Expression de la volonté du donateur ou du testateur, les clauses opposables aux gratifiés sont cependant révisables (§ I), leur inexécution pouvant conduire à la révocation de la libéralité (§ II).
La révision et la révocation des charges
La révision et la révocation des charges
La révision et la révocation des charges
La révision des charges
– Révision des charges et conditions. – La loi n'octroie que restrictivement la faculté, pour un gratifié personne physique comme personne morale, d'obtenir la révision de n'importe quelle charge ou condition grevant une libéralité. Il arrive en effet qu'avec l'écoulement du temps, les charges dont une libéralité a été assortie cessent d'être adaptées. Les articles 900-2 à 900-7 du Code civil, issus de la loi no 84-562 du 4 juillet 1984, se proposent de pallier ces inadéquations dans le respect de l'intention du disposant.
Selon l'article 900-2 du Code civil, la révision peut être ordonnée lorsque « par suite d'un changement de circonstances », l'exécution de la charge ou de la condition est devenue pour le gratifié « soit extrêmement difficile, soit sérieusement dommageable » ou encore impossible. La formulation est suffisamment large pour inclure les différentes difficultés, mais elle exige que ces difficultés présentent une certaine gravité. L'impossibilité d'exécution entre dans le champ d'application de l'article 900-2 du Code civil.
Il est à noter que l'adoption de la théorie de l'imprévision, codifiée à l'article 1195 du Code civil, qui permet de renégocier le contrat par suite d'un changement imprévisible de circonstances, n'est pas applicable aux libéralités en raison même de l'existence du dispositif spécifique prévu par le Code civil pour les libéralités.
Même si le dispositif légal semble être impératif, il ne paraît pas non plus interdire la révision amiable qui serait d'autant plus utile que les conditions de l'intervention du juge sont assez strictes.
L'article 900-2 du Code civil s'applique aux donations aussi bien qu'aux legs. Il concerne les personnes physiques comme les personnes morales, que celles-ci soient de droit privé ou public.
– La procédure de révision. – La révision est autorisée selon la procédure judiciaire prévue aux articles 900-2 et suivants du Code civil. Lorsque la libéralité a été adressée à l'État, à des établissements publics de l'État ou à des établissements hospitaliers, la révision des charges est alors opérée par la voie administrative.
La demande n'est recevable que dix années après la mort du disposant ou, en cas de demandes successives, dix années après le jugement qui a ordonné la précédente révision. La personne gratifiée doit justifier des diligences qu'elle a faites, dans l'intervalle, pour exécuter ses obligations.
C'est le tribunal judiciaire qui est compétent.
La demande en révision est formée contre les héritiers ; s'il n'y a pas d'héritier connu, elle est formée contre le ministère public.
L'article 900-4 du Code civil investit de larges pouvoirs le juge saisi de la demande en révision qui peut, selon les cas et même d'office : réduire en quantité ou périodicité les prestations grevant la libéralité ; en modifier l'objet en s'inspirant de l'intention du disposant ; les regrouper, avec des prestations analogues résultant d'autres libéralités.
Le juge possède donc des pouvoirs d'autant plus larges que les dispositions qui les lui confèrent paraissent n'avoir qu'un caractère énumératif. Il doit cependant exercer ces pouvoirs dans le respect de l'inspiration initiale de la libéralité et doit prescrire des mesures propres à maintenir, autant qu'il est possible, l'appellation que le disposant avait entendu donner à sa libéralité. Il peut ainsi autoriser l'aliénation de tout ou partie des biens faisant l'objet de la libéralité en ordonnant que le prix en sera employé à des fins en rapport avec la volonté du disposant.
Aux termes de l'article 900-7 du Code civil, si, postérieurement à la révision, l'exécution des conditions ou des charges telle qu'elle était prévue à l'origine redevient possible, elle pourra être demandée par les héritiers.
La révocation de la libéralité pour inexécution des charges
Lorsqu'elles sont valides, les stipulations de charges affectant une libéralité doivent être respectées par le gratifié, qui les a acceptées. À défaut, il encourt la révocation de l'acte fait en sa faveur, pour inexécution des charges (même si le Code civil en ses articles emploie le terme de « conditions », il faut lui préférer celui de « charges » car les textes ne traitent pas des libéralités conditionnelles mais des libéralités avec charges) : la charge oblige le bénéficiaire et, à ce titre, est susceptible d'exécution forcée (la condition n'est pas nécessairement en son pouvoir et, si elle l'est, sa survenance ne peut être contrainte par une exécution forcée).
