Les clauses particulières

Les clauses particulières

La rédaction de la clause bénéficiaire est une tâche particulièrement complexe puisqu'elle s'inscrit généralement dans une stratégie patrimoniale de transmission qui nécessite de tenir compte de la situation familiale du souscripteur et donc des autres dispositions qu'il a pu prendre dans le cadre de cette stratégie.
C'est particulièrement vrai lorsque le souscripteur souhaite protéger son conjoint, sans défavoriser ses enfants, en affectant une partie de son patrimoine à un contrat d'assurance-vie. Le souscripteur peut souhaiter attribuer à son conjoint une compétence partagée pour déterminer la répartition de la garantie entre les différents bénéficiaires et va donc attribuer au conjoint sur la valeur du contrat les mêmes prérogatives que celles dont il dispose en vertu de la loi sur l'émolument issu d'une donation au dernier vivant ; cela suppose l'insertion d'options dans la clause bénéficiaire : l'époux bénéficiaire pourra choisir entre différentes quotités de garantie selon les modalités prévues par la clause (Sous-section I).
Le souscripteur, toujours dans le cadre de sa stratégie patrimoniale et de protection de son conjoint survivant, pourra être amené à rédiger des clauses bénéficiaires de ses contrats d'assurance-vie en démembrement. Cela nécessitera une fois encore que le rédacteur de la clause soit très précis quant aux modalités de ce démembrement (Sous-section II).

Les clauses à option

Seul le souscripteur d'un contrat d'assurance-vie peut en désigner le bénéficiaire. L'attribution du bénéfice du contrat n'est pas une libéralité, le conjoint bénéficiaire ne peut pas cantonner s'il souhaite prendre une quotité moindre que celle qui lui a été allouée.
La clause bénéficiaire peut conférer au bénéficiaire une faculté de choix ; procédant de la volonté du souscripteur, elle est licite ; en effet, aucun texte ne l'interdit (§ I).
Pratiquement, cela suppose l'insertion d'options dans la clause bénéficiaire : l'époux bénéficiaire pourra choisir entre différentes quotités de garantie selon les modalités prévues par la clause (§ II).

