L'approche des rapports gouvernementaux et travaux parlementaires

L'approche des rapports gouvernementaux et travaux parlementaires

Le rapport Landau

On désigne sous le nom de « rapport Landau », le rapport sur les cryptoactifs remis par M. Jean-Pierre Landau, sous-gouverneur honoraire de la Banque de France, le 4 juillet 2018, au ministre de l'Économie et des Finances.
Le rapport dresse un panorama du développement et des potentialités des cryptomonnaies, en considérant leurs implications pour l'économie réelle et la sphère financière G. Rozier, Remise du rapport Landau sur les cryptoactifs : RD bancaire et fin. sept. 2018, no 5, alerte 88. Pour consultation du rapport Landau : https://minefi.hosting.augure.com/Augure_Minefi/r/ContenuEnLigne/Download?id=CBF9A04E-8AE8-4DBC-906C-B92A29515EBA&filename=Rapport%20Landau%20sur%20les%20crypto-actifs.pdf">Lien .
Il propose des orientations sur l'évolution souhaitable de la réglementation nationale, européenne et internationale, afin de créer un environnement qui soit à la fois souple et sécurisé, capable de faciliter l'épanouissement des cryptomonnaies et de la blockchain, tout en protégeant les épargnants et les investisseurs et en empêchant leur utilisation à des fins illicites.
La première partie du rapport analyse techniquement les cryptomonnaies ; la deuxième partie expose leur univers global et la troisième partie passe en revue les politiques publiques à leur égard et propose des pistes visant à une clarification des pratiques et du cadre réglementaire français et européen.
La qualité professionnelle de son auteur explique que le rapport envisage de façon très mesurée une éventuelle substitution des monnaies classiques par les nouvelles cryptomonnaies, mais intellectuellement le rapport n'écarte pas cette hypothèse, fût-elle d'école.
Surtout, il souligne l'intérêt à encourager toutes les applications possibles de la technologie blockchain en elle-même, au regard par ailleurs de son approche des cryptomonnaies sous l'angle des risques potentiels qu'elles enfermeraient D'où les propositions du rapport pour prévenir ces risques notamment par l'encadrement du statut des acteurs (prestataires, plateformes) ; esprit qui sera repris par le législateur : V. infra, Chapitre II, « Les éléments de réponse », nos et s. .
C'est pour les prévenir que le rapport formule des propositions. Il s'agit par exemple de renforcer le statut des acteurs et notamment des plateformes. Il faut aussi limiter la possibilité pour les cryptos de devenir des actifs négociables en raison des menaces que cela peut faire peser sur les investisseurs potentiels.
  • affaiblir la sécurité de l'épargne ;
  • permettre un transfert de risque des investisseurs informés vers les particuliers (…) ;
  • créer un risque général pour la stabilité financière. Il y aurait un risque systémique, car tout choc dans l'univers crypto affecterait immédiatement les bilans des intermédiaires financiers avec le risque d'une contagion et d'une amplification à l'ensemble du système.
Le rapport relève notamment JCl. Commercial, Fasc. 535, préc., no 55, par D. Legeais, no 55. qu'autoriser ou tolérer une exposition des intermédiaires financiers et des investisseurs institutionnels au risque des cryptomonnaies aurait trois conséquences graves :

