La promesse unilatérale authentique

La promesse unilatérale authentique

La promesse unilatérale authentique

« Existe-t-il mécanisme plus répandu et plus utilisé en droit des sociétés que la promesse de vente de titres ? Nul pacte, nul corpus statutaire, nulle opération impliquant un transfert de propriété de titres ne fait en pratique l'économie de cet outil classique emprunté au droit des contrats ».
La promesse unilatérale offre au notaire l'occasion de faire valoir ses conseils et son ingénierie, tout particulièrement depuis l'entrée en vigueur de l'ordonnance no 2016-131 du 10 février 2016 portant réforme du droit des contrats, du régime général et de la preuve des obligations.
– Mécanismes apparentés et supports diversifiés. – Ces promesses peuvent parfois figurer dans les statuts, beaucoup plus fréquemment dans les pactes extrastatutaires, ou encore être autonomes en donnant lieu à l'établissement d'un acte distinct.
Un travail de qualification en amont est indispensable afin de distinguer la promesse d'un mécanisme apparenté que seraient une simple clause insérée dans les statuts – à la façon d'une clause de préemption, d'une clause de sortie conjointe proportionnelle ou totale, d'une clause d'exclusion par exemple –, une convention de portage, une pension livrée, un prêt de titres, une location d'actions, pour n'en citer que quelques-uns.
À la vue des contraintes s'appliquant aux clauses statutaires visant à exclure un associé ou à organiser les modalités de cession de sa participation, une promesse peut procurer la souplesse nécessaire au montage en octroyant au rédacteur une liberté d'action bien plus large.
– L'originalité des promesses croisées. – Une pratique fréquente consiste à signer concomitamment une promesse de vente et une promesse d'achat pour s'assurer de la bonne fin de l'opération. Pendant de nombreuses années, la jurisprudence a considéré que ces promesses croisées, de vente et d'achat, comportant toutes deux un accord sur la chose et sur le prix, valaient vente.
Or, à l'occasion de deux arrêts, la chambre commerciale de la Cour de cassation a opéré un revirement de jurisprudence, conférant à nouveau à chaque promesse son autonomie et son statut d'avant-contrat. L'entrée en vigueur de la réforme de 2016 ne semble pas avoir occasionné un nouveau revirement. Toutefois, le professeur Hervé Le Nabasque recommande d'échelonner dans le temps la réalisation de ces deux promesses, en faisant en sorte que l'une prenne le relais de l'autre, ou encore de mentionner expressément afin d'écarter toute ambiguïté qu'en cas de défaut de levée d'option dans l'un ou l'autre des cas, il n'y aura pas vente.
– Un outil privilégié d'anticipation et de prévention des conflits. – Lapromesse de vente ou d'achat est couramment pratiquée à des fins d'organisation de la gouvernance dans le temps, de gestion des prises de participation, d'encadrement d'opérations de financement, dans le cadre de « packages managériaux », par exemple. Cet outil permet effectivement d'organiser de façon anticipée la sortie de certains actionnaires ou encore de les contraindre à acquérir une prise de participation en cas de survenance de certains événements impactant la vie de la société.
C'est ainsi qu'une promesse d'achat sera généralement exigée par un bailleur de fonds qui souhaite organiser son retrait par anticipation. Elle peut être souhaitée par l'associé minoritaire dont la participation est moins stratégique, donc moins liquide. Une promesse de vente permettra, quant à elle, de prévenir le risque de titres en déshérence en présence d'un dirigeant salarié, actionnaire, n'ayant pas vocation à conserver cette participation à son départ… les exemples sont légion.

La promesse : un outil privilégié d'anticipation et de prévention des conflits

Le recours à une promesse est notamment un moyen d'anticiper la détérioration éventuelle des rapports entre associés.
– Points de vigilance. – Le notaire veillera à rendre la promesse unilatérale efficace au moyen d'une rédaction minutieuse. Certains aspects peuvent alimenter un contentieux. Citons-en quelques-uns :
– Rétractation et délai d'option. – Les termes de l'alinéa 2 de l'article 1124 du Code civil suscitent légitimement une inquiétude : « La révocation de la promesse pendant le temps laissé au bénéficiaire pour opter n'empêche pas la formation du contrat promis ». Faut-il y voir a contrario la possibilité pour le promettant de se rétracter tant que le délai d'option profitant au bénéficiaire n'est pas ouvert ? Il est souhaitable d'écarter toute ambiguïté sur le sujet en adoptant une rédaction adéquate.
Il est possible de songer à une clause ainsi rédigée :

