaire et exploitant. Les solutions doivent selon nous s'analyser tout d'abord au regard des règles générales (Sous-section I), puis au regard des règles particulières de la copropriété (Sous-section II).

Les règles générales

La création d'une installation de production d'électricité sur un immeuble bâti est contrainte par les règles d'urbanisme d'une part (§ I), et par les règles civiles tenant à la division de l'immeuble bâti d'autre part (§ II).

Les dispositions d'urbanisme en matière de transition énergétique

– Un objectif d'urbanisme. – Le droit de l'urbanisme, par de multiples dispositions, encourage et même oblige à la transition énergétique. D'abord par la règle générale exposée aux termes de l'article L. 101-2 du Code de l'urbanisme et spécifiquement dans son 7o :
« Dans le respect des objectifs du développement durable, l'action des collectivités publiques en matière d'urbanisme vise à atteindre les objectifs suivants :
(…)
7o) La lutte contre le changement climatique et l'adaptation à ce changement, la réduction des émissions de gaz à effet de serre, l'économie des ressources fossiles, la maîtrise de l'énergie et la production énergétique à partir de sources renouvelables ; »
Plus précisément encore, et malgré les restrictions architecturales pouvant être intégrées dans un plan local d'urbanisme, l'article L. 111-16 de ce même code crée un droit à la production d'énergie renouvelable, dans le cadre d'un nouveau projet soumis à autorisation d'urbanisme :
« Nonobstant les règles relatives à l'aspect extérieur des constructions des plans locaux d'urbanisme, des plans d'occupation des sols, des plans d'aménagement de zone et des règlements des lotissements, le permis de construire ou d'aménager ou la décision prise sur une déclaration préalable ne peut s'opposer à l'utilisation de matériaux renouvelables ou de matériaux ou procédés de construction permettant d'éviter l'émission de gaz à effet de serre, à l'installation de dispositifs favorisant la retenue des eaux pluviales ou la production d'énergie renouvelable, y compris lorsque ces dispositifs sont installés sur les ombrières des aires de stationnement. Le permis de construire ou d'aménager ou la décision prise sur une déclaration préalable peut néanmoins comporter des prescriptions destinées à assurer la bonne intégration architecturale du projet dans le bâti existant et dans le milieu environnant.
La liste des dispositifs, procédés de construction et matériaux concernés est fixée par décret ».
Il devient par conséquent tout à fait possible pour le pétitionnaire de contrevenir aux dispositions du document d'urbanisme applicable, notamment en ce qui concerne celles relatives aux aspects extérieurs de la construction. De même, les dispositions de l'article R. 151-39 du Code de l'urbanisme, en permettant d'insérer dans le plan local d'urbanisme (PLU) des dispositions relatives à l'emprise au sol, à la hauteur des constructions, ou encore aux règles de prospect, peuvent aider (même si ce n'était pas forcément le but originel) à la protection de l'exposition optimale des bâtiments à l'ensoleillement.
Il conviendra toutefois de prendre garde aux secteurs particulièrement protégés dans lesquels les prescriptions architecturales ne souffrent guère de dérogations : parcs naturels, abords de monuments historiques, site inscrit ou classé, ou encore un site patrimonial remarquable.
– Nature de l'autorisation d'urbanisme à solliciter. – Concernant la simple adjonction sur un bâtiment existant d'une installation photovoltaïque, en principe le dépôt d'une déclaration préalable est suffisant, selon la typologie des travaux établie par les articles R. 421-14 à R. 421-17-1 du Code de l'urbanisme. En revanche, si les travaux portent sur un projet de plus grande importance (avec par exemple une création de surface de plancher importante), il faudra alors passer par une demande de permis de construire.

