Le quasi-usufruit est légal ou conventionnel.
L'assiette du quasi-usufruit
L'assiette du quasi-usufruit
L'assiette du quasi-usufruit
Le quasi-usufruit légal
– Le principe. – C'est parce qu'un bien est consomptible qu'il peut être soumis à un quasi-usufruit. Il s'agit donc des biens dont ne peut faire usage sans les consommer matériellement ou juridiquement. La consommation se matérialise donc par une sortie du patrimoine, qu'elle ait lieu par destruction de la chose, ou par transfert de celle-ci. La simple détérioration par l'usage est insuffisante.
C'est aussi à la notion de bien fongible que renvoie le quasi-usufruit, et c'est parce que le nu-propriétaire est assuré de retrouver une chose identique, en nature ou en valeur, que le mécanisme est possible.
Ainsi le démembrement qui s'ouvre à l'ouverture d'une succession sur les fonds qui existent à cette date permet immédiatement l'ouverture d'un quasi-usufruit : dès lors que les sommes sont disponibles, le quasi-usufruit s'applique. Ainsi, le compte de dépôt à vue, le livret d'épargne, l'assurance-vie, les compte et plan d'épargne-logement ouverts au nom du défunt sont-ils susceptibles d'être soumis à un quasi-usufruit immédiat puisque toutes les sommes déposées sur ces supports sont disponibles dès le décès.
– Quasi-usufruit et titres. – Se pose la question de savoir si le quasi-usufruit peut porter sur un plan d'épargne en actions (PEA) ou des valeurs mobilières.
Le PEA fonctionne avec deux supports : un compte-titres et un compte espèces. C'est seulement sur le compte espèces qu'un quasi-usufruit est possible, ce compte fonctionnant comme un compte de dépôt à vue.
Pour les valeurs mobilières, même si le pouvoir de les céder appartient à l'usufruitier, elles ne sont pas consomptibles. Le pouvoir de gestion de l'usufruitier l'oblige en effet à remplacer les titres dans des supports de même nature. Le recours à une convention contractuelle permettra d'ouvrir un quasi-usufruit sur ces valeurs mobilières.
Dans le cas des dividendes, l'usufruitier appréhende le résultat distribué ainsi que les dividendes car ce sont des fruits. Le nu-propriétaire, quant à lui, a droit aux accroissements et plus-values lesquels constituent des produits. Les bénéfices deviennent des fruits dès la décision de distribution par l'assemblée générale. Lorsque les bénéfices sont mis en réserve, ils constituent un accroissement de l'actif social ; le fruit devient un produit. En cas de distribution sous forme de dividendes, à qui reviennent-ils ? La Cour de cassation n'ayant pas une position définitive sur cette question attribue tantôt le bénéfice de ces dividendes au nu-propriétaire, tantôt à l'usufruitier, il est essentiel de prévoir, par une clause des statuts ou de la convention de quasi-usufruit, le sort de la distribution.
– Quasi-usufruit et subrogation. – Mais le quasi-usufruit peut aussi naître en cours d'usufruit quand à une chose non consomptible succède une chose consomptible.
Le quasi-usufruit peut naître fortuitement en cours de démembrement. C'est le cas lorsqu'une indemnité d'assurance est versée en remplacement de la chose détruite. Par application du mécanisme de la subrogation réelle, l'indemnité vient remplacer la chose détruite. C'est aussi le cas lorsque la chose grevée d'un usufruit fait l'objet d'une opération d'expropriation pour cause d'utilité publique : le démembrement se reporte sur l'indemnité, ce qui fait naître un quasi-usufruit. Le bien disparaît matériellement mais pas juridiquement. Ce peut être le cas, puisque l'usufruit peut grever une créance, quand la créance est recouvrée par les soins de l'usufruitier dont les droits se reportent sur la somme d'argent remboursée.
Le quasi-usufruit conventionnel
La validité d'un quasi-usufruit qui porterait sur des biens non consomptibles est reconnue par un arrêt de la chambre des requêtes de la Cour de cassation du 30 mars 1926 qui admet la création d'un quasi-usufruit sur des meubles meublants.