L'inexécution des charges prévue par l'article 953 du Code civil est une cause de révocation pour toute donation grevée d'une telle obligation, quelle que soit sa nature ou son importance.
Le domaine des libéralités révocables pour inexécution des charges est donc très vaste : dons manuels, donations déguisées, donations indirectes, donations par contrat de mariage, donations entre époux de biens présents, donations-partages.
Pour les legs, en cas d'inexécution de la charge contenue dans le testament, la loi a prévu la possibilité d'agir en révocation des dispositions testamentaires pour « les mêmes causes qui, suivant l'article 954 (…), autoriseront la demande en révocation de la donation entre vifs ». Dans tous les cas, la charge ne doit pas revêtir une importance telle que l'intention libérale n'existe pas et que l'acte perde sa nature de libéralité. La jurisprudence ne prononce cependant la résolution que lorsque le disposant (ou ses héritiers) peut établir que la stipulation inexécutée constituait pour lui la cause impulsive et déterminante de son acte. À défaut, il n'a droit qu'à une exécution forcée en nature ou à des dommages et intérêts.
– L'appréciation de l'inexécution. – L'inexécution de la charge doit être suffisamment grave pour justifier la révocation de la donation, ce qui relève de l'appréciation souveraine des juges du fond.
L'absence totale d'exécution de la charge ne pose pas de difficulté.
Si une faute du donataire est à l'origine de l'inexécution de la charge, la révocation est à l'évidence plus facile à obtenir.
En revanche, quid d'une exécution modifiée, d'une exécution tardive ou partielle ?
Les juges disposent alors d'un large pouvoir d'appréciation pour dire si l'inexécution de la charge assortissant une donation a été suffisamment grave pour justifier la révocation et si celle-ci est conforme à l'esprit de la libéralité.
Ainsi, l'exécution de la charge rendue impossible par la faute d'un tiers ne permettra pas d'obtenir la révocation de la libéralité.
La situation est plus délicate si l'inexécution de la charge est due à un événement de force majeure. En effet dans ce cas, l'article 1218 du Code civil dispose que lorsque l'inexécution par le donataire des charges qu'il avait acceptées dans la donation est due à un cas de force majeure, le contrat est résolu de plein droit. La Cour de cassation admet alors que les juges du fond tiennent souverainement compte de « la nécessaire adaptation aux réalités actuelles de la condition initialement stipulée » pour se prononcer sur la révocation. La jurisprudence a pu rendre des décisions jugées sévères même quand l'inexécution n'était pas imputable au donataire alors qu'elle aurait pu prononcer dans ces cas la caducité de la charge par recours à la procédure de révision des charges.
En revanche, si l'inexécution de la charge est due à la volonté ou à la faute du donateur, il ne peut prétendre obtenir la révocation de la donation.
– Les clauses relatives à l'inexécution. – Afin d'éviter les difficultés liées à l'absence d'exécution des charges prévues par la libéralité, les parties peuvent restreindre les cas de révocation, en prévoyant dans l'acte que celle-ci ne sera possible qu'en cas de faute du donataire, voire même en insérant dans l'acte de donation une clause aux termes de laquelle le donataire est pleinement et entièrement libre d'assurer l'exécution de la charge qui lui est imposée. Dans cette hypothèse, le refus du donataire de s'exécuter ne saurait provoquer la révocation de la libéralité pour cause d'inexécution.
– Le titulaire de l'action en révocation. – Le donateur est titulaire de l'action en révocation de la donation pour inexécution des charges, à moins qu'il ne préfère contraindre le donataire à exécuter en intentant contre lui une action en exécution des charges. Le tiers bénéficiaire de la charge n'a, de son côté, pas d'intérêt à agir en révocation, notamment parce qu'il n'a pas participé à la donation. Il ne peut intenter qu'une action personnelle en exécution contre le donataire. Si le donateur fait révoquer la donation, ce tiers ne peut donc plus rien réclamer au donataire. Il a définitivement perdu tout droit à la charge dont le bénéfice lui était destiné, à condition cependant que la révocation ait été prononcée avant qu'il ait lui-même accepté la stipulation faite à son profit. La solution sera différente si son acceptation est antérieure à la révocation car, dans ce cas, celle-là aura fait naître sur sa tête un droit dont ne peuvent le priver ni la faute du donataire ni l'action du donateur. Il pourra donc demander à ce dernier ce qu'il ne peut plus attendre du premier.
