– Le logement, secteur protégé. – La vente d'immeuble à rénover (VIR), issue de la loi ENL du 13 juillet 2006, qui s'est longtemps fait attendre, est réservée au secteur du logement. Vœu de la profession notariale à Deauville, déjà, en 2003, l'institution d'un statut spécifique à la vente d'immeuble à rénover marque la volonté de protéger l'acquéreur d'un bien immobilier du secteur protégé. Le modèle ne s'impose en effet que dans le secteur du logement. Il vise à régir l'hypothèse dans laquelle un vendeur s'engage directement ou indirectement à réaliser des travaux après la vente, tout en ayant perçu des fonds avant l'achèvement des travaux. Afin d'assurer la protection souhaitée, le nouveau statut met en œuvre un corpus de règles d'ordre public relatives à la description du bien vendu, aux garanties à fournir par le vendeur à son acquéreur, au contrat dans sa forme et ses mentions obligatoires. La qualité de professionnel ou de profane du vendeur étant indifférente, c'est souvent le champ d'application de la VIR qui suscite questionnement (Section I) et difficultés d'application en pratique (Section II).
Les contraintes liées au champ d'application et au régime de la VIR
Les contraintes liées au champ d'application et au régime de la VIR
Un champ d'application vaste limité au logement
– Une définition objective. – L'article L. 262-1 du Code de la construction et de l'habitation définit le champ d'application de la vente d'immeuble à rénover par trois éléments :
- l'immeuble vendu doit tout d'abord être un immeuble ou une partie d'immeuble bâti ;
- deuxièmement, l'immeuble doit être à usage d'habitation ou professionnel et d'habitation ou destiné après les travaux à l'un de ces usages ;
- troisièmement, la réalisation des travaux, directement ou indirectement (c'est-à-dire par des artisans ou entreprises) par le vendeur doit être fixée dans un délai déterminé par le contrat. Ni la loi ni le décret ne font référence à un seuil minimal de travaux devant être réalisés. Tous travaux, même un simple coup de peinture ou une menue réparation telle qu'un changement de sanitaires, entrent donc dans le champ d'application du contrat dès lors qu'ils sont payés avant achèvement.
– Un délai de réalisation indifférent. – L'absence de délai déterminé pour la réalisation des travaux n'exclut pas l'application du régime impératif de la vente d'immeuble à rénover. La perception de sommes d'argent par le vendeur provenant de l'acquéreur avant la livraison des travaux provoque l'obligation d'appliquer ce régime dès lors que celui qui fait (ou fait faire) des travaux se fera payer de leur coût avant leur achèvement.
– Rénovation n'est pas construction. – Ainsi, si toutes ces conditions sont réunies, c'est un contrat de VIR qui doit être obligatoirement conclu, sans possibilité d'y déroger puisqu'il s'agit de dispositions d'ordre public. Dès sa conclusion, le vendeur transfère immédiatement à l'acquéreur ses droits sur le sol ainsi que la propriété des constructions existantes. Les ouvrages à venir deviennent la propriété de l'acquéreur au fur et à mesure de leur exécution. L'acquéreur est tenu d'en payer le prix à mesure de l'avancement des travaux. Le législateur a néanmoins prévu un seuil maximum de travaux au-delà duquel le contrat ne s'applique plus. Ce modèle contractuel ne s'applique pas aux travaux d'agrandissement ou de restructuration complète de l'immeuble, assimilables à une reconstruction. Dans ce cas, c'est le régime de la vente en état futur d'achèvement qui trouve à s'appliquer.
La jurisprudence est venue compléter la loi sur plusieurs points.
– La date d'appréciation du critère du secteur protégé. – Pour considérer si l'on se trouve dans le secteur protégé, qui concerne uniquement les immeubles à usage d'habitation ou professionnel et d'habitation, il faut considérer la destination finale de l'immeuble, après travaux.
– Le cas des ensembles immobiliers. – Le champ d'application de la vente à rénover concerne l'immeuble en tant que bâtiment considéré isolément, y compris lorsque différents bâtiments rénovés sont situés sur une même parcelle. Bien que des bâtiments soient portés au cadastre sous des numéros différents, la nature des travaux s'apprécie au regard de l'ensemble de ces bâtiments réputés former un seul immeuble dès lors qu'ils communiquent entre eux horizontalement et verticalement et disposent des mêmes issues sur la voie publique. Si des bâtiments sont situés sur plusieurs parcelles cadastrales et que les différentes parties d'un immeuble sont indissociables, il convient d'apprécier l'ensemble immobilier.
