La gestion des biens des donataires et légataires mineurs

La gestion des biens des donataires et légataires mineurs

– Anticipation notariale. – Il appartient à chaque concitoyen d'anticiper les conséquences de la présence d'enfants mineurs dans sa succession. De même, celui qui souhaite transmettre de son vivant des biens à son ou ses enfant(s) mineur(s) peut s'interroger sur la gestion de ce patrimoine pendant le temps de la minorité.
De nos jours, la loi civile est soucieuse de promouvoir la volonté des parties. Elle met à la disposition du donataire et du de cujus plusieurs outils leur permettant de ne pas avoir recours aux règles légales de gestion du patrimoine dévolu à des héritiers mineurs, autrement dit l'administration légale des père et mère. En effet, grâce à un dispositif juridique adapté, le donataire et le de cujus peuvent dessaisir l'administrateur légal et le remplacer par un tiers administrateur de leur choix. Le rôle du notaire est alors primordial pour conseiller les parties et rédiger la convention adéquate.
– Diversité des dispositifs dérogatoires de gestion des biens appartenant aux mineurs. – Afin de désigner un tiers chargé de gérer les biens appartenant au donataire ou légataire mineur, le notaire peut orienter ses clients vers plusieurs dispositifs : la désignation d'un tiers administrateur par l'exclusion de l'administration légale, la tutelle testamentaire, le mandat à effet posthume et l'exécuteur testamentaire.
Bien qu'ils poursuivent un même but, ces dispositifs diffèrent par leurs modalités techniques. Les deux premiers constituent des dérogations (plus ou moins choisies) au principe de l'administration légale (Sous-section II), tandis que les deux derniers portent atteinte aux prérogatives que les héritiers tiennent classiquement de la saisine légale (Sous-section I).
La nature des transmissions concernées diffère également : seuls deux outils parmi les quatre (la désignation d'un tiers administrateur par l'exclusion de l'administration légale et l'exécuteur testamentaire) supposent l'existence de libéralités.
– Ingénierie notariale. – En pratique, tous ces procédés sont d'un grand intérêt à condition d'être correctement mis en œuvre. De ce fait, le donataire et le de cujus doivent déterminer, parmi eux, celui qui correspond le mieux à leur situation personnelle, familiale et patrimoniale. Les développements qui suivent permettent également d'envisager la rédaction la plus précise et la mieux adaptée de ces actes.
Protéger : les vulnérables, les proches, le logement, les droits . – Pour éviter de réécrire des sujets largement étudiés, nous inviterons, à plusieurs reprises, le lecteur à se référer aux travaux effectués par le 116e Congrès des notaires de France dans le cadre de l'anticipation de la vulnérabilité des mineurs.

Déroger aux prérogatives que les héritiers tiennent de la saisine légale

Déroger aux prérogatives que les héritiers tiennent de la saisine légale

L'exécuteur testamentaire

– Article 1025 du Code civil. – « Le testateur peut nommer un ou plusieurs exécuteurs testamentaires jouissant de la pleine capacité civile pour veiller ou procéder à l'exécution de ses volontés.
L'exécuteur testamentaire qui a accepté sa mission est tenu de l'accomplir.
Les pouvoirs de l'exécuteur testamentaire ne sont pas transmissibles à cause de mort. »
Présentation
– Présentation de l'institution. – La présence d'un ou plusieurs mineurs dans les héritiers d'une personne peut être l'une des raisons pour lesquelles celle-ci peut souhaiter désigner un exécuteur testamentaire, c'est-à-dire une personne nommée et chargée par elle de surveiller l'exécution de ses dernières volontés.
Rapport du 116e Congrès des notaires de France, Paris, 8/10 octobre 2020, Protéger : les vulnérables, les proches, le logement, les droits, 2e commission, nos 2562 à 2565, p. 567 à 569.">Lien
– Mise en œuvre et conditions. – La désignation d'un exécuteur testamentaire requiert une libéralité à cause de mort. Celle-ci doit être faite au moyen d'un testament valable en la forme, sans, pour autant, nécessiter une formule sacramentelle.
Rapport du 116e Congrès des notaires de France, Paris, 8/10 octobre 2020, Protéger : les vulnérables, les proches, le logement, les droits, 2e commission, nos 2566 à 2571, p. 569 à 571.">Lien