Le droit du donateur de demander la révocation pour inexécution des charges se transmet à ses héritiers : il est admis que les héritiers du donateur peuvent agir en révocation de la donation consentie par leur auteur, même si ce dernier n'avait pas demandé l'exécution. La demande en révocation ne serait cependant pas possible si, avant son décès, le donateur a renoncé à la demande d'exécution des charges. Si la charge ne doit être exécutée qu'après le décès du donateur, les héritiers conservent le droit de demander la révocation.
La jurisprudence admet aussi que l'action en révocation se transmet au légataire universel du donateur, continuateur de sa personne.
L'action en révocation et l'action personnelle en exécution peuvent être intentées contre le donataire lui-même et contre ses héritiers. Par application des principes généraux, la charge pèse sur chacun des héritiers successeurs ou légataires en proportion de la part qu'il recueille dans l'hérédité. Si une charge, en raison de sa nature, ne peut être acquittée que par le donataire personnellement, une distinction s'impose. Ou bien le donataire a été mis en demeure de son vivant et son obligation inexécutée s'est transformée en sa personne en une obligation en dommages et intérêts dont le donateur est fondé à exiger l'accomplissement s'il préfère celui-ci à la révocation, et cette dette pèsera sur les héritiers et légataires comme toute dette du défunt. Ou bien le donataire n'a pas été mis en demeure et aucune obligation à dommages et intérêts ne s'est constituée sur sa tête ni ne passe à ses héritiers ou légataires.
Ni l'action en exécution ni l'action révocatoire ne peuvent être intentées contre des tiers qui détiendraient des biens donnés, qu'ils les tiennent du donataire ou de ses successeurs. Ils peuvent cependant être poursuivis comme tiers détenteurs une fois que le donateur aura actionné en révocation le donataire ou ses successeurs.
Le donateur est entièrement libre d'exercer ou non l'action en révocation. L'article 953 du Code civil lui accorde un droit, mais ne lui impose pas une obligation. C'est pourquoi il peut renoncer à son action, soit dans une clause expresse incluse dans l'acte de donation, soit en ne l'exerçant pas après que s'est produit le fait qui lui a donné naissance.
La jurisprudence semble admettre que la renonciation à l'action en révocation pour inexécution des charges puisse être anticipée. Une telle renonciation anticipée peut être tacite et se déduire de la longue inaction du donateur, de telle sorte que les héritiers de ce dernier ne puissent plus exercer un droit que leur auteur a laissé s'éteindre en sa personne.
Pareillement, la jurisprudence estime que le donateur peut renoncer, expressément ou tacitement, à tout ou partie des charges et conditions qu'il avait imposées au donataire.
Le fait de poursuivre l'exécution des charges n'implique nullement renonciation au droit de demander la révocation de la donation.
Si toutes les personnes qui peuvent exercer l'action en révocation ont la faculté d'y renoncer, la seule renonciation du donateur provoque celle de ses ayants cause, sauf pour les créanciers du donataire à prouver que la renonciation a lieu en fraude de leurs droits.
Si le donataire en cours d'instance décide l'exécution de sa charge, la révocation tant qu'elle n'est pas devenue définitive pourra être refusée.
Les tiers détenteurs ou les créanciers du donataire peuvent avoir intérêt à offrir d'exécuter les charges pour lesquelles il est défaillant : les premiers pour éviter l'éviction comme tiers détenteurs, les seconds pour maintenir les biens donnés entre les mains de leur débiteur.
Les offres d'exécution auront pour effet d'arrêter l'action en révocation, à condition que l'intervenant s'engage à exécuter l'intégralité des charges et non pas seulement la partie de celles correspondant à la portion des biens donnés dont il est détenteur ou proportionnelle à l'importance de sa créance.
Bien entendu, il ne sera pas possible aux tiers d'éviter la révocation en offrant d'exécuter eux-mêmes les charges de la donation si cette exécution ne peut être accomplie que par le donataire personnellement, soit en raison de la nature de la charge, soit en application d'un accord entre les parties. Il en est ainsi notamment de la charge de loger, nourrir et soigner le donateur ; en cas d'inexécution par le donateur, les tiers intéressés ne peuvent pas empêcher la révocation en offrant au donateur une rente viagère équivalente aux services stipulés.
– Prescription de l'action. – Le Code civil ne contient aucune disposition spéciale relative à la durée de la prescription de l'action en révocation d'une donation pour inexécution des charges. Ce point est donc régi par le droit commun de la prescription qui conduit à faire une distinction.