Engagement du Promettant

Par application de l'article 1124 du Code civil, en signant la présente promesse unilatérale, le Promettant consent de manière ferme et définitive à la cession de X actions de la société Y et confère au Bénéficiaire le droit de les acquérir en tout ou partie, s'il le souhaite, dans le délai, aux prix unitaire, charges et conditions ci-après stipulés.
À compter de la signature de la présente promesse et jusqu'à l'expiration du délai accordé au Bénéficiaire pour lever l'option, le Promettant ne pourra pas rétracter son consentement ni contracter avec un tiers.
– Le visa des articles 1112-1 et 1135 du Code civil. – La réforme est à l'origine de deux articles au maniement délicat :
  • l'article 1112-1 du Code civil imposant à chaque partie de communiquer à son cocontractant toute information en sa possession que l'autre peut légitimement ignorer, et dont l'importance est déterminante pour son consentement, cette information étant en lien avec le contenu de la promesse ou la qualité des parties. On rappelle que ce devoir d'information ne porte pas sur la valorisation de la chose vendue. Il sera opportun de rappeler dans la promesse cette obligation aux parties, et de leur faire déclarer, ainsi informées, qu'elles considèrent s'en être acquittées ;
  • et l'article 1135 du Code civil qui dispose en son premier alinéa que : « L'erreur sur un simple motif, étranger aux qualités essentielles de la prestation due ou du cocontractant, n'est pas une cause de nullité, à moins que les parties n'en aient fait expressément un élément déterminant de leur consentement ». Cet article, au fonctionnement retors, incite à obtenir de chaque partie une déclaration ayant trait à l'absence d'élément déterminant de son consentement non stipulé expressément dans la promesse. On peut penser aux motifs de la vente ou de l'acquisition.
– Le mécanisme de levée d'option. – La levée d'option emportant formation du contrat, le notaire veillera à en définir précisément les modalités afin de sécuriser la naissance des obligations contractuelles (forme de la levée d'option, délai dans lequel elle doit intervenir, séquencement à observer par rapport au versement du prix de cession…).
– Vil prix et contreparties. – Le prix doit être réel et sérieux afin que le contrat de cession n'encoure aucun risque de nullité à ce titre et ne souffre pas de requalification. Pour autant, cette approche mérite d'être nuancée. En effet, un prix, en apparence vil, pourrait être admis s'il existe par ailleurs des contreparties. Ainsi en a statué la Cour de cassation, considérant que la cession devait être appréciée globalement à la vue des accords autres ayant pu être conclus entre les parties au contrat.

Des contreparties extra-monétaires qui doivent être précisées dans l'acte

En cas de prix inférieur à la valeur de marché en raison des circonstances dans lesquelles s'inscrit la cession, le notaire précisera la nature des contreparties extra-monétaires ayant conduit à la fixation de ce prix de cession.
– Prix déterminé ou déterminable. – Le prix n'a pas à être, on le sait, nécessairement chiffré. En revanche, la promesse doit mentionner les éléments objectifs permettant de le calculer au jour de la levée d'option, aucune des parties ne devant avoir la main sur l'un de ces paramètres de calcul. Le notaire, rédacteur, anticipera la mésentente éventuelle des parties quant à la détermination du prix en prévoyant la désignation d'un expert dans cette hypothèse.

Des modalités de désignation arrêtées entre les parties au contrat avec anticipation

La promesse précisera les modalités de désignation d'un expert en cas de désaccord au sujet de la détermination du prix de cession.
– L'écueil de la clause léonine. – La Cour de cassation a admis à plusieurs reprises qu'une promesse de rachat d'actions puisse être conclue à un prix plancher sans porter atteinte au principe de participation aux bénéfices et de contribution aux pertes. S'est, de la sorte, développé un régime spécifique à la faveur des bailleurs de fonds, n'ayant vocation à être associés qu'un temps et ne s'engageant dans l'opération de financement qu'en ayant l'assurance de pouvoir sortir à des conditions satisfaisantes. La Cour de cassation écarte la qualification de clause léonine, à la faveur d'une analyse plus globale de la situation.
A également été validée une promesse de rachat d'actions consentie à un prix minimum égal au prix de souscription majoré d'un intérêt au profit d'associés autres que des bailleurs de fonds, au motif que la protection contre l'enregistrement de pertes était d'une durée limitée et ne trouvait à s'appliquer que dans certaines circonstances. La convention ne sera léonine que si le risque de perte est écarté définitivement et/ou systématiquement.

