Une fiscalité peu attractive

Une fiscalité peu attractive

Une fiscalité peu attractive

Il est rappelé que la mutation s'opérant directement du grand-parent donateur aux petits-enfants donataires, il n'y a pas lieu de considérer que la donation-partage transgénérationnelle s'exerce en deux temps. Sur le plan civil et fiscal, il n'y a pas de double mutation.
Même si cette mutation transgénérationnelle échappe à une double fiscalité, il n'en demeure pas moins que les descendants gratifiés aux lieu et place de leur auteur sont taxés en fonction de leur degré de parenté direct avec le donateur (CGI, art. 784 B), soit la fiscalité entre grand-parent/petits-enfants ; ce qui, compte tenu des abattements moindres dont ils bénéficient, s'avère pénalisant et renchérit le coût fiscal de la transmission transgénérationnelle.
Sur le plan civil, la donation-partage transgénérationnelle n'est pas fondée sur le mécanisme de la représentation. Les petits-enfants ne sont pas allotis aux lieu et place de leur auteur par le jeu de la représentation. L'administration fiscale a tiré les conséquences fiscales de ce principe aux termes du rescrit fiscal no 2010/58 du 28 septembre 2010 prévoyant qu'« en cas de donation-partage faite à des descendants de degrés différents (C. civ., art. 1078-4), l'article 784 B du CGI exclut expressément toute représentation, les droits étant liquidés en fonction du lien de parenté entre l'ascendant donateur et les descendants allotis ».

La fiscalité de la donation-partage transgénérationnelle

À titre d'exemple, M. Moustache, âgé de quatre-vingt-un ans, souhaite donner à son fils Luc qui a décidé de créer son entreprise la somme de 100 000,00 € afin de l'aider.
Dans un souci d'égalité, il souhaite transmettre la même somme à son fils aîné (Jean). Ce dernier lui a pourtant dit qu'il n'avait pas besoin de cet argent, qui serait certainement plus utile à ses deux filles qui viennent de finir leurs études (Cloé et Charlotte).
M. Moustache avait déjà donné à ses deux fils et trois petits-enfants (Luc ayant un fils) la somme de 31 865,00 € à chacun au titre de l'article 790 G du Code général des impôts. Cet abattement spécifique a également déjà été utilisé par Jean au profit de Cloé et Charlotte, l'année dernière.
Première simulation : réalisation d'une double donation-partage
Première donation-partage :
Aux termes de l'acte de donation-partage, M. Moustache, âgé de quatre-vingt-un ans, transmet à Jean et Luc la somme globale de 200 000,00 €.
Dans la partie de l'acte relative à la fiscalité, il sera possible de lire :
Droits dus par chaque donataire :
Somme donnée : 100 000,00 €
Abattement spécial de l'article 790 G du CGI : inutilisable compte tenu de l'âge du donateur .
Abattement légal : 100 000,00 €
Masse taxable : 0,00 €
Deuxième donation-partage :
Le même jour, le notaire reçoit la donation-partage consentie par Jean à ses deux filles, Cloé et Charlotte, d'une somme globale de 100 000,00 €.
Dans la partie de l'acte relative à la fiscalité, il sera possible de lire :
Droits dus par chaque donataire :
Somme donnée : 50 000,00 €
Abattement spécial de l'article 790 G du CGI : 0,00 € – celui-ci a également déjà été utilisé l'année dernière .
Abattement légal : 100 000,00 € utilisé à concurrence de 50 000,00 €
Masse taxable : 0,00 €
Seconde simulation : réalisation d'une donation-partage transgénérationnelle
Au lieu de recevoir les deux donations-partages susvisées, le notaire aurait pu proposer à M. Moustache (qui n'était pas contre l'idée de transmettre directement à ses petites-filles, si Jean était d'accord) de réaliser une donation-partage transgénérationnelle.
Aussi, M. Moustache aurait transmis à son fils Luc la somme de 100 000,00 € (le fils de Luc n'aurait rien reçu aux termes de l'acte) et à ses deux petites-filles (filles de Jean) la somme de 50 000,00 € chacune.
Dans la partie de l'acte relative à la fiscalité, il aurait été possible de lire :
Droits dus par Luc (inchangé à l'exemple précédent) :
Somme donnée : 100 000,00 €
Abattement spécial de l'article 790 G du CGI : inutilisable compte tenu de l'âge du donateur.
Abattement légal : 100 000,00 €
Masse taxable : 0,00 €
Droits dus par chacune des petites-filles du donateur (Cloé ou Charlotte) :
Somme donnée : 50 000,00 €
Abattement spécial de l'article 790 G du CGI : inutilisable compte tenu de l'âge du donateur.
Abattement légal : 31 865,00 €
Masse taxable : 18 135,00 €
Droits dus : 1 821,00 €
Soit pour les deux petites-filles, des droits acquittés de 3 642,00 €.
Le coût fiscal de la donation-partage transgénérationnelle aurait été de 3 642,00 €.
D'un point de vue purement économique, la donation-partage transgénérationnelle apparaît plus onéreuse (avec un coût fiscal plus important) à l'instant de sa réalisation, et ce malgré l'économie réalisée sur les frais d'acte notarié.
Toutefois, la donation-partage transgénérationnelle a pour mérite de laisser intact l'abattement légal entre :
  • M. Moustache (le grand-père) et Jean (l'enfant pivot) contrairement à la première simulation où cet abattement est intégralement utilisé ;
  • Jean (enfant pivot) et ses deux filles, contrairement à la première simulation où cet abattement est utilisé à concurrence de la moitié.
Aussi la donation-partage transgénérationnelle laisse au donateur (à l'égard de Jean) et à l'enfant pivot (à l'égard de ses deux filles) une capacité de transmission en franchise d'impôt de 100 000,00 € chacun.
Cet exemple chiffré confirme que l'attrait pour les donations-partages transgénérationnelles est limité en raison d'un régime fiscal peu attractif. Or, leur succès sera évidemment conditionné à un régime fiscal séduisant, qui se rencontre dans les formes les plus complexes des donations-partages transgénérationnelles.