Il a été rappelé à plusieurs reprises l'intérêt de signer une convention lors de la constitution du quasi-usufruit, afin d'éclairer les parties sur leurs obligations mais aussi d'assurer l'efficacité juridique et fiscale de leurs engagements.
Conditions d'exercice du quasi-usufruit
Conditions d'exercice du quasi-usufruit
La convention permettra de fixer les prérogatives des parties et le montant de la créance de restitution.
Les prérogatives des parties à la convention
Les prérogatives du quasi-usufruitier
L'article 587 du Code civil est assez précis pour permettre de déterminer les droits du quasi-usufruitier : si l'usufruit porte sur des choses dont on ne peut faire usage sans les consommer, « comme l'argent, les grains, les liqueurs », l'usufruitier a le droit de s'en servir, mais à charge de rendre. Il peut donc en faire ce qu'il veut, les garder, les consommer ou les aliéner.
La conséquence première de ces droits importants du quasi-usufruitier sur la chose est qu'il supporte les risques liés à la « garde » de celle-ci, comme la perte ou la disparition de la chose. Dans ce cas il ne peut cependant s'exonérer de son obligation de restitution vis-à-vis du nu-propriétaire.
Se pose aussi la question du droit de gage des créanciers des parties sur le bien objet du quasi-usufruit. On renvoie ici à la nature juridique du quasi-usufruit (V. supra, no
) : si l'on considère que le quasi-usufruitier est un propriétaire, le créancier doit pouvoir poursuivre les biens grevés dans les mains de celui qui les possède. Si, au contraire, on retient que le quasi-usufruitier n'a que la jouissance de la chose, les créanciers du nu-propriétaire, tant que la chose n'a pas été consommée, bénéficient d'un droit de poursuite en la faisant vendre en nue-propriété.
En droit des sociétés, le démembrement de propriété des titres ou droits sociaux est source d'interrogations, notamment quant à la reconnaissance de la qualité d'associé à l'usufruitier. La doctrine reste sur ce point partagée. La jurisprudence a pu décider que « l'usufruitier peut exercer certaines prérogatives attachées à la qualité des associés sans pour autant avoir cette qualité ».
Dans un récent avis rendu le 1er décembre 2021, à la demande de la troisième chambre civile saisie de cette question, la chambre commerciale de la Cour de cassation, se fondant sur l'article 578 du Code civil et sur l'article 39, alinéas 1 et 3 du décret no 78-704 du 3 juillet 1978, a affirmé que l'usufruitier de parts sociales ne peut se voir reconnaître la qualité d'associé même s'il peut provoquer une délibération des associés, en application de l'article 39 du décret du 3 juillet 1978, si cette délibération est susceptible d'avoir une incidence directe sur son droit de jouissance des parts sociales.
Quid en cas de quasi-usufruitier ? Étant un quasi-propriétaire, il doit être en mesure de bénéficier des droits reconnus au plein propriétaire de parts sociales et actions. Il n'y aurait donc pas de répartition des prérogatives d'associé entre le nu-propriétaire et le quasi-usufruitier, même si les discussions sur la nature du quasi-usufruit évoqué ci-dessus remettent en cause cette position : pour les auteurs qui arguent de ce que le quasi-usufruit n'opère pas transfert de propriété, le nu-propriétaire ne perd pas sa qualité d'associé.
En ce qui concerne la fiscalité, c'est le quasi-usufruitier qui déclare les revenus et l'impôt sur la fortune immobilière.
En cas de cession de biens démembrés, la convention des parties peut envisager que le prix de vente sera remis intégralement à l'usufruitier en qualité de quasi-usufruitier. Qu'en est-il du paiement de la plus-value ? Dans cette situation, il convient de distinguer selon la nature des biens (biens immobiliers ou titres de société), ainsi qu'il a été précisé par la première commission.
Le quasi-usufruitier, conformément à l'article 578 du Code civil, a aussi obligation de respecter la destination de la chose et d'en conserver la substance. Ceci est notamment justifié par son obligation de la restituer et conduit à examiner les prérogatives du nu-propriétaire.
