Lorsqu'il rédige, à la demande de ses clients, une donation au profit de leurs descendants, le praticien va les interroger sur l'opportunité d'insérer à l'acte un droit de retour sur les biens donnés. Cette possibilité permet de protéger le donateur et le patrimoine donné dans des conditions civiles et fiscales favorables.
Le droit de retour conventionnel
Le droit de retour conventionnel
Le droit de retour conventionnel
– Nature du droit de retour. – Le droit de retour conventionnel est une condition résolutoire du contrat de donation prévue à l'article 951 du Code civil : la clause de retour conventionnel permet au seul donateur de prévoir qu'il récupérera les biens donnés si le donataire vient à décéder, avec ou sans descendance, avant lui. La donation qui a été consentie est annulée et l'objet de la donation retourne dans le patrimoine du donateur, la libéralité consentie étant considérée comme n'ayant rétroactivement jamais existé. Cet « anéantissement » rétroactif a un double avantage civil et fiscal quand le donateur souhaite voir les biens donnés maintenus dans la famille d'origine. Avantage civil, puisque les biens échappent à la succession et donc aux héritiers mais aussi aux créanciers du donataire décédé. Avantage fiscal, puisque le donateur reprend le bien sans que cela soit considéré comme une mutation taxable, le bien étant supposé ne jamais avoir été la propriété du donataire défunt. L'insertion d'une clause de retour est particulièrement importante dans un contexte général d'allongement de l'espérance de vie. Par le biais de cette clause, le parent donateur a l'assurance de récupérer, sans impôt successoral, le bien qu'il a donné à son enfant prédécédé, parfois de nombreuses années auparavant.
Cela permet ensuite au donateur de procéder à une nouvelle donation de ces biens, par exemple aux frères et sœurs du défunt ou aux enfants du défunt (petits-enfants des donateurs), en continuant à bénéficier des règles de transmission fiscalement avantageuses des donations, et par ailleurs en profitant des dispositions de l'article 791 ter du Code général des impôts (imputation des droits payés sur la première donation lors de la seconde donation ou restitution des droits payés).
Rappels sur les droits de retour légaux
Le droit français prévoit plusieurs types de droit de retour : le droit de retour prévu par la loi (droit de retour légal) et le droit de retour prévu par une clause figurant dans l'acte de donation (droit de retour conventionnel).
Droit de retour légal en faveur des parents. Le droit de retour en faveur des parents est institué par l'article 738-2 du Code civil. Il concerne le cas des père et/ou mère du défunt quand ce dernier décède avant eux et sans postérité.
Le père ou la mère, ou les deux, peuvent alors exercer leur droit de retour, c'est-à-dire qu'ils peuvent récupérer les biens que leur enfant défunt avait reçus d'eux par donation. Mais ils ne peuvent récupérer les biens donnés qu'à hauteur de leur quote-part légale dans la succession telle que définie par le premier alinéa de l'article 738 du Code civil (¼ de la succession pour le père et ¼ pour la mère).
La valeur de la portion des biens soumise au droit de retour légal en faveur des parents s'impute en priorité sur les droits successoraux des père et mère.
Si le droit de retour légal ne peut pas s'exercer en nature, il doit se faire en valeur, dans la limite de l'actif successoral.
Droit de retour légal en faveur des frères et sœurs. Le droit de retour légal en faveur des frères et sœurs résulte de l'article 757-3 du Code civil. Si le père et la mère sont morts avant leur enfant, quand ce dernier décède en l'absence de descendants, les biens qu'il avait reçus de ses ascendants par donation ou succession et qui se retrouvent en nature dans sa succession reviennent pour moitié à ses frères et sœurs ou à leurs descendants, s'ils sont eux-mêmes descendants du ou des parents prédécédés qui sont à l'origine de la transmission du bien.
Le droit de retour conventionnel se distingue du droit de retour légal, qui joue de plein droit mais qui est plus limité dans son champ d'application. En effet, le droit de retour légal ne peut bénéficier au parent donateur qu'en cas de prédécès du donataire sans postérité alors que le droit de retour conventionnel peut être stipulé au profit du parent donateur soit pour le cas du prédécès du donataire seul, soit pour le cas du prédécès du donataire et de ses descendants.
