De nombreux dispositifs juridiques ont besoin de s'exercer avant que des ajustements ne se révèlent nécessaires ; c'est peut-être le cas de la vente d'immeuble à rénover. Quelles sont les raisons de cet insuccès (Section I) ? Certains montages juridiques détournant le dispositif doivent être examinés à la lueur de la jurisprudence (Section II).
Les inconvénients identifiés en pratique
Les inconvénients identifiés en pratique
Les raisons de l'insuccès de la VIR
– La situation antérieure : une plaie ! – Avant 2006, lors d'une vente dans laquelle certains travaux étaient stipulés à la charge du vendeur, et non exécutés au moment de la réitération authentique, le notaire proposait la constitution d'un « séquestre » prélevé sur le prix, afin de garantir à l'acquéreur leur bonne réalisation. Le notaire conservait alors, en sa comptabilité, une somme dont la seule détermination posait déjà problème : quel montant correspondait aux travaux non terminés ? La somme séquestrée était libérée à l'achèvement des travaux promis. Cela pouvait paraître à première vue d'une simplicité déconcertante, mais la contestation des levées de séquestre était source de contentieux. Qui pouvait décider que les travaux étaient effectivement réalisés ? partiellement réalisés ? correctement réalisés ? ou encore réalisés dans les temps impartis ? Les notaires, dépositaires de ces sommes, se retrouvaient dans des situations très inconfortables, gardiens et juges du travail de l'homme de l'art qu'ils ne sont pourtant pas. Dans ce contexte, la profession réclama, à juste titre, un régime juridique adapté à ces situations. Au-delà de la seule responsabilité des notaires, le législateur considéra que l'intérêt général était en cause, car ces séquestres bloquaient les reventes ultérieures, ce qui finissait par nuire à la fluidité du marché. Dès lors, il intervint.
– La situation actuelle : un repoussoir ! – Mais à l'heure actuelle, combien de praticiens utilisent réellement la VIR ? Il faut bien reconnaître que lorsque les critères d'une VIR sont détectés lors un contrat de vente immobilière, les parties s'accordent plutôt sur les moyens de ne pas faire application du statut impératif qui lui est désormais réservé ! Dans l'incapacité de pouvoir procurer à leur acheteur une garantie financière onéreuse (et souvent disproportionnée par rapport aux travaux à réaliser), les vendeurs conviennent le plus souvent de décaler la signature de l'acte après avoir achevé les travaux. On peut aussi, bien sûr, laisser l'acquéreur s'en charger, sauf à adapter le prix de vente en conséquence. En un mot : le contrat de VIR a bel et bien fonctionné comme un repoussoir.
– Faut-il donc assouplir la VIR ? – Avec quelques années de recul, il apparaît effectivement que le champ d'application du régime juridique de la VIR a été conçu de manière un peu trop extensive. Ce contrat se révélant trop lourd par rapport à la perspective qu'il envisageait, il pourrait être nécessaire de l'affiner. En témoigne la pratique bancaire désormais unanime qui requiert, dans la plupart des cas, pour délivrer la garantie, le placement en ses livres d'une somme équivalente voire supérieure à celle autrefois consignée chez les notaires. Ces derniers n'ont pas manqué d'observer, en outre, que le régime sévère de la VIR est mal adapté aux ventes entre particuliers, qui en méconnaissent les principes. Quant aux professionnels, l'ampleur des travaux qu'ils réalisent leur fait régulariser des Vefa plutôt que des VIR.
Les montages hasardeux pour contourner la VIR
– Une incitation à de mauvaises pratiques. – Fonctionnant à reculons, la VIR a plutôt été source de certains montages plus ou moins hasardeux. Il nous faut ici mettre en garde les praticiens sur l'utilisation qui peut être faite du droit de la copropriété à l'occasion d'opérations de rénovation de logements. Il s'agit, afin de sortir du champ d'application de la VIR, d'attribuer au syndicat des copropriétaires la maîtrise d'ouvrage des travaux de rénovation des parties communes. Cette pratique permet de conclure les ventes de lots privatifs avant l'achèvement de ces travaux. La jurisprudence s'est emparée de la question à plusieurs reprises.
