L'utilité sociale face au numérique

L'utilité sociale face au numérique

– La notion d'utilité sociale. – L'utilité sociale comprend l'ensemble des besoins des citoyens au-delà des intérêts particuliers et configure les rapports entre le citoyen et l'État. Elle conjugue ce qui sert positivement à la société et les effets induits du progrès. En cela elle est une notion conjoncturelle, donc nécessairement évolutive. La notion d'utilité sociale est également variable. D'une part, l'idéal social diverge selon les catégories de personnes. D'autre part, ce qui est ou non utile à la société est appréhendé différemment selon les territoires. Les dimensions environnementales de mieux-être social sont influencées par la politique menée par chaque pays concerné. Plus qu'une notion, l'utilité sociale à l'ère du numérique relève du concept : ce qui est utile pour chacun comme source de bien-être et de progrès. Lorsque l'on parle d'utilité pour les citoyens, la question de la place du numérique se pose. Il est qualifié de progrès social, mais son utilité pour les générations à venir se mesure sous l'angle de la sécurité.
– L'incursion du numérique dans la vie citoyenne. – Le numérique se veut d'intérêt général. Cependant, son incursion dans la vie des citoyens a modifié les rapports entre les personnes. La définition du terme « amitié » évolue sous l'impact du numérique : un ami sur Facebook est loin de correspondre à un ami dans la vie réelle. L'implication des individus dans les réseaux sociaux est aujourd'hui synonyme de dynamique sociale. L'absence de participation est perçue comme une attitude passéiste source d'exclusion économique, volontaire ou non. Le droit de ne pas participer à cette dynamique sociale via le numérique est pourtant bien réel quoiqu'en parfaite contradiction avec la volonté du tout numérique affichée par le politique.
Les professionnels de l'action sociale, quant à eux, endossent un rôle d'assistant numérique www.inclusion-numerique.fr/garantir-acces-droits/">Lien ; https://kit-inclusion.societenumerique.gouv.fr/">Lien des citoyens. Remèdes de dernier secours, ils s'immiscent dans la vie sociale dématérialisée en effectuant très souvent les démarches aux lieu et place de l'usager du droit. Un site gouvernemental, « Aidants Connect », a été créé pour les accompagnants à cet effet https://aidantsconnect.beta.gouv.fr/guide_utilisation/">Lien . Des appels à candidature fleurissent, notamment sur des sites comme « Maison France Service », ou bien encore « Cyberbase » www.service-civique.gouv.fr/missions/ecrivain-numerique-en-soutien-a-lacces-au-droit-via-loutil-numerique-maison-france-service-ou-projets-de-maison-france-service-ou-cyberbase-ou-autres-sites">Lien . Cette aide apportée aux usagers en difficulté numérique entraîne des conséquences juridiques quant à la protection des données dites « sensibles » : identité, situation familiale, revenus, identifiants, codes d'accès, etc. Le 23 janvier 2019, la Commission nationale de l'informatique et des libertés (Cnil) a imaginé un modèle de mandat pour les travailleurs sociaux réalisant des formalités pour le compte des usagers, censé permettre la sécurisation des formalités concernées tout en évitant les mises en responsabilité www.cnil.fr/fr/travailleurs-sociaux-un-kit-dinformation-pour-proteger-les-donnees-de-vos-publics">Lien .
Cette incursion numérique impacte également toutes les disciplines du droit.

Exemple de mandat pour l'utilisation de données à caractère personnel (« je fais à la place de »)

