Les solutions à privilégier

Les solutions à privilégier

L'usufruit constitué à titre de charge de la donation

Présentation civile de l'opération de constitution de l'usufruit comme charge de la donation

Le donateur pourra imposer à ses petits-enfants, dans la donation-partage transgénérationnelle, une charge consistant en la création par eux, au jour du décès du donateur (c'est-à-dire au jour, où ils seront pleins propriétaires) d'un usufruit au profit de l'enfant pivot.
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Schéma d'une Transmission d'usufruit par translation érigée comme charge
• Les avantages et inconvénients de cette solution
Cette solution présente divers inconvénients sur le plan civil (il y en aura également d'autres sur le plan fiscal), notamment car l'usufruit sera transmis par les petits-enfants à leur auteur (l'enfant pivot) par donation simple nécessairement.
La constitution de l'usufruit ne résultera pas de la donation-partage transgénérationnelle mais d'une nouvelle donation réalisée par les petits-enfants au profit de leur auteur, à l'extinction de l'usufruit (actuel), ou même du vivant du donateur (usufruit successif).
Nous verrons que la fiscalité conduira à préférer une autre solution.

Présentation fiscale de l'opération de constitution de l'usufruit par translation érigée comme charge

L'usufruit en second est une charge qui sera exécutée par les donataires finaux (les petits-enfants). Ces derniers consentiront au donataire initial un usufruit, le jour où ils seront pleins propriétaires (c'est-à-dire au décès du donateur).
Dans ce cas, aucun usufruit en second ou successif n'est créé. La donation-partage transgénérationnelle ne comprendra aucun bien nouvellement donné. Elle ne sera dès lors soumise qu'au seul droit de partage sur les biens incorporés, si la donation initiale a plus de quinze ans, ou aux droits de mutation à titre gratuit si la réincorporation a moins de quinze ans.
En revanche dans cette configuration, l'usufruit sera donné au donataire initial par ses propres enfants. Il s'agira d'une donation enfant/parent, taxable en tant que telle.
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Schéma d'une Transmission d'usufruit par translation érigée comme charge et fiscalité

L'usufruit constitué per retentionem

Présentation civile de l'opération de constitution de l'usufruit per retentionem

– Si la donation initiale était en pleine propriété. – Si la donation initiale (simple ou partage) a été consentie en pleine propriété, l'enfant pivot pourra conserver un usufruit (actuel) et ne réincorporer que la nue-propriété (réincorporation partielle en démembrement). L'enfant pivot conserve ici son usufruit : il s'agit d'un usufruit constitué per retentionem.
On comprend que le postulat de départ est identique à la première situation évoquée ci-avant (usufruit par translation), et que le postulat d'arrivée également : un usufruit actuel à l'enfant pivot. Mais désormais l'usufruit n'est pas créé par le donateur, mais par l'enfant pivot lui-même.
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Schéma d'une Transmission d'usufruit par rétention
– Si la donation initiale était en nue-propriété. – La donation (simple ou partage), objet de la réincorporation, a pu être réalisée au profit de l'enfant pivot avec une réserve d'usufruit au profit du donateur (avec éventuellement stipulation d'une réversion au conjoint du donateur, qu'il soit lui aussi donateur ou non).
Auquel cas, l'enfant pivot ne réincorporera que sa seule nue-propriété (il ne pourra pas incorporer plus que ce qu'il a initialement reçu). Plusieurs solutions sont alors envisagées :
Il est admis que l'usufruit successif puisse être constitué non pas par le donateur redevenu plein propriétaire, mais par l'enfant pivot en sa qualité de nu-propriétaire (la constitution d'un usufruit successif fait partie des prérogatives du nu-propriétaire) : usufruit constitué par « rétention » du futur droit conditionnel de jouissance du bien par le nu-propriétaire.
En quelque sorte, le donataire initial (l'enfant pivot) retient non pas l'usufruit (puisqu'il n'en est pas encore titulaire), mais le droit conditionnel de sa jouissance future attaché à la nue-propriété qu'il détient. En effet, est rattaché à la nue-propriété le droit conditionnel d'être, en cas de survie à l'usufruitier (donateur), plein propriétaire.
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Schéma d'une Transmission d'usufruit par rétention du droit conditionnel de sa jouissance future
– Les avantages et inconvénients de cette technique. – L'usufruit étant retenu par l'enfant pivot, il n'y a pas de « transfert » de celui-ci entre le donateur et l'enfant pivot qui serait assimilé à une nouvelle donation, taxable.
Par contre, on l'aura compris, à la différence de la première situation évoquée ce montage ne permettra pas à l'enfant pivot d'être attributaire d'un lot dans le partage (sauf à comprendre dans la donation-partage transgénérationnelle de nouveaux biens, ce qui conduirait à modifier le régime fiscal). Cette solution ne pose aucune difficulté si l'enfant pivot a plusieurs enfants et que ceux-ci sont attributaires de lots. De nouveau, parce que le droit constitutif du futur usufruit de l'enfant pivot est retenu par ce dernier, il n'y a pas de « transfert » de celui-ci entre le donateur et l'enfant pivot qui serait assimilé à une nouvelle donation taxable.
Le régime fiscal applicable à l'usufruit constitué par translation ou par rétention ne dépendra que de la rédaction de la clause de donation-partage transgénérationnelle relative à celui-ci.