– Un « montage » au sens propre du terme. – M. Périnet-Marquet décrit très bien cette technique. Rien n'empêche un vendeur de diviser l'immeuble et de le vendre à la découpe dès lors qu'il respecte, sur ce point, les dispositions de l'article 10 de la loi no 75-1361 du 31 décembre 1975 sur le droit de préemption des locataires. Il pourrait donc aisément, après les premières ventes, et alors que le régime de la copropriété a commencé à fonctionner, faire voter des travaux par l'assemblée générale des copropriétaires. Certes, il ne disposera pas de la majorité puisque l'article 22, alinéa 2 de la loi no 65-557 du 10 juillet 1965 réduit le nombre de ses voix à la somme des voix de tous les autres copropriétaires, mais cette règle peut être aisément contournée par la vente d'un lot à un homme de confiance. Les travaux peuvent alors être commandés et payés par le syndicat, qui en est maître d'ouvrage. Il suffira, à cet effet, de décaler les appels de fonds correspondants après les ventes de logements, de sorte qu'il revienne aux seuls acquéreurs d'y répondre. On peut, sur cette pratique, porter deux types de jugement.
– Opinion modérée. –
Certains auteurs estiment qu'une telle pratique n'est pas, en elle-même, illégale, mais doit néanmoins être maniée avec précaution. Il n'est pas certain que la jurisprudence ne considérerait pas cette technique comme le détournement d'un contrat d'ordre public. Le législateur a, en effet, souhaité que l'acquéreur soit dispensé de tout souci quant à la réalisation des travaux. Tel n'est pas ici le cas. En effet, conformément à la règle posée par l'article 6-2 du décret no 67-223 du 17 mars 1967, c'est le propriétaire au jour de l'appel de fonds (et non au jour de la prise de décision) qui est le débiteur légal des sommes appelées par le syndicat. En l'espèce, cela conduit à ce que les travaux décidés par l'assemblée générale, et donc, de fait, par le vendeur qui est majoritaire, soient payés par les acquéreurs devenus copropriétaires à la suite des ventes de logements. Pourraient donc être constatées la vente d'un immeuble en état futur de rénovation et la fourniture indirecte de travaux puisque le vendeur a seul, dans ce type de montage, le pouvoir d'en décider la réalisation (du moins tant qu'il demeure majoritaire). L'engagement du vendeur de rembourser à l'acquéreur le coût des travaux, possible puisque les règles de paiement des charges ne sont pas d'ordre public entre le vendeur et l'acquéreur, ne modifie pas ce risque. L'acquéreur serait en effet, dans cette hypothèse, à la merci de la bonne santé financière et de la bonne volonté du vendeur. Le prix de l'existant serait payé avant la réalisation des travaux, mais aucune garantie de leur achèvement ne serait fournie. Le risque de requalification d'un tel montage apparaissant très grand, on ne peut qu'inviter les praticiens à une extrême prudence en la matière.
Travaux de rénovation, vente de logement et responsabilité (ou pas) du notaire
Si, littéralement, elle n'est pas illégale, la vente de logements dans un immeuble en rénovation, suivie d'appel à l'acquéreur du coût des travaux relatifs aux parties communes décidés avant son acquisition, attire de plus en plus souvent le regard des tribunaux. Petit bilan.
- Lorsqu'il est démontré que le notaire n'a pas connaissance d'un lien entre le vendeur et les travaux commandés par le syndicat des copropriétaires, sa responsabilité n'est pas retenue ; ainsi :
- Dans le cas contraire (connaissance d'un lien entre le vendeur de logements et l'entreprise réalisatrice des travaux), la solution est différente et la responsabilité du notaire engagée. Tel est le cas dans le cadre d'une réhabilitation lourde décidée par un promoteur via le syndicat des copropriétaires. Il a été reproché au notaire de n'avoir pas choisi le bon modèle d'acte et ainsi privé les acquéreurs de la protection que la loi leur accorde. En étant chargé de notifier les compromis de vente de lots de copropriété à rénover, de dresser et recevoir les actes authentiques de vente et d'établir l'état descriptif de division et le règlement de copropriété, il avait une parfaite connaissance des mécanismes juridiques de l'opération, dans le montage de laquelle il a joué un rôle actif. Il devait « informer et éclairer les parties sur la portée et les effets de leurs engagements, notamment sur leurs incidences fiscales, ainsi que sur les risques de l'acte auquel il prête son concours et, le cas échéant, de leur déconseiller la souscription d'un acte contraire à leurs intérêts. En l'espèce, il s'est abstenu de préconiser, comme il aurait dû le faire, de soumettre l'opération au régime de la vente en l'état futur d'achèvement, privant ainsi l'acheteur de la protection offerte par ce régime, et notamment de la garantie d'achèvement imposée par la loi ».