La validité des clauses à option

– Clause alternative. – Inclure des options dans la clause bénéficiaire revient à rédiger une clause alternative. Certaines compagnies d'assurance sont cependant hostiles à la rédaction de telles clauses au motif que celles-ci contreviendraient aux règles de la stipulation pour autrui et que leur application pourrait entraîner, pour la fraction reçue par les bénéficiaires autres que celui qui bénéficie du choix des quotités, une imposition aux droits de mutation à titre gratuit. Pour éviter ce risque, ces assureurs préfèrent privilégier une division des primes (par ex., par la souscription de plusieurs contrats avec des clauses identiques permettant au conjoint de renoncer à un ou plusieurs bénéfices) ou du capital (ce qui suppose de rédiger une clause répartissant la garantie entre plusieurs bénéficiaires), ce qui ne correspond pas toujours à la volonté du souscripteur.
– Clause à options et stipulation pour autrui. – Le contrat d'assurance-vie est analysé comme une stipulation pour autrui qui permet de créer un droit au profit d'un tiers comme au profit d'une partie au contrat. Ce mécanisme permet au souscripteur d'user de la même liberté que celle dont il pourrait user en réalisant une donation ou un legs. Or, un disposant peut parfaitement rédiger un legs alternatif, c'est-à-dire un legs dont l'objet est à choisir entre plusieurs choses, par exemple un capital ou une rente, une rente ou un usufruit. On peut donc imaginer qu'un souscripteur exprime une volonté identique dans sa clause bénéficiaire permettant au bénéficiaire de choisir telle ou telle part du capital dû, sans que ce choix puisse être analysé comme une renonciation.
– Clause à options et droit de l'assurance-vie. – Il a été également objecté qu'une telle clause serait contraire au caractère personnel de la désignation du bénéficiaire. En effet, la clause à options permet au bénéficiaire qui en profite de choisir la fraction et la nature de droits qu'il entend recevoir. Ce choix a pour conséquence de déterminer l'étendue des droits que recevront effectivement les autres bénéficiaires.
Le Code des assurances lui-même admet que le souscripteur peut conférer au conjoint, dans certains cas, la possibilité de choisir la quotité qu'il entend effectivement recevoir. En effet, selon l'article L. 132-8 du Code des assurances, « les héritiers, ainsi désignés, ont droit au bénéfice de l'assurance en proportion de leurs parts héréditaires ». En application de la clause, chaque héritier de rang préférable recevra une fraction de garantie correspondant à ses droits dans la succession. Lorsque l'assuré laisse à sa survivance son époux et un ou plusieurs enfants communs, l'attribution de la garantie se fera en fonction de la volonté exprimée par le conjoint, en application de l'article 757 du Code civil (option entre le quart en pleine propriété ou la totalité en usufruit). Si donc le souscripteur peut offrir au conjoint la possibilité, par sa volonté, de choisir entre deux quotités, c'est que ce choix n'est pas incompatible avec la stipulation pour autrui et avec le droit de l'assurance-vie.
Par ailleurs le bénéficiaire, qui dispose de l'option, n'a pas la possibilité de choisir ceux qui recevront la valeur de la garantie. La délivrance de la garantie va s'effectuer dans le strict respect de la volonté du souscripteur.