Présentation fiscale de l'opération de constitution de l'usufruit per retentionem

– Quelle est la situation des usufruits successifs ? Lorsque l'enfant pivot avait reçu de la pleine propriété et qu'il n'intègre dans la donation-partage que la seule nue-propriété, conservant un usufruit, la donation-partage ne comprend pas de biens nouvellement donnés, et l'usufruit ne subit aucune mutation puisqu'il est simplement retenu par celui qui en est le propriétaire.
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Schéma d'une Transmission d'usufruit par rétention et fiscalité
La question de la fiscalité intervient à deux moments différents : lors de la constitution de l'usufruit successif et lors de son ouverture.
À la constitution de l'usufruit successif : la doctrine est unanime. Cet usufruit constitué par rétention au sein de la donation-partage transgénérationnelle ne peut être taxé aux droits de mutation à titre gratuit dans la mesure où cet usufruit ne subit aucune mutation.
Lors de son ouverture : l'instruction fiscale ne semble pas établir de différence entre cet usufruit successif par rétention et les usufruits successifs par translation, susévoqués, ce qui pourrait laisser croire que cet usufruit successif serait également soumis à une taxation au titre de l'article 796-O quater du Code général des impôts tel qu'évoqué ci-avant avec l'usufruit constitué par translation (V. supra, nos et s.).
Le seul texte de référence est la réponse ministérielle susmentionnée (V. supra, no ).
Or, la question du député ne portait que sur le cas d'une donation incorporée initialement consentie en nue-propriété (« D'autre part, toujours dans ce cas de figure, si la donation réincorporée n'était que de la nue-propriété et si les enfants « premier donataire », entre le décès du donateur et le leur, ont vocation à être titulaires de l'usufruit [leurs propres enfants recevant la nue-propriété], elle lui demande si l'administration considérera qu'il y a pas lieu à taxation, au décès du donateur, de la valeur de l'usufruit transmis au « premier donataire » »).
Le cas de la donation initiale en pleine propriété, pour laquelle le donataire n'effectuerait qu'une incorporation partielle, n'a pas été évoqué.
D'ailleurs, dans sa réponse, la ministre prend le soin de débuter son propos par « s'agissant de la réversion d'usufruit ». Ici, il n'est nullement fait référence à l'usufruit par rétention. Et il ne peut être assimilé une réversion d'usufruit (usufruit consenti par une personne au profit d'une autre) à une rétention d'un usufruit (usufruit conservé par son titulaire).
Dans son instruction fiscale, l'administration prévoit ce qui est ci-après reproduit, tout en faisant référence en note de bas de page à la réponse ministérielle :
« Par ailleurs, il est précisé que si les biens réincorporés dans une donation-partage transgénérationnelle correspondent à des biens donnés en nue-propriété et si les « premiers donataires » ont vocation à être titulaires de l'usufruit (leurs propres enfants recevant la nue-propriété) entre le décès du donateur et le leur, la réversion d'usufruit sera taxable lors du décès du stipulant, fait générateur des droits de succession ».
Il semble que ce texte puisse être compris de différentes manières, ou du moins que la phrase suivante puisse être interprétée de plusieurs façons : « si les biens réincorporés dans une donation-partage transgénérationnelle correspondent à des biens donnés en nue-propriété ».