Exemple de rédaction d'une clause de désignation d'un exécuteur testamentaire (1/2)

Je soussigné …., né à …. le …., établit mon testament de la manière suivante.
Je révoque toutes dispositions testamentaires antérieures à ce jour.
I – Je désigne comme légataires universels mes enfants, vivants ou représentés, à charge pour eux de délivrer les legs particuliers ci-après (formule facultative à compléter).
II – Je désigne, pour mon exécuteur testamentaire ainsi qu'il est prévu aux termes de l'article 1025 du Code civil :
  • (prénom) (NOM), né(e) à …. (lieu de naissance à compléter), le …. (date de naissance à compléter),
  • Et en cas de refus, de prédécès ou d'incapacité de la personne susnommée, (prénom) (NOM), né(e) à …. (lieu de naissance à compléter), le …. (date de naissance à compléter).
Ce dernier veillera à la bonne exécution de mon testament.
(Formule facultative) J'attribue à mon exécuteur testamentaire, à titre de rémunération forfaitaire dans le cadre de cette mission, la somme de …. euros.
Fait à ….
Le ….
Signature
– Missions et pouvoirs de l'exécuteur testamentaire. – Parmi les missions conférées à l'exécuteur testamentaire, le testateur peut notamment l'habiliter à :
  • prendre possession du mobilier successoral et à le vendre si nécessaire pour acquitter les legs particuliers dans la limite de la quotité disponible (C. civ., art. 1030) ;
  • disposer en tout ou partie des immeubles de la succession ;
  • recevoir et placer les capitaux ;
  • payer les dettes et les charges ;
  • devenir titulaire du droit de divulgation des œuvres posthumes du défunt (CPI, art. L. 121-2, al. 2), et surveiller le respect de son œuvre (divulguée ou non) et de sa paternité ;
  • trier et détruire ses papiers et autres documents personnels et apprécier ceux qui peuvent être remis à ses héritiers ;
  • procéder à l'attribution ou au partage des biens subsistants entre les héritiers et les légataires (C. civ., art. 1030-1).
Rapport du 116e Congrès des notaires de France, Paris, 8/10 octobre 2020, Protéger : les vulnérables, les proches, le logement, les droits, 2e commission, nos 2572 à 2583, p. 571 à 576.">Lien

Exemple de rédaction d'une clause de désignation d'un exécuteur testamentaire (2/2)

(Formule facultative) Tous mes documents, papiers et correspondances personnels lui seront remis afin qu'il juge ceux qui pourront être donnés à mes héritiers. Il pourra éventuellement détruire ceux qu'il estimera ne devoir être transmis.
(Formule facultative) Mon exécuteur testamentaire exercera le droit de divulgation de mes œuvres posthumes. Il sera également chargé, sa vie durant, de veiller au respect et à la paternité de mon œuvre.
(Formule facultative) Conformément à l'article 1030 du Code civil, mon exécuteur testamentaire pourra prendre possession du mobilier et éventuellement le vendre pour acquitter les legs de sommes d'argent ci-dessus prévus.
Limites
– Une protection insuffisante. – « Dans cet élan d'accroissement des pouvoirs de l'exécuteur testamentaire, il serait également souhaitable de permettre au testateur de conférer à son exécuteur testamentaire les pouvoirs qu'il pourrait donner à un mandataire posthume. Sans doute une telle mission devrait prendre les formes d'un testament authentique. Par ailleurs, rien n'empêche aujourd'hui de consentir à son exécuteur testamentaire un mandat posthume dans le respect des formes prescrites ».
Rapport du 116e Congrès des notaires de France, Paris, 8/10 octobre 2020, Protéger : les vulnérables, les proches, le logement, les droits, 2e commission, nos 2584 à 2590, p. 576 à 578.">Lien