Si la donation portait exclusivement sur des biens mobiliers, l'action en révocation pour inexécution des charges est une action mobilière qui se prescrit, selon l'article 2224 du Code civil, par cinq ans.
Si la donation avait pour objet des biens immobiliers, l'action en révocation est une action réelle immobilière ; conformément à l'article 2227 du Code civil, elle se prescrit par trente ans. Dans les deux cas, le délai de prescription court à compter du jour où le titulaire de l'action a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer.
– Conséquences et modalités de la révocation. – Une fois la révocation prononcée pour cause d'inexécution des conditions, « les biens rentreront dans les mains du donateur, libres de toutes charges et hypothèques du chef du donataire : et le donateur aura contre les tiers détenteurs des immeubles donnés, tous les droits qu'il aurait contre le donataire lui-même ». La révocation a donc des effets rétroactifs et peut impliquer restitution et réparations.
En cas de donation-partage portant à la fois sur les droits qui sont donnés par l'un des père ou mère et sur les droits que les gratifiés ont recueillis dans la succession de leur auteur prédécédé, la révocation de la donation pour inexécution des charges ne permet au donateur de reprendre que les droits dont il était antérieurement titulaire et qu'il a personnellement donnés, à l'exclusion de ceux qui appartenaient à son conjoint.
Après la révocation et du fait de sa rétroactivité, le donataire n'a plus de titre sur les biens donnés. Il est censé n'en avoir jamais été propriétaire. Si la restitution est possible en nature, le donateur, en sa qualité de propriétaire du bien, agit contre le donataire en revendication des biens donnés. Dans le cas contraire, la restitution s'effectuera en valeur, le donateur exerçant une action personnelle en paiement d'une somme d'argent égale à la valeur des biens au jour de la restitution. Du fait de la rétroactivité induite par la révocation de la libéralité, le donateur supporte les risques de la chose : si la chose a péri par cas fortuit, le donataire est libéré.
Concernant les fruits et revenus produits par le bien donné, ils ne sont dus par le donataire que du jour de la demande en justice, si sa bonne foi ne peut être mise en cause ; mais s'il est de mauvaise foi, il doit restituer la totalité des fruits.
Outre le prononcé de la révocation, le donateur peut obtenir du juge, dans certains cas, des dommages et intérêts destinés à réparer les préjudices que l'inexécution a fait subir au donateur. Ils s'ajoutent aux restitutions en nature ou en valeur. Pour que des dommages et intérêts soient dus, il faut que le donateur éprouve un préjudice insuffisamment réparé par la révocation de sa libéralité, le seul fait de l'inexécution ne pouvant justifier à lui seul une semblable condamnation. Il faut en outre que l'inexécution de la charge soit imputable à une faute du donataire. Les dommages et intérêts pourront ainsi être prévus quand la charge inexécutée consistait dans le paiement d'une rente viagère qui n'a pas été honoré dans les cinq années précédant l'assignation et qui prive le crédit-rentier de recours.
En sens inverse, le donataire a droit à être indemnisé pour les impenses faites par lui sur le bien donné : les restitutions réciproques constituent la conséquence de la demande en révocation. Le montant de son indemnisation est égal à la valeur totale des impenses nécessaires et à la plus-value conférée au bien par les impenses utiles. Pour les impenses superflues, le donataire ne dispose que d'un droit de reprise en enlevant et emportant les améliorations, à condition de ne pas dégrader les biens donnés.
La révocation pour inexécution des charges a pour effet de remettre les parties dans le même état que si la donation n'avait pas eu lieu. Le donataire est donc autorisé à exiger la restitution des sommes qu'il a versées au donateur en capital à titre de charges, à l'exception des arrérages d'une rente servie au donateur au même titre.
Si le donateur laisse plusieurs héritiers, cette restitution est mise intégralement à la charge de celui d'entre eux qui poursuit et obtient la révocation, sauf son recours contre ses cohéritiers, et les sommes sujettes à restitution portent intérêt à compter du jour de la sommation de payer.
–
Quid
des charges grevant les biens donnés du chef du donataire ? – Comme indiqué à l'article 954 du Code civil, la révocation d'une donation pour inexécution des charges fait rentrer les biens donnés dans les mains du donateur ou de ses ayants droit, libres de toutes charges et hypothèques nées du fait du donataire. Ces charges sont donc rétroactivement anéanties et sont censées n'avoir jamais existé.
La révocation est ainsi opposable aux créanciers inscrits, quelle que soit la validité de leurs hypothèques.