1) Soit il peut être compris que les biens réincorporés dans une donation-partage transgénérationnelle correspondent SEULEMENT à des biens donnés en nue-propriété : l'incorporation ne portera que sur de la nue-propriété (quel que soit le sort de l'usufruit. On ne pose pas la question de savoir si la donation initiale était en nue-propriété et en pleine propriété).
2) Soit il peut être compris que les biens réincorporés correspondent à des biens INITIALEMENT donnés en nue-propriété : auquel cas, cette position de l'administration fiscale ne correspond pas à la configuration présentement évoquée, savoir une donation initialement consentie en pleine propriété et à un usufruit retenu.
Certains auteurs semblent avoir retenu la première lecture et ont assimilé cette position de l'administration à « une erreur d'interprétation » ; d'autres relèvent « l'absence de fondement juridique » d'une telle position de l'administration.
Nous aurions plutôt tendance à retenir la seconde lecture.
D'ailleurs, à la fin de cet alinéa, l'administration fiscale a pris soin d'ajouter une note de bas de page (« 2 Réponse ministérielle à Mme Ceccaldi-Raynaud, députée des Hauts-de-Seine, Journal officiel Assemblée nationale du 8 novembre 2011, page 11832, no 115883 ») renvoyant seulement à la réponse ministérielle. Or, cette réponse ministérielle ne portait que sur la question des réversions d'usufruit et usufruits successifs.
Tant la question du député (qui n'évoque que l'usufruit transmis) que la réponse du ministre (qui n'évoque que la réversion d'usufruit et le décès du disposant comme fait générateur de l'impôt) étaient très claires sur le sujet, ou tout au moins son périmètre : usufruit successif et réversion, mais en aucun cas celui de l'usufruit simplement retenu par son propriétaire (pour lequel il n'y a ni transmission ni décès du stipulant).
Aujourd'hui, entre les trois modes de constitution d'un usufruit successif présentés, nous ne pouvons que conseiller d'opter pour l'usufruit successif constitué par rétention. Sur le plan civil, cette constitution est parfaitement admise et incontestable. En l'absence de mutation sur le plan civil, il nous paraît difficile, voire impossible en l'état du droit, de soumettre à une quelconque taxation cet usufruit successif à son ouverture.
Cette solution présente donc l'avantage de soumettre à une fiscalité l'usufruit successif lors de la donation-partage transgénérationnelle (car l'usufruit successif n'est pas un lot de celle-ci), et permet d'écarter a priori la fiscalité à l'ouverture de la succession de G1, ne s'agissant pas d'une réversion d'usufruit au profit de G2.
Bien sûr, nous ne pouvons qu'espérer un éclaircissement de la fiscalité de la donation-partage transgénérationnelle avec réincorporation partielle en démembrement.
En effet, la transmission en démembrement de propriété est un mécanisme très apprécié en gestion de patrimoine. Il serait donc opportun de clarifier également le traitement fiscal de la constitution d'un usufruit par rétention, au sein des donations-partages transgénérationnelles, afin d'en assurer leur succès.
Dans cette attente, il incombera au notaire de retenir la bonne solution et d'apporter une attention toute particulière à la rédaction de sa clause pour éviter tout risque d'interprétation entre un usufruit successif par translation ou par rétention.