Le mandat à effet posthume

– Article 812 du Code civil. – « Toute personne peut donner à une ou plusieurs autres personnes, physiques ou morales, mandat d'administrer ou de gérer, sous réserve des pouvoirs confiés à l'exécuteur testamentaire, tout ou partie de sa succession pour le compte et dans l'intérêt d'un ou de plusieurs héritiers identifiés.
Le mandataire peut être un héritier.
Il doit jouir de la pleine capacité civile et ne pas être frappé d'une interdiction de gérer lorsque des biens professionnels sont compris dans le patrimoine successoral.
Le mandataire ne peut être le notaire chargé du règlement de la succession. »
Présentation
– Économie générale du mandat à effet posthume. – Le mandataire posthume reçoit mandat d'administrer ou de gérer tout ou partie des biens composant la succession pour le compte et dans l'intérêt d'un ou de plusieurs héritiers. Les pouvoirs qui lui sont transférés seront déterminés aux termes du contrat. Toutefois, ils ne pourront excéder lesdites missions d'administration et de gestion. Effectivement, le mandataire posthume ne pourra pas disposer des biens dépendant de la succession. Cette prérogative réservée aux héritiers s'impose au mandataire posthume et met fin à son mandat.
Rapport du 116e Congrès des notaires de France, Paris, 8/10 octobre 2020, Protéger : les vulnérables, les proches, le logement, les droits, 1re commission, nos 1065 à 1073, p. 29 à 32.">Lien
– Intérêt pratique du mandat à effet posthume pour la protection des mineurs. – « Le mandat n'a pas vocation à remplacer l'administration légale ou la tutelle. Ces deux techniques doivent se combiner, car elles n'ont pas les mêmes champs d'application et elles ne confèrent pas les mêmes prérogatives. L'administrateur légal ou le tuteur sont chargés de protéger la personne du mineur et son patrimoine. Le mandataire n'est investi que des pouvoirs d'administration et de gestion sur tout ou partie des biens successoraux ».
« Il s'agit uniquement d'une technique de gestion des biens de la succession et non d'un outil de transmission ».
Rapport du 116e Congrès des notaires de France, Paris, 8/10 octobre 2020, Protéger : les vulnérables, les proches, le logement, les droits, 1re commission, nos 1074 à 1078, p. 32 à 34.">Lien
Limites
– Exigence d'une durée. – Conformément à l'alinéa 2 de l'article 812-1-1 du Code civil, le mandat à effet posthume « est donné pour une durée qui ne peut excéder deux ans, prorogeable une ou plusieurs fois par décision du juge, saisi par un héritier ou par le mandataire. Toutefois, il peut être donné pour une durée de cinq ans, prorogeable dans les mêmes conditions, en raison de l'inaptitude, de l'âge du ou des héritiers, ou de la nécessité de gérer des biens professionnels ».
Ainsi qu'il sera précisé ci-après au stade des développements sur la fiducie-libéralité (V. infra, nos et s.), la durée précitée peut, dans certains cas, s'avérer insuffisante. Elle contraint les héritiers à céder les actifs sociaux au lieu de leur permettre de les conserver, notamment jusqu'à leur majorité.

Durée du mandat posthume

Il pourrait être opportun d'envisager, en droit des sociétés exclusivement, un mandat à effet posthume qui durerait jusqu'à la majorité des héritiers. Cette proposition vise à conserver le patrimoine dans la famille jusqu'à ce que les héritiers développent les qualités et aptitudes requises. Ainsi, la cession du patrimoine successoral ne serait plus l'issue « automatique ».
– Exigence d'un intérêt légitime et sérieux. – Conformément à l'alinéa 1 de l'article 812-1-1 du Code civil, le mandat à effet posthume « n'est valable que s'il est justifié par un intérêt sérieux et légitime au regard de la personne de l'héritier ou du patrimoine successoral, précisément motivé ».
Ainsi qu'il a été précisé ci-avant au stade des développements sur la fiducie-gestion (V. supra, no ), la cause précitée est particulièrement stricte : le législateur subordonne la validité du mandat à effet posthume à l'existence d'un intérêt, légitime et sérieux, qui doit toujours exister lors de l'exécution du contrat, sous peine de révocation dudit contrat.
  • soit en considération de la personne de l'héritier : âge, minorité, inexpérience, incompétence, prodigalité, vulnérabilité, problème de santé, oisiveté, handicap, incapacité ;
  • soit au regard des liens existants entre les héritiers : mésentente, opposition d'intérêts, indivision successorale ;
  • soit en raison de la quantité du patrimoine successoral, ou de sa dispersion ;
  • soit par suite de la nature spécifique du patrimoine successoral : présence d'une entreprise, de valeurs mobilières ou d'œuvres d'art.
L'intérêt légitime et sérieux doit impérativement être motivé dans l'acte. La rédaction de l'acte de mandat à effet posthume doit être faite minutieusement et rigoureusement. Comme le souligne un auteur, « nous sommes ici dans le royaume du cousu main et la plume du notaire doit se faire aussi fine et précise que le pinceau d'un artiste peintre », ajoutant qu'« en motivant mal, voire pire en ne motivant pas ce qui pourrait être le cas en se contentant d'indications générales ou passe-partout, il [le notaire] engagerait sans doute sa responsabilité ». L'ingénierie notariale est précieuse, à cet égard, afin de souligner la légitimité et le sérieux de l'intérêt de ce mandat successoral :