La division de l'immeuble individuel

– Données du problème. – Si l'installation d'une unité de production photovoltaïque est réalisée par le propriétaire dans le seul but d'organiser la production d'énergie nécessaire à la consommation des occupants de l'immeuble, cela ne pose guère de problème. Le propriétaire est tout à fait libre de réaliser cette installation dans le respect des contraintes urbanistiques, l'article 544 du Code civil lui laissant bien évidemment cette faculté.
La question devient délicate dès lors que cette installation va être réalisée par un tiers, qui va en conserver la propriété et en assurer l'exploitation. Il faut donc « isoler » la partie de l'immeuble (la toiture a priori) qui va recevoir cette installation, de manière à conférer à l'exploitant l'ensemble des droits nécessaires à cette exploitation. Pour cela, trois techniques de division du bâti existent : la division en lots de copropriété (A), la division en volumes (B), et enfin la division par simple état descriptif de division (C).
La mise en copropriété
– Statut de la copropriété et ordre public. – Consacré par la loi no 65-557 du 10 juillet 1965, le statut de la copropriété n'a cessé d'évoluer depuis, et ses principales dispositions sont devenues d'ordre public avec la loi no 2014-366 du 4 mars 2014, dite « loi Alur ».
Tout d'abord, ce statut régit « tout immeuble bâti ou groupe d'immeubles bâtis à usage total ou partiel d'habitation dont la propriété est répartie par lots entre plusieurs personnes ».
L'article 3 de cette loi définit ainsi les parties communes : « Sont communes les parties des bâtiments et des terrains affectées à l'usage ou à l'utilité de tous les copropriétaires ou de plusieurs d'entre eux ».
Si l'on part donc du principe que des panneaux photovoltaïques ne peuvent être installés que sur la toiture de l'immeuble, et qu'il faut garantir à l'installateur-exploitant un droit réel sur la partie recevant lesdits panneaux, cela revient à dire qu'il faudrait placer l'immeuble sous le régime de la copropriété en définissant la toiture comme un lot privatif. Cela nous semble donc en contradiction avec les dispositions de l'article 3 ci-dessus relaté, dans la mesure où le toit de l'immeuble est par nature affecté à l'utilité de tous les copropriétaires puisqu'il permet de garantir a minima la couverture et la mise hors d'eau du bâtiment. En outre, une partie commune ne saurait également être partie privative d'un lot, et inversement une partie privative ne peut être en même temps partie commune.
Enfin, pour le cas où une telle division serait possible, la création d'une copropriété à deux peut engendrer une certaine paralysie. Certes le principe de la réduction des droits de vote d'un copropriétaire en détenant plus de la moitié à la somme des droits de vote des autres copropriétaires, tel qu'exprimé à l'article 22 de la loi du 19 juillet 1965, a été considérablement affaibli par l'ordonnance du 30 octobre 2019. En effet, dorénavant, les décisions relevant de la majorité des votes exprimés par les copropriétaires présents ou représentés peuvent être prises par celui détenant plus de la moitié des voix, et les décisions relevant de la majorité des voix de tous les copropriétaires peuvent être prises par celui détenant au moins deux tiers des voix. Par conséquent, si la création du lot supplémentaire engendre des droits de vote de plus d'un tiers des voix, le risque de paralysie sera réel. Àl'inverse, concernant le copropriétaire titulaire de plus des deux tiers des droits de vote, le risque serait de conférer à ce dernier le pouvoir exorbitant de décider seul pour toutes les décisions ne requérant pas l'unanimité des copropriétaires. Et de faire par conséquent naître le risque de voir le copropriétaire régulièrement écarté des décisions de la vie collective multiplier les recours contre ces décisions, voire de refuser d'exécuter ses obligations en matière de paiement des charges, ce qui serait une autre manière de paralyser la vie de la copropriété.
Si la mise en copropriété de l'immeuble, au sens de la loi du 10 juillet 1965, reste donc délicate, il convient alors de se tourner vers la division volumétrique.

La mise en copropriété : une solution inadaptée

La mise en copropriété d'un immeuble entier ne paraît donc pas constituer la solution la plus adaptée pour permettre l'installation d'une unité de production photovoltaïque en toiture. Au-delà d'un risque d'atteinte aux règles impératives de ce régime, le risque de paralysie du bon fonctionnement de la copropriété ainsi créée pourrait se révéler assez rapidement dommageable pour l'état général de l'immeuble.
La division volumétrique
– Définition. – Le volume immobilier se définit comme « une partie de l'espace à trois dimensions, une surface s'exerçant sur une hauteur définie entre deux côtes altimétriques ». Création de la pratique notariale, consacrée par la jurisprudence de la Cour de cassation, la division en volumes suppose que le propriétaire du sol soit propriétaire de « tout l'espace compris dans ce cône pyramidal allant du centre de la Terre jusqu'aux plus lointains astres et dont l'intersection avec l'écorce terrestre constitue la parcelle cadastrale ». La formule est sans doute excessive, mais elle permet de représenter précisément que le propriétaire peut ainsi disposer d'autre chose que du terrain défini par la parcelle cadastrale et les constructions qui y sont édifiées.
– Intérêts de la division en volumes. – Pour le propriétaire de l'immeuble bâti souhaitant valoriser son bâtiment par l'adjonction en toiture d'une installation photovoltaïque, l'intérêt est double :
  • la création d'un volume au-dessus du toit lui permet de constituer à peu de frais un droit réel exploitable et cessible ;
  • cette technique permet par ailleurs d'opérer une division du bâti en s'exonérant d'une soumission au régime de la copropriété, ainsi que le permet le II de l'article 1er de la loi du 10 juillet 1965.
Cette division en volumes fait appel à une technicité particulière, alliant le savoir-faire scientifique du géomètre-expert et l'expertise juridique du notaire. Elle constitue donc un domaine particulier de l'ingénierie notariale, illustrant parfaitement ce que la mission du notaire recouvre aujourd'hui.
– Mise en œuvre pratique de la division volumétrique. – Pour illustrer la manière dont le propriétaire d'un immeuble bâti va pouvoir créer et exploiter un volume sur sa propriété, il faut d'abord rappeler que la division en volumes est « une technique juridique consistant à diviser la propriété d'un immeuble en fractions distinctes, sur le plan horizontal comme sur le plan vertical, à des niveaux différents, qui peuvent se situer au-dessus comme en dessous du sol naturel, chaque fraction s'inscrivant, respectivement, dans l'emprise de volumes définis géométriquement, en trois dimensions, par référence à des plans, des coupes et des cotes, sans qu'il existe de parties communes entre ces différentes fractions ».
L'identification du volume va être rendue possible par l'établissement d'un état descriptif de division en volumes, établi par un géomètre-expert, qui le plus souvent établira des cotes en altimétrie et en planimétrie. En pratique, le volume permettant la pose d'une installation photovoltaïque sera alors créé au-dessus de la toiture de l'immeuble. Il restera à définir l'ensemble des servitudes permettant, d'une part, le raccordement de l'installation au réseau acheminant l'électricité ainsi créée vers les points de distribution, et d'autre part, l'accès au volume pour l'installation et l'entretien des panneaux photovoltaïques.
Une fois le volume défini et l'état descriptif de division régularisé, il sera alors possible pour le propriétaire de constituer le droit réel de son choix au profit de l'exploitant : bail à construction ou emphytéotique, droit réel de jouissance spéciale, voire éventuellement la cession pure et simple du volume à l'exploitant.