Le droit de retour légal est en outre fragile, car il n'est en principe possible que si le donataire avait conservé en nature le bien dans son patrimoine. Au contraire, une clause de droit de retour conventionnel combinée à une clause de subrogation prévoira généralement que le droit de retour pourra porter sur le bien donné en tant que tel ou sur tous les biens qui lui seraient substitués ou qui viendraient en remplacement ou remploi. À cet égard, il conviendra de veiller avec les différents intermédiaires, financiers ou autres, à pouvoir retracer le cheminement des actifs donnés et les opérations sur ceux-ci afin d'aisément identifier ce sur quoi porte le droit de retour une fois que celui-ci devra être exercé.
– Retour conventionnel et ingénierie. – Pourtant, même si la clause de retour conventionnel est largement utilisée par les notaires dans leurs actes de donation, son utilisation peut entraîner des difficultés de mise en œuvre. Le droit de retour conventionnel n'est pas de nature successorale mais purement contractuelle : une fois encore, l'utilisation de formules « prêtes à l'emploi » peut s'avérer inappropriée. Il appartient au notaire, au titre de son ingénierie, de veiller à une rédaction adaptée après en avoir discuté avec ses clients afin que l'efficacité de la clause soit incontestable et conforme aux aspirations et souhaits de ces derniers.
Nous évoquerons ci-dessous diverses situations où le rôle du notaire, garant de l'efficacité de l'acte qu'il reçoit, est primordial pour guider les parties sur l'opportunité de l'insertion à l'acte de donation d'une clause de retour conventionnel et, dans l'affirmative, sur la rédaction de la clause. En effet, de la façon dont la clause aura été rédigée dépendra l'assiette du droit de retour. Aussi il appartient au notaire de vérifier la motivation des donateurs à insérer à l'acte une telle clause puisque, si la prescription posée à l'article 951 du Code civil sur le retour des « seuls biens donnés » paraît simple, elle peut susciter des difficultés d'appréciation quant à la détermination de son assiette (Sous-section I), notamment quand elle se trouve en concurrence avec d'autres clauses ou dispositions imposées par le donateur (Sous-sections II à VIII).
Assiette du droit de retour conventionnel dans une donation-partage
– Droit de retour et donation-partage. – Si, dans une donation ordinaire, l'application de la clause de droit de retour ne pose guère de difficulté, il n'en est pas de même en présence de donation-partage conjonctive ou cumulative : les biens émanant du patrimoine des deux parents (donation-partage conjonctive) ou de la succession du parent prédécédé et du conjoint survivant (donation-partage cumulative) constituent la masse unique qui va permettre de déterminer les lots des enfants donataires sans se référer à l'origine des biens. Si l'un seul des parents est amené à exercer son droit de retour, sur quels biens cela va-t-il pouvoir jouer ? Ce qui a été attribué au donataire décédé avant le donateur ne correspond pas systématiquement à ce qui lui a été donné par ce donateur. On fait la différence entre l'apportionnement (la valeur donnée) et l'allotissement (le bien reçu).
Sur cette question, la doctrine a distingué deux possibilités basées sur la motivation des donateurs à insérer à l'acte un droit de retour par souci de conserver les biens dans la famille ou seulement pour des raisons indemnitaires. Soit on retient le critère « origine des biens » et le donateur se voit restituer les seuls biens qu'il a transmis au donataire prédécédé. Soit on retient le critère « proportionnel » et le donateur recueille unequote-part du lot reçu par le donataire décédé, correspondant à la participation du donateur à la constitution de la masse unique des biens distribués. De son côté, la jurisprudence a suivi cette double qualification en se fondant sur la finalité du droit de retour exprimée par les donateurs.
Devant ces positions, le notaire doit donc rechercher la volonté des parties en leur expliquant que l'exercice du droit de retour dépendra du critère retenu : quand les donateurs souhaitent insérer dans la donation-partage une clause de droit de retour conventionnel, il est indispensable de préciser la portée de cette clause en délimitant l'assiette du droit de retour et ses conditions d'application. En fonction de la rédaction de la clause, les conséquences du prédécès d'un donataire et de l'application de la clause de retour pourront en effet être très différentes.