- Ce bilan de jurisprudence permet d'alerter le notaire qui doit établir une étude précise, voire faire preuve de curiosité lorsque se présente à lui la situation considérée.
– Opinion plus rigoureuse. – Une « aventure » peu ancienne peut, cependant, forger une opinion plus rigoureuse sur ce type de montage. Faut-il rappeler que, par le passé, certaines opérations de construction, pourtant strictement conformes à la lettre des textes, ont encouru les foudres des tribunaux judiciaires et administratifs pour fraude à la loi ? Qui n'a pas en mémoire la regrettable affaire dite de la « copropriété horizontale », et ses conséquences néfastes à tous égards (pour les parties, pour la responsabilité de leurs notaires et, généralement, pour le marché du logement) ? Lorsqu'il est établi que l'esprit d'une convention repose sur une volonté de détournement d'un statut d'ordre public (c'est-à-dire une volonté contraire à l'esprit de la loi), il est à craindre que, tôt ou tard, un tribunal ne s'affranchisse du contrôle tatillon de l'application littérale d'un texte, pour ne considérer finalement que le but, par hypothèse frauduleux, de l'opération. Faut-il alors rappeler l'adage fraus omnia corrumpit ? Les conséquences seront d'autant plus lourdes que les sanctions possibles sont importantes. Il ne nous paraît pas nécessaire de développer davantage pour être compris.
Focus sur la responsabilité du notaire en matière de VIR
L'examen de la jurisprudence permet d'attirer l'attention du notaire sur la mise en jeu éventuelle de sa responsabilité lorsque le dispositif d'ordre public de la VIR n'est pas ou mal appliqué. Celui-ci doit vérifier que derrière une vente classique ne se cachent pas une vente d'immeuble à rénover ou une vente en état futur d'achèvement. Une jurisprudence constante vient rappeler qu'une attention particulière est attendue des notaires lorsqu'une vente immobilière s'accompagne de travaux et qu'il s'agit de logements, autrement dit en secteur protégé. Le choix du contrat par le notaire, et ses conseils sur ce choix, sont primordiaux.
Ainsi, un notaire a été condamné pénalement pour avoir retenu un montage consistant en une succession de deux actes, l'un de vente d'immeuble et l'autre de contrat de construction. En scindant l'opération en deux contrats distincts et en ayant accepté des versements avant la signature des contrats, ce notaire s'est rendu coupable du délit alors prévu et puni par l'article L. 261-17 du Code de la construction et de l'habitation, privant ainsi les acquéreurs de la protection qui leur était accordée par la loi.
Dans une autre affaire de vente de lots de copropriété faisant l'objet d'une réhabilitation par le vendeur, les acquéreurs ont obtenu l'annulation de la vente et la responsabilité du notaire fut engagée pour ne pas avoir conclu de contrat de Vefa (l'époque de l'arrêt est antérieure à l'institution de la VIR), privant les acquéreurs de garanties prévues à défaut de réalisation des travaux promis. Il était reproché au notaire de n'avoir pas appliqué le régime de la vente en état futur d'achèvement, protectrice de l'acquéreur, dès lors que la vente des lots s'accompagnait de la réalisation de travaux par le vendeur.
L'année 2017 fut riche dans ce domaine. Dans une autre décision, la Cour de cassation n'avait, on ne peut que l'apprécier, pas retenu la responsabilité du notaire rédacteur qui n'avait pas à proposer un contrat du secteur protégé lorsque les travaux étaient restés à la charge des acquéreurs et non effectivement réalisés par le vendeur. Dès lors convient-il de s'assurer de la maîtrise d'œuvre réelle : si les acquéreurs sont effectivement libres de déterminer la nature des travaux et les entreprises chargées de les réaliser, la VIR ne s'applique pas. Si en revanche c'est le vendeur qui fixe l'ampleur des travaux et sélectionne les entreprises chargées de les effectuer, le notaire doit être plus vigilant et orienter les acquéreurs vers la vente en l'état futur d'achèvement ou la vente d'immeuble à rénover selon l'importance des travaux de rénovation envisagés. La vigilance et la curiosité du professionnel rédacteur s'imposent.