Exemple de rédaction d'une clause de justification du mandat à effet posthume

I – Le MANDANT est propriétaire d'un patrimoine qui se compose notamment d'une entreprise personnelle / d'un fonds de commerce / d'un fonds artisanal / des droits sociaux détenus dans les sociétés ….
II – La situation économique et financière de cette entreprise / ce fonds de commerce / ce fonds artisanal / ces sociétés présente un solde positif (énoncer éventuellement les résultats financiers et comptables, préciser par exemple l'état des ventes et contrats à venir).
III – Sous peine d'un état de cessation des paiements et d'un risque de faillite et de liquidation, la bonne gestion et la direction de cette entreprise / ce fonds de commerce / ce fonds artisanal / ces sociétés requièrent de son dirigeant (et de ses associés) de nombreuses qualités / aptitudes, notamment celle d'une solide motivation personnelle, une aptitude à prendre des risques, une prise rapide de décision, une faculté d'adaptation et de négociation, un goût pour l'innovation et le management, un souci de rentabilisation, d'information et de perfectionnement en permanence.
(Clause facultative à rajouter) En outre, la direction de cette activité ne peut être exercée que sous condition d'être titulaire du diplôme …., complété par une expérience ou un stage professionnel de …. ans.

Conseil pratique : mandat à effet posthume

Même si la loi ne l'impose pas, et afin d'éviter que le mandat à effet posthume reste ignoré le jour où surviendra la mort du mandant, il est fortement recommandé que le notaire qui reçoit l'acte du mandat à effet posthume l'inscrive au Fichier central des dispositions de dernières volontés (FCDDV).

Déroger aux principes de l'administration légale

La tutelle testamentaire

– Article 403 du Code civil. – « Le droit individuel de choisir un tuteur, qu'il soit ou non parent du mineur, n'appartient qu'au dernier vivant des père et mère s'il a conservé, au jour de son décès, l'exercice de l'autorité parentale.
Cette désignation ne peut être faite que dans la forme d'un testament ou d'une déclaration spéciale devant notaire.
Elle s'impose au conseil de famille à moins que l'intérêt du mineur commande de l'écarter.
Le tuteur désigné par le père ou la mère n'est pas tenu d'accepter la tutelle. »

Présentation

– Désignation du tuteur. – « Le survivant des père et mère peut, par testament ou déclaration notariée spéciale, choisir un tuteur, parent ou non, qui entrera en fonction après sa mort (C. civ., art. 390 et 391). À défaut de tutelle testamentaire, le tuteur est alors désigné par le conseil de famille et l'on parle alors de tutelle dative.
Le choix du tuteur est en principe libre. (…)
Le tuteur a une double obligation de prendre soin du mineur et de gérer ses biens. (…)
En ce qui concerne la gestion de ses biens, le tuteur doit apporter des soins prudents, diligents et avisés dans le seul intérêt du mineur ».
Rapport du 116e Congrès des notaires de France, Paris, 8/ 10 octobre 2020, Protéger : les vulnérables, les proches, le logement, les droits, 1re commission, nos 1016 à 1036, p. 13 à 193.
Rapport du 116e Congrès des notaires de France, Paris, 8/10 octobre 2020, Protéger : les vulnérables, les proches, le logement, les droits, 1re commission, nos 1449 à 1466, p. 224 à 231.
– Absence d'une libéralité consentie à un mineur. – Contrairement au tiers administrateur et à l'exécuteur testamentaire, la tutelle testamentaire ne requiert pas l'existence d'une libéralité. Elle est donc plus large, et peut être généralisée.