Les prérogatives du nu-propriétaire
Le nu-propriétaire a droit à une créance de restitution et il faut donc veiller à la solvabilité du quasi-usufruitier comme à l'entretien qu'il doit assurer des biens dont il a la jouissance. Que le démembrement soit légal ou conventionnel, il appartient au notaire d'informer les parties sur l'intérêt et l'importance des diverses garanties offertes par la loi. Cette information est d'autant plus importante que le quasi-usufruitier est jeune ou que les nus-propriétaires sont des enfants d'un lit précédent.
La loi prévoit un certain nombre de garanties pour protéger les nus-propriétaires. Ces garanties n'étant pas d'ordre public, ils peuvent en dispenser le quasi-usufruitier s'ils souhaitent lui donner les pouvoirs les plus larges ou, au contraire, les aménager pour assurer au mieux le paiement de la créance.
– L'inventaire. – L'article 600 du Code civil met à la charge du quasi-usufruitier une obligation de faire dresser un inventaire ; il en supporte donc le coût. L'inventaire permet au nu-propriétaire de se préconstituer une preuve tant de la composition du patrimoine que de l'état de celui-ci. Il établit ce qui sera à rendre au terme du quasi-usufruit. À défaut d'inventaire, les nus-propriétaires devront prouver la consistance des biens soumis à l'usufruit par tout moyen.
L'inventaire permet de lister les biens compris dans l'assiette du quasi-usufruit et de les décrire. L'estimation n'est pas exigée par l'article 600 du Code civil ; elle l'est seulement en cas de constitution d'un usufruit par donation entre vifs. Pourtant cette évaluation, dans le cadre d'un quasi-usufruit, permet de déterminer le montant de la créance de restitution laquelle, en principe, correspond au montant nominal. Cette indication est également indispensable si les biens sur lesquels porte le quasi-usufruit sont amenés à être remplacés.
Mais l'obligation de faire dresser inventaire n'est pas d'ordre public et la convention peut contenir une dispense. Celle-ci est d'ailleurs fréquemment prévue par les disposants eux-mêmes dans les actes gratifiant l'usufruitier (donations entre époux ou testaments). Dans ce cas, il est utile de conseiller au nu-propriétaire de faire procéder à l'inventaire à sa charge.
Il est à ce sujet utile de préciser que les héritiers réservataires peuvent toujours exiger qu'il soit dressé état des immeubles et inventaire des meubles soumis à l'usufruit. Ce texte est d'ordre public, « nonobstant toute stipulation contraire du disposant ». Ce n'est qu'une fois la succession ouverte que les héritiers réservataires peuvent dispenser le quasi-usufruitier de faire dresser un tel acte. Quand l'inventaire est exigé, il n'est pas, contrairement à ce que prévoit l'article 600 du Code civil, un préalable à l'entrée en jouissance de l'usufruitier.
– Le cautionnement. – Le quasi-usufruitier est soumis à l'obligation de donner caution de jouir raisonnablement du bien démembré. Il s'agit là de garantir le propriétaire en cas de détériorations et pour la restitution en valeur des choses consomptibles. La caution devra alors répondre aux règles des articles 2295 et 2296 du Code civil et la personne qui se porte caution doit être capable de s'obliger et avoir un bien suffisant pour répondre de l'objet de l'obligation. Si la caution devient insolvable en cours d'exercice du quasi-usufruit, le nu-propriétaire, sous peine de déchéance du droit, pourra exiger une nouvelle caution.
Si l'usufruitier ne trouve pas de caution, il est tenu d'employer les fonds soumis au démembrement. Le placement des sommes comprises dans son droit est réalisé par l'usufruitier de concert avec le nu-propriétaire.
S'il souhaite laisser une plus grande liberté au quasi-usufruitier, le nu-propriétaire peut le dispenser de fournir caution (prenant le risque de ne pouvoir obtenir la délivrance de la chose ou de sa créance). Cependant, la dispense n'est pas définitive et peut être remise en cause judiciairement. Il en va ainsi lorsque les droits du nu-propriétaire sont en péril (risque d'insolvabilité, malversation, incapacité de gérer). En présence de descendants, l'obligation pour l'usufruitier de fournir caution est d'ordre public, ce n'est donc qu'une fois la succession ouverte qu'ils ont la possibilité de l'en dispenser.
