Seul le souscripteur d'un contrat d'assurance-vie peut en désigner le bénéficiaire. L'attribution du bénéfice du contrat n'est pas une libéralité, le conjoint bénéficiaire ne peut pas cantonner s'il souhaite prendre une quotité moindre que celle qui lui a été allouée.
Les clauses à option
Les clauses à option
La clause bénéficiaire peut conférer au bénéficiaire une faculté de choix ; procédant de la volonté du souscripteur, elle est licite ; en effet, aucun texte ne l'interdit (§ I).
Pratiquement, cela suppose l'insertion d'options dans la clause bénéficiaire : l'époux bénéficiaire pourra choisir entre différentes quotités de garantie selon les modalités prévues par la clause (§ II).
La validité des clauses à option
– Clause alternative. – Inclure des options dans la clause bénéficiaire revient à rédiger une clause alternative. Certaines compagnies d'assurance sont cependant hostiles à la rédaction de telles clauses au motif que celles-ci contreviendraient aux règles de la stipulation pour autrui et que leur application pourrait entraîner, pour la fraction reçue par les bénéficiaires autres que celui qui bénéficie du choix des quotités, une imposition aux droits de mutation à titre gratuit. Pour éviter ce risque, ces assureurs préfèrent privilégier une division des primes (par ex., par la souscription de plusieurs contrats avec des clauses identiques permettant au conjoint de renoncer à un ou plusieurs bénéfices) ou du capital (ce qui suppose de rédiger une clause répartissant la garantie entre plusieurs bénéficiaires), ce qui ne correspond pas toujours à la volonté du souscripteur.
– Clause à options et stipulation pour autrui. – Le contrat d'assurance-vie est analysé comme une stipulation pour autrui qui permet de créer un droit au profit d'un tiers comme au profit d'une partie au contrat. Ce mécanisme permet au souscripteur d'user de la même liberté que celle dont il pourrait user en réalisant une donation ou un legs. Or, un disposant peut parfaitement rédiger un legs alternatif, c'est-à-dire un legs dont l'objet est à choisir entre plusieurs choses, par exemple un capital ou une rente, une rente ou un usufruit. On peut donc imaginer qu'un souscripteur exprime une volonté identique dans sa clause bénéficiaire permettant au bénéficiaire de choisir telle ou telle part du capital dû, sans que ce choix puisse être analysé comme une renonciation.
– Clause à options et droit de l'assurance-vie. – Il a été également objecté qu'une telle clause serait contraire au caractère personnel de la désignation du bénéficiaire. En effet, la clause à options permet au bénéficiaire qui en profite de choisir la fraction et la nature de droits qu'il entend recevoir. Ce choix a pour conséquence de déterminer l'étendue des droits que recevront effectivement les autres bénéficiaires.
Le Code des assurances lui-même admet que le souscripteur peut conférer au conjoint, dans certains cas, la possibilité de choisir la quotité qu'il entend effectivement recevoir. En effet, selon l'article L. 132-8 du Code des assurances, « les héritiers, ainsi désignés, ont droit au bénéfice de l'assurance en proportion de leurs parts héréditaires ». En application de la clause, chaque héritier de rang préférable recevra une fraction de garantie correspondant à ses droits dans la succession. Lorsque l'assuré laisse à sa survivance son époux et un ou plusieurs enfants communs, l'attribution de la garantie se fera en fonction de la volonté exprimée par le conjoint, en application de l'article 757 du Code civil (option entre le quart en pleine propriété ou la totalité en usufruit). Si donc le souscripteur peut offrir au conjoint la possibilité, par sa volonté, de choisir entre deux quotités, c'est que ce choix n'est pas incompatible avec la stipulation pour autrui et avec le droit de l'assurance-vie.
Par ailleurs le bénéficiaire, qui dispose de l'option, n'a pas la possibilité de choisir ceux qui recevront la valeur de la garantie. La délivrance de la garantie va s'effectuer dans le strict respect de la volonté du souscripteur.
– Clause à options et donation. – En matière d'assurance-vie, l'administration fiscale ne considère pas que le bénéficiaire de premier rang qui renonce réalise une libéralité au profit des bénéficiaires de second rang. Par ailleurs, en choisissant la quotité qu'il entend recevoir, le bénéficiaire ne se dépouille d'aucun droit sur le reste de la garantie, celui-ci ne lui ayant jamais appartenu.
L'administration fiscale a précisé sa position dans une réponse ministérielle Malhuret :
« M. Claude Malhuret attire l'attention de M. le Ministre des Finances et des Comptes publics sur la fiscalité des contrats d'assurance-vie.
Dans une clause bénéficiaire d'un contrat d'assurance sur la vie, le stipulant a précisé que le bénéficiaire en premier pourrait n'accepter qu'une quotité du capital, par exemple 100 %, 75 % ou 50 %, la fraction non acceptée du capital revenant au bénéficiaire en second désigné par le stipulant lui-même.
Il lui demande de confirmer que les droits de succession éventuellement dus, en application de l'article 757 B du CGI, sur la fraction du capital profitant alors au bénéficiaire de second rang seront liquidés en fonction du lien de parenté entre le second bénéficiaire et l'assuré, et certainement pas en fonction du lien de parenté entre le bénéficiaire en premier et le bénéficiaire en second, l'acceptation partielle comme le refus total du bénéficiaire en premier ne pouvant nullement être constitutifs d'une libéralité indirecte entre le bénéficiaire en premier et le bénéficiaire en second ».