Donation-partage cumulative d'un parent à ses trois enfants de biens lui appartenant et partage des biens dépendant de la succession du parent décédé. Cas pratique
L'ensemble des biens donnés et partagés est de 3 000 000 €
Biens donnés : une maison en Bretagne pour 500 000 €, un appartement à Paris pour 500 000 € (soit 333 333,33 € à chacun des enfants ou 1/3 des biens donnés).
Biens partagés : une propriété en Sologne pour 1 000 000 €, un portefeuille d'actions pour 1 000 000 € (soit 666 666,66 € à chacun des enfants ou 2/3 des biens donnés).
La donation-partage est égalitaire, chacun des donataires a donc vocation à recevoir (apportionnement) 1 000 000 €, 1/3 sur les biens donnés et 2/3 sur les biens partagés.
Pour remplir de leurs droits les donataires (allotissement), l'aîné va recevoir l'appartement de Paris et la moitié des actions, le cadet la maison de Bretagne et la moitié des actions, le benjamin la propriété en Sologne.
Le droit de retour s'exerce en fonction de ce qu'a prévu le donateur dans l'acte de donation-partage.
Le donateur a prévu que le droit de retour s'exercerait sur les biens qu'il a donnés et qui se retrouvent dans le lot du donataire décédé.
• Si l'aîné décède avant le donateur : le droit de retour s'exerce sur l'appartement de Paris, soit 500 000 € alors qu'il a donné 500 + 500 / 3 = 333 333,33 €.
• Si le cadet décède avant le donateur : le droit de retour s'exerce sur la maison de Bretagne alors qu'il a donné 500 + 500 / 3 = 333 333,33 €.
• Si le cadet décède avant le donateur : le droit de retour ne peut pas s'exercer.
Le donateur a prévu que le droit de retour s'exercerait sur les biens qu'il a donnés et qui se retrouvent dans le lot du donataire décédé, mais dans la proportion de la donation qu'il a globalement consentie.
• Si l'aîné décède avant le donateur : le droit de retour s'exerce sur l'appartement de Paris, mais seulement à hauteur de son apportionnement, soit 333 333,33 €.
• Si le cadet décède avant le donateur : le droit de retour s'exerce sur la maison de Bretagne, mais seulement à hauteur de son apportionnement, soit 333 333,33 €.
• Si le cadet décède avant le donateur : le droit de retour ne peut pas s'exercer.
Le donateur a prévu que le droit de retour s'exercerait sur l'équivalent de ce qu'il a donné indépendamment de l'origine des biens composant le lot du donataire décédé, et que le droit de retour pouvait s'exercer en valeur.
• Si l'aîné décède avant le donateur : le droit de retour s'exerce sur 1/3 des biens donnés, soit 1/3 de l'appartement de Paris et 1/3 des actions ou sur 1/3 de la valeur de ces biens.
• Si le cadet décède avant le donateur : le droit de retour s'exerce sur 1/3 des biens donnés, soit 1/3 de la maison de Bretagne et 1/3 des actions ou sur 1/3 de la valeur de ces biens.
• Si le cadet décède avant le donateur : le droit de retour s'exerce sur 1/3 des biens donnés, soit 1/3 de la propriété de Sologne ou sur 1/3 de la valeur de ces biens.
Donation-partage conjonctive de parents à leurs deux enfants. Cas pratique
L'ensemble des biens donnés est de 2 200 000 €.
Biens donnés par monsieur : un chalet à la Clusaz pour 900 000 € et la moitié de la résidence principale du couple à Lyon pour 500 000 €.
Biens donnés par madame : un portefeuille d'actions pour 300 000 €, et la moitié de la résidence principale du couple à Lyon pour 500 000 €.
La donation-partage est égalitaire. Chacun des donataires a donc vocation à recevoir (apportionnement) 1 100 000 € (700 000 € de monsieur et 400 000 € de madame).