Exemple de rédaction d'une clause de désignation d'une tutelle testamentaire

Je soussigné …., né à …. le …., établit mon testament de la manière suivante.
Pour le cas où je viendrais à décéder après ou dans le même événement que mon conjoint, et avant la majorité ou l'émancipation de nos enfants, je souhaite nommer :
  • (prénom) (NOM), né(e) à …. (lieu de naissance à compléter), le …. (date de naissance à compléter),
  • et à défaut (prénom) (NOM), né(e) à …. (lieu de naissance à compléter), le …. (date de naissance à compléter), en qualité de tuteur de nos enfants, conformément à l'article 403 du Code civil.
Fait à ….
Le ….
Signature

Limites

– Unique titulaire du droit de désigner un tuteur. – « Le droit de désigner un tuteur n'appartient pas à tout parent. Le droit individuel de choisir un tuteur n'appartient qu'au dernier des parents de l'enfant s'il a conservé, au jour de son décès, l'exercice de l'autorité parentale ».
Rapport du 116e Congrès des notaires de France, Paris, 8/10 octobre 2020, Protéger : les vulnérables, les proches, le logement, les droits, 2e commission, nos 2017 à 2019, p. 13 et 14.
« Paradoxalement, ce sont les parents qui, après une séparation conjugale, interrogent le plus fréquemment les notaires sur la possibilité de désigner un tuteur pour leur enfant en cas de décès. Tant que l'autre parent est vivant, cette désignation d'un tuteur testamentaire reste très aléatoire car dépendante du prédécès de ce parent ». Dans ce fameux cas du parent divorcé ou séparé, il convient, en l'état du droit positif, de se tourner vers le dernier outil, celui de la désignation d'un tiers administrateur.

La désignation d'un tiers administrateur par l'exclusion de l'administration légale

– Article 384 du Code civil. – « Ne sont pas soumis à l'administration légale les biens donnés ou légués au mineur sous la condition qu'ils soient administrés par un tiers.
Le tiers administrateur a les pouvoirs qui lui sont conférés par la donation, le testament ou, à défaut, ceux d'un administrateur légal.
Lorsque le tiers administrateur refuse cette fonction ou se trouve dans une des situations prévues aux articles 395 et 396, le juge des tutelles désigne un administrateur ad hoc pour le remplacer. »

Présentation

– Exclusion de l'administration légale. – « La désignation d'un administrateur aux termes d'une libéralité consentie à un mineur constitue une technique permettant au parent de désigner un tiers de confiance pour gérer les biens transmis.
Cette possibilité résulte, depuis l'ordonnance no 2015-1288 du 15 octobre 2015, de l'article 384 du Code civil. (…) Puis le régime juridique très libéral de cette disposition a trouvé un vaste champ d'application dans les familles recomposées. Elle permet en effet souvent à un parent de soustraire à l'administration de son ex-conjoint les biens transmis à leur enfant commun ».
Rapport du 116e Congrès des notaires de France, Paris, 8/10 octobre 2020, Protéger : les vulnérables, les proches, le logement, les droits, 1re commission, nos 1079 à 1098, p. 34 à 46.

Limites

Exigence d'une libéralité consentie à un mineur
– Donation versus testament. – Qu'il s'agisse d'une libéralité à cause de mort ou non, celle-ci est indispensable afin de permettre la désignation d'un tiers administrateur. En l'état du droit positif, l'absence de libéralité empêche toute désignation d'un tiers administrateur pour un enfant mineur, sur ce fondement.

Exemple de rédaction d'une clause de désignation d'un tiers administrateur dans une donation d'immeuble

Rapport du 116e Congrès des notaires de France, Paris, 8/10 octobre 2020, Protéger : les vulnérables, les proches, le logement, les droits, 1re commission, no 1096">Lien.

Exemple de rédaction d'une clause de désignation d'un tiers administrateur dans une donation de titres sociaux

Rapport du 116e Congrès des notaires de France, Paris, 8/10 octobre 2020, Protéger : les vulnérables, les proches, le logement, les droits, 1re commission, no 1097">Lien.