– L'indissociabilité des travaux. – Il convient de considérer les travaux au regard de l'immeuble pris dans son ensemble, y compris les parties ayant donné lieu à de simples travaux d'entretien et d'amélioration. Sont sans incidence à cet égard les circonstances suivantes :
- les locaux nouvellement aménagés sont affectés à plusieurs occupants ;
- l'affectation de certaines parties de l'immeuble est modifiée ;
- l'immeuble est affecté à plusieurs usages ;
- l'opération immobilière a pour effet de diviser physiquement ou juridiquement un immeuble constituant jusqu'alors une entité unique.
– L'addition de constructions nouvelles. – Dans la situation où, concomitamment à une addition de construction, qui constitue toujours une construction neuve, sont réalisés des travaux portant sur l'existant, il convient de considérer ces travaux isolément afin de déterminer s'ils concourent à eux seuls à la production d'un immeuble neuf.
– La lancinante question de l'importance des travaux. – La difficulté la plus importante pour la mise au point du statut de la VIR a été de définir le stade de rénovation au-delà duquel ce statut devient impératif. Devant les difficultés de concevoir un seuil qui mette d'accord tous les acteurs de la rénovation, il a été décidé, à l'époque, que n'importe quel travail, fût-ce un simple coup de pinceau, entraînerait l'application du statut dès lors que celui-ci ne serait pas terminé lors de la vente. Cette question se pose à nouveau : faut-il mettre en place un dispositif coûteux et complexe lorsqu'il s'agit de travaux simples et peu onéreux ?
– Une analogie avec les règles fiscales. – Déterminer le seuil de travaux à réaliser par le vendeur permet également de dresser la frontière entre la Vefa et la VIR. Il n'y a pas de seuil plancher, mais un seuil plafond qui fait basculer dans un autre statut : celui de la Vefa. Les travaux qui engendrent la rédaction obligatoire d'un contrat de vente d'immeuble à rénover résultent de la combinaison de l'article L. 262-1, alinéa 3 du Code de la construction et de l'habitation et du décret no 2008-1338 du 16 décembre 2008, ayant donné lieu au nouvel article R. 262-1 du même code, qui prévoit qu'il s'agit de tous les travaux qui portent sur un immeuble bâti existant. Ils n'incluent pas les travaux d'agrandissement ou de restructuration complète de l'immeuble, assimilables à une reconstruction, mentionnés à l'alinéa 3 de l'article L. 262-1 et qui rendent à l'état neuf :
- « Soit la majorité des fondations ;
- Soit la majorité des éléments hors fondations déterminant la résistance et la rigidité de l'ouvrage ;
- Soit la majorité de la consistance des façades hors ravalement ;
- Soit l'ensemble des éléments de second œuvre suivants, dans une proportion au moins égale à deux tiers pour chacun des éléments mentionnés :
a) Les planchers ne déterminant pas la résistance ou la rigidité de l'ouvrage ;
b) Les huisseries extérieures ;
c) Les cloisons intérieures ;
d) Les installations sanitaires et de plomberie ;
e) Les installations électriques ;
f) Et, pour les opérations réalisées en métropole, le système de chauffage ».
On constate que la définition civile de la rénovation est calquée sur la définition fiscale. On peut ainsi se reporter aux exemples donnés par l'administration fiscale qui apprécie un critère physique tel que la surface, le linéaire, le volume, ou en valeur si ce critère paraît plus adapté au lot affecté par les travaux. Le maître d'ouvrage a la faculté de retenir toute méthode dont il peut justifier la pertinence au regard de son opération en lui permettant de comparer les éléments neufs au total formé par ceux-ci avec la partie conservée.
Précisions des modalités de calcul des travaux dans le (BOI-ANNX-000214, 29 sept. 2014)
Exemples pratiques de la détermination du seuil de la quotité rendant un immeuble à l'état neuf | ||||||
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Situations | Lots techniques affectés | |||||
Planchers non porteurs | Huisseries extérieures | Cloisons intérieures | Installations sanitaires et de plomberie | Installations électriques | Système de chauffage | |
Aménagement du 1er étage d'une maison : modification de l'emplacement de la salle de bains, renouvellement de l'intégrité des installations de plomberie, déplacement de quelques cloisons, réfection de la majeure partie de l'installation électrique. | 0 % | 0 % | 55 % | 100 % | 80 % | 0 % |
a – Transformation en habitation d'un local commercial situé au rez-de-chaussée : déplacement de la quasi-totalité des cloisons, mise en place d'une installation de chauffage et d'électricité conforme, création d'une pièce d'eau nécessitant la réfection d'une grande partie de la plomberie, pose d'un plancher supplémentaire dans le volume du local (création d'un duplex), remplacement de toutes les fenêtres et de la porte d'entrée. | a – 100 % | a – 100 % | a – 80 % | a – 70 % | a – 100 % | a – 100 % |
b – Même situation qu'au a ci-dessus hormis la plomberie qui était totalement inexistante avant les travaux et les cloisons dont un plus grand nombre sont conservées à l'identique. | b – 100 % (idem) | b – 100 % (idem) | b – 56 % | b – 100 % | b – 100 % | b – 100 % |
Remarque : Les travaux n'affectent par ailleurs ni les fondations, ni les éléments hors fondations déterminant la résistance ou la rigidité de l'ouvrage, ni les façades et ne conduisent ni à une surélévation de l'immeuble, ni à une augmentation de plus de 10 % de la surface de plancher hors œuvre nette.