Pour remplir de leurs droits les donataires (allotissement), l'aîné va recevoir le chalet de la Clusaz et les 2/3 du portefeuille d'actions, le second l'appartement de Lyon et 1/3 du portefeuille d'actions.
Le droit de retour s'exerce en fonction de ce qu'ont prévu les donateurs dans l'acte de donation-partage.
Les donateurs ont prévu que le droit de retour s'exercerait sur les biens donnés et qui se retrouvent dans le lot du donataire décédé.
• Si l'aîné décède avant les donateurs : le droit de retour s'exerce sur l'appartement de la Clusaz et les 2/3 des actions.
• Si le second décède avant les donateurs : le droit de retour s'exerce sur l'appartement de Lyon et 1/3 des actions.
Les donateurs ont prévu que le droit de retour s'exercerait sur les biens donnés et qui se retrouvent dans le lot du donataire décédé, mais dans la proportion de la donation que chaque donateur a globalement consentie.
• Si l'aîné décède avant les donateurs : le droit de retour s'exerce au profit de monsieur sur le chalet de la Clusaz, mais seulement à hauteur de son apportionnement, soit 900 000 × 1 400 / 2 200 = 572 727 €.
Madame sur 2/3 des actions, mais seulement à hauteur de son apportionnement, soit 200 000 × 800 / 2 200 = 72 727 €.
• Si le second décède avant les donateurs : le droit de retour s'exerce au profit de monsieur sur l'appartement de Lyon, mais seulement à hauteur de son apportionnement, soit 500 000 × 1 400 / 2 200 = 318 181 €.
Madame sur l'appartement de Lyon et 1/3 des actions, mais seulement à hauteur de son apportionnement, soit 600 000 × 800 / 2 200 = 281 181 €.
Les donateurs ont prévu que le droit de retour s'exercerait sur l'équivalent de ce que chacun a donné indépendamment de l'origine des biens composant le lot du donataire décédé, et que le droit de retour pouvait s'exercer en valeur.
Au décès de l'un des enfants avant les donateurs, le droit de retour s'exerce par monsieur à hauteur de 1 400/2 200 des biens donnés et par madame à hauteur de 800/2 200 des biens donnés.
Il peut donc surgir de grandes difficultés quand la clause de retour n'a pas été détaillée, car compte tenu des résultats différents qu'induit telle ou telle solution, la transmission organisée par les donateurs peut se trouver bouleversée. Les imprévus de la vie, même s'ils sont souvent difficiles à envisager avec les clients qui souhaitent préparer la transmission de leurs biens, doivent conduire le rédacteur de la clause de droit de retour à faire preuve d'ingénierie et à inciter les donateurs à anticiper les diverses possibilités.
Droit de retour conventionnel et droit de retour légal
– Renonciation au droit de retour conventionnel et droit de retour légal. – La Cour de cassation a, dans son arrêt du 21 octobre 2015, affirmé qu'il ne pouvait être renoncé au droit de retour légal avant l'ouverture de la succession (le droit de retour légal est d'ordre public et les parents ne peuvent y renoncer qu'après le décès de leur enfant ; dans le cas contraire, la renonciation anticipée équivaudrait à un pacte sur succession future, prohibé en vertu de l'article 722 du Code civil).
Elle a aussi précisé que s'il est possible de renoncer au droit de retour conventionnel, cela n'a pas d'incidence sur le droit de retour légal qui peut s'exercer en concurrence avec le bénéficiaire d'un legs portant sur les biens donnés. Il convient donc de dissocier le droit de retour conventionnel du droit de retour légal.
Lorsqu'un droit de retour conventionnel a été mis en place, le droit de retour légal ne s'applique pas. Cependant, lorsque le bien donné est légué à un tiers et que le donateur a renoncé à son droit de retour conventionnel, il pourra se prévaloir du droit de retour légal qui s'exercera en valeur, dans la limite de l'actif successoral.
– Modalités de la renonciation. – Le donateur peut renoncer au droit de retour stipulé à son attention dans l'acte de donation, a posteriori. Faut-il en conclure que le donateur consent alors une nouvelle libéralité au profit des héritiers du donataire prédécédé ? L'administration fiscale ne s'est pas prononcée sur ce point, même si les conséquences sont importantes notamment quand le donataire ne laisse pas à sa succession d'héritiers directs.