Exemple de rédaction d'une clause de désignation d'un tiers administrateur dans une donation de liquidités

DÉSIGNATION D'UN TIERS ADMINISTRATEUR
La présente donation est réalisée à la condition que la somme d'argent donnée soit administrée par un tiers et, par suite, ne soit pas soumise à l'administration légale et que la jouissance légale en soit exclue, conformément à l'article 384 du Code civil.
À cet effet, le DONATEUR se désigne lui-même comme tiers administrateur.
En cas de son prédécès, incapacité, défaillance, révocation ou refus d'exercer cette mission, le DONATEUR nomme …. susnommé comme tiers administrateur suppléant, qui intervient au présent acte et qui accepte la mission qui lui est confiée.
POUVOIRS DE GESTION
Le tiers administrateur disposera, sur la présente somme d'argent, des pouvoirs de gestion et d'administration.
Il pourra exercer notamment les actes suivants sans que cette liste soit limitative :
  • ouvrir un compte spécial au nom du mineur pour y déposer ladite somme ;
  • employer cette somme d'argent à l'acquisition de tout bien meuble ou immeuble. Dans ce cas, les pouvoirs de l'administrateur se reporteront sur les biens qui lui seront subrogés.
POUVOIRS DE DISPOSITION
Le tiers administrateur disposera, sur la présente somme d'argent, des pouvoirs de disposition sans aucune limitation dès lors que cela est conforme à l'intérêt du DONATAIRE.
OBLIGATIONS DU TIERS ADMINISTRATEUR
Le tiers administrateur a l'obligation de produire, tous les ans, un état de sa gestion.
De sorte que lorsque la mission cessera, il puisse fournir lesdits comptes de gestion au mineur devenu majeur, ou à ses héritiers, ou éventuellement à la personne nouvellement chargée de la gestion de ces biens.

Exemple de rédaction d'une clause de désignation d'un tiers administrateur dans un testament

Je soussigné …., né à …. le …., établit mon testament de la manière suivante.
Je révoque toutes dispositions testamentaires antérieures à ce jour.
I – Je désigne comme légataires universels, mes enfants, vivants ou représentés.
OU :
I – Je lègue à mes enfants, vivants ou représentés, par parts égales entre eux, la totalité des biens composant ma succession, sous réserve des droits du conjoint survivant.
II – Si je décède avant la majorité ou l'émancipation de mes enfants, l'ensemble des biens dont ils hériteront dans ma succession ne devront pas être gérés et administrés par leur mère, administratrice légale.
En effet, je désigne, pour gérer et administrer les biens légués à mes enfants, ainsi qu'il est prévu aux termes de l'article 384 du Code civil :
  • (prénom) (NOM), né(e) à …. (lieu de naissance à compléter), le …. (date de naissance à compléter),
  • et en cas de refus, de prédécès ou d'incapacité de la personne susnommée, (prénom) (NOM), né(e) à …. (lieu de naissance à compléter), le …. (date de naissance à compléter).
OU :
II – Pour le cas où je viendrais à décéder après ou dans le même événement que mon épouse et avant la majorité ou l'émancipation de nos enfants, je désigne, pour gérer et administrer les biens légués à nos enfants, ainsi qu'il est prévu aux termes de l'article 384 du Code civil :
  • (prénom) (NOM), né(e) à …. (lieu de naissance à compléter), le …. (date de naissance à compléter),
  • et en cas de refus, de prédécès ou d'incapacité de la personne susnommée, (prénom) (NOM), né(e) à …. (lieu de naissance à compléter), le …. (date de naissance à compléter).
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III – L'administrateur sera investi des mêmes pouvoirs d'administration et de disposition qui sont attribués à l'administrateur légal. Il exercera seul ces pouvoirs. Les droits et obligations de cet administrateur seront exercés sous le contrôle du juge des tutelles, conformément aux règles applicables en matière d'administration légale, lorsque celle-ci est exercée par un administrateur unique.
L'administrateur sera tenu d'établir un inventaire afin de déterminer les biens revenant à mes légataires et soumis à son administration.
En cas d'aliénation de tout ou partie de ces biens, les pouvoirs de l'administrateur se reporteront sur les biens qui leur seront subrogés.
Fait à ….
Le ….
Signature

