Le notaire face aux modes alternatifs de règlement des différends (Mard)

Le notaire face aux modes alternatifs de règlement des différends (Mard)

En France, se développent grandement les modes alternatifs de règlement des différends (Mard), dans un élan de déjudiciarisation. Les objectifs poursuivis sont à vrai dire multiples, comme l'énonce Philippe Baillot : « désengorger les tribunaux, transférer au secteur privé une charge régalienne, réduire le coût de gestion des conflits, accélérer leur traitement, pacifier les relations sociales, préserver les liens commerciaux… ». Ces « circuits de dérivation du contentieux » présentent quelques similitudes avec les démarches entreprises par le deal mediator ou encore le swingman, tout en ayant chacun un processus qui leur est propre.
Citons quelques Mard :
– La transaction. – Cette notion est définie à l'article 2044 du Code civil comme étant « (…) un contrat par lequel les parties, par des concessions réciproques, terminent une contestation née, ou préviennent une contestation à naître. Ce contrat doit être rédigé par écrit ».
Les parties peuvent demander au juge compétent d'homologuer leur accord afin qu'il acquière force exécutoire et qu'il puisse, de la sorte, donner lieu à la mise en œuvre de mesures d'exécution forcée, quel que soit le mode alternatif de règlement des différends retenu.
On ne peut que promouvoir, une fois encore, les vertus de l'acte authentique revêtu de la force exécutoire. La Cour de cassation a admis qu'un notaire pouvait recevoir une transaction en lui conférant force exécutoire.
Mais l'on se doit également de mentionner le vote de la loi pour la confiance dans l'institution judiciaire du 22 décembre 2021 qui prévoit désormais en son article 44 qu'un acte d'avocat portant accord issu d'une transaction, d'une médiation, d'une conciliation ou encore d'une procédure participative puisse obtenir apposition d'une formule exécutoire par le greffe.
– La convention de procédure participative. – Cette modalité est prévue à l'article 2062 du Code civil et consiste en « une convention par laquelle les parties à un différend s'engagent à œuvrer conjointement et de bonne foi à la résolution amiable de leur différend ou à la mise en état de leur litige ». Chaque partie doit s'en remettre à un avocat.
Cette convention, conclue pour une durée déterminée, précise l'objet du litige ainsi que la nature et les modalités de transfert des pièces devant être produites en vue de parvenir à sa résolution.
Aucun juge ne pourra être saisi avant l'échéance du terme mentionné dans la convention, sauf toutefois à ce que l'une des parties n'ait pas respecté les engagements qu'elle a souscrits dans la convention. Si, à l'issue de la convention, aucun accord n'a pu être trouvé, les parties pourront alors librement saisir le juge. Si la signature d'une convention intervient postérieurement à l'ouverture de la procédure, alors elle n'entrera en force qu'au jour du retrait du rôle par le juge.
– La procédure collaborative. – Ce mode de résolution amiable, extrêmement proche du précédent, suppose également la signature d'une convention aux termes de laquelle les parties en conflit, chacune étant conseillée par un avocat, s'engagent conjointement à trouver une solution amiable au litige qui les oppose. Toutefois, à la différence de la procédure participative, cette technique ne résulte d'aucun texte et n'est que le fruit de la pratique de terrain exercée par les avocats. Une procédure collaborative ne peut être engagée en cas de saisine préalable d'un juge. En cas d'échec de la procédure collaborative, les avocats-conseils devront se désister, n'étant pas autorisés à poursuivre leur mission en phase contentieuse.
– Les modes alternatifs de règlement des différends pratiqués par le notariat. – Si les modes alternatifs énoncés ci-dessus sont partiellement du ressort du barreau, le Conseil supérieur du notariat promeut, pour sa part, la professionnalisation des notaires en matière de médiation et d'arbitrage.
– La médiation. – Le médiateur, bien qu'intervenant postérieurement à la naissance du conflit contrairement au deal mediator, se comporte, pour autant, de façon similaire : sa mission ne consiste aucunement à prendre parti. Le médiateur accompagne les parties en conflit dans leurs échanges, en organisant les débats et en s'efforçant de les conduire à un accord amiable dont elles définiront seules les contours.
À l'appui de dix-huit centres de formation, plus de cent cinquante notaires avaient déjà été formés au début de l'année 2022. Le droit des sociétés est propice au développement de cette activité notariale, tout autant que le droit de la famille ou encore le droit des biens.
– L'arbitrage. – L'arbitrage se distingue fondamentalement de la médiation en ce que l'arbitre prend parti et tranche le litige à la demande des parties. Il ne s'agit plus d'un mode amiable, à la façon de ceux énoncés ci-dessus, mais bien d'un mode alternatif et définitif de règlement des différends.
Les parties doivent avoir prévu le recours éventuel à ce mode de règlement alternatif avant même que le litige ne survienne au moyen d'une clause compromissoire insérée dans le contrat les liant.
À défaut d'anticipation et en cas de litige les opposant, les parties peuvent encore y avoir recours en signant un compromis d'arbitrage. Y seront alors mentionnés le nom des arbitres constituant le tribunal arbitral, l'objet du litige qu'il leur faudra trancher, et les règles procédurales qui trouveront à s'appliquer.
Il est toujours possible de conclure un compromis d'arbitrage quand bien même un juge aurait été saisi. De même, il est toujours possible pour le non-professionnel de préférerla saisine d'un juge à une procédure arbitrale quand bien même figurerait dans le contrat qu'il a signé une clause compromissoire.
Selon la volonté des parties, le tribunal arbitral statue en droit ou en équité, en rendant une sentence arbitrale dotée de la force obligatoire, voire de la force exécutoire à la vue d'une ordonnance d'exequatur rendue par le juge.
A priori, sauf à ce que les parties en aient voulu autrement, une sentence arbitrale n'est pas susceptible d'appel. Elle peut, en revanche, faire l'objet d'un recours en annulation dans des cas très spécifiques : en cas d'incompétence de l'un des arbitres ou de violation d'une règle d'ordre public.
La prévention du conflit et la promotion de modes alternatifs de règlement des différends trouvent toute leur place dans la phase d'élaboration des contrats, notamment en droit des affaires, que ce soit sous la houlette d'un deal mediator ou au moyen de l'insertion de clauses désignant un tiers médiateur ou un arbitre en cas de mésentente.
Mais la rédaction des statuts, qui demeurent la pierre angulaire du projet d'entreprise, ne pourrait-elle pas elle-même être améliorée dans l'idée d'accroître la sécurité des tiers ?