La renonciation à son droit de retour par le donateur peut aussi intervenir avant le décès du donataire, alors même que le droit n'est pas encore ouvert.
Droit de retour conventionnel et droit viager au logement
Dans un arrêt du 23 septembre 2015, la Cour de cassation précise que l'exercice du droit de retour conventionnel écarte le droit viager au logement prévu à l'article 764 du Code civil, et ce alors même que l'immeuble donné était entré en communauté du fait de l'adoption du régime matrimonial de communauté universelle par le donataire et son conjoint. En effet l'article 764, alinéa 1 du Code civil indique que le conjoint successible ne peut user du droit viager que s'il occupe « effectivement, à l'époque du décès, à titre d'habitation principale, un logement appartenant aux deux époux ou dépendant totalement de la succession ». Dans notre hypothèse, lors du décès du donataire avant le donateur, qui a donné le bien avec stipulation d'une clause de retour, l'immeuble revient dans le patrimoine du donateur. Celui-ci peut donc s'opposer à l'exercice du droit viager au logement du conjoint du donataire prédécédé. Le notaire prendra soin lors de la rédaction de la clause de droit de retour d'interroger les parties sur leur commune intention et de prévoir que le droit de retour ne pourrait pas neutraliser le droit au logement du conjoint survivant non donataire.
Droit de retour conventionnel et communauté universelle
Comment résoudre la question du droit de retour du donateur sur un bien que le donataire a apporté à une communauté, voire à une communauté universelle ? Si la jurisprudence admet la possibilité de faire tomber dans une communauté universelle des biens sur lesquels pèse un droit de retour conventionnel du donateur, cela peut poser difficulté si le droit de retour doit s'appliquer ou si les époux divorcent. Dans ce cas, le notaire doit anticiper et bien expliquer les conséquences de cette situation à ses clients en leur proposant, pour éviter toute difficulté, de stipuler une clause d'exclusion de communauté ou une clause de reprise des apports à la communauté en cas de divorce, dite « clause alsacienne » et désormais consacrée par la loi du 23 juin 2006.
Droit de retour conventionnel optionnel
Nos donations contiennent quasi systématiquement une clause de droit de retour, ceci alors même que le donateur ignore, lors de la signature de la donation, s'il exercera ce droit en cas de prédécès du donataire. En effet, il ignore à la date de la donation quelles seront, au décès avant lui du donataire, sa situation financière et la configuration de sa famille.
Comme indiqué ci-dessus, la renonciation au droit de retour ne pose guère de difficulté si elle a lieu avant le décès du donataire. En revanche, si le donateur entend renoncer au droit de retour après le décès du donataire, sans que cela ait été prévu à l'acte initial, les conséquences fiscales sont dissuasives. En effet, si le donataire décède avant le donateur, la donation est automatiquement résolue. S'agissant d'une condition résolutoire, la clause de retour joue de manière rétroactive et automatique. Si le donateur renonce au retour, il consent une nouvelle libéralité, taxable.
Il a alors, afin de remédier à cet inconvénient fiscal majeur, été envisagé de prévoir dès l'acte de donation la possibilité pour le donateur d'exercer ou non son droit de retour au décès du donataire. La validité d'une telle clause est discutée puisqu'elle serait contraire aux principes de prohibition des pactes sur succession future, de prohibition des conditions potestatives et à l'article 951 du Code civil.
Le droit de retour n'étant pas de nature successorale, l'argument de la prohibition des pactes sur succession future semble ne pas pouvoir être retenu.
En ce qui concerne la condition potestative, si elle est retenue, la sanction est lourde puisque c'est la nullité de la donation qui est encourue et non seulement celle de la condition elle-même. Pourtant, l'exercice de l'option ne survenant qu'après la réalisation de la condition résolutoire par le prédécès du donataire, il est difficile d'admettre que le donateur a prise sur cet événement. En outre, ce n'est pas de la résolution de la donation du vivant du donataire dont il est question, mais uniquement des effets attachés à la réalisation de la condition, c'est-à-dire le prédécès du donataire.