– Clause à options et donation. – En matière d'assurance-vie, l'administration fiscale ne considère pas que le bénéficiaire de premier rang qui renonce réalise une libéralité au profit des bénéficiaires de second rang. Par ailleurs, en choisissant la quotité qu'il entend recevoir, le bénéficiaire ne se dépouille d'aucun droit sur le reste de la garantie, celui-ci ne lui ayant jamais appartenu.
L'administration fiscale a précisé sa position dans une réponse ministérielle Malhuret :
« M. Claude Malhuret attire l'attention de M. le Ministre des Finances et des Comptes publics sur la fiscalité des contrats d'assurance-vie.
Dans une clause bénéficiaire d'un contrat d'assurance sur la vie, le stipulant a précisé que le bénéficiaire en premier pourrait n'accepter qu'une quotité du capital, par exemple 100 %, 75 % ou 50 %, la fraction non acceptée du capital revenant au bénéficiaire en second désigné par le stipulant lui-même.
Il lui demande de confirmer que les droits de succession éventuellement dus, en application de l'article 757 B du CGI, sur la fraction du capital profitant alors au bénéficiaire de second rang seront liquidés en fonction du lien de parenté entre le second bénéficiaire et l'assuré, et certainement pas en fonction du lien de parenté entre le bénéficiaire en premier et le bénéficiaire en second, l'acceptation partielle comme le refus total du bénéficiaire en premier ne pouvant nullement être constitutifs d'une libéralité indirecte entre le bénéficiaire en premier et le bénéficiaire en second ».
La réponse a été la suivante :
« Aux termes de l'article 757 B du CGI, les sommes, rentes ou valeurs quelconques dues directement ou indirectement par un assureur, à raison du décès de l'assuré, donnent ouverture aux droits de mutation par décès suivant le degré de parenté existant entre le bénéficiaire à titre gratuit et l'assuré, à concurrence de la fraction des primes versées après l'âge de soixante-dix ans qui excède 30 500 €. Ces principes s'appliquent quel que soit le rang du bénéficiaire dans l'hypothèse où, en cas de renonciation totale ou partielle du premier bénéficiaire, le contrat d'assurance-vie prévoit un ou plusieurs bénéficiaires successifs. Par suite, les droits de succession éventuellement dus sur la fraction qui excède 30 500 € des primes acquittées après le soixante-dixième anniversaire de l'assuré, sont toujours liquidés en fonction du lien de parenté existant entre le bénéficiaire effectif des versements et l'assuré. Il est rappelé que l'abattement précité de 30 500 € est global, quels que soient le nombre de bénéficiaires aux contrats et le nombre de contrats souscrits par l'assuré. Par conséquent, en cas de renonciation partielle des premiers bénéficiaires d'un ou de plusieurs contrats et d'attribution des restes à un ou plusieurs bénéficiaires en second, l'abattement de 30 500 € sera réparti entre l'ensemble des bénéficiaires effectifs des différents contrats souscrits par l'assuré au prorata de la part leur revenant dans les primes taxables versées au titre de l'ensemble de ces contrats ».
Quelle que soit la rédaction de la clause, en déterminant la quotité qu'il entend recevoir, le bénéficiaire ne renonce à rien puisqu'il n'avait encore rien acquis. Il ne fait qu'exécuter la volonté du souscripteur puisqu'il ne choisit qu'une des quotités fixées par le souscripteur.

