Assiette du droit de retour conventionnel dans une donation-partage

Assiette du droit de retour conventionnel dans une donation-partage

– Droit de retour et donation-partage. – Si, dans une donation ordinaire, l'application de la clause de droit de retour ne pose guère de difficulté, il n'en est pas de même en présence de donation-partage conjonctive ou cumulative : les biens émanant du patrimoine des deux parents (donation-partage conjonctive) ou de la succession du parent prédécédé et du conjoint survivant (donation-partage cumulative) constituent la masse unique qui va permettre de déterminer les lots des enfants donataires sans se référer à l'origine des biens. Si l'un seul des parents est amené à exercer son droit de retour, sur quels biens cela va-t-il pouvoir jouer ? Ce qui a été attribué au donataire décédé avant le donateur ne correspond pas systématiquement à ce qui lui a été donné par ce donateur. On fait la différence entre l'apportionnement (la valeur donnée) et l'allotissement (le bien reçu).
Sur cette question, la doctrine a distingué deux possibilités basées sur la motivation des donateurs à insérer à l'acte un droit de retour par souci de conserver les biens dans la famille ou seulement pour des raisons indemnitaires. Soit on retient le critère « origine des biens » et le donateur se voit restituer les seuls biens qu'il a transmis au donataire prédécédé. Soit on retient le critère « proportionnel » et le donateur recueille unequote-part du lot reçu par le donataire décédé, correspondant à la participation du donateur à la constitution de la masse unique des biens distribués. De son côté, la jurisprudence a suivi cette double qualification en se fondant sur la finalité du droit de retour exprimée par les donateurs.
Devant ces positions, le notaire doit donc rechercher la volonté des parties en leur expliquant que l'exercice du droit de retour dépendra du critère retenu : quand les donateurs souhaitent insérer dans la donation-partage une clause de droit de retour conventionnel, il est indispensable de préciser la portée de cette clause en délimitant l'assiette du droit de retour et ses conditions d'application. En fonction de la rédaction de la clause, les conséquences du prédécès d'un donataire et de l'application de la clause de retour pourront en effet être très différentes.

Donation-partage cumulative d'un parent à ses trois enfants de biens lui appartenant et partage des biens dépendant de la succession du parent décédé. Cas pratique

L'ensemble des biens donnés et partagés est de 3 000 000 €
Biens donnés : une maison en Bretagne pour 500 000 €, un appartement à Paris pour 500 000 € (soit 333 333,33 € à chacun des enfants ou 1/3 des biens donnés).
Biens partagés : une propriété en Sologne pour 1 000 000 €, un portefeuille d'actions pour 1 000 000 € (soit 666 666,66 € à chacun des enfants ou 2/3 des biens donnés).
La donation-partage est égalitaire, chacun des donataires a donc vocation à recevoir (apportionnement) 1 000 000 €, 1/3 sur les biens donnés et 2/3 sur les biens partagés.
Pour remplir de leurs droits les donataires (allotissement), l'aîné va recevoir l'appartement de Paris et la moitié des actions, le cadet la maison de Bretagne et la moitié des actions, le benjamin la propriété en Sologne.
Le droit de retour s'exerce en fonction de ce qu'a prévu le donateur dans l'acte de donation-partage.
Le donateur a prévu que le droit de retour s'exercerait sur les biens qu'il a donnés et qui se retrouvent dans le lot du donataire décédé.
• Si l'aîné décède avant le donateur : le droit de retour s'exerce sur l'appartement de Paris, soit 500 000 € alors qu'il a donné 500 + 500 / 3 = 333 333,33 €.
• Si le cadet décède avant le donateur : le droit de retour s'exerce sur la maison de Bretagne alors qu'il a donné 500 + 500 / 3 = 333 333,33 €.
• Si le cadet décède avant le donateur : le droit de retour ne peut pas s'exercer.
Le donateur a prévu que le droit de retour s'exercerait sur les biens qu'il a donnés et qui se retrouvent dans le lot du donataire décédé, mais dans la proportion de la donation qu'il a globalement consentie.
• Si l'aîné décède avant le donateur : le droit de retour s'exerce sur l'appartement de Paris, mais seulement à hauteur de son apportionnement, soit 333 333,33 €.
• Si le cadet décède avant le donateur : le droit de retour s'exerce sur la maison de Bretagne, mais seulement à hauteur de son apportionnement, soit 333 333,33 €.
• Si le cadet décède avant le donateur : le droit de retour ne peut pas s'exercer.
Le donateur a prévu que le droit de retour s'exercerait sur l'équivalent de ce qu'il a donné indépendamment de l'origine des biens composant le lot du donataire décédé, et que le droit de retour pouvait s'exercer en valeur.
• Si l'aîné décède avant le donateur : le droit de retour s'exerce sur 1/3 des biens donnés, soit 1/3 de l'appartement de Paris et 1/3 des actions ou sur 1/3 de la valeur de ces biens.
• Si le cadet décède avant le donateur : le droit de retour s'exerce sur 1/3 des biens donnés, soit 1/3 de la maison de Bretagne et 1/3 des actions ou sur 1/3 de la valeur de ces biens.
• Si le cadet décède avant le donateur : le droit de retour s'exerce sur 1/3 des biens donnés, soit 1/3 de la propriété de Sologne ou sur 1/3 de la valeur de ces biens.

