Déroger aux principes de l'administration légale

Déroger aux principes de l'administration légale

La tutelle testamentaire

– Article 403 du Code civil. – « Le droit individuel de choisir un tuteur, qu'il soit ou non parent du mineur, n'appartient qu'au dernier vivant des père et mère s'il a conservé, au jour de son décès, l'exercice de l'autorité parentale.
Cette désignation ne peut être faite que dans la forme d'un testament ou d'une déclaration spéciale devant notaire.
Elle s'impose au conseil de famille à moins que l'intérêt du mineur commande de l'écarter.
Le tuteur désigné par le père ou la mère n'est pas tenu d'accepter la tutelle. »

Présentation

– Désignation du tuteur. – « Le survivant des père et mère peut, par testament ou déclaration notariée spéciale, choisir un tuteur, parent ou non, qui entrera en fonction après sa mort (C. civ., art. 390 et 391). À défaut de tutelle testamentaire, le tuteur est alors désigné par le conseil de famille et l'on parle alors de tutelle dative.
Le choix du tuteur est en principe libre. (…)
Le tuteur a une double obligation de prendre soin du mineur et de gérer ses biens. (…)
En ce qui concerne la gestion de ses biens, le tuteur doit apporter des soins prudents, diligents et avisés dans le seul intérêt du mineur ».
Rapport du 116e Congrès des notaires de France, Paris, 8/ 10 octobre 2020, Protéger : les vulnérables, les proches, le logement, les droits, 1re commission, nos 1016 à 1036, p. 13 à 193.
Rapport du 116e Congrès des notaires de France, Paris, 8/10 octobre 2020, Protéger : les vulnérables, les proches, le logement, les droits, 1re commission, nos 1449 à 1466, p. 224 à 231.
– Absence d'une libéralité consentie à un mineur. – Contrairement au tiers administrateur et à l'exécuteur testamentaire, la tutelle testamentaire ne requiert pas l'existence d'une libéralité. Elle est donc plus large, et peut être généralisée.

Exemple de rédaction d'une clause de désignation d'une tutelle testamentaire

Je soussigné …., né à …. le …., établit mon testament de la manière suivante.
Pour le cas où je viendrais à décéder après ou dans le même événement que mon conjoint, et avant la majorité ou l'émancipation de nos enfants, je souhaite nommer :
  • (prénom) (NOM), né(e) à …. (lieu de naissance à compléter), le …. (date de naissance à compléter),
  • et à défaut (prénom) (NOM), né(e) à …. (lieu de naissance à compléter), le …. (date de naissance à compléter), en qualité de tuteur de nos enfants, conformément à l'article 403 du Code civil.
Fait à ….
Le ….
Signature

Limites

– Unique titulaire du droit de désigner un tuteur. – « Le droit de désigner un tuteur n'appartient pas à tout parent. Le droit individuel de choisir un tuteur n'appartient qu'au dernier des parents de l'enfant s'il a conservé, au jour de son décès, l'exercice de l'autorité parentale ».
Rapport du 116e Congrès des notaires de France, Paris, 8/10 octobre 2020, Protéger : les vulnérables, les proches, le logement, les droits, 2e commission, nos 2017 à 2019, p. 13 et 14.
« Paradoxalement, ce sont les parents qui, après une séparation conjugale, interrogent le plus fréquemment les notaires sur la possibilité de désigner un tuteur pour leur enfant en cas de décès. Tant que l'autre parent est vivant, cette désignation d'un tuteur testamentaire reste très aléatoire car dépendante du prédécès de ce parent ». Dans ce fameux cas du parent divorcé ou séparé, il convient, en l'état du droit positif, de se tourner vers le dernier outil, celui de la désignation d'un tiers administrateur.

La désignation d'un tiers administrateur par l'exclusion de l'administration légale

– Article 384 du Code civil. – « Ne sont pas soumis à l'administration légale les biens donnés ou légués au mineur sous la condition qu'ils soient administrés par un tiers.
Le tiers administrateur a les pouvoirs qui lui sont conférés par la donation, le testament ou, à défaut, ceux d'un administrateur légal.
Lorsque le tiers administrateur refuse cette fonction ou se trouve dans une des situations prévues aux articles 395 et 396, le juge des tutelles désigne un administrateur ad hoc pour le remplacer. »

Présentation

– Exclusion de l'administration légale. – « La désignation d'un administrateur aux termes d'une libéralité consentie à un mineur constitue une technique permettant au parent de désigner un tiers de confiance pour gérer les biens transmis.
Cette possibilité résulte, depuis l'ordonnance no 2015-1288 du 15 octobre 2015, de l'article 384 du Code civil. (…) Puis le régime juridique très libéral de cette disposition a trouvé un vaste champ d'application dans les familles recomposées. Elle permet en effet souvent à un parent de soustraire à l'administration de son ex-conjoint les biens transmis à leur enfant commun ».
Rapport du 116e Congrès des notaires de France, Paris, 8/10 octobre 2020, Protéger : les vulnérables, les proches, le logement, les droits, 1re commission, nos 1079 à 1098, p. 34 à 46.