La typologie des clauses à option

– Les clauses à option sont de deux types :
  • les clauses « miroirs » qui offrent au conjoint de l'assuré des droits sur la garantie équivalents à ceux dont il est titulaire dans la succession de l'assuré ;
  • les clauses qui organisent un choix de quotités autonomes de celles dont peut éventuellement bénéficier le conjoint sur la succession.

Clause à options « miroirs »

Si la validité de cette clause ne fait aucun doute, elle n'offre cependant d'options que dans la mesure où le conjoint en bénéficie dans la liquidation successorale.
Le doyen Jean Aulagnier a proposé leur rédaction comme suit : « Je désigne pour bénéficiaires de mon contrat d'assurance mon épouse, à défaut mes héritiers. Dans le cas où mon épouse n'accepterait pas la totalité du bénéfice du contrat, celui-ci bénéficiera à mes héritiers en proportion de leurs droits héréditaires en application des dispositions de l'article L. 132-8 du Code des assurances. Mes héritiers devront produire à l'assureur une copie de la déclaration d'options faite dans le cadre du règlement de ma succession (ou une copie de l'acte de notoriété) précisant la nature de leurs droits héréditaires. L'assureur pourra alors régler les capitaux revenant à chacun des bénéficiaires ».
La clause peut également intégrer l'équivalent d'une clause de cantonnement :

Modèle de clause de cantonnement

Je désigne comme bénéficiaire en cas de décès du contrat no …. que j'ai souscrit le …. auprès de la compagnie …. : mon conjoint, non divorcé, non séparé de corps, non engagé dans une procédure de divorce (ajouter éventuellement : ou de séparation de corps) au jour de mon décès. La présente désignation bénéficiaire sera donc caduque en cas d'instance en divorce. Cependant, si dans le mois suivant la réception par l'assureur des pièces nécessaires au paiement, mon conjoint, en application des dispositions de l'article 1094-1, alinéa 2 du Code civil, a cantonné son émolument sur une partie des biens dont il a été disposé en sa faveur, la garantie sera acquise par ce dernier à hauteur de la même quotité. Le surplus sera attribué à mes enfants, nés ou à naître, par parts égales. À défaut de l'un d'entre eux, pour quelque cause que ce soit, la fraction de la garantie à laquelle il aurait eu droit sera attribuée à ses descendants par parts égales. À défaut, la garantie sera acquise par mes héritiers légaux.

Clause à options proprement dites

La clause peut être rédigée de façon à laisser au conjoint une pleine liberté quant au choix de la quotité de garantie qu'il entend recevoir. Ces quotités peuvent reprendre exactement celles de l'article 1094-1 du Code civil, mais elles peuvent naturellement être différentes.

Modèle de clause avec choix de la quotité de garantie

À mon décès, les sommes seront versées par l'assureur aux bénéficiaires désignés ci-après sous les conditions ci-après déterminées. En cas de survie de mon conjoint, ce dernier recueillera à son choix, soit le quart en pleine propriété de la garantie et le reste en usufruit, soit l'usufruit de l'intégralité de la garantie souscrite. Quel que soit son choix, le conjoint jouira d'un quasi-usufruit sur les fonds recueillis, en application de l'article 587 du Code civil. Le surplus sera attribué à mes enfants, nés ou à naître, par parts égales. À défaut de l'un d'entre eux pour quelque cause que ce soit, la fraction de garantie auquel il aurait eu droit sera attribuée à ses descendants, par parts égales. En cas de prédécès de mon conjoint ou de non-acceptation par lui du bénéfice du contrat, ce dernier sera recueilli en pleine propriété par mes enfants ou à leurs descendants par parts égales.

Les clauses bénéficiaires démembrées

Les clauses bénéficiaires démembrées

– Usufruit et contrat d'assurance-vie. – La combinaison des articles 579 et 581 du Code civil permet d'envisager la constitution volontaire d'un usufruit sur une somme d'argent ou sur des titres.
Pour une assurance-vie, on pourra donc conseiller des clauses qui permettent de désigner une personne déterminée comme bénéficiaire en usufruit et une ou plusieurs autres comme bénéficiaires en nue-propriété. Bien évidemment, la clause peut prévoir par exemple qu'une fraction de la garantie sera acquise en pleine propriété et une autre en démembrement par les mêmes bénéficiaires ou par des bénéficiaires différents. La clause peut également stipuler une pluralité, voire une succession de bénéficiaires en usufruit, par le biais d'une clause de réversibilité. La clause peut également ne mettre en place qu'un démembrement temporaire de propriété.
Comme toujours, la rédaction de la clause bénéficiaire démembrée doit être pensée en tenant compte des objectifs et de la situation du souscripteur ; aussi le rédacteur de la clause doit être très précis quant aux modalités (§ I) et aux conséquences (§ II) de ce démembrement.