Point d'attention : On ne peut que conseiller au notaire de ne pas apprécier par lui-même l'ampleur des travaux. Ce travail relève de la compétence de l'homme de l'art qu'est l'architecte.
Un régime d'ordre public protecteur mais strict
Le caractère nécessairement authentique du contrat de vente à rénover
– Un acte solennel. – Dès lors qu'il aura été déterminé que l'opération projetée se trouve dans le champ d'application de la VIR qui vient d'être passé en revue, un contrat devra, à peine de nullité, être conclu en la forme authentique. Il devra mentionner :
a) la description, les caractéristiques de l'immeuble ou de la partie d'immeuble vendu et, le cas échéant, la superficie de la partie privative du lot ou de la fraction du lot (en copropriété : L. no 65-557, 10 juill. 1965, art. 46) ;
b) la description des travaux à réaliser précisant, le cas échéant, les travaux concernant les parties communes et ceux concernant les parties privatives ;
c) le prix de l'immeuble ;
d) le délai de réalisation des travaux ;
e) la justification de la garantie financière d'achèvement des travaux fournie par le vendeur ;
f) les justifications des assurances de responsabilité et de dommages souscrites par le vendeur concernant les travaux lorsque ceux-ci relèvent des articles L. 111-15 et L. 111-16 du Code de la construction et de l'habitation, en application des articles L. 241-2 et L. 242-1 du Code des assurances.
Le contrat doit en outre comporter en annexe, ou par référence à des documents déposés chez un notaire, les indications utiles relatives à la consistance et aux caractéristiques techniques des travaux. Il doit également mentionner si le prix est ou non révisable et, dans l'affirmative, les modalités de sa révision.
L'indication de la consistance et de la date de livraison des travaux
– Consistance. – Le contrat doit mentionner la consistance des travaux. Celle-ci résulte du devis descriptif, des plans, avec les cotes utiles et l'indication des hauteurs de plafond et des surfaces de chacune des pièces et des dégagements. Si cet immeuble est compris dans un ensemble immobilier, ces indications doivent être complétées par un plan faisant apparaître le nombre de bâtiments de cet ensemble, leur emplacement et le nombre d'étages de chacun d'eux. Les caractéristiques techniques résultent du devis descriptif servant de base aux marchés ou d'une notice descriptive conforme à un modèle type agréé par arrêté du ministre chargé de la construction. Ces documents s'appliquent au local vendu, à la partie de bâtiment ou au bâtiment vendu dans lequel il se trouve et qui font l'objet de travaux. Un plan coté du local vendu et une notice indiquant les éléments d'équipement propres à ce local doivent être annexés au contrat de vente. À ce sujet, il semble que les articles R. 262-8 (relatif à l'acte définitif) et R. 262-14 (relatif à la promesse) du Code de la construction et de l'habitation fassent une distinction entre un devis descriptif pour le premier, et une note technique pour le second. À notre sens il serait plus judicieux, afin d'éviter toute discussion en cas de discordance, que les documents annexés soient les mêmes au stade de la promesse qu'à celui de l'acte définitif. Si le local se situe dans une copropriété, la surface habitable sera sujette à modifications au fur et à mesure des travaux (pose de cloisons, sous-pentes…), il semblerait pertinent de rendre la production du certificat de mesurage obligatoire au stade, seulement, de la livraison.
– Date de livraison. – Le contrat doit enfin mentionner une date indicative de livraison des travaux.
