Il existe, en faveur des opérations de transformation en logements, des incitations fiscales diverses mais disparates (Sous-section I). Toutefois, celles-ci ne doivent pas faire oublier les règles applicables en termes de TVA et de droits d’enregistrement (Sous-section II).
Aspects fiscaux
Aspects fiscaux
Les mesures fiscales incitatives
Parmi les mesures incitatives figure principalement celle liée au régime des plus-values immobilières (§ I) mais d’autres mesures spécifiques peuvent également entrer en ligne de compte (§ II).
Au titre des plus-values immobilières
L’une des principales mesures d’incitation fiscale dédiées à ces opérations trouve son siège à l’article 210 F du Code général des impôts. Ce texte prévoit l’application d’une imposition des plus-values au taux de 19 % (taux inférieur à celui de l’impôt sur les sociétés) en cas de cession réalisée dans les conditions suivantes :
- le cédant doit être une personne morale soumise à l’impôt sur les sociétés ;
- le cessionnaire doit être une personne morale, quelle qu’elle soit ;
- la cession doit porter sur des locaux (immeuble entier ou partie d’immeuble) de bureaux, commerciaux ou industriels ;
- le cessionnaire doit s’engager à transformer les locaux en usage d’habitation dans les quatre ans qui suivent la date de clôture de l’exercice au cours duquel l’acquisition est réalisée ; délai prolongeable sur demande pour une année supplémentaire, renouvelable une fois.
On regrettera que ce régime ait été conçu comme étant d’application temporaire et limité aux seules zone tendues.
Il est pareillement dommageable de constater que l’article 28-II de la loi no 2017-1775 du 28 décembre 2017 instituant un abattement exceptionnel de 70 à 85 % sur les plus-values des particuliers en cas de cession en faveur de la création de logements ne s’applique pas à de telles opérations de transformation. En effet, en cas de cession d’un immeuble bâti, pour que l’abattement soit applicable, l’acquéreur doit s’engager dans l’acte à le démolir. Or, il est rare qu’une opération d’envergure trouve son origine dans la vente d’un grand ensemble détenu par un particulier ou assimilé. Au demeurant, toutes autres conditions étant remplies, de telles opérations pourraient bénéficier de l’exonération prévue par l’article 150 U-7° du Code général des Impôts en cas de création de logements sociaux.
Mesures spécifiques
Certaines mesures se rapportent directement aux opérations de transformation (A) alors que d’autres ne font que s’y rattacher (B).
Mesures propres aux opérations de transformation
Le point commun de ces mesures est de peser sur le budget communal, en diminuant (I) ou en augmentant les recettes (II).
La perte de recettes : l’exonération particulière de taxe foncière
L’article 1384 F du Code général des impôts octroie la possibilité aux communes et EPCI à fiscalité propre, sur délibération, d’exonérer de taxe foncière sur les propriétés bâties, pour une période de cinq ans, les locaux affectés à l’habitation principale issus de la transformation de bureaux. Cette exonération ne s’applique que sur la seule part revenant à la collectivité intéressée et, s’agissant de la part communale, des taxes additionnelles à cette taxe perçue au profit des établissements publics fonciers, des EPCI sans fiscalité propre dont les communes concernées sont membres, des communes ou des EPCI à fiscalité propre ayant institué la taxe pour la gestion des milieux aquatiques et la prévention des inondations.
Une recette supplémentaire : « l’aide à la construction durable du plan France Relance »
Pour les décisions de non-opposition à déclaration préalable ou permis de construire délivrés entre le 1er septembre 2020 et le 31 août 2021, autorisant un projet de transformation de bureau en logement et générant une densité de logement supérieure à un seuil spécifique, les communes ont perçu une aide forfaitaire de 150 euros pour chaque mètre carré de surface de plancher de logement autorisé dépassant ledit seuil de densité.
Malgré un montant octroyé total pour la première année de près de 142 millions d’euros, cette incitation ne semble pas avoir produit l’effet escompté puisque les dispositions régissant l’aide, prévues pour une période de deux années, ont fait l’objet d’une réécriture pour les projets entre le 1er septembre 2021 et le 31 août 2022. Le dispositif a été recentré sur les communes en zones A, A Bis et B1 et a pris la forme d’une contractualisation entre l’état et la commune. L’aide accordée est alors de 2 000 euros par logement autorisé dans le cadre d’une opération de transformation.