Pratique de la division en volumes

Renvoi au 112e Congrès des notaires de France.
Pour une étude complète sur la division volumétrique, nous renvoyons aux travaux du 112e Congrès de notaires de France (Nantes, 5-8 juin 2016, La propriété immobilière, entre liberté et contraintes), et plus précisément ceux de la troisième commission.
La division par simple état descriptif de division sans application du régime de la copropriété
– État descriptif de division sans création de copropriété. – La division peut également être opérée par l'établissement d'un état descriptif de division identifiant spécifiquement les lots créés et notamment celui correspondant aux panneaux photovoltaïques installés sur la toiture de l'immeuble bâti. L'immeuble restant appartenir à un seul et unique propriétaire, les lots créés ne seront pas affectés d'une quote-part de parties communes, et ne seront par conséquent pas soumis au statut de la copropriété. Il convient dès lors que chacun des lots ainsi créé soit parfaitement identifiable afin de pouvoir faire l'objet d'une publication au service de publicité foncière compétent.

Les spécificités de l'immeuble soumis au régime de la copropriété

La création d'une installation de panneaux photovoltaïques en toiture d'un bâtiment soumis au régime de la copropriété ne pose en soi guère de problème. Cela est même prévu par la loi, et la majorité nécessaire à l'adoption du projet a été abaissée par la loi no 2015-992 du 17 août 2015 modifiant l'article 25 de la loi no 65-557 du 10 juillet 1965. Par ailleurs, la ministre de la Transition écologique et solidaire, dans une réponse ministérielle du 8 juin 2021, a pu préciser que ; « Dans le cas d'une installation individuelle au sein d'une copropriété immobilière, chaque membre a le droit d'installer sur son terrain, sa terrasse, balcon ou sur le toit de sa maison des panneaux photovoltaïques. Toutefois, ce droit n'est pas absolu car cette liberté d'utilisation ne vaut qu'à la condition de ne porter atteinte ni aux droits des copropriétaires, ni à la destination de l'immeuble (article 9 de la loi no 65-557 du 10 juillet 1965) ». Toutefois, il subsiste une difficulté pour le cas où l'installation et l'exploitation des panneaux solaires nécessiteraient une nouvelle division foncière, car celle-ci peut dans certains cas être prohibée. Il convient donc de s'intéresser tout d'abord à cette interdiction (§ I), avant de voir quelles solutions peuvent éventuellement être trouvées (§ II).