De l'importance d'une rédaction très précise

Des précisions apportées au sujet des circonstances dans lesquelles le prix a été fixé ainsi qu'un délai d'option de courte durée permettront de prévenir un éventuel contentieux.
– Caractère divisible ou non de la promesse. – Le prix étant généralement calculé ou calculable à l'unité, nombre de contentieux ont porté sur le caractère divisible ou non de la promesse. Le bénéficiaire peut-il n'exercer son droit d'option que sur une partie des titres sur lesquels porte l'engagement du promettant ? Cette question mérite d'être tranchée dès la conclusion de la promesse. La clause mentionnée ci-dessus en fournit une illustration.

Une option dont l'exercice peut être partiel ou total

La promesse précisera si l'option peut être exercée partiellement ou pas.
– La durée de l'engagement souscrit par le promettant. – Il est fréquent que la durée de l'engagement du promettant soit calée sur la réalisation d'un événement futur. Cet événement peut être certain, auquel cas la promesse sera assortie d'un terme et ses effets seront limités dans le temps. Cet événement peut également être incertain. Il est important qu'en pareille hypothèse, la réalisation de cet événement ne soit pas à la main de l'une ou l'autre des parties et qu'il n'y ait aucune potestativité. En l'absence de terme fixe, la jurisprudence ne confère pour autant à la convention aucun caractère perpétuel. Il conviendra alors d'aménager conventionnellement les conditions dans lesquelles le contrat pourrait être délié si le bénéficiaire souhaitait y mettre un terme.

