Lorsqu'il rédige, à la demande de ses clients, une donation au profit de leurs descendants, le praticien va les interroger sur l'opportunité d'insérer à l'acte un droit de retour sur les biens donnés. Cette possibilité permet de protéger le donateur et le patrimoine donné dans des conditions civiles et fiscales favorables.
Le droit de retour conventionnel
Le droit de retour conventionnel
– Nature du droit de retour. – Le droit de retour conventionnel est une condition résolutoire du contrat de donation prévue à l'article 951 du Code civil : la clause de retour conventionnel permet au seul donateur de prévoir qu'il récupérera les biens donnés si le donataire vient à décéder, avec ou sans descendance, avant lui. La donation qui a été consentie est annulée et l'objet de la donation retourne dans le patrimoine du donateur, la libéralité consentie étant considérée comme n'ayant rétroactivement jamais existé. Cet « anéantissement » rétroactif a un double avantage civil et fiscal quand le donateur souhaite voir les biens donnés maintenus dans la famille d'origine. Avantage civil, puisque les biens échappent à la succession et donc aux héritiers mais aussi aux créanciers du donataire décédé. Avantage fiscal, puisque le donateur reprend le bien sans que cela soit considéré comme une mutation taxable, le bien étant supposé ne jamais avoir été la propriété du donataire défunt. L'insertion d'une clause de retour est particulièrement importante dans un contexte général d'allongement de l'espérance de vie. Par le biais de cette clause, le parent donateur a l'assurance de récupérer, sans impôt successoral, le bien qu'il a donné à son enfant prédécédé, parfois de nombreuses années auparavant.
Cela permet ensuite au donateur de procéder à une nouvelle donation de ces biens, par exemple aux frères et sœurs du défunt ou aux enfants du défunt (petits-enfants des donateurs), en continuant à bénéficier des règles de transmission fiscalement avantageuses des donations, et par ailleurs en profitant des dispositions de l'article 791 ter du Code général des impôts (imputation des droits payés sur la première donation lors de la seconde donation ou restitution des droits payés).
Rappels sur les droits de retour légaux
Le droit français prévoit plusieurs types de droit de retour : le droit de retour prévu par la loi (droit de retour légal) et le droit de retour prévu par une clause figurant dans l'acte de donation (droit de retour conventionnel).
Droit de retour légal en faveur des parents. Le droit de retour en faveur des parents est institué par l'article 738-2 du Code civil. Il concerne le cas des père et/ou mère du défunt quand ce dernier décède avant eux et sans postérité.
Le père ou la mère, ou les deux, peuvent alors exercer leur droit de retour, c'est-à-dire qu'ils peuvent récupérer les biens que leur enfant défunt avait reçus d'eux par donation. Mais ils ne peuvent récupérer les biens donnés qu'à hauteur de leur quote-part légale dans la succession telle que définie par le premier alinéa de l'article 738 du Code civil (¼ de la succession pour le père et ¼ pour la mère).
La valeur de la portion des biens soumise au droit de retour légal en faveur des parents s'impute en priorité sur les droits successoraux des père et mère.
Si le droit de retour légal ne peut pas s'exercer en nature, il doit se faire en valeur, dans la limite de l'actif successoral.
Droit de retour légal en faveur des frères et sœurs. Le droit de retour légal en faveur des frères et sœurs résulte de l'article 757-3 du Code civil. Si le père et la mère sont morts avant leur enfant, quand ce dernier décède en l'absence de descendants, les biens qu'il avait reçus de ses ascendants par donation ou succession et qui se retrouvent en nature dans sa succession reviennent pour moitié à ses frères et sœurs ou à leurs descendants, s'ils sont eux-mêmes descendants du ou des parents prédécédés qui sont à l'origine de la transmission du bien.
Le droit de retour conventionnel se distingue du droit de retour légal, qui joue de plein droit mais qui est plus limité dans son champ d'application. En effet, le droit de retour légal ne peut bénéficier au parent donateur qu'en cas de prédécès du donataire sans postérité alors que le droit de retour conventionnel peut être stipulé au profit du parent donateur soit pour le cas du prédécès du donataire seul, soit pour le cas du prédécès du donataire et de ses descendants.
Le droit de retour légal est en outre fragile, car il n'est en principe possible que si le donataire avait conservé en nature le bien dans son patrimoine. Au contraire, une clause de droit de retour conventionnel combinée à une clause de subrogation prévoira généralement que le droit de retour pourra porter sur le bien donné en tant que tel ou sur tous les biens qui lui seraient substitués ou qui viendraient en remplacement ou remploi. À cet égard, il conviendra de veiller avec les différents intermédiaires, financiers ou autres, à pouvoir retracer le cheminement des actifs donnés et les opérations sur ceux-ci afin d'aisément identifier ce sur quoi porte le droit de retour une fois que celui-ci devra être exercé.
– Retour conventionnel et ingénierie. – Pourtant, même si la clause de retour conventionnel est largement utilisée par les notaires dans leurs actes de donation, son utilisation peut entraîner des difficultés de mise en œuvre. Le droit de retour conventionnel n'est pas de nature successorale mais purement contractuelle : une fois encore, l'utilisation de formules « prêtes à l'emploi » peut s'avérer inappropriée. Il appartient au notaire, au titre de son ingénierie, de veiller à une rédaction adaptée après en avoir discuté avec ses clients afin que l'efficacité de la clause soit incontestable et conforme aux aspirations et souhaits de ces derniers.
Nous évoquerons ci-dessous diverses situations où le rôle du notaire, garant de l'efficacité de l'acte qu'il reçoit, est primordial pour guider les parties sur l'opportunité de l'insertion à l'acte de donation d'une clause de retour conventionnel et, dans l'affirmative, sur la rédaction de la clause. En effet, de la façon dont la clause aura été rédigée dépendra l'assiette du droit de retour. Aussi il appartient au notaire de vérifier la motivation des donateurs à insérer à l'acte une telle clause puisque, si la prescription posée à l'article 951 du Code civil sur le retour des « seuls biens donnés » paraît simple, elle peut susciter des difficultés d'appréciation quant à la détermination de son assiette (Sous-section I), notamment quand elle se trouve en concurrence avec d'autres clauses ou dispositions imposées par le donateur (Sous-sections II à VIII).