Donation-partage conjonctive de parents à leurs deux enfants. Cas pratique

L'ensemble des biens donnés est de 2 200 000 €.
Biens donnés par monsieur : un chalet à la Clusaz pour 900 000 € et la moitié de la résidence principale du couple à Lyon pour 500 000 €.
Biens donnés par madame : un portefeuille d'actions pour 300 000 €, et la moitié de la résidence principale du couple à Lyon pour 500 000 €.
La donation-partage est égalitaire. Chacun des donataires a donc vocation à recevoir (apportionnement) 1 100 000 € (700 000 € de monsieur et 400 000 € de madame).
Pour remplir de leurs droits les donataires (allotissement), l'aîné va recevoir le chalet de la Clusaz et les 2/3 du portefeuille d'actions, le second l'appartement de Lyon et 1/3 du portefeuille d'actions.
Le droit de retour s'exerce en fonction de ce qu'ont prévu les donateurs dans l'acte de donation-partage.
Les donateurs ont prévu que le droit de retour s'exercerait sur les biens donnés et qui se retrouvent dans le lot du donataire décédé.
• Si l'aîné décède avant les donateurs : le droit de retour s'exerce sur l'appartement de la Clusaz et les 2/3 des actions.
• Si le second décède avant les donateurs : le droit de retour s'exerce sur l'appartement de Lyon et 1/3 des actions.
Les donateurs ont prévu que le droit de retour s'exercerait sur les biens donnés et qui se retrouvent dans le lot du donataire décédé, mais dans la proportion de la donation que chaque donateur a globalement consentie.
• Si l'aîné décède avant les donateurs : le droit de retour s'exerce au profit de monsieur sur le chalet de la Clusaz, mais seulement à hauteur de son apportionnement, soit 900 000 × 1 400 / 2 200 = 572 727 €.
Madame sur 2/3 des actions, mais seulement à hauteur de son apportionnement, soit 200 000 × 800 / 2 200 = 72 727 €.
• Si le second décède avant les donateurs : le droit de retour s'exerce au profit de monsieur sur l'appartement de Lyon, mais seulement à hauteur de son apportionnement, soit 500 000 × 1 400 / 2 200 = 318 181 €.
Madame sur l'appartement de Lyon et 1/3 des actions, mais seulement à hauteur de son apportionnement, soit 600 000 × 800 / 2 200 = 281 181 €.
Les donateurs ont prévu que le droit de retour s'exercerait sur l'équivalent de ce que chacun a donné indépendamment de l'origine des biens composant le lot du donataire décédé, et que le droit de retour pouvait s'exercer en valeur.
Au décès de l'un des enfants avant les donateurs, le droit de retour s'exerce par monsieur à hauteur de 1 400/2 200 des biens donnés et par madame à hauteur de 800/2 200 des biens donnés.
Il peut donc surgir de grandes difficultés quand la clause de retour n'a pas été détaillée, car compte tenu des résultats différents qu'induit telle ou telle solution, la transmission organisée par les donateurs peut se trouver bouleversée. Les imprévus de la vie, même s'ils sont souvent difficiles à envisager avec les clients qui souhaitent préparer la transmission de leurs biens, doivent conduire le rédacteur de la clause de droit de retour à faire preuve d'ingénierie et à inciter les donateurs à anticiper les diverses possibilités.