Les modalités du démembrement

Les droits de l'usufruitier
La clause bénéficiaire démembrée doit être très précise quant au mode de règlement de la garantie, quant à la durée de l'usufruit, ainsi qu'aux conséquences du prédécès ou de la renonciation des bénéficiaires, en particulier du nu-propriétaire.
La garantie décès d'un contrat d'assurance-vie peut être délivrée sous plusieurs formes : en capital le plus souvent, en rente issue ou non de l'aliénation d'un capital, ou en titres dans de rares cas.
Si la sortie en rente est très usuelle dans certaines formes d'assurance, elle est à éviter dans la perspective d'un démembrement. L'article 588 du Code civil précise que : « L'usufruit d'une rente viagère donne aussi à l'usufruitier, pendant la durée de son usufruit, le droit d'en percevoir les arrérages, sans être tenu à aucune restitution », ce qui ne permet pas au nu-propriétaire de bénéficier d'une créance de restitution, et donc réduit l'intérêt fiscal de la clause.
Si le choix d'une sortie en rente a été pensé par le souscripteur comme un moyen de privilégier la constitution au profit du bénéficiaire de revenus pendant toute sa vie, il peut aussi atteindre cet objectif par une demande d'emploi des fonds démembrés sur un ou plusieurs supports rémunérés adaptés à l'évolution de la situation de l'usufruitier.
Il peut être utile d'insérer, dans la clause bénéficiaire, la faculté pour l'usufruitier d'exiger la conversion de l'usufruit en rente viagère. En effet, la conversion est un mode d'extinction du quasi-usufruit. « Il s'agit alors pour le quasi-usufruitier d'aliéner immédiatement l'actif qui constituait l'objet de son droit au profit du propriétaire grevé, moyennant le paiement par ce dernier d'une rente jusqu'au décès du crédirentier ».
La conversion n'est pas possible en l'absence de clause particulière, puisque l'article 759 du Code civil ne traite que de l'usufruit portant sur les biens successoraux.
Dans la plupart des hypothèses, la garantie sera délivrée en espèces. S'agissant de la sortie en capital, le rédacteur de la clause bénéficiaire doit essentiellement déterminer le degré de liberté que le souscripteur entend laisser à l'usufruitier dans l'emploi des fonds délivrés par l'assureur. Le souscripteur peut souhaiter laisser à l'usufruitier une liberté maximale, l'obliger à remployer sur un support ou le contraindre encore davantage par la constitution d'un usufruit et le remploi dans un support souscrit en démembrement. Il existe bien évidemment toute une diversité de formules envisageables.
La clause bénéficiaire peut également offrir à l'usufruitier la possibilité de choisir entre un démembrement et le partage de la garantie entre tous les bénéficiaires par ventilation de leurs droits respectifs. Dans ce cas, la clause doit préciser la clé de répartition de la garantie entre ces bénéficiaires
S'agissant de la sortie en espèces, le rédacteur doit tout d'abord préciser l'étendue des droits de l'usufruitier sur cette valeur : un usufruit ordinaire ou un quasi-usufruit. La clause peut également préciser les conséquences résultant de ce quasi-usufruit : l'usufruitier aura seul le choix des actifs acquis en remploi des sommes versées par l'assureur et il pourra procéder aux emplois ou remplois qu'il souhaite sans avoir à requérir l'avis des nus-propriétaires.
– La durée du démembrement. – L'objectif de la clause bénéficiaire démembrée est la protection du conjoint ou du partenaire. L'usufruit sera le plus souvent stipulé viager. Plus exceptionnellement l'usufruit sera temporaire, par exemple parce que le souscripteur voudra permettre au nu-propriétaire de bénéficier des fonds à un âge déterminé.
– La dévolution verticale de la garantie décès. – Le rédacteur doit prévoir le mode de dévolution de la garantie dans l'hypothèse où l'usufruitier ou le nu-propriétaire désigné ou l'un des deux ne peuvent pas recevoir la garantie.
Si le ou un des nus-propriétaires (un enfant de l'assuré) prédécède (ou renonce ou est indigne), il est recommandé de stipuler une clause de représentation ou une clause d'accroissement. Il faut également préciser qu'en cas de prédécès de tous les nus-propriétaires sans qu'ils laissent de descendance, la pleine propriété de la garantie décès sera attribuée au bénéficiaire de l'usufruit.
Si le ou un des nus-propriétaires survit à l'assuré mais décède avant l'usufruitier, le principe est que les droits du nu-propriétaire sont transmis selon les règles du droit des successions. En cas de quasi-usufruit, la preuve de l'existence de la créance sera établie par les héritiers du nu-propriétaire par les moyens qui ont été prévus par la clause, et en particulier par la convention de quasi-usufruit dont la clause aura prévu l'existence et dont l'objet est d'établir l'origine et le montant des sommes soumises au quasi-usufruit.
Les stipulations protectrices du nu-propriétaire
Le nu-propriétaire de la garantie décès bénéficie de la protection accordée à tout nu-propriétaire.
Lorsque la garantie porte sur une somme d'argent, l'obligation de dresser inventaire fixée à l'article 600 du Code civil est exécutée par l'assureur qui adresse au nu-propriétaire un acte de quittance du paiement fait à l'usufruitier.
L'article 601 du Code civil oblige quant à lui l'usufruitier à donner « caution de jouir raisonnablement, s'il n'en est dispensé par l'acte constitutif de l'usufruit ». Cette obligation de fournir une caution empruntera pour l'essentiel la forme d'une obligation d'investissement des fonds dans un support sécurisé. Le remploi s'effectue en démembrement et l'usufruitier ne dispose plus alors d'un quasi-usufruit, mais d'un usufruit simple. En revanche, si l'usufruitier a été dispensé par la clause du contrat d'assurance-vie de fournir caution, il devient titulaire d'un quasi-usufruit. Il peut alors disposer librement des sommes versées par l'assureur, comme s'il en était propriétaire, à charge de le restituer au nu-propriétaire au nominal, à la fin de l'usufruit. Au décès de l'usufruitier, le nu-propriétaire fera valoir sa créance de restitution contre la succession de l'usufruitier.