Toutes les aliénations consenties par le donataire sur les biens donnés sont résolues puisque ce dernier, réputé n'avoir jamais été propriétaire de la chose donnée, n'a donc pu conférer aucun droit sur elle.
Devant les conséquences qui peuvent être très lourdes pour les tiers en cas de révocation de la libéralité pour inexécution des charges, il est néanmoins prévu que la demande tendant à obtenir la révocation de la donation n'est recevable que si les clauses d'un acte de donation immobilière imposant au donataire l'exécution de certaines charges ont été publiées au service de la publicité foncière.
La révocation d'une donation-partage prononcée contre un copartageant pour cause d'inexécution des charges, si elle rompt l'égalité du partage du fait du retour dans le patrimoine du donateur des biens donnés et entrés dans le lot de ce copartageant, n'anéantit pas ce partage ; elle laisse subsister à l'égard des autres copartageants l'effet de la transmission de propriété qui en est résulté, même pour la soulte versée par le donataire évincé.
La question peut se poser de savoir si le donataire peut réclamer une indemnité pour les constructions, ouvrages ou plantations qu'il a réalisés sur un terrain qui, du fait de la rétroactivité de la révocation, n'était en réalité pas le sien. Par application de l'article 555 du Code civil, il peut prétendre à une indemnité égale, au choix du propriétaire du terrain (ici, le donateur) à la plus-value du fonds ou aux dépenses faites. En vertu de ce même texte, le donataire ne pourra être contraint à enlever ces ouvrages s'il est de bonne foi, c'est-à-dire s'il possède le bien en vertu d'un titre translatif dont il ignore les vices. C'est bien là la situation du donataire, tant qu'il ne s'est pas encore rendu coupable d'une inexécution de la charge stipulée dans sa donation, si bien qu'il n'encourt pas encore la révocation.
– Révocation de plein droit. – La jurisprudence a plusieurs fois confirmé qu'il est possible de déroger aux dispositions de l'article 956 du Code civil en incluant dans l'acte de donation une clause selon laquelle la révocation aura lieu de plein droit par le seul fait de l'inexécution des charges. Même si une telle clause permet de dispenser les parties de recourir au juge, le donataire pourra tout de même le saisir afin de contester soit l'étendue de la charge, soit l'inexécution qui lui est reprochée, soit encore la mise en œuvre de la clause ou les conséquences de la résolution. Dans ce cas, le pouvoir du juge est limité à la vérification des conditions de la résolution sans avoir à apprécier si la gravité de l'inexécution justifie ou non la résolution. C'est la clause elle-même qui fixe ce seuil de gravité.
La rédaction de la clause permettra une plus ou moins grande automaticité de sa mise en jeu. Le notaire rédacteur aura alors la prudence d'indiquer avec précision les charges dont l'inexécution entraînera la résolution de la donation, si la résolution nécessite ou non une mise en demeure préalable ou si elle pourrait avoir lieu du seul fait de l'inexécution de la charge.
Bien entendu, l'existence de la clause résolutoire n'interdit pas au donateur de demander l'exécution forcée de la charge.
Reste la question de la possibilité d'envisager une révocation unilatérale extrajudiciaire des donations. En effet, l'ordonnance du no 2016-131 du 10 février 2016 portant réforme du droit des contrats, du régime général et de la preuve des obligations, a légalisé la pratique, admise par la jurisprudence pour les contrats à titre onéreux, qui consiste pour le créancier de l'obligation contractuelle inexécutée à procéder à la résolution du contrat par simple notification, sans passer par le juge, après une mise en demeure du débiteur restée infructueuse. Est-il possible de transposer aux libéralités ce procédé simplifié et accéléré de résolution ?
La doctrine est partagée : les textes relatifs à la révocation des donations ayant été écrits comme une illustration du droit commun du contrat, il serait envisageable de les compléter par les dispositions de l'ordonnance de 2016 et d'admettre une résolution unilatérale par simple notification. Cependant, il est aussi avancé que l'ordonnance a entériné une jurisprudence admise pour les contrats à titre onéreux et non pour les libéralités, si bien qu'il n'est pas certain que l'extension à ces dernières soit acquise.
En tout état de cause, même si la révocation unilatérale extrajudiciaire était admise, elle ne permet pas au donateur de s'assurer la restitution des biens donnés par le donataire, et une action en justice sur cette question sera alors indispensable. De plus, un tel procédé de révocation « simplifiée » ne présente aucune garantie pour le donataire contre une action infondée du donateur qui serait alors seul juge de la gravité de l'inexécution de la charge pour demander la révocation de la donation.