Il sera prudent d'aviser les parties des conséquences de la dispense de fournir caution, la jurisprudence ayant pu décider que le conjoint survivant d'un défunt laissant à sa succession son épouse gratifiée par une donation entre époux et ses enfants d'une précédente union, ne pouvait se voir imposer le placement des sommes d'argent dépendant de la succession sur un compte démembré si la donation entre époux prévoyait une dispense de fournir caution. Cette décision renvoie aux articles 601 et 602 du Code civil pour justifier la cassation de la décision d'appel, sans s'interroger sur l'application qui aurait pu être faite de l'article 1094-3 du même code, qui exige l'emploi des fonds malgré toute dispense,
– L'emploi. – Le quasi-usufruitier est en principe libre de sa gestion et donc dispensé de toute obligation d'emploi. Toutefois, une telle obligation est prévue dans deux hypothèses : l'article 602 du Code civil prévoit que si l'usufruitier ne trouve pas de caution, il doit placer les sommes comprises dans l'usufruit. De même, en présence d'un conjoint donataire ou légataire en usufruit, l'article 1094-3 du même code met à sa charge une obligation d'employer les sommes soumises à son usufruit. Aucune dispense d'emploi ne peut être valablement prévue par le donateur. Cette obligation subsiste même si l'usufruitier a été dispensé de fournir caution dans l'acte constitutif.
Si la majorité des conventions de quasi-usufruit comportent une dispense d'emploi, il peut s'avérer judicieux de conseiller non une dispense, mais un aménagement des modalités du remploi en restreignant plus ou moins la liberté de l'usufruitier.
– L'indexation. Renvoi. – V. infra, nos
et s.
L'évaluation de la créance de restitution
– Nominalisme monétaire. – Lorsque le quasi-usufruit légal résulte de l'application de l'article 587 du Code civil (somme d'argent, compte bancaire), la règle du nominalisme monétaire s'impose : la dette de restitution est égale à la somme soumise à quasi-usufruit.
– Indexation. – Par convention, il est possible, comme indiqué ci-dessus, de prévoir une indexation de la dette de restitution afin que le nu-propriétaire ne subisse pas la dépréciation monétaire. Cette clause doit respecter l'article L. 112-2 du Code monétaire et financier, et il faut donc trouver un indice en lien avec l'objet de la convention.
Le notaire, lors de l'ouverture d'un usufruit qui donnera lieu à une créance de restitution, doit aviser les parties de l'importance de rendre déterminable la créance à restituer. Ceci permettra de limiter les contestations de l'administration qui n'hésitera pas à demander des rectifications au décès de l'usufruitier si la preuve de l'existence de la dette et de son montant ne peut être rapportée par les parties.
Comment bien préparer une convention de quasi-usufruit ?
Il est conseillé, à l'ouverture du quasi-usufruit (conventionnel ou légal), de signer une convention par acte authentique ou sous seing privé dûment enregistré, ceci afin d'assurer la sécurité juridique et fiscale de l'opération.
Il faut rappeler qu'en présence de parties incapables, il peut être nécessaire de requérir l'autorisation du juge des tutelles ou la nomination d'un administrateur ad hoc pour la signature de la convention de quasi-usufruit.
La convention doit au minimum contenir les précisions suivantes :
- elle doit indiquer que le fait de conclure une convention de quasi-usufruit entraîne acceptation de la succession ;
- elle doit fixer avec précision son objet. Quand les biens proviennent d'une succession, il sera fait référence aux pièces justifiant de la dévolution successorale. Elle mentionnera l'origine de propriété des sommes et valeurs et leur évaluation ;
- elle doit prévoir les garanties bénéficiant aux nus-propriétaires ou les écarter expressément (obligation d'emploi, de fournir caution, d'indexer la créance, etc.) ;
- elle doit préciser le mode d'évaluation ou de calcul de la créance de restitution et les modalités de son règlement.