La créance de restitution

La preuve de l'existence de la créance de restitution
– Le principe. – La créance de restitution dont est bénéficiaire le nu-propriétaire est déductible de l'actif successoral en application de l'article 768 du Code général des impôts. Ainsi, les dettes à la charge du défunt sont déduites lorsque leur existence au jour de l'ouverture de la succession est dûment justifiée par tous modes de preuve compatibles avec la procédure écrite.
Par contre, l'article 773 du même code prévoit que ne sont pas déductibles les dettes consenties par le défunt au profit de ses héritiers ou de personnes interposées, mais autorise les héritiers à prouver la sincérité d'une telle dette et son existence au jour de l'ouverture de la succession, lorsqu'elle a été consentie par un acte authentique ou par un acte sous seing privé ayant acquis date certaine avant l'ouverture de la succession autrement que par le décès de l'une des parties contractantes.
– Le rôle de conseil du notaire. – Il est donc souhaitable que la clause prévoie la rédaction d'une convention de quasi-usufruit, par acte notarié ou sous signature privée enregistré, reprenant les énonciations de cette quittance. Cette convention précisera les pouvoirs de l'usufruitier sur l'objet du démembrement, tout en organisant les modalités de restitution lors du décès de l'usufruitier. Enfin, elle permettra au nu-propriétaire d'opposer à l'administration fiscale la créance de restitution qui sera portée au passif de la succession de l'usufruitier en cas d'usufruit viager.
Montant de la créance de restitution
– Le principe. – Le nu-propriétaire, en cas de quasi-usufruit, bénéficie d'une créance de restitution, contre l'usufruitier ou contre sa succession, exigible à l'extinction de l'usufruit. Le montant de cette créance est égal en principe à celui des capitaux perçus par l'usufruitier, par application de l'article 587 du Code civil.
L'absence de revalorisation de la créance de restitution conduit naturellement à une perte de valeur pour le nu-propriétaire. Il est donc possible d'envisager l'indexation de la créance de restitution, même si en pratique elle peut s'avérer délicate à mettre en œuvre.
– L'indexation. – Le principe de nominalisme monétaire n'étant pas d'ordre public, il pourra être écarté soit dans la clause bénéficiaire, soit dans la convention de quasi-usufruit. Cela permet de déterminer des modalités de revalorisation ou d'indexation de la créance de restitution. Si la clause bénéficiaire est restée silencieuse sur l'éventuelle revalorisation de la créance de restitution mais qu'elle a prévu la rédaction d'une convention de quasi-usufruit, les parties à cette convention pourront y insérer un mécanisme d'indexation de la créance de restitution. Il sera donc prudent de conseiller aux parties de rédiger une clause bénéficiaire intégrant l'indexation : « Concernant les modalités de la restitution au profit des nus-propriétaires, la convention de quasi-usufruit contiendra une clause d'indexation destinée à pallier les effets de la dépréciation monétaire » .
Pour éviter que le nu-propriétaire ne subisse la mauvaise gestion de l'usufruitier, il est possible dans la convention de quasi-usufruit de préciser que la créance de restitution sera au minimum égale à la valeur des capitaux effectivement délivrés par la compagnie d'assurance à l'usufruitier. La clause pourrait être rédigée ainsi : « Il est toutefois expressément convenu entre les comparants que si la somme dont l'usufruitier sera débiteur était inférieure au capital initial placé sur chaque support, la restitution se ferait au nominal ».
Si la clause bénéficiaire fixe le principe de l'indexation sans prévoir l'indice, celui-ci devra être choisi par les parties à la convention de quasi-usufruit. La clause précisera utilement les conséquences d'une absence d'accord entre les parties sur le choix de l'indice, en indiquant par exemple « qu'à défaut d'accord entre l'usufruitier et les nus-propriétaires sur le choix de l'indice, celui sera choisi par l'usufruitier ».
– L'application des articles L. 112-1 et suivants du Code monétaire et financier. – L'indexation de la dette de quasi-usufruit pose la question du choix de l'indice, rigoureusement encadré par les articles L. 112-1 et suivants du Code monétaire et financier. Selon ce texte, seuls les indices ayant une « relation directe avec l'objet du statut ou de la convention ou avec l'activité de l'une des parties » (C. monét. fin., art. L. 112-2) peuvent être choisis : « Est réputée en relation directe avec l'objet d'une convention relative à un immeuble bâti toute clause prévoyant une indexation sur la variation de l'indice national du coût de la construction publié par l'Institut national des statistiques et des études économiques ou, pour des activités commerciales définies par décret, sur la variation de l'indice trimestriel des loyers commerciaux publié dans des conditions fixées par ce même décret par l'Institut national de la statistique et des études économiques » (ibid.).
La créance de restitution ne pourra pas évoluer au gré de l'inflation. Elle ne pourra pas non plus être indexée sur le salaire minimum de croissance, sur le niveau général des prix ou des salaires ou sur les prix des biens, produits et services n'ayant pas de relation directe avec l'objet de la convention ou l'activité d'une des parties. S'agissant d'un quasi-usufruit portant sur un capital, l'indice pourrait être fixé en lien avec le support de placement choisi.