Mesures rattachées aux opérations de transformation
Ces mesures profiteront alternativement aux institutionnels (I) ou aux particuliers (II).
En faveur des institutionnels
Au titre de l’article 220 Z septies du Code général des impôts, en vigueur depuis le 1er janvier 2023, certains opérateurs institutionnels assurant la production de logements locatifs intermédiaires en zones tendues (A, A Bis ou B1) ou à défaut, dans un ensemble immobilier comprenant également des logements locatifs sociaux, soit par une construction neuve, soit par la transformation de locaux à usage autre que d’habitation en logement, bénéficient d’une créance d’impôt sur les sociétés, non imposable, et égale au montant de la taxe foncière sur les propriétés bâties, pour une durée maximale de 20 ans.
En faveur des particuliers
Sous réserve du respect des règles propres à chaque dispositif, les acquisitions par les particuliers de logements issus de la transformation d’un immeuble antérieurement à un usage autre peuvent bénéficier des réductions d’impôts prévues au titre des régimes suivants :
- opérations de restauration immobilière dites « Malraux » ;
- investissements « Denormandie ancien » ;
- investissements « Pinel ».
Nonobstant ces diverses mesures, les opérations de transformation en logements que nous évoquons peuvent être soumises à l’égard de la TVA ou aux droits de mutation.
La TVA et les droits de mutation
La transformation d’un immeuble à usage autre en logement aura nécessairement un impact pour son opérateur au regard de la TVA (§ I). Par ailleurs, lorsque cette opération s’accompagne d’une mutation que ce soit en acquisition ou en revente, celle-ci aura également une incidence sur la fiscalité lors de la cession (§ II).
Transformation et TVA
Nous aborderons successivement le régime de droit commun (A) puis le régime spécifique aux logements intermédiaires et sociaux (B).
Régime de droit commun
– Assimilation ou non à la production d’un immeuble neuf. – C’est l’ampleur des travaux réalisés lors de la transformation qui entraine, ou non, la qualification de production d’un immeuble neuf. ’Il y a, au sens fiscal, production d’un immeuble neuf lorsque les travaux réalisés emportent remise à l’état neuf de l’une des quatre composantes suivantes :
- la majorité des fondations ;
- la majorité des éléments hors fondations déterminant la résistance et la rigidité de l’ouvrage ;
- la majorité de la consistance des façades, hors ravalement ;
- l’ensemble des éléments de second œuvre dans une proportion de deux/tiers chacun, à savoir : huisseries extérieures, plomberie, électricité, chauffage, cloisons et planchers non-porteurs.
Si les travaux réalisés n’emportent pas qualification de la production d’un immeuble neuf, et sous condition que l’immeuble soit construit depuis plus de deux ans, les travaux réalisés à l’occasion de la transformation seront soumis à une TVA à taux réduit, par principe au taux intermédiaire de 10 %, voire de 5,5 % pour les travaux de rénovation énergétique.
À l’inverse, si les travaux de transformation sont d’une ampleur suffisante pour emporter la qualification d’immeuble neuf, ils seront soumis à la TVA au taux normal de 20 %.
– Régularisations éventuelles. –
A priori l’application de la TVA à taux réduit est plus favorable que le taux normal de TVA pour l’opérateur réalisant les travaux. Cependant, une fois l’immeuble affecté à un usage d’habitation, il sortira du champ des activités soumises à TVA (sur option ou de droit), ce qui ne sera pas sans conséquence.
Par exemple, le propriétaire d’un immeuble tertiaire jusqu’alors affecté à une activité soumise à TVA et qui souhaite le transformer en habitation devra procéder à la régularisation de la TVA sur travaux antérieurs qui aurait été déduite si la transformation intervient au cours des vingt années qui suivent leur réalisation. S’agissant des travaux de transformation, il aura tout intérêt à faire en sorte que ces travaux lui permettent de bénéficier de la TVA à taux réduit en conservant la nature d’immeuble ancien.
