Exemples de charges

Exemples de charges

Une libéralité est l'occasion d'organiser la transmission de ses biens et donc de prévoir d'éventuelles charges qui obligent le gratifié et ont pour but d'assurer la bonne exécution des volontés du donateur ou du testateur. Nous nous contenterons ici d'examiner les clauses les plus couramment utilisées dans la pratique.

La clause d'inaliénabilité

La clause d'inaliénabilité est tout à fait fréquente dans la pratique des libéralités. Cependant, cette restriction au droit de disposer nécessite d'être encadrée : il convient de se référer à l'article 900-1 du Code civil qui prévoit les conditions de validité de la clause : elle doit être temporaire et justifiée par un intérêt sérieux et légitime.
Le caractère temporaire de la clause d'inaliénabilité ne fait guère de difficulté même si la loi ne précise pas la durée maximale autorisée. Les juges du fond apprécient donc souverainement si la durée prévue par les parties est admissible ou non. Ainsi, les tribunaux valident la clause limitant la durée de l'inaliénabilité à la vie du donateur.
Quant à l'intérêt sérieux et légitime, il réside souvent dans le fait que la donation est consentie avec réserve d'usufruit sur la tête du donateur qui veut se protéger et également protéger son conjoint à qui il aura consenti une réversion d'usufruit. La clause a également souvent comme but d'assurer le retour conventionnel prévu dans l'acte. Elle peut aussi être le moyen de protéger le donataire contre son inexpérience ou sa prodigalité. De même, est reconnu sérieux et légitime l'intérêt du disposant qui garantit, au moyen de la clause d'inaliénabilité, le service d'une rente viagère.
Il est utile de préciser que la clause d'inaliénabilité emporte par ailleurs insaisissabilité du bien donné ou légué : il n'est alors pas utile de doubler la première clause par une seconde stipulant l'insaisissabilité.
De même, il faut rappeler que l'article 900-1 du Code civil autorise l'aliénation du bien à condition que l'intérêt qui a justifié initialement la clause ait disparu ou qu'un intérêt plus important l'exige : le législateur a voulu éviter que la seule volonté du gratifiant ne fige la situation lorsque des circonstances nouvelles rendent inutile ou préjudiciable pour les intérêts du gratifié l'interdiction qui lui est faite d'aliéner. Ainsi, « le donataire ou le légataire peut être judiciairement autorisé à disposer du bien si l'intérêt qui avait justifié la clause a disparu ou s'il advient qu'un intérêt plus important l'exige ». Saisi d'une demande de dérogation, le juge doit rechercher si l'intérêt qui avait motivé la clause d'inaliénabilité a disparu. Dans l'affirmative, il doit lever l'interdiction d'aliéner. Dans la négative, le juge doit ensuite rechercher si un intérêt plus important s'est manifesté : les travaux préparatoires de la loi no 71-526 du 3 juillet 1971 considèrent l'intérêt du gratifié et de ses proches comme étant susceptible d'être « plus important » que celui qui a motivé la clause d'inaliénabilité. Le tribunal doit donc comparer l'intérêt du gratifiant et celui du gratifié, et décider si celui du gratifié doit être jugé comme prioritaire, parce que consistant en un « besoin impérieux » d'aliéner, selon les termes du rapport au Sénat, telle la nécessité pour le gratifié d'assurer le logement de sa famille ou l'éducation de ses enfants. Quant aux créanciers du gratifié, la Cour de cassation leur interdit d'agir, pour obtenir la levée de l'inaliénabilité, aussi bien lorsqu'ils invoquent leur propre intérêt en tant que créanciers que celui de leur débiteur par la voie oblique.
L'article 900-1 du Code civil qui interdit les clauses d'inaliénabilité perpétuelle est sans application pour les fondations. De même, selon l'alinéa 2 de cet article : « Les dispositions du présent article ne préjudicient pas aux libéralités consenties à des personnes morales ou même à des personnes physiques à charge de constituer des personnes morales ». Ainsi, les personnes morales n'ont pas la possibilité d'obtenir du juge une dérogation au caractère obligatoire des clauses d'inaliénabilité et elles doivent exécuter les clauses d'inaliénabilité perpétuelle qui leur sont imposées.
De son côté, l'article 900-8 du Code civil répute non écrite « toute clause par laquelle le disposant prive de la libéralité celui qui mettrait en cause la validité d'une clause d'inaliénabilité ou demanderait l'autorisation d'aliéner ». Cette disposition interdit donc les clauses pénales destinées à assurer l'exécution des clauses d'inaliénabilité et permet l'application de l'alinéa 1er de l'article 900-1 du même code qui offre la faculté au gratifié de demander l'autorisation judiciaire d'aliéner le bien. Cette faculté serait devenue impossible si le disposant avait pu adjoindre une clause pénale à l'interdiction d'aliéner, le donataire n'étant pas dans ce cas assuré de conserver le bénéfice de la donation si un intérêt plus important devait le contraindre à demander l'aliénation du bien.
Sur le plan fiscal, la clause d'inaliénabilité ne diminue pas la valeur des lots qu'elle grève. L'assiette des droits de mutation ne peut être diminuée du fait de la stipulation d'une telle clause. Sur le plan civil, la clause n'a pas de conséquence sur le calcul de la réserve lors de la réunion fictive.
La clause d'inaliénabilité pourra être remise en cause après le décès du donateur. En effet, l'article 912 du Code civil précise que la réserve est « la part des biens et droits successoraux dont la loi assure la dévolution libre de charges » et la clause d'inaliénabilité pourra être considérée comme limitant les droits de l'héritier et ainsi porter atteinte à sa réserve. Par contre, il n'est pas possible de renoncer par avance à la suppression de la clause grevant la réserve.
Enfin, même si la clause répond aux conditions ci-dessus, le donataire ou le légataire peut être judiciairement autorisé à disposer du bien si l'intérêt qui avait justifié la clause a disparu ou s'il advient qu'un intérêt plus important l'exige.