Supprimer l'exigence d'une libéralité pour la désignation d'un tiers administrateur

Afin de répondre à la préoccupation susvisée dans le cadre de la tutelle testamentaire pour le parent divorcé ou séparé, il pourrait être opportun de rendre possible la nomination d'un tiers administrateur, en dehors de toute libéralité.
Cette désignation pourrait ainsi être faite par testament ou acte notarié, et s'appliquer sans modifier la dévolution légale.
Acceptation de la libéralité consentie à un mineur
Certitude légale pour les donations
– Acceptation par le tuteur, les père et mère, voire les autres ascendants. – En vertu de l'article 935 du Code civil : « La donation faite à un mineur non émancipé ou à un majeur en tutelle devra être acceptée par son tuteur, conformément à l'article 463, au titre « De la minorité, de la tutelle et de l'émancipation ».
Néanmoins, les père et mère du mineur non émancipé, ou les autres ascendants, même du vivant des père et mère, quoiqu'ils ne soient pas tuteurs du mineur, pourront accepter pour lui ».
Divergences doctrinales pour les legs
– Acceptation par le tiers administrateur : clause à prévoir. – La majorité de la doctrine considère que le tiers administrateur peut être autorisé, par la clause du testament, à accepter le legs au nom et pour le compte du mineur, à la place de l'administrateur légal.

Clause à rajouter pour la désignation d'un tiers administrateur dans un testament

Je précise que ces tiers administrateurs auront les pouvoirs d'un administrateur légal, et notamment d'accepter cette libéralité au nom de mes enfants mineurs.
– Acceptation par le tiers administrateur : pas de clause à prévoir. – Certains auteurs considèrent même qu'il n'est pas nécessaire de le prévoir dans la clause testamentaire. Ils arguent que ce serait aller à l'encontre de cette disposition qui prévoit, dès la libéralité, l'exclusion du régime de l'administration légale pour les biens légués au mineur.
– Acceptation par l'administrateur légal. – Néanmoins, une partie de la doctrine estime que le tiers administrateur désigné aux termes de la libéralité ne peut accepter la libéralité au regard de l'impérativité du régime de l'administration légale, qui ne connaît d'exceptions qu'expressément prévues. Le tiers administrateur ne peut tenir son pouvoir précisément que d'une libéralité valablement formée, et sa mission de gestion ne commence qu'après l'acceptation. Le rôle du tiers administrateur ne peut débuter qu'au jour où la libéralité a été acceptée.
Le pouvoir d'accepter la libéralité serait donc dévolu uniquement à l'administrateur légal. Malheureusement, il peut être à craindre que celui-ci soit réticent à accepter une libéralité qui le prive de ses pouvoirs d'administrateur. Pour autant, il ne faut pas omettre qu'il ne peut refuser une libéralité contraire à l'intérêt de son enfant. Au regard de cette divergence d'intérêts, la désignation d'un administrateur ad hoc sur le fondement de l'article 383 du Code civil sera à envisager. Le tiers administrateur pourra saisir le juge des tutelles sur ce fondement, afin d'accepter la libéralité.
– Évolution législative à prévoir. – « Une évolution législative à ce sujet semble souhaitable à la FNDP tant il apparaît de l'intérêt du mineur et conforme à l'esprit de l'article 384 du Code civil, que le tiers administrateur puisse se voir clairement reconnaître le pouvoir d'accepter la libéralité consentie au mineur, sans autorisation du juge. Dans le même sens, il serait souhaitable de consacrer la possibilité pour le tiers administrateur d'accepter une clause bénéficiaire d'assurance-vie comportant la désignation d'un tiers administrateur des capitaux versés ».

Reconnaître au tiers administrateur le pouvoir d'accepter la libéralité

Afin de sécuriser la désignation d'un tiers administrateur par l'exclusion de l'administration légale, il convient de donner légalement à ce tiers administrateur la possibilité d'accepter la libéralité au nom de l'enfant, avant même que celle-ci ne se réalise.
Les familles pourront souhaiter aller plus loin, et le consensus familial ou le consensus de certains membres de la famille pourront conduire le professionnel à envisager d'autres modes de transmission nécessitant une véritable concertation, un projet familial commun.