Enfin, si cette clause était admise, quid de ses conséquences fiscales ? Le non-exercice du droit de retour peut-il être requalifié en libéralité, avec des conséquences fiscales dissuasives ? Puisqu'il agit de l'exercice d'une option, il n'existe pas d'un point de vue fiscal de double mutation, à la différence de ce qui a été observé pour la renonciation après le décès du donataire. Le bien demeure dans le patrimoine du donataire pour être transmis à ses ayants-droit, sans transiter par le patrimoine du donateur.
Devant de telles incertitudes, le 108e Congrès des notaires de France a proposé, en s'inspirant du modèle belge, de conférer une base légale et une neutralité fiscale à la clause de retour optionnel en ajoutant à l'article 951 du Code civil un troisième alinéa ainsi rédigé : Il pourra être stipulé que le retour s'exercera à titre facultatif dans un délai fixé par les parties. Dans cette hypothèse, le non-exercice du droit de retour ne pourra être considéré comme une libéralité.
Droit de retour conventionnel et clause graduelle ou résiduelle
La combinaison d'une clause de retour et d'une clause graduelle ou résiduelle permet au donateur de sécuriser la transmission qu'il a souhaité organiser. En effet, il va pouvoir prévoir qu'en cas de décès du donataire, tout ou partie des biens donnés reviennent à un second bénéficiaire. En incluant à l'acte un droit de retour, il va conserver la possibilité, parce que la donation résiduelle ou graduelle ne peut trouver à s'exercer pleinement suite au décès du premier et du second donataire, de conserver dans la famille les biens donnés par le jeu de la clause de droit de retour.
La stipulation d'un droit de retour conventionnel dans une donation-partage transgénérationnelle combiné à une donation de residuo va quant à elle permettre de faire tomber le bien donné dans le patrimoine de l'enfant pivot en cas de décès du donataire avant le donateur ; cet enfant pivot ne pouvant en effet être bénéficiaire du droit de retour puisqu'il n'a pas la qualité de donateur. Ainsi, si la donation au petit-enfant prévoit une inaliénabilité des biens donnés et une clause résiduelle au profit de son auteur, en cas de décès avant le donateur, les biens donnés, par le jeu de la clause de residuo, reviendront à son auteur initialement « évincé » dans la donation. Bien entendu, il y aura lieu de maintenir la clause de droit de retour conventionnel permettant au donateur de conserver les biens dans son patrimoine au cas de décès avant lui du donataire initialement gratifié et des donataires « résiduels ».
Droit de retour conventionnel en valeur
L'objet du retour est limité par l'article 951, alinéa 1er du Code civil aux seuls biens donnés. Cette disposition soulève des difficultés en cas d'aliénation des biens donnés par le donataire. Si les biens donnés ne se retrouvent pas en nature dans le patrimoine du donataire décédé, la subrogation réelle et la mise en œuvre d'un retour en valeur peuvent-elles être prévues ?
Concernant le droit de retour légal des père et mère, l'article 738-2 du Code civil prévoit en 2006 que « lorsque le droit de retour ne peut s'exercer en nature, il s'exécute en valeur ». Si le bien donné a été vendu, le droit de retour porte sur une valeur correspondant au prix de vente sans pouvoir porter sur les biens acquis en subrogation.
Pour le droit de retour conventionnel, il est possible, ce qui est de pratique courante dans nos actes, de prévoir une subrogation conventionnelle en indiquant que le droit de retour s'exercera soit sur les biens donnés, soit sur les biens qui en seraient la représentation. Il est important d'interroger le donateur sur ce point, car il voudra peut-être seulement exercer un retour en valeur dans cette situation. S'il souhaite pouvoir exercer son droit de retour sur les biens subrogés, il est généralement prévu que l'exercice du droit de retour conventionnel soit limité aux biens donnés ou aux biens subrogés si le donateur a consenti à l'aliénation du bien donné par le donataire et que le prix de vente a été remployé. L'intervention du donateur est requise pour qu'il renonce à son droit de retour, ce qui permet de sécuriser l'opération et de garantir l'acquéreur contre un risque d'éviction. Cependant, le notaire rédacteur se doit d'être prudent et de limiter l'intervention du donateur, lors de la vente du bien donné, à sa renonciation au droit de retour en nature tout en conservant un droit de retour en valeur sur le prix de vente, ou sur le bien subrogé si le prix de vente est réemployé.