– L'indexation et la déduction fiscale. – Reste à savoir, une fois le calcul de la créance de restitution indexée obtenu, si ce montant pourra être déduit du calcul des droits de mutation à titre gratuit dans la succession du débiteur de la restitution. L'administration fiscale s'est prononcée sur cette question par une réponse ministérielle en indiquant : « En ce qui concerne le montant déductible, l'administration a précisé que le droit de l'usufruitier ne peut, au point de vue fiscal, être réputé avoir porté sur une valeur supérieure à celle qui a été déclarée pour la liquidation de l'impôt lors de la constitution de l'usufruit ». Même si cette position ne figure pas au BOFiP, on peut sans doute considérer qu'elle reflète la position de l'administration qui ne manque pas de proposer aux héritiers des redressements qui limitent la déduction fiscale à la valeur nominale de la créance.
Les conséquences fiscales du démembrement de la garantie
Le rédacteur de la clause bénéficiaire doit tenir compte du régime fiscal applicable à la clause et en particulier des charges pesant sur le nu-propriétaire. Comment faire, alors, pour que le quasi-usufruitier, par la clause de démembrement, puisse appréhender le capital versé et pour que le nu-propriétaire puisse faire face à ses obligations fiscales ?
L'article 990 I du Code général des impôts prévoit que tout bénéficiaire dispose en principe d'un abattement de 152 500 €. Cependant, sur la fraction de garantie, objet du démembrement, usufruitier et nu-propriétaire ne peuvent respectivement imputer qu'une fraction de l'abattement calculée au prorata de leur droit sur la garantie, évaluée en application de l'article 669 du même code. Par ailleurs, si l'un des bénéficiaires est exonéré de la taxe, la fraction de l'abattement dont il bénéficiait ne profite pas aux redevables non exonérés.
Le prélèvement de la taxe de l'article 990 I du Code général des impôts est effectué par l'assureur à la source. En cas de quasi-usufruit, il est nécessairement supporté par l'usufruitier. Celui-ci, réglant la dette fiscale du nu-propriétaire, devient donc son créancier. Il devrait alors lui demander le remboursement de l'avance de fonds, ce qui est rarement le cas dans les faits et pourrait être analysé comme une donation indirecte
Pour éviter cette conséquence, il peut être utile :
  • de préciser dans la clause bénéficiaire, à titre de charge, que le paiement des droits incombe à l'usufruitier , ce qui pour certains auteurs multiplie le risque de requalification en donation indirecte. Même si, dans ce cas, il y a paiement pour autrui, l'intention libérale fait clairement défaut puisque ce paiement a été imposé dans la clause par le souscripteur ;
  • de prévoir dans la clause l'attribution de droits en pleine propriété d'un montant suffisant pour permettre au nu-propriétaire de supporter les conséquences fiscales du dénouement du contrat. Même si l'attribution de droits en pleine propriété permet au nu-propriétaire de bénéficier de son abattement plein et entier, se pose la question de la détermination de la fraction de la garantie à attribuer en pleine propriété pour permettre au nu-propriétaire de régler sa fiscalité.
« En cas de survie de mon conjoint, ce dernier recueillera l'usufruit de la partie de la garantie qui n'aura pas été, dans les conditions précisées ci-dessous, attribuée à mes enfants nés ou à naître, vivants ou représentés, par parts égales entre eux. Mon conjoint jouira d'un quasi-usufruit sur les fonds recueillis, en application de l'article 587 du Code civil. La nue-propriété reviendra à mes enfants nés ou à naître, vivants ou représentés, par parts égales entre eux. Chacun de mes enfants recevra en pleine propriété une fraction de la garantie équivalente à la part de l'abattement de l'article 990 I du Code général des impôts, ou de tout autre texte qui lui aura été substitué, qui n'est pas affectée aux droits en nue-propriété dont il est par ailleurs titulaire. En cas de prédécès de mon conjoint ou de non-acceptation par lui du bénéfice du contrat, ce dernier sera recueilli en pleine propriété par mes enfants ».
Il a ainsi été proposé d'attribuer à l'enfant uniquement les droits permettant de payer la taxe due en application de l'article 990 I du Code général des impôts. La complexité de la méthode de calcul envisagée pour arriver à ce résultat peut se montrer dissuasive pour le souscripteur.
La même question se pose si l'article 757 B du Code général des impôts trouve à s'appliquer au décès du souscripteur.
Selon cet article, lorsque tout ou partie des primes versées par le souscripteur l'a été après le soixante-dixième anniversaire de l'assuré, la fraction de la garantie correspondant à ces primes est soumise aux droits de succession. Cependant, seul le montant des primes versées après soixante-dix ans, et après abattement global de 30 500 €, est pris en compte. En cas de démembrement de la clause bénéficiaire, le nu-propriétaire et l'usufruitier sont là encore considérés comme bénéficiaires au prorata de la part leur revenant dans les sommes, rentes ou valeurs versées, déterminé selon le barème prévu à l'article 669 du Code général des impôts. Le nu-propriétaire doit donc supporter, au décès de l'assuré, le paiement de droits, sans recevoir, en cas de clause bénéficiaire démembrée simple, de fonds permettant de les acquitter. Les mêmes solutions proposées supra peuvent donc être envisagées.
Même lorsqu'elle est simple, la rédaction de la clause bénéficiaire doit faire l'objet de soins attentifs et son contenu doit être actualisé en fonction des évolutions de la situation personnelle du souscripteur. Il est donc nécessaire de penser la clause dès le départ, de façon à anticiper les évolutions prévisibles de la situation du souscripteur et de la rédiger d'une manière intelligible par tous et de façon complète. Le notaire a un rôle important à jouer en matière de conseil lorsqu'il est interrogé sur la rédaction des clauses bénéficiaires des contrats d'assurance de ses clients.