La prohibition de la subdivision en volumes d'un bâtiment unique

– Ordre public. – L'article 28, IV de la loi no 65-557 précitée prohibe formellement la division en volumes d'un bâtiment unique lui-même déjà soumis au statut de la copropriété. Cette prohibition a été établie aux termes de la loi Alur précitée, et avait pour objectif de lutter contre les divisions permettant de contourner le statut de la copropriété et ses règles certes contraignantes, mais garantissant néanmoins un fonctionnement efficace : en effet, cette loi permet d'imposer la participation de tous les copropriétaires aux dépenses communes, ainsi qu'une juste répartition des charges. En cela, un mode de division foncière alternatif ne présente pas de garanties aussi importantes, et peut donc potentiellement concourir à la dégradation de l'immeuble. Voilà donc la principale raison pour laquelle la loi Alur a réservé aux ensembles complexes la possibilité de recourir à la division en volumes.
Toutefois, l'ordonnance no 2019-1101 du 30 octobre 2019 est venue restreindre le champ d'application des dispositions impératives de la loi no 65-557 du 10 juillet 1965 : le caractère impératif du régime ne va dorénavant plus concerner que les immeubles ou groupes d'immeubles à destination totale ou partielle d'habitation.

Conséquences pratiques de la prohibition de la subdivision en volumes d'un bâtiment unique

Un bâtiment unique, à usage total ou partiel d'habitation, ne pourra dès lors faire l'objet d'une scission par division en volumes. Concrètement, les copropriétaires ne pourront prévoir une installation photovoltaïque sur le toit de l'immeuble que dans la mesure où cette installation sera réalisée par le syndicat des copropriétaires, et pour le seul usage ou profit de la copropriété. La création d'un lot privatif supplémentaire comprenant la toiture nous semblant en contradiction avec la définition des parties communes telle qu'énoncée à l'article 3 de la loi du 10 juillet 1965, et la création d'un volume étant prohibée, il ne sera donc pas possible de convenir de la mise à disposition à titre privatif de la toiture au profit d'un tiers exploitant des panneaux photovoltaïques. En revanche, l'exploitation par le syndicat des copropriétaires, c'est-à-dire la revente de l'électricité ainsi produite, sera possible.

Les solutions alternatives

– Destination autre que l'habitation. – Ainsi que nous venons de le voir, le caractère impératif du régime de la copropriété ne concerne plus, depuis l'ordonnance du 30 octobre 2019 précitée, que les ensembles à usage total ou partiel d'habitation. Dès lors, il semblerait possible que s'agissant d'un immeuble même composé d'un bâtiment unique à usage, par exemple, commercial ou artisanal, ce dernier puisse faire l'objet d'une division volumétrique permettant la création d'un volume affecté à l'installation d'une unité de production d'électricité. Il conviendra cependant de veiller au respect de la procédure édictée par l'article 28 de la loi du 10 juillet 1965.
– Les entités homogènes. – Si la prohibition de l'article 28, IV de la loi du 10 juillet 1965 semble clairement établie, il convient tout de même de prêter attention à la situation de « l'ensemble immobilier complexe comportant (…) plusieurs entités homogènes affectées à des usages différents, pour autant que chacune de ces entités permette une gestion autonome », pour reprendre les termes exacts de cet article.
Dès lors, peut-on imaginer un bâtiment unique composé de telles entités homogènes ? Il faut alors distinguer l'homogénéité structurelle (fondations et toitures communes, conception architecturale…) de l'homogénéité fonctionnelle (accès aux parties de bâtiments distincts, réseaux propres à chaque unité homogène…). Si le bâtiment est constitué d'une double homogénéité à la fois structurelle et fonctionnelle, alors la prohibition de la division volumétrique sera opposable, et interdira la subdivision en volumes dès lors que le bâtiment est au moins partiellement destiné à l'habitation.
En revanche, s'il n'existe pas d'homogénéité fonctionnelle (par ex., si les accès à chaque partie d'immeuble sont strictement indépendants, s'il n'existe pas de réseau commun, en un mot si chaque partie du bâtiment dédiée à un usage distinct peut fonctionner de manière totalement indépendante), alors il serait envisageable selon plusieurs auteurs d'envisager une division volumétrique, qui ne tomberait plus sous le coup de l'interdiction de l'article 28, IV de loi du 10 juillet 1965.
Il deviendrait par conséquent possible, pour un bâtiment unique, d'opérer une scission de copropriété permettant de constituer deux volumes : l'un pour le bâtiment déjà soumis au régime de la copropriété, l'autre spécifique en superficie de la toiture pour ce qui concerne notre problématique d'implantation de panneaux solaires, à la condition toutefois qu'il existe une stricte et réelle hétérogénéité fonctionnelle entre le volume « habitation » et le volume « panneaux solaires », et que soit mise en place conventionnellement « une organisation dotée de la personnalité morale et suffisamment structurée pour assurer la gestion de leurs éléments et services communs ». La constitution d'une association syndicale libre serait alors une solution envisageable.
Il convient toutefois de rester prudent sur cette option, la jurisprudence n'ayant pas encore tranché la question, même si la cour d'appel d'Aix-en-Provence a pu, dans un arrêt du 28 mars 2017, définir le bâtiment unique comme celui présentant une homogénéité à la fois structurelle et fonctionnelle.