Droit de retour suite à une donation de somme d'argent
Le droit de retour peut sans difficulté s'exercer sur une somme d'argent précédemment donnée. Une difficulté peut surgir quand la somme donnée a été employée tant sur l'assiette d'exercice du droit de retour que sur le montant de celui-ci.
La Cour de cassation a ainsi précisé que lorsque l'acte de donation-partage stipule un droit de retour conventionnel, en cas de prédécès du donataire, alors que la donation comprenait une somme donnée à titre de don manuel consenti en avancement d'hoirie et que cette somme avait été utilisée pour acquérir une parcelle de terrain, ce bien acquis avec la somme donnée se substituait à celle-ci dans la donation-partage, de sorte que le droit de retour conventionnel s'appliquait à ce bien rendant impossible l'exécution des legs consentis par le défunt.
Les faits de l'affaire jugée étaient les suivants.
Par acte authentique du 21 juin 1993, M. et Mme X consentent une donation-partage au profit de leurs deux enfants. L'un d'eux reconnaît à l'acte avoir reçu des donateurs, en août 1989, à titre de don manuel et en avancement d'hoirie, une certaine somme employée au paiement du prix d'un terrain acquis par lui dans le mois suivant la donation ; lequel terrain a ensuite été divisé en deux parcelles.
L'acte de donation-partage stipulait que « les parties fixent d'un commun accord la valeur actuelle de l'immeuble acquis en remploi, dans son état à l'époque de l'acquisition, à la somme de 235 000 F, somme à rapporter par E… au titre du don manuel sus-énoncé » ; « la masse des biens donnés et à partager comprend le rapport de don manuel par E… de la somme de 235 000 F » ; « le premier lot attribué à E… est composé de : le rapport de don manuel composant l'article 1 de la masse pour sa valeur de 235 000 F ».
E… décède le 12 mai 2010, laissant pour lui succéder ses parents et sa sœur. Il avait rédigé un testament olographe, léguant l'une des deux parcelles à Mme Z. Lors du règlement de la succession, le notaire constate l'exercice du droit de retour conventionnel prévu à l'acte de donation-partage au profit des donateurs. Ceux-ci vendent les deux parcelles. Mme Z assigne les consorts X en délivrance de son legs et les acquéreurs en intervention forcée. La Cour de cassation, constatant l'application du droit de retour sur les deux parcelles acquises au moyen des fonds donnés, rejette le pourvoi de Mme Z.
Droit de retour conventionnel
Droit de retour en cas de décès du donataire (avec ou sans postérité)
Le Donateur fait réserve à son profit du droit de retour prévu à l'article 951 du Code civil sur les biens présentement donnés pour le cas où le Donataire viendrait à décéder avant lui (sans postérité) ou pour le cas où les descendants du donataire viendraient à décéder sans postérité avant le donateur.
Il peut être ajouté que le droit de retour sera exercé sur les biens donnés :
- ou sur ceux qui en seraient la représentation ;
- pour le cas où le Donataire viendrait à décéder avant lui (sans postérité) ou sans descendant acceptant la succession.
Droit de retour limité aux biens dont le donataire n'aurait pas disposé
Le Donateur fait réserve à son profit du droit de retour prévu à l'article 951 du Code civil sur les biens présentement donnés pour le cas où le Donataire viendrait à décéder avant lui (sans postérité), mais seulement sur les biens dont le donataire n'aurait pas disposé ou sur ceux acquis en remploi des biens donnés qui auraient été aliénés avec l'accord du donateur.
Droit de retour et droits du conjoint survivant du donataire
Le donateur entend que le droit de retour stipulé empêche l'exécution des donations ou legs consentis par le donataire, en propriété ou en démembrement, au profit de son conjoint, ou partenaire, sur les biens reçus ou ceux qui en seraient la subrogation.