La clause d'entrée ou d'exclusion de communauté

La Cour de cassation a validé les clauses d'entrée ou d'exclusion de communauté des biens transmis. Dans le cadre de l'entrée en communauté, on pense au cas classique du terrain à bâtir donné et pour lequel la clause permettra d'éviter un calcul de récompenses, pour les constructions réalisées, lors de la liquidation de la communauté de l'héritier gratifié. Pour la clause d'exclusion de communauté, le donateur voudra s'assurer du maintien des biens transmis dans la famille.
La clause d'exclusion de communauté ne révèle pas de difficulté particulière.
Pour ce qui est de la clause d'entrée en communauté, cela pose la question de la qualification de la donation au profit du conjoint du donataire et des conséquences d'une telle clause lors de la liquidation de la succession du donateur. La doctrine sur ces points est d'ailleurs partagée : les uns indiquent qu'une donation contenant une telle clause est une donation sans charge et qu'elle est donc rapportable pour le tout. D'autres avancent que la clause est une charge et que la donation n'impose au donataire qu'une réunion fictive et un rapport de la moitié de la donation, l'autre moitié étant qualifiée de donation indirecte hors part faite au gratifié. L'administration fiscale, de son côté, face à une clause d'entrée en communauté contenue dans une donation, considère que seul l'enfant gratifié est soumis aux droits de mutation pour la totalité du bien donné.
Lors de la liquidation de la succession du donateur, comment traiter la donation faite au profit d'un des codonataires avec clause d'entrée en communauté ? En effet, si la charge pèse sur la réserve du gratifié, il pourra en demander la suppression, conformément à l'article 912 du Code civil. Or, comment faire pour mesurer une éventuelle atteinteà la réserve ? La libéralité consentie par le donateur doit-elle être prise en compte pour le calcul de la quotité disponible pour la totalité ou seulement la moitié, avec une donation hors part de l'autre moitié au conjoint de l'enfant donataire, qui n'est pas présomptif héritier ? Il semble logique de retenir que la donation revient en totalité à l'héritier gratifié. Il pourra alors demander la suppression de la clause pour recevoir une réserve libre de charges ou favoriser son conjoint en laissant survivre la clause d'entrée en communauté. Dans le premier cas, cela aurait également des conséquences peut-être fâcheuses dans les relations entre les époux en ouvrant un droit à récompense compte tenu de travaux ou améliorations apportés par la communauté sur le bien donné, ceci notamment quand la demande en annulation de la clause concerne un héritier qui vient à divorcer…