L'exigence d'une garantie extrinsèque d'achèvement
– La sécurité de l'acquéreur. – Avant l'instauration d'un régime spécifique pour les ventes d'immeubles à rénover, l'une des principales difficultés était d'assurer la protection de l'acquéreur. Si la rénovation était légère, l'opération se décomposait en deux phases : une vente d'immeuble existant et un contrat de louage d'ouvrage de droit commun sur les travaux de rénovation, de sorte qu'aucune garantie d'achèvement ne s'imposait au rénovateur. En revanche, si la rénovation était lourde, le vendeur bénéficiait d'une garantie intrinsèque d'achèvement. Rappelons que pour échapper à la garantie bancaire, il fallait, à l'époque, que l'immeuble à rénover soit « hors d'eau et non grevé de privilèges et hypothèques » ou « que les fondations soient achevées et le financement assuré à hauteur de 75 % du prix de l'immeuble ». Ces critères sont apparus trop peu protecteurs de l'acquéreur. Rien ne garantissait en effet que l'immeuble n'était pas dans un état tel que la rénovation porterait sur des sommes équivalentes à celles d'une construction ou encore que le financement des travaux n'ait pas été sous-évalué. Une garantie bancaire a donc été imposée par le législateur. Mais, dans le cas de rénovations légères – telles que des peintures, une réfection de cuisine, des changements de moquette, la pose d'une clôture… – les petites entreprises, pour lesquelles la mise en place d'une telle garantie serait trop coûteuse, sont amenées à un choix très binaire : être mises à l'écart du marché ou contourner le dispositif. C'est la raison pour laquelle l'article R. 262-12 du Code de la construction et de l'habitation prévoit que la garantie de l'achèvement des travaux résulte d'une convention de cautionnement, aux termes de laquelle la caution s'oblige envers l'acquéreur, solidairement avec le vendeur, à payer les sommes nécessaires à l'achèvement des travaux prévus au contrat. Elle est donnée par un établissement de crédit, une société de financement ou par une entreprise d'assurance agréée à cet effet. La garantie d'achèvement prend fin à l'achèvement des travaux prévus au contrat, attesté par un homme de l'art.
Une nouvelle assurance obligatoire
– Réservée aux professionnels. – Selon que les travaux à réaliser par le vendeur constituent ou non un ouvrage immobilier au sens des articles 1792 et suivants du Code civil, le contrat de VIR exigera la fourniture des assurances construction obligatoires (responsabilité civile décennale et assurance dommages-ouvrage). L'ampleur des travaux réalisés dans le cadre d'une VIR pouvant être très différente selon les cas, le législateur a néanmoins rendu obligatoire une nouvelle assurance, codifiée à l'article L. 126-19 du Code de la construction et de l'habitation. Cette assurance constitue une assurance de responsabilité civile professionnelle qui s'impose à tout vendeur professionnel (et non au vendeur profane) d'un immeuble bâti ou d'une partie d'immeuble bâti, à usage d'habitation ou à usage professionnel et d'habitation, devant être rénové.
Des modalités de paiement strictement encadrées
– Un échelonnement impératif. – Afin de protéger l'acquéreur, le dispositif étudié a mis en place des modalités de paiement du prix encadrées. Il s'agit de l'échelonnement des paiements. En cas de révision du prix, celle-ci ne peut être calculée qu'en fonction de la variation d'un indice national du bâtiment. D'autre part, l'acquéreur effectue le règlement du prix en fonction de l'état d'avancement des travaux. Le vendeur ne peut exiger ou accepter aucun versement, aucun dépôt, aucune souscription ou acceptation d'effets de commerce avant la date à laquelle la créance est exigible. Le prix de l'existant est payé lors de la signature du contrat de VIR. Et la somme des paiements relatifs au prix des travaux est soumise à deux seuils. Elle ne peut excéder :
- 50 % à l'achèvement des travaux représentant la moitié du prix total des travaux ;
- 95 % à l'achèvement de l'ensemble des travaux.
Le solde est payé à la livraison. Toutefois, comme en matière de Vefa, il peut être consigné en cas de défaut de conformité ou de vices apparents mentionnés sur le procès-verbal de livraison.
– Le recours obligatoire à l'homme de l'art. – La constatation de l'achèvement des travaux représentant la moitié du prix total des travaux, ou de l'achèvement de la totalité des travaux, est faite par un homme de l'art. C'est l'une des particularités de la VIR ; le législateur impose la présence d'un protagoniste garant des intérêts de l'acquéreur : l'expert va effectivement intervenir aux différents stades de cette vente particulière. Cet homme de l'art, indépendant, qui ne peut être le maître d'œuvre du chantier, doit intervenir en réalité dès avant la promesse de vente pour attester de la répartition du prix entre l'existant et les travaux à réaliser. Son intervention à ce stade a été voulue afin de limiter la tendance « naturelle » du vendeur à surévaluer l'existant. L'expert interviendra ensuite tout au long de la construction pour constater le stade d'avancement des travaux, et signer ainsi l'extinction de la garantie financière. Si elle est protectrice, cette présence d'un homme de l'art peut néanmoins être source de complication au niveau de sa désignation. Les versements que la loi entend contrôler sont ceux relatifs aux travaux, pour éviter que l'acquéreur ne paie des prestations qui ne sont pas réalisées.