Limites

Exigence d'une libéralité consentie à un mineur

– Donation versus testament. – Qu'il s'agisse d'une libéralité à cause de mort ou non, celle-ci est indispensable afin de permettre la désignation d'un tiers administrateur. En l'état du droit positif, l'absence de libéralité empêche toute désignation d'un tiers administrateur pour un enfant mineur, sur ce fondement.

Exemple de rédaction d'une clause de désignation d'un tiers administrateur dans une donation d'immeuble

Rapport du 116e Congrès des notaires de France, Paris, 8/10 octobre 2020, Protéger : les vulnérables, les proches, le logement, les droits, 1re commission, no 1096">Lien.

Exemple de rédaction d'une clause de désignation d'un tiers administrateur dans une donation de titres sociaux

Rapport du 116e Congrès des notaires de France, Paris, 8/10 octobre 2020, Protéger : les vulnérables, les proches, le logement, les droits, 1re commission, no 1097">Lien.

Exemple de rédaction d'une clause de désignation d'un tiers administrateur dans une donation de liquidités

DÉSIGNATION D'UN TIERS ADMINISTRATEUR
La présente donation est réalisée à la condition que la somme d'argent donnée soit administrée par un tiers et, par suite, ne soit pas soumise à l'administration légale et que la jouissance légale en soit exclue, conformément à l'article 384 du Code civil.
À cet effet, le DONATEUR se désigne lui-même comme tiers administrateur.
En cas de son prédécès, incapacité, défaillance, révocation ou refus d'exercer cette mission, le DONATEUR nomme …. susnommé comme tiers administrateur suppléant, qui intervient au présent acte et qui accepte la mission qui lui est confiée.
POUVOIRS DE GESTION
Le tiers administrateur disposera, sur la présente somme d'argent, des pouvoirs de gestion et d'administration.
Il pourra exercer notamment les actes suivants sans que cette liste soit limitative :
  • ouvrir un compte spécial au nom du mineur pour y déposer ladite somme ;
  • employer cette somme d'argent à l'acquisition de tout bien meuble ou immeuble. Dans ce cas, les pouvoirs de l'administrateur se reporteront sur les biens qui lui seront subrogés.
POUVOIRS DE DISPOSITION
Le tiers administrateur disposera, sur la présente somme d'argent, des pouvoirs de disposition sans aucune limitation dès lors que cela est conforme à l'intérêt du DONATAIRE.
OBLIGATIONS DU TIERS ADMINISTRATEUR
Le tiers administrateur a l'obligation de produire, tous les ans, un état de sa gestion.
De sorte que lorsque la mission cessera, il puisse fournir lesdits comptes de gestion au mineur devenu majeur, ou à ses héritiers, ou éventuellement à la personne nouvellement chargée de la gestion de ces biens.

Exemple de rédaction d'une clause de désignation d'un tiers administrateur dans un testament

Je soussigné …., né à …. le …., établit mon testament de la manière suivante.
Je révoque toutes dispositions testamentaires antérieures à ce jour.
I – Je désigne comme légataires universels, mes enfants, vivants ou représentés.
OU :
I – Je lègue à mes enfants, vivants ou représentés, par parts égales entre eux, la totalité des biens composant ma succession, sous réserve des droits du conjoint survivant.
II – Si je décède avant la majorité ou l'émancipation de mes enfants, l'ensemble des biens dont ils hériteront dans ma succession ne devront pas être gérés et administrés par leur mère, administratrice légale.
En effet, je désigne, pour gérer et administrer les biens légués à mes enfants, ainsi qu'il est prévu aux termes de l'article 384 du Code civil :
  • (prénom) (NOM), né(e) à …. (lieu de naissance à compléter), le …. (date de naissance à compléter),
  • et en cas de refus, de prédécès ou d'incapacité de la personne susnommée, (prénom) (NOM), né(e) à …. (lieu de naissance à compléter), le …. (date de naissance à compléter).
OU :
II – Pour le cas où je viendrais à décéder après ou dans le même événement que mon épouse et avant la majorité ou l'émancipation de nos enfants, je désigne, pour gérer et administrer les biens légués à nos enfants, ainsi qu'il est prévu aux termes de l'article 384 du Code civil :
  • (prénom) (NOM), né(e) à …. (lieu de naissance à compléter), le …. (date de naissance à compléter),
  • et en cas de refus, de prédécès ou d'incapacité de la personne susnommée, (prénom) (NOM), né(e) à …. (lieu de naissance à compléter), le …. (date de naissance à compléter).
Â
III – L'administrateur sera investi des mêmes pouvoirs d'administration et de disposition qui sont attribués à l'administrateur légal. Il exercera seul ces pouvoirs. Les droits et obligations de cet administrateur seront exercés sous le contrôle du juge des tutelles, conformément aux règles applicables en matière d'administration légale, lorsque celle-ci est exercée par un administrateur unique.
L'administrateur sera tenu d'établir un inventaire afin de déterminer les biens revenant à mes légataires et soumis à son administration.
En cas d'aliénation de tout ou partie de ces biens, les pouvoirs de l'administrateur se reporteront sur les biens qui leur seront subrogés.
Fait à ….
Le ….
Signature