La réponse a été la suivante :
« Aux termes de l'article 757 B du CGI, les sommes, rentes ou valeurs quelconques dues directement ou indirectement par un assureur, à raison du décès de l'assuré, donnent ouverture aux droits de mutation par décès suivant le degré de parenté existant entre le bénéficiaire à titre gratuit et l'assuré, à concurrence de la fraction des primes versées après l'âge de soixante-dix ans qui excède 30 500 €. Ces principes s'appliquent quel que soit le rang du bénéficiaire dans l'hypothèse où, en cas de renonciation totale ou partielle du premier bénéficiaire, le contrat d'assurance-vie prévoit un ou plusieurs bénéficiaires successifs. Par suite, les droits de succession éventuellement dus sur la fraction qui excède 30 500 € des primes acquittées après le soixante-dixième anniversaire de l'assuré, sont toujours liquidés en fonction du lien de parenté existant entre le bénéficiaire effectif des versements et l'assuré. Il est rappelé que l'abattement précité de 30 500 € est global, quels que soient le nombre de bénéficiaires aux contrats et le nombre de contrats souscrits par l'assuré. Par conséquent, en cas de renonciation partielle des premiers bénéficiaires d'un ou de plusieurs contrats et d'attribution des restes à un ou plusieurs bénéficiaires en second, l'abattement de 30 500 € sera réparti entre l'ensemble des bénéficiaires effectifs des différents contrats souscrits par l'assuré au prorata de la part leur revenant dans les primes taxables versées au titre de l'ensemble de ces contrats ».
Quelle que soit la rédaction de la clause, en déterminant la quotité qu'il entend recevoir, le bénéficiaire ne renonce à rien puisqu'il n'avait encore rien acquis. Il ne fait qu'exécuter la volonté du souscripteur puisqu'il ne choisit qu'une des quotités fixées par le souscripteur.
La typologie des clauses à option
– Les clauses à option sont de deux types :
- les clauses « miroirs » qui offrent au conjoint de l'assuré des droits sur la garantie équivalents à ceux dont il est titulaire dans la succession de l'assuré ;
- les clauses qui organisent un choix de quotités autonomes de celles dont peut éventuellement bénéficier le conjoint sur la succession.
Clause à options « miroirs »
Si la validité de cette clause ne fait aucun doute, elle n'offre cependant d'options que dans la mesure où le conjoint en bénéficie dans la liquidation successorale.
Le doyen Jean Aulagnier a proposé leur rédaction comme suit : « Je désigne pour bénéficiaires de mon contrat d'assurance mon épouse, à défaut mes héritiers. Dans le cas où mon épouse n'accepterait pas la totalité du bénéfice du contrat, celui-ci bénéficiera à mes héritiers en proportion de leurs droits héréditaires en application des dispositions de l'article L. 132-8 du Code des assurances. Mes héritiers devront produire à l'assureur une copie de la déclaration d'options faite dans le cadre du règlement de ma succession (ou une copie de l'acte de notoriété) précisant la nature de leurs droits héréditaires. L'assureur pourra alors régler les capitaux revenant à chacun des bénéficiaires ».
La clause peut également intégrer l'équivalent d'une clause de cantonnement :
Modèle de clause de cantonnement
Je désigne comme bénéficiaire en cas de décès du contrat no …. que j'ai souscrit le …. auprès de la compagnie …. : mon conjoint, non divorcé, non séparé de corps, non engagé dans une procédure de divorce (ajouter éventuellement : ou de séparation de corps) au jour de mon décès. La présente désignation bénéficiaire sera donc caduque en cas d'instance en divorce. Cependant, si dans le mois suivant la réception par l'assureur des pièces nécessaires au paiement, mon conjoint, en application des dispositions de l'article 1094-1, alinéa 2 du Code civil, a cantonné son émolument sur une partie des biens dont il a été disposé en sa faveur, la garantie sera acquise par ce dernier à hauteur de la même quotité. Le surplus sera attribué à mes enfants, nés ou à naître, par parts égales. À défaut de l'un d'entre eux, pour quelque cause que ce soit, la fraction de la garantie à laquelle il aurait eu droit sera attribuée à ses descendants par parts égales. À défaut, la garantie sera acquise par mes héritiers légaux.
Clause à options proprement dites
La clause peut être rédigée de façon à laisser au conjoint une pleine liberté quant au choix de la quotité de garantie qu'il entend recevoir. Ces quotités peuvent reprendre exactement celles de l'article 1094-1 du Code civil, mais elles peuvent naturellement être différentes.
Modèle de clause avec choix de la quotité de garantie
À mon décès, les sommes seront versées par l'assureur aux bénéficiaires désignés ci-après sous les conditions ci-après déterminées. En cas de survie de mon conjoint, ce dernier recueillera à son choix, soit le quart en pleine propriété de la garantie et le reste en usufruit, soit l'usufruit de l'intégralité de la garantie souscrite. Quel que soit son choix, le conjoint jouira d'un quasi-usufruit sur les fonds recueillis, en application de l'article 587 du Code civil. Le surplus sera attribué à mes enfants, nés ou à naître, par parts égales. À défaut de l'un d'entre eux pour quelque cause que ce soit, la fraction de garantie auquel il aurait eu droit sera attribuée à ses descendants, par parts égales. En cas de prédécès de mon conjoint ou de non-acceptation par lui du bénéfice du contrat, ce dernier sera recueilli en pleine propriété par mes enfants ou à leurs descendants par parts égales.