Si ce même propriétaire entend céder son immeuble, avant travaux, à un acquéreur qui effectuera la transformation après la cession, c’est ce dernier qui devra en mesurer les conséquences.
Il devra tenir compte de la « TVA en amont » si la cession porte sur un immeuble neuf (qui sera alors soumise de plein droit à TVA) ou sur un immeuble ancien mais soumise à TVA sur option par le cédant ou enfin si la cession n’est pas soumise à TVA mais que le vendeur « facture » une régularisation de TVA (pour des travaux de moins de vingt ans) par une charge augmentative. Il devra également prendre en compte la TVA grevant les travaux de transformation. Les effets diffèreront alors selon que lesdits travaux emporteront ou non la qualification de production d’immeuble neuf.
Incidence en cas de revente. Pour le cas où les travaux réalisés à l’occasion de la transformation ne correspondent pas à la production d’un immeuble neuf, la TVA supportée, le cas échéant à l’acquisition, et lors de la réalisation des travaux (au taux réduit) ne sera pas déductible. La revente, après réalisation des travaux, ne sera pas soumise à TVA.
Inversement, si ces mêmes travaux emportent la qualification de production d’un immeuble neuf, la TVA supportée, le cas échéant à l’acquisition, et lors de la réalisation des travaux (au taux normal) sera sans incidence pour l’acquéreur initial/transformateur en cas de revente, puisqu’elle sera soumise à TVA au taux normal.
Seuls des calculs comparatifs réalisés en amont de l’acquisition initiale permettent de déterminer la solution la plus adaptée (si du moins le coût des travaux à réaliser varie suffisamment pour influer sur l’une ou l’autre des qualifications).
TRANSFORMATION ET TVA : LE RESCRIT FISCAL
Les enjeux fiscaux liés à la TVA lors de la réalisation d’une opération de transformation sont majeurs. Il est préconisé d’opérer une demande de rescrit fiscal sur la qualification des travaux réalisés, afin d’en appréhender toutes les conséquences. Le délai de réponse de l’administration est alors de trois mois.
Régime spécifique des logements intermédiaires et sociaux
Logements intermédiaires
En application de l’article 279-0 bis A du Code général des impôts, les opérations de transformation de bureaux en logements concourant à la production d’un immeuble neuf (au sens fiscal) peuvent bénéficier du taux réduit de TVA à 10 % applicable aux logements intermédiaires, toute autres conditions prévues par le texte étant par ailleurs respectées.
Logements sociaux
S’agissant des logements sociaux, par application des articles 278 sexies, 278 sexies-0 A et 278 sexies A du Code général des impôts, les opérations d’acquisition-amélioration ainsi que les opérations de location-accession concourant à la production de logements locatifs sociaux à partir d’immeubles à un usage autre, financées au moyen d’un prêt locatif social, bénéficient d’un taux de TVA réduit à 5,5 %.
Transformation et droits de mutation
Lorsque l’opération de transformation s’accompagne d’une opération d’acquisition pouvant être suivie de revente, il y a lieu, à nouveau, de porter une attention particulière à la qualification des travaux réalisés.
Si les travaux réalisés emportent production d’un immeuble neuf au sens fiscal, l’acquisition de l’immeuble ne relève que du droit fixe de 125 euros moyennant un engagement de « construire ». Corrélativement, lors de la revente, les mutations seront soumises aux droits réduits de l’article 1594 F quinquies A du Code général des Impôts.
À l’inverse, si les travaux réalisés ne sont pas suffisants pour que l’opération soit fiscalement qualifiée de production d’un immeuble neuf, l’acquisition de l’immeuble peut être assujettie au taux réduit de 0,715 % moyennant la souscription d’un engagement de revente. À l’occasion de la revente, les mutations seront soumises aux droits ordinaires tels que prévus par l’article 1594 D du Code général des impôts.
Les opérations de reconversion d’immeubles tertiaires en logements ne seront certainement pas LA solution de production de logements à l’heure du ZAN mais constitueront l’une des solutions nécessairement mises en application. Dès à présent, l’avenir nous appelle à concevoir et réaliser de véritables ’constructions réversibles.