Les rapports de mission parlementaire

– Assemblée nationale, Rapport d'information no 1501 du 12 décembre 2018. – Le 18 décembre 2018, l'Assemblée nationale a publié le rapport de la mission d'information commune sur les usages des chaînes de blocs (blockchains) Rapp. AN no 1501, présenté par Mme L. de La Raudière et J.-M. Mis sur les chaînes de blocs, enregistré le 12 déc. 2018. .
Dans ce rapport, la mission s'est attachée à présenter l'état de la technique blockchain et ses possibles utilisations, à mesurer son impact sur les activités économiques et l'organisation de la vie sociale, y compris pour la vitalité des institutions et le bon fonctionnement des services publics, et enfin à aborder les contours d'un cadre juridique JCP A 29 avr. 2019, no 1, act. 24. .
– La question du cadre de régulation. – De nombreux points y ont été abordés, dont les cryptoactifs. Leur cadre a ainsi été analysé et des propositions ont été formulées. Le rapport souligne Publication du rapport de la mission d'information commune de l'AN sur la blockchain : focus sur les cryptoactifs : RD bancaire et fin. janv. 2019, no 1, alerte 24. que la France enregistre un retard important dans le cadre de la compétition dont font l'objet les offres publiques de jetons (Initial Coin Offerings [ICOs]), à l'échelle européenne et mondiale, rejoignant ainsi les constats récents de l'Autorité des marchés financiers sur ce point.
Le rapport fait également référence aux cadres réglementaires ou pratiques rencontrés à l'étranger. Un parallèle est fait avec le cadre souple et sécurisé de la Suisse, qui lui permet de devancer largement notre pays, avec dix fois plus d'ICOs lancées (deux cents en Suisse, contre une vingtaine en France) ; par ailleurs, le rapport fait état de ce qu'entre un tiers et la moitié d'ICOs lancées dans le monde relèveraient, en réalité, d'escroqueries, et ce essentiellement aux États-Unis.
Au regard de ces considérations, les rapporteurs insistent sur la nécessité de garantir un cadre de régulation des cryptoactifs qui réponde à l'exigence de protection des investisseurs français Rapp. AN no 1501, préc., Prop. no 9. .
– La question des services en matière de cryptoactifs. – Ensuite, le rapport relève que les services de vente de supports de clés privées ou les services de conservation de clés cryptographiques privées ne peuvent être assimilés à des services de dépôt d'actifs numériques. Aussi les rapporteurs proposent-ils de revoir les équilibres du projet de loi relatif à la croissance et la transformation des entreprises, dit « Pacte » Projet de loi AN no 179, 9 oct. 2018, art. 26 bis A, nouveau. , afin que la régulation des services financiers et bancaires soit clairement distincte des services tiers en matière de cryptoactifs Rapp. AN no 1501, préc., Prop. no 10. .
Enfin, la mission commune s'est interrogée sur l'impact des cryptomonnaies ou cryptoactifs sur la monnaie émise par les banques centrales et distribuée par les banques commerciales.
– Vers une monnaie digitale. – Les rapporteurs de la mission proposent in fine d'envisager la création de monnaies digitales émises par les banques centrales Rapp. AN no 1501, préc., Prop. no 4. , tel que le préconisait le rapport Landau sur les cryptomonnaies du 4 juillet 2018, précité. Notons que cette possibilité a fait l'objet depuis de réflexions au sein du Fonds monétaire international (FMI), qu'elle a été évoquée lors du Singapore FinTech Festival et que plusieurs banques centrales examinent sérieusement cette piste.
– Assemblée nationale, Rapport no 1624 du 30 janvier 2019. – La mission d'information sur les monnaies virtuelles de la commission chargée des finances de l'Assemblée nationale a publié le 1er février 2019 un rapport no 1624 en date du 30 janvier 2019, en conclusion de ses travaux É. Woerth et P. Person, Rapp. AN no 1624, relatif aux monnaies virtuelles, 30 janv. 2019 (www.assemblee-nationale.fr/15/pdf/rap-info/i1624.pdf">Lien). .
Le rapport s'attache à présenter les problématiques de la technologie et de l'écosystème des monnaies virtuelles, mais également à identifier les différents obstacles, qu'ils soient de nature technologique, juridique, fiscale ou réglementaire, qui bloqueraient le développement des cryptoactifs en France Comm. com. électr. avr. 2019, no 4, alerte 39, veille par O. de Mattos. V. aussi J.-M. Mis, Cryptomonnaie : une régulation/réglementation « contre nature » ou « naturellement indispensable » à son développement ? : Dalloz IP/IT oct. 2019, 549. . La mission d'information a formulé vingt-sept propositions. Certaines ont déjà été adoptées par les dispositions de la loi de finances pour 2019, comme l'assujettissement des plus-values sur les opérations en cryptoactifs effectuées à compter du 1er janvier 2019, à un taux d'imposition de 12,8 %, auquel s'ajoutent les prélèvements sociaux à hauteur de 17,2 %. D'autres ont été inscrites dans le projet de loi relatif à la croissance et la transformation des entreprises, dit « Pacte », comme l'instauration d'un régime de visa optionnel de l'Autorité des marchés financiers pour les levées de fonds en cryptoactifs, ou d'un agrément optionnel pour les prestataires de services en cryptoactifs. Le rapport plaide également pour la création d'une véritable politique publique en faveur des innovations de rupture : créer de nouvelles filières de formation et mettre en place des investissements publics conséquents en termes de recherche et d'innovation.