Le donateur entend que le droit de retour stipulé ne fasse pas obstacle à l'exécution des donations ou legs consentis par le donataire, en propriété ou en démembrement, au profit de son conjoint, ou partenaire, sur les biens reçus ou ceux qui en seraient la subrogation.
Au cas où l'immeuble donné serait affecté au logement de la famille du donataire à l'époque du décès de celui-ci, le droit de retour stipulé par le donateur ne pourra s'exercer si le conjoint survivant du donataire fait valoir ses droits au logement résultant de l'application des articles 763 et suivants du Code civil.
Droit de retour optionnel.
Le Donateur fait réserve à son profit du droit de retour prévu à l'article 951 du Code civil sur les biens présentement donnés pour le cas où le Donataire viendrait à décéder avant lui (sans postérité). Ce droit de retour s'exercera à titre facultatif, aussi le donateur devra faire connaître sa volonté de l'exercer dans les …. mois du décès du donataire (ou de ses descendants) par lettre recommandée avec avis de réception adressée aux héritiers du donataire décédé ou au notaire chargé du règlement de sa succession. À défaut d'avoir exprimé ainsi son choix, il sera déchu de son droit de retour.
Droit de retour proportionnel
Les Donateurs font réserve, à leur profit, chacun en ce qui le concerne, du droit de retour prévu à l'article 951 du Code civil sur les biens présentement donnés et partagés, pour le cas où le Donataire viendrait à décéder avant lui (sans postérité). Ce droit de retour s'exercera sans tenir compte de l'origine des biens donnés et partagés, mais dans la proportion de ceux respectivement apportés par chacun des donateurs à la masse des biens ayant permis la constitution des lots attribués aux donataires. L'exercice du droit de retour ne remettra pas en cause les attributions faites aux donataires survivants.
On peut préciser que le droit de retour pourra s'exercer en valeur.
Droit de retour et origine des biens
Les Donateurs font réserve, à leur profit et chacun en ce qui le concerne, du droit de retour prévu à l'article 951 du Code civil sur les biens présentement donnés et partagés, pour le cas où le Donataire viendrait à décéder avant lui (sans postérité). Ce droit de retour s'exercera par chacun des donateurs sur les biens qu'il aura donnés au donataire décédé avant lui. L'exercice du droit de retour ne remettra pas en cause les attributions faites aux donataires survivants.
Donation transgénérationnelle, droit de retour et clause de residuo
Réserve du droit de retour. Dans l'hypothèse où la clause de residuo, ci-dessous imposée, ne trouverait pas à s'appliquer, le donateur fait réserve expresse à son profit, pour le cas où un descendant de second degré dit « génération 3 » viendrait à décéder sans postérité avant lui, conformément aux articles 951 et 952 du Code civil, du droit de retour sur les biens donnés dont le donataire n'aurait pas disposé ou sur ceux acquis en remploi des biens donnés qui auraient été aliénés avec l'accord du donateur.
Clause de residuo. Le donateur fait, par les présentes, donation entre vifs aux descendants au second degré, dits « génération 3 », sous la simple charge de transmettre le residuo du bien donné, conformément aux dispositions des articles 1057 à 1061 du Code civil, au second gratifié, ci-après identifié, des biens ci-dessus désignés, ou ce qui subsistera en nature des biens donnés à cette date dans le patrimoine du premier gratifié. Le donateur désigne, aux termes des présentes, en qualité de second gratifié, les enfants nés ou à naître du premier gratifié, par parts égales entre eux (dits « génération 4 »). Dans l'hypothèse où le second gratifié viendrait à prédécéder, ou dans l'hypothèse où le premier gratifié n'aurait pas de descendants au jour de son propre décès, le donateur désigne alors comme second gratifié de substitution selon l'ordre de priorité ci-après, et par parts égales entre eux : ….
Par ailleurs, le donateur fait réserve expresse à son profit du droit de retour prévu par l'article 951 du Code civil sur les biens présentement donnés pour le cas où le premier gratifié, tout en ayant survécu à tous les gratifiés de substitution susnommés, viendrait à décéder avant lui, ainsi qu'il est dit ci-dessus dans le paragraphe intitulé « Réserve du droit de retour ».