La clause de charge viagère

Il est fréquent que le donateur assortisse la donation d'une charge viagère (logement et soins, rente viagère…). Elle peut avoir lieu au profit du donateur ou d'un tiers (réversion de la charge au profit du conjoint survivant).
– Liquidation de la succession du donateur. – Ces clauses de charge viagère soulèvent des difficultés lors de la liquidation de la succession du donateur. Pour la réunion fictive, et éventuellement le rapport, il va être tenu compte de l'émolument net et il va falloir déterminer ce qui a été réellement acquitté au titre de la charge. Ainsi, comment intégrer la part de la charge viagère qui n'a pas été exécutée ? Au contraire, comment tenir compte d'une charge qui a été plus lourde que prévu, notamment lorsque le crédit-rentier a survécu très longtemps ? Les risques de contestation sont donc nombreux.
– Ingénierie. – Pour éviter ces difficultés, il peut être utilement conseillé au donateur de prévoir que la charge viagère sera supportée par tous les donataires. Ainsi le service de la charge n'a pas d'influence, quelles que soient sa durée et la valeur nette des lots donnés sur l'égalité voulue par le donateur entre les donataires. Rien n'empêcherait les donataires, sans remettre en cause cette égalité, de convenir entre eux, sans intervention du donateur, d'un transfert de la charge viagère sur la tête de certains ou de l'un d'entre eux, moyennant abandon total ou non de soulte.

Exemple

Mme A consent une donation-partage portant sur un bien de 300 à trois présomptifs héritiers. Le bien est attribué à l'un des enfants pour 300 à charge pour l'attributaire de verser une soulte de 100 à chacun des autres donataires.
Dans le même acte, Mme A stipule contre ses héritiers d'une rente de 60. Les donataires conviennent entre eux que l'attributaire du bien réglera seul la rente contre remise partielle des soultes dues les ramenant à 100 – (60/3) 20 = 80.
Si au décès du crédit-rentier la totalité des sommes versées au titre de la rente est de 90, il est considéré que cette somme a été versée par chacun des trois donataires pour 30.
De cette somme doit être retiré le montant des fruits perçus, soit 90 – 60 = 30/3 = 10 et il est alors déduit du capital transmis à l'attributaire du bien 30 – 10 = 20.
Le premier a donc reçu 300 – 100 × 2 au titre des soultes versées aux autres donataires – 30 de rente versée au titre de la donation = 70. Les deux autres donataires ont reçu 100 (soulte) – 30 (rente) = 70. L'égalité est maintenue.
Si au départ la charge de la rente n'avait été supportée que par l'attributaire de bien donné, il recevait 300 – 100 × 2 (soultes) – 60 (rente) = 40. Les deux autres ont reçu 100… l'égalité est remise en cause.
On pourrait aussi proposer de conclure le même jour la vente d'une partie des biens à charge de rente viagère (avec intervention des autres présomptifs héritiers pour se conformer aux dispositions de l'article 918 du Code civil) et la donation du surplus, sans charge. Seule la fraction du bien donné est prise en compte au décès du donateur pour la liquidation de la succession, sans considération du montant de la rente réglé sur la partie vendue.

La clause de prise en charge d'une dette

Une donation-partage peut être l'occasion d'organiser l'extinction d'une dette du donateur au profit d'un donataire (salaire différé…) ou d'un tiers (prise en charge d'un prêt immobilier adossé au bien transmis) : la donation est alors consentie avec charge d'éteindre la dette du donateur.
Civilement, le montant de la dette du donateur sera déduit, lors des opérations de liquidation de sa succession, de l'émolument reçu par le donataire. La déduction a lieu pour le nominal de la charge de la valeur du bien au jour du décès. La plus-value réalisée entre la donation et le décès est retenue pour le calcul de la réunion fictive.
Fiscalement, les articles 758 et 761 du Code général des impôts posent le principe de non-déductibilité des charges de l'assiette des droits de mutation. Le 102e Congrès des notaires de France a proposé, sans succès, « que le principe de déductibilité des charges grevant une donation soit admis sur le plan fiscal, comme il l'est déjà en matière civile ». Les articles 776 et 776 bis du Code général des impôts prévoient cependant des exceptions à ce principe pour les donations. Ainsi, sont déductibles de l'assiette des droits de mutation « les dettes qui ont été contractées par le donateur pour l'acquisition ou dans l'intérêt des biens objet de la donation, et dont la prise en charge par le donataire est notifiée au créancier » et à condition « que la dette soit contractée auprès d'une personne mentionnée au titre Ier du livre V du Code monétaire et financier ». En d'autres termes, le prêt bancaire souscrit soit pour l'achat d'un bien immobilier, soit pour la réalisation de travaux sur le bien immobilier, est déductible de l'assiette des droits de mutation des biens transmis.
Pour le donateur, la prise en charge de la dette par le donataire ne constitue pas un fait générateur de l'impôt de plus-value, à l'inverse d'une dation en paiement (remise du bien en paiement de la dette).