Supprimer l'exigence d'une libéralité pour la désignation d'un tiers administrateur

Afin de répondre à la préoccupation susvisée dans le cadre de la tutelle testamentaire pour le parent divorcé ou séparé, il pourrait être opportun de rendre possible la nomination d'un tiers administrateur, en dehors de toute libéralité.
Cette désignation pourrait ainsi être faite par testament ou acte notarié, et s'appliquer sans modifier la dévolution légale.

Acceptation de la libéralité consentie à un mineur

Certitude légale pour les donations
– Acceptation par le tuteur, les père et mère, voire les autres ascendants. – En vertu de l'article 935 du Code civil : « La donation faite à un mineur non émancipé ou à un majeur en tutelle devra être acceptée par son tuteur, conformément à l'article 463, au titre « De la minorité, de la tutelle et de l'émancipation ».
Néanmoins, les père et mère du mineur non émancipé, ou les autres ascendants, même du vivant des père et mère, quoiqu'ils ne soient pas tuteurs du mineur, pourront accepter pour lui ».
Divergences doctrinales pour les legs
– Acceptation par le tiers administrateur : clause à prévoir. – La majorité de la doctrine considère que le tiers administrateur peut être autorisé, par la clause du testament, à accepter le legs au nom et pour le compte du mineur, à la place de l'administrateur légal.

Clause à rajouter pour la désignation d'un tiers administrateur dans un testament

Je précise que ces tiers administrateurs auront les pouvoirs d'un administrateur légal, et notamment d'accepter cette libéralité au nom de mes enfants mineurs.
– Acceptation par le tiers administrateur : pas de clause à prévoir. – Certains auteurs considèrent même qu'il n'est pas nécessaire de le prévoir dans la clause testamentaire. Ils arguent que ce serait aller à l'encontre de cette disposition qui prévoit, dès la libéralité, l'exclusion du régime de l'administration légale pour les biens légués au mineur.
– Acceptation par l'administrateur légal. – Néanmoins, une partie de la doctrine estime que le tiers administrateur désigné aux termes de la libéralité ne peut accepter la libéralité au regard de l'impérativité du régime de l'administration légale, qui ne connaît d'exceptions qu'expressément prévues. Le tiers administrateur ne peut tenir son pouvoir précisément que d'une libéralité valablement formée, et sa mission de gestion ne commence qu'après l'acceptation. Le rôle du tiers administrateur ne peut débuter qu'au jour où la libéralité a été acceptée.
Le pouvoir d'accepter la libéralité serait donc dévolu uniquement à l'administrateur légal. Malheureusement, il peut être à craindre que celui-ci soit réticent à accepter une libéralité qui le prive de ses pouvoirs d'administrateur. Pour autant, il ne faut pas omettre qu'il ne peut refuser une libéralité contraire à l'intérêt de son enfant. Au regard de cette divergence d'intérêts, la désignation d'un administrateur ad hoc sur le fondement de l'article 383 du Code civil sera à envisager. Le tiers administrateur pourra saisir le juge des tutelles sur ce fondement, afin d'accepter la libéralité.
– Évolution législative à prévoir. – « Une évolution législative à ce sujet semble souhaitable à la FNDP tant il apparaît de l'intérêt du mineur et conforme à l'esprit de l'article 384 du Code civil, que le tiers administrateur puisse se voir clairement reconnaître le pouvoir d'accepter la libéralité consentie au mineur, sans autorisation du juge. Dans le même sens, il serait souhaitable de consacrer la possibilité pour le tiers administrateur d'accepter une clause bénéficiaire d'assurance-vie comportant la désignation d'un tiers administrateur des capitaux versés ».

Reconnaître au tiers administrateur le pouvoir d'accepter la libéralité

Afin de sécuriser la désignation d'un tiers administrateur par l'exclusion de l'administration légale, il convient de donner légalement à ce tiers administrateur la possibilité d'accepter la libéralité au nom de l'enfant, avant même que celle-ci ne se réalise.
Les familles pourront souhaiter aller plus loin, et le consensus familial ou le consensus de certains membres de la famille pourront conduire le professionnel à envisager d'autres modes de transmission nécessitant une véritable concertation, un projet familial commun.