L'ouverture d'un quasi-usufruit est alors la conséquence d'une expression de volonté expresse et naît d'une convention. Elle peut aussi venir d'une volonté tacite, notamment lors de la remise d'un prix de vente à l'usufruitier. Lorsqu'une clause octroie un pouvoir de disposition à l'usufruitier tout en prévoyant un mécanisme de restitution à l'expiration de l'usufruit, cela vaut établissement d'un quasi-usufruit.
Dans notre pratique, on peut s'interroger sur la constitution d'un quasi-usufruit à l'occasion d'une donation de somme d'argent. Cette donation permet d'anticiper la transmission de son patrimoine tout en gardant l'usage des liquidités données. L'intérêt fiscal est indéniable, puisque lors du règlement de la succession la somme donnée n'est pas à comprendre dans l'actif successoral et le nu-propriétaire est titulaire d'une créance de restitution contre la succession, créance qui, s'agissant d'une dette légale – et non d'une dette consentie –, est déductible au sens de l'article 773, 2o du Code général des impôts.
Le principe d'irrévocabilité des donations (donner et retenir ne vaut) n'est pas inconciliable avec la réserve de quasi-usufruit, car si le donateur a bien la libre disposition de la chose donnée, il ne peut révoquer la donation et il reste débiteur de sa valeur envers le donataire, étant tenu de rendre à l'extinction du quasi-usufruit.
Cela nécessite tout de même de prendre un minimum de précautions pour le notaire appelé à rédiger une convention de quasi-usufruit : s'assurer de l'existence du bien donné dans le patrimoine du disposant au jour de la donation, anticiper une hypothétique insolvabilité du quasi-usufruitier au jour de la restitution qui remettrait à n'en pas douter en cause le principe d'irrévocabilité des donations. Dans la donation de somme d'argent soumise à un quasi-usufruit, il est donc opportun de s'assurer de la disponibilité des fonds au moment de la libéralité et d'organiser la protection du nu-propriétaire, notamment en évitant l'utilisation de clauses dispensant d'inventaire et de caution.
La question se pose également d'utiliser le quasi-usufruit lors de la cession de l'outil professionnel à un tiers. L'idée est de transmettre les titres sociaux en nue-propriété à ses enfants en franchise de plus-value. Seules les opérations à titre onéreux sont taxables. Avant que les titres ne soient vendus à un tiers, ils font l'objet d'une donation en nue-propriété. Ils sont ensuite vendus au prix de la donation, ce qui permet aux donataires nus-propriétaires d'être exonérés d'une taxation de la plus-value. La donation prévoit un report du démembrement sur le prix de vente et génère un quasi-usufruit. Il est admis que si la convention de quasi-usufruit est conclue concomitamment à la cession des titres sociaux, l'opération n'est pas valable car la donation est fictive. Si la convention est conclue avant cette date, la donation ne sera pas remise en cause : il y a création d'un quasi-usufruit pendant la période de démembrement, ce qui ne posera pas de difficulté.
Comme indiqué ci-dessus, le notaire dans une telle opération doit agir avec beaucoup de prudence. Ceci est d'autant plus important que le nouvel abus de droit de l'article L. 64 A du Livre des procédures fiscales, sanctionnant les actes ayant un but principalement fiscal (et non plus exclusivement), peut interroger sur l'opportunité des donations avec réserve de quasi-usufruit. La doctrine administrative, en rappelant que « les transmissions anticipées de patrimoine, y compris lorsque le donateur se réserve l'usufruit du bien transmis ne sont pas en elles-mêmes concernées par la procédure d'abus de droit prévue à l'article L. 64 A du LPF, sous réserve que les transmissions concernées ne soient pas fictives. En effet, le législateur a entendu favoriser ce type de transmission », doit conduire le praticien à être extrêmement attentif sur la constitution du quasi-usufruit. Il doit avoir été envisagé dans la donation, avant la cession. Il doit faire l'objet d'une convention qui délimite les pouvoirs des parties notamment en prévoyant des garanties assurant le nu-propriétaire du remboursement de sa créance de restitution.