Attention : Ce document est un exemple de mandat permettant exclusivement d'encadrer la collecte et l'utilisation des données personnelles d'un usager, par un intervenant du secteur social, dans le cadre d'un accompagnement au numérique. Il n'a pas vocation à encadrer l'accompagnement de manière générale.
« Je soussigné, M. ou Mme X (ci-après le mandant) autorise M. ou Mme Y (ci-après le mandataire), professionnel de l'action sociale au sein de [nom de l'organisme Z] à réaliser en mon nom mes démarches sur internet, conformément aux dispositions des articles 1984 et suivants du Code civil.
1. Missions
Le mandataire s'engage à accomplir, au nom et pour le compte du mandant, les missions suivantes :
[Il convient de lister de manière exhaustive l'ensemble des démarches qui vont être réalisées par le professionnel.]
[Par exemple] :
  • création d'une adresse de messagerie ;
  • enregistrement des identifiant et mot de passe de la messagerie ;
  • création d'un compte personnel sur le site de la Caisse nationale d'assurance vieillesse (Cnav) ;
  • enregistrement des identifiant et mot de passe de mon compte personnel Cnav ;
  • réalisation de l'ensemble des démarches en ligne relevant de la Cnav ;
  • suppression ou mise à jour des informations me concernant lorsqu'elles ne sont plus à jour.
2. Enregistrement et utilisation des données à caractère personnel
Le mandataire ne doit collecter et enregistrer que les seules informations strictement nécessaires au regard des démarches susvisées.
Le mandataire ne doit utiliser les informations concernant le mandant que pour les seules démarches susvisées. S'il a besoin de les utiliser pour d'autres démarches, il doit au préalable en informer le mandant et en demander l'autorisation.
Le mandataire s'engage à mettre à jour puis à supprimer l'ensemble des informations relatives au mandant lorsqu'elles ne sont plus nécessaires à la réalisation des démarches lui incombant au titre du mandat.
3. Information et transparence
Le mandataire informe le mandant des droits dont il/elle dispose, prévus par les articles 13 à 22 du règlement général sur la protection des données (RGPD), et notamment de la possibilité de retirer à tout moment son consentement.
Le mandataire doit s'assurer que l'information a été réalisée de manière concise, transparente, compréhensible et aisément accessible conformément aux dispositions de l'article 12 du RGPD.
Le mandataire doit informer régulièrement le mandant de toutes les actions qu'il effectue à sa place (par ex. : mise à jour d'informations, courrier électronique envoyé à la Cnav, etc.).
4. Confidentialité
Le mandataire est soumis à une obligation de confidentialité. Il ne doit en aucun cas divulguer les informations du mandant à des tiers lorsque cette divulgation n'est pas nécessaire à l'accomplissement des démarches dont il est responsable (par ex. : il ne doit pas communiquer des informations concernant le mandant à son collègue de travail).
Le mandataire enregistre les informations du mandant de manière sécurisée et notamment prend toutes précautions conformes aux usages et à l'état de l'art pour assurer la sécurité physique et logique de ces données.
5. Durée du mandat
Le présent mandat est accepté et consenti pour la durée nécessaire à l'accomplissement des missions du mandataire.
Le mandat prend fin lorsque la réalisation des démarches susvisées a été accomplie, ou à tout moment si le mandant ou le mandataire décide de révoquer le mandat.
6. Responsabilités
Le mandataire est tenu d'accomplir le mandat tant qu'il en demeure chargé, et répond des dommages et intérêts qui pourraient résulter de son inexécution conformément à l'article 1991 du Code civil.
7. Signature des parties
Fait à [lieu], le ……Fait à [lieu], le ……
Le mandantLe mandataire
– Le numérique saisit le droit. – Le droit est similaire à une grammaire sociale offrant protection aux personnes et articulation des rapports entre elles. Sa place primordiale dans la vie sociale participe de l'intérêt général fondant la légitimité de l'État. Or, le numérique modifie la notion d'intérêt général et celui des particuliers. Il modifie les concepts du droit traditionnel. Avoir conscience du progrès nécessite d'y participer en instaurant des règles de protection des personnes, à l'instar des professionnels du droit. L'ordonnancement d'une société équilibrée passe par le respect de la règle de droit décorrélé de tout intérêt économique aux mains d'entreprises numériques hébergeuses Actes du colloque organisé par l'UFR pluridisciplinaire de Bayonne le 17 février 2012, par le CDRE et le programme ERC Lascaux en droit de la sécurité alimentaire mondiale, Droits fondamentaux, ordre public et libertés économiques, Fondation Varenne, 2013 (https://hal.archives-ouvertes.fr/hal-01081733/file/Inte%C2%A6%C3%BCrieur-DroitFondamentaux %28312p.%29.pdf">Lien). . Or le non-respect des droits fondamentaux de la personne est un facteur de désorientation sociale. Chaque branche du droit est concernée par la connaissance et la divulgation des données et entraîne des questions éthiques. Dès la naissance, le bébé est numérisé par l'échographie et susceptible d'être la cible numérique d'une existence virtuelle. L'autorité parentale est exercée en ligne grâce à des outils high-tech tels que Family Facility ou kidganizer sur iPhone, sans que personne ne se préoccupe de la possible récupération des données et documents mis en ligne (comme les plannings, les livrets de famille, ou bien encore les bulletins scolaires de l'enfant…).
Les innombrables identifiants font partie de ce que M. le Professeur Dominique Boullier appelle une « fiction vraie » de l'identité aujourd'hui D. Boullier, Au-delà des territoires numériques en dix thèses (https://spire.sciencespo.fr/hdl:/2441/3cr7jj61bs68cvg9988ojeki6/resources/au-deladesterrtoiresnumeriquesouvragev3.pdf">Lien. – F. Rowe, Sociétés de la connaissance et prospective : homms, organisations et territoires, Université de Nantes, 2009, p. 1-15 (hal-01063000). . Or, la question de l'identité numérique V. infra, Commission 1, Partie II, nos et s. est primordiale, le sentiment d'identité évolue sous le joug du monde virtuel D. Gutmann, Le sentiment d'identité, étude de droit des personnes et de la famille : RID comp. oct.-déc. 2000, vol. 52, no 4, p. 974-976 (www.persee.fr/doc/ridc_0035-3337_2000_num_52_4_18652">Lien). . Elle est utilisée dès l'adolescence lors de la participation aux réseaux sociaux. La présence de l'individu sur la toile, ignorant les frontières géographiques et juridiques, soulève également nombre de difficultés particulières, notamment celles de la notion de citoyenneté ou de la domiciliation. Une autre problématique est apparue avec l'incursion du numérique dans la vie citoyenne : celle de la mort. À l'origine seulement clinique, la définition de la mort devient numérique V. infra, Commission 1, Partie III, nos et s. . La personnalité prend fin avec la mort réelle ou présumée, mais sa protection se poursuit au-delà. Les restes de la personne décédée sont nécessairement traités avec dignité et décence C. civ., art. 16-1-1. . À l'ère numérique, la question se pose de l'image de la dépouille mortelle du corps humain et de son avatar pouvant être assimilé à une image de la dépouille mortelle.
Il appartient à la pratique d'apporter tous comblements utiles et érudits aux vides laissés par le législateur devant le changement de paradigme, permettant ainsi de se satisfaire de ces évolutions.
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L'exercice de l'autorité parentale mis en ligne :

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Source : www.parents.fr/bien-s-equiper/maman/parents-connectes/applications-et-site-internet/family-facility-le-service-en-ligne-qui-facilite-le-quotidien-des-familles-separees-169605">Lien</a>