Propositions de clauses bénéficiaires

Capital revenant aux enfants mariés sous un régime de la communauté ou de participation aux acquêts
Je désigne comme bénéficiaire mon fils A, né le ….
Si, lors de mon décès, mon fils est marié sous un régime de communauté, lors de la délivrance du bénéfice du contrat ce dernier ne tombera pas en communauté, mais lui restera propre.
Ou : Si lors de mon décès, mon fils est marié sous un régime de communauté lors de la délivrance du bénéfice du contrat, ce dernier fera partie de la communauté existant entre lui et son épouse.
Je désigne comme bénéficiaire mon fils A, né le ….
Si lors de mon décès, mon fils est marié sous un régime de participation aux acquêts, lors de la délivrance du bénéfice du contrat, pour la détermination de la créance de participation, le bénéfice sera considéré pour lui comme un bien originaire au sens de l'article 1570 du Code civil.
Ou : Si lors de mon décès, mon fils est marié sous le régime de la participation aux acquêts lors de la délivrance du bénéfice du contrat, pour la détermination de la créance de participation, le bénéfice sera considéré comme faisant partie du patrimoine final au sens de l'article 1572 du Code civil.
Capital fractionnable
Je désigne comme bénéficiaire, par parts égales, mon petit-fils A, né le …., et ma petite-fille B née le …., ou en cas de prédécès, leurs héritiers en suivant les règles de la représentation.
La prestation est servie sous forme :
  • de dix annuités si le bénéficiaire a moins de dix-huit ans au jour du dénouement du contrat ;
  • de cinq annuités si le bénéficiaire a entre dix-huit ans et vingt-cinq ans au jour du dénouement du contrat ;
  • du capital si le bénéficiaire a vingt-cinq ans ou plus au jour du dénouement du contrat.
À défaut, mes héritiers en suivant les règles de la représentation.
Capital versé en une seule fois
Je désigne comme bénéficiaire, par parts égales, mon petit-fils A, né le …., et ma petite-fille B, née le …., ou en cas de prédécès, leurs héritiers en suivant les règles de la représentation.
Si, au jour du dénouement du contrat, le bénéficiaire a moins de vingt-cinq ans, la prestation sera transférée sur un contrat de capitalisation ouvert au nom du bénéficiaire, lequel sera inaliénable jusqu'à son vingt-cinquième anniversaire.
Si, au jour du dénouement du contrat, le bénéficiaire a au moins vingt-cinq ans, la prestation sera servie sans conditions particulières.
À défaut, mes héritiers en suivant les règles de la représentation.
Convention de quasi-usufruit et indexation de la créance de restitution
Je désigne comme bénéficiaire de l'ensemble de mes contrats d'assurance-vie :
1) Pour l'usufruit : mon conjoint non divorcé, non séparé de corps au jour du décès ;
pour la nue-propriété : mes enfants, par parts égales, vivants ou représentés. Si le conjoint perdait sa qualité de bénéficiaire, la prestation leur serait versée en totalité et en pleine propriété.
Conformément aux dispositions de l'article 587 du Code civil, la compagnie d'assurance versera l'intégralité de la prestation à l'usufruitier, exclusivement en numéraire, contre quittance du paiement de la somme nette perçue.
Ce règlement aura pour conséquences de :
  • constituer un droit de créance des nus-propriétaires à l'égard de l'usufruitier. La compagnie d'assurance informera chaque nu-propriétaire par écrit du droit constitué en lui précisant la date et le montant du règlement effectué à l'usufruitier. Les sommes dont l'usufruitier sera débiteur au terme de l'usufruit seront indexées ainsi qu'il suit : …. Toutefois, pour chacun des indices susvisés, si le jeu de ces derniers faisait que la somme dont l'usufruitier sera débiteur au titre de chacun d'entre eux était inférieure au capital initial placé sur chaque support, la restitution se ferait au nominal.Les bénéficiaires au titre de la nue-propriété ne pourront exiger ni caution ni emploi des sommes versées par l'assureur au titre de ladite créance ;
  • libérer la compagnie d'assurance de ses obligations contractuelles.
Si, en raison des dispositions fiscales en vigueur le jour du dénouement du contrat, il est dû des droits et taxes à l'État par les bénéficiaires en nue-propriété, le bénéficiaire en usufruit devra en assurer le paiement par prélèvement sur la somme due par la compagnie. La créance du nu-propriétaire sera réduite du montant des droits ou taxes payés pour son compte.
2) En cas de prédécès de mon conjoint, mes enfants, par parts égales, vivants ou représentés, à défaut mes héritiers.