Terme et modalités de rupture d'engagement

La promesse non assortie d'un terme fixe devra prévoir des modalités de rupture d'engagement.
– Exécution forcée. – La réforme de 2016 a renforcé considérablement l'efficacité de la promesse unilatérale au travers de l'article 1124 du Code civil, lequel est à présent rédigé, s'agissant de son premier alinéa, comme suit : « La promesse unilatérale est le contrat par lequel une partie, le promettant, accorde à l'autre, le bénéficiaire, le droit d'opter pour la conclusion d'un contrat dont les éléments essentiels sont déterminés, et pour la formation duquel ne manque que le consentement du bénéficiaire ».
La promesse unilatérale engage désormais définitivement le promettant, de telle sorte que la levée d'option unilatéralement exercée par le bénéficiaire suffit à emporter formation du contrat.
La réforme a consacré l'usage qui s'était alors développé dans ce contexte jurisprudentiel, selon lequel les praticiens proposaient aux parties d'interdire conventionnellement au promettant de se rétracter.
À présent, à suivre la jurisprudence de la troisième chambre civile de la Cour de cassation en matière de vente immobilière, quelle que soit la date à laquelle la promesse unilatérale a été signée, l'exercice de l'option par le bénéficiaire emporte formation du contrat, quand bien même le promettant se serait antérieurement rétracté, sous réserve du respect de quatre conditions cumulatives :
  • la promesse doit comporter les éléments essentiels de la vente (désignation de la chose vendue et expression de son prix) ;
  • le promettant doit, à la date de signature de la promesse de vente, disposer de sa pleine capacité juridique et ne souffrir aucune restriction à son droit de disposer ;
  • le bénéficiaire doit, à la date de la levée d'option, disposer de sa pleine capacité juridique et avoir observé strictement les modalités et les délais de levée d'option prescrits dans la promesse unilatérale ;
  • la promesse ne doit pas contenir une faculté de rétractation conventionnelle au profit du promettant.
Il n'est, pour autant, pas certain que l'on puisse en conclure que cette solution est transposable en matière de cession de droits sociaux. Les autres chambres de la Cour de cassation auront vraisemblablement à se prononcer à ce sujet.
Auparavant, l'éventuelle rétractation du promettant avant l'exercice de la levée d'option par le bénéficiaire suffisait à anéantir les effets de la promesse et à rendre la formation du contrat impossible. La jurisprudence considérait en effet qu'avant l'exercice de la levée d'option par le bénéficiaire, le promettant n'était tenu qu'à une obligation de faire, dont le non-respect était sanctionné par l'allocation de dommages-intérêts au profit du bénéficiaire évincé, et que sa rétractation empêchait la rencontre des volontés en cas de levée d'option postérieure par le bénéficiaire. De la sorte, il était impossible pour le bénéficiaire d'obtenir l'exécution forcée du contrat.
On notera que la troisième chambre civile de la Cour de cassation a opéré, aux termes d'un arrêt en date du 23 juin 2021, un revirement de jurisprudence en affirmant que la rétractation du promettant, antérieure à la levée d'option exercée par le bénéficiaire, dans le cadre d'une promesse unilatérale de vente conclue antérieurement à l'entrée en vigueur de la réforme de 2016, n'empêchait pas la formation du contrat. La Cour de cassation s'attache au fait que la promesse contient les éléments essentiels de la vente et que la capacité du promettant et son pouvoir de disposer s'apprécient à la date de sa conclusion. La cour a rappelé, au visa de l'article 1142 du Code civil, dans sa rédaction antérieure à l'entrée en vigueur de la réforme de 2016, qu'il était possible d'obtenir l'exécution forcée d'une obligation si rien ne s'y opposait. Il s'agit là d'un revirement aussi surprenant qu'inattendu, qui emporte une harmonisation du régime applicable à la promesse unilatérale de vente immobilière, que l'avant-contrat ait été conclu avant ou après l'entrée en vigueur de la réforme de 2016.
– Droit des obligations et droit des sociétés. – Une incertitude demeure en cas d'ouverture d'une procédure collective à l'encontre du promettant.
À s'en tenir aux développements qui précèdent, au regard du droit des obligations, la capacité du promettant s'apprécie au jour de la signature de la promesse. S'il est in bonis audit jour, l'ouverture d'une procédure collective à son encontre devrait être dépourvue d'impact sur l'efficacité de la promesse unilatérale.
La Cour de cassation a indiqué que « la liquidation judiciaire du promettant est sans effet sur la promesse de vente qu'il a consentie alors qu'il était maître de ses biens et ne prive pas le bénéficiaire de son droit de lever l'option d'achat ».
Pour autant, la jurisprudence assimile généralement la promesse de vente à un contrat en cours. En dépit de la réforme de 2016, il n'est pas certain que le dispositif prévu au livre VI du Code de commerce traitant « Des difficultés des entreprises » ne l'emporte pas, mettant à mal l'efficacité de l'article 1124 du Code civil en ce cas.
– Action en revendication, action personnelle et délai de prescription. – Le notaire attirera tout particulièrement l'attention du bénéficiaire de l'option sur le délai de prescription susceptible de s'appliquer en la matière.
En effet, dans un arrêt du 8 juillet 2021, la Cour de cassation a statué qu'une action en exécution d'une promesse de cession de parts de SCI, certes synallagmatique, ne constitue pas une action en revendication mais consiste en une action personnelle laquelle est soumise au délai de prescription prévu à l'article 2224 du Code civil. L'argument mis en avant réside dans le fait qu'une action en revendication, non exposée au risque d'une prescription extinctive, suppose que le demandeur soit propriétaire de la chose revendiquée.
En matière de promesse unilatérale, l'assignation mériterait d'être délivrée en vue d'obtenir la remise au cessionnaire de l'ordre de mouvement signé, le cas échéant, et la transcription de la cession sur le registre des mouvements de titres en faisant valoir que le transfert de propriété est effectif à l'appui d'une levée d'option formalisée préalablement. En pareille hypothèse la qualification d'action en revendication devrait pouvoir être retenue et la prescription quinquennale écartée.
– Le nécessaire aménagement des modalités de transfert. – Il nous faut distinguer la cession de parts sociales de la cession d'actions.
Dans la première hypothèse, nous l'avons vu précédemment, l'acte de levée d'option établi à la seule requête du bénéficiaire suffit à emporter formation du contrat de cession et transfert de propriété des titres. Il restera à rendre le transfert opposable à la société et aux tiers. Or ces démarches ne présentent aucune difficulté matérielle puisqu'elles peuvent être facilement effectuées par le bénéficiaire.
En cas de cession d'actions, la situation est plus délicate. La prudence milite en faveur de l'annexion à la promesse de vente d'un ordre de mouvement prérempli et signé par le promettant, la date ayant à être apposée, de convention expresse entre les parties, par le bénéficiaire au jour de sa levée d'option. La date devant être normalement apposée par le cédant, cela suppose en cas de promesse de vente que le promettant ait formellement donné mandat pour ce faire au bénéficiaire. Or ce mandat peut néanmoins être révoqué, ce qui fragilise le dispositif contractuel.
L'article 1221 du Code civil peut tout de même apporter un certain confort : « Le créancier d'une obligation peut, après mise en demeure, en poursuivre l'exécution en nature sauf si cette exécution est impossible ou s'il existe une disproportion manifeste entre son coût pour le débiteur de bonne foi et son intérêt pour le créancier ». Il semble possible d'aménager l'exécution forcée en lien avec l'établissement de l'ordre de mouvement et la retranscription du transfert sur le registre des mouvements de titres sous couvert de cet article, le transfert de propriété étant lui sécurisé par application de l'article 1124 du Code civil.
La fiducie offre également une alternative intéressante en conférant les pouvoirs nécessaires à un fiduciaire. Mais il ne s'agit pas là du seul intérêt de cet outil.