Les avis de l'Autorité des marchés financiers

Les avis de l'Autorité des marchés financiers

Sur le plan de l'analyse, l'AMF, ces dernières années, a montré son intérêt et sa contribution au débat sur le régime juridique des cryptoactifs, et leur traitement en droit positif français, notamment avant le vote de la loi dite « Pacte » abordée au chapitre suivant.
Il a relevé que :
  • la technologie des registres distribués (Distributed Ledger Technologies, DLTs) ne cesse de se développer ;
  • le fait que la valeur puisse être transférée de manière sécurisée ouvre la porte à une multitude de possibilités, en ce que tout pourra être échangé à l'avenir ;
  • les plateformes d'investissement se multiplient, ainsi que l'automatisation des processus, notamment via les contrats intelligents (smart contracts) et l'automatisation robotique des processus (Robotic Process Automation [RPA]).
Il insiste sur les garanties à offrir, dans la réponse législative et réglementaire française, aux titres financiers et aux valeurs mobilières et la nécessité d'avoir une approche globale des cryptoactifs en vue de traiter simultanément les risques liés au blanchiment de capitaux, la protection des investisseurs, les abus de marché, ainsi que les aspects comptables et fiscaux.
– Un intérêt allant crescendo. – L'Autorité des marchés financiers (AMF) s'est intéressée à titre doctrinal au phénomène des cryptoactifs, en vue de promouvoir un régime réglementaire sécurisant. On verra plus loin le cadre de son activité de contrôle et d'agrément de prestataires de services sur actifs numériques V. infra, Chapitre « Le financement par tokenisation », nos et s. .
Le 26 février 2019, M. Robert Ophèle, président de l'AMF, a ainsi abordé l'approche française des cryptoactifs 3rd Annual FinTech Conference : zoom sur l'approche française des cryptoactifs : RD bancaire et fin. mars 2019, no 2, alerte 35. lors d'un discours prononcé pour la troisième édition de l'Annual FinTech Conference.
– Contrats financiers et bitcoins. – Mentionnons ici, sous l'angle des rattachements juridiques, que l'AMF a reconnu la qualification de contrats financiers, et donc d'instruments financiers au sens du Code monétaire et financier (C. monét. fin., art. L. 211-1, III">Lien) à des options prenant le bitcoin pour sous-jacent AMF, Analyse sur la qualification juridique des produits dérivés sur cryptomonnaies, 22 févr. 2018. – V. P. Pailler, Les dérivés sur cryptomonnaie sont des contrats financiers : RD bancaire et fin. 2018, alerte 23. Rappelons qu'un « sous-jacent » désigne ici l'unité monétaire sur laquelle un actif est adossé. Par ailleurs, une cryptomonnaie peut être adossée à une monnaie étatique ; un stablecoin se caractérise souvent ainsi par la référence à une monnaie dite « fiat » (ayant cours légal étatique) comme sous-jacent. V. supra, Sous-titre I, Chapitre I, « Le développement de la cryptoéconomie », not. nos et s. et non une monnaie étatique ayant cours légal. Sans prendre position sur la nature de la cryptomonnaie, l'AMF suggère qu'elle serait un « actif financier par nature », sans pour autant constituer en elle-même un instrument financier M. Julienne, Les cryptomonnaies : régulation et usages : RD bancaire et fin. 2018, étude 19, no 8. – terminologie regroupant les contrats financiers et les titres financiers comportant un contrat financier.
En fait, l'AMF attrait à la réglementation du Code monétaire et financier des mouvements financiers intéressant des cryptomonnaies, sans officiellement classer ces dernières comme un instrument financier, parmi d'autres.
– Autres organes publics. – Enfin, parmi une somme très importante de parutions, ouvrages ou colloques, l'on peut citer les travaux de France Innovation Rapport relatif à l'IA et à la blockchain, 21 févr. 2019 et de France Stratégie (institution autonome placée auprès du Premier ministre) qui a lancé en 2018 un groupe de travail consacré à la technologie des chaînes de blocs – les blockchains – et ses enjeux, invitant et réunissant des personnalités de la décision publique, de l'innovation ou de la recherche.
Cette volonté se traduit aussi dans le lancement, au printemps 2019, de la « stratégie nationale blockchain », sous l'égide du ministère de l'Économie et des Finances Présentation gouvernementale le 15 avr. 2019, à l'occasion de la Paris Blockchain Conference, de la stratégie nationale blockchain, fruit d'une collaboration entre la Direction générale des entreprises et « l'écosystème » de la blockchain, visant à faire de la France une « nation de la blockchain ». . Voilà autant d'initiatives à visée pragmatique professionnelle, ce qui n'est pas sans écho dans les réponses législatives abordées ci-après, teintées de réglementation et de listes plus que d'un corpus qualitatif d'envergure.
– Un équilibre entre explication pédagogique, invitation à la prudence et démarche prospective. – Dans un dernier Pour l'année 2020 (outre les mises à jour du site de l'AMF) : mars 2020, « État des lieux et analyse relative à l'application de la réglementation financière aux security tokens ». document d'état des lieux et d'analyse, l'AMF expose très précisément les projets passés, en cours ou futurs, d'appels à l'épargne publique pour la souscription de jetons, sans esprit ni de dénonciation systématique ni de feu vert automatique.
Face à un mouvement mondial croissant de levées de fonds numériques, l'Autorité s'attache à proposer des réformes pour sécuriser leur usage par un investisseur français V. infra, sur la question réglementaire et le rôle de l'AMF, Titre II, Sous-titre I, Chapitre II, « Les financements numériques », spéc. Section II, « La tokenisation du capital entrepreneurial », nos et s. , et à cette occasion prend position sur la mise en œuvre des qualifications. Pour l'AMF, la summa divisio résultant de la loi no 2019-486 du 22 mai 2019, dite loi « Pacte » V. infra, Section III, « Les qualifications légales (droit interne et droit comparé) » nos et s. , est à faire entre, d'une part, les actifs numériques définis par le Code monétaire et financier, dont les définitions sont « construites par exclusion du champ des instruments financiers » AMF, État des lieux, préc., mars 2020, p. 5/39. et, d'autre part, les instruments financiers par nature soumis aux réglementations financières européenne et française, soit deux environnements juridiques distincts.
La résolution de problèmes de qualifications d'actifs financiers numériques pour l'AMF va résider pratiquement dans la possibilité ou non d'appliquer la réglementation financière à certains tokens, notamment les security tokens, au-delà des classifications légales.