Vers un droit au refus du numérique ?

Vers un droit au refus du numérique ?

Plutôt que chercher à se faire assister ou représenter dans les opérations numériques, la personne frappée d'illectronisme peut, dans le cadre d'activités dont l'essence même n'est pas digitale, essayer de se passer du numérique.
S'il appartient aux opérateurs ou entrepreneurs privés d'arbitrer eux-mêmes la question de la digitalisation totale ou non des services qu'ils proposent, la situation n'est pas la même pour les administrations.
– Le problème des services publics dématérialisés. – La situation actuelle est celle d'un bras de fer de grande ampleur entre, d'un côté, les administrations qui ont tendance à vouloir imposer les services numériques et ainsi gagner en efficacité et en personnel V. supra, no . et, de l'autre, le Défenseur des droits ainsi qu'une partie de la classe politique qui, ayant constaté les problèmes d'illectronisme ou de vulnérabilité numérique, souhaitent qu'aucune démarche administrative ne soit accessible uniquement par voie dématérialisée.
– Les solutions proposées par certaines administrations. – Pour accompagner la transition numérique, certains services de l'État prévoient des exceptions à l'obligation de procéder à des formalités digitales, comme la Direction générale des finances publiques qui autorise sous conditions le dépôt d'une déclaration d'impôt sur les revenus au format papier CGI, art. 1649 quater B quinquies. . D'autres, comme Pôle emploi, vont accueillir physiquement les usagers et mettre à leur disposition dans leurs locaux le matériel informatique adéquat et des agents pour les accompagner.
– Les recommandations du Défenseur des droits. – Le Défenseur des droits a rendu en janvier 2019 un rapport intitulé « Dématérialisations et inégalités d'accès aux services publics » www.defenseurdesdroits.fr/sites/default/files/atoms/files/rapport-demat-num-21.12.18.pdf">Lien . S'il liste et détaille plusieurs dysfonctionnements techniques et dresse pour l'exemple plusieurs profils de personnes en situation de vulnérabilité numérique, il estime « que la réalisation des démarches administratives dématérialisées doit demeurer une possibilité ouverte à l'usager et non devenir une obligation ». C'est pourquoi il préconise « l'adoption d'une disposition législative au sein du Code des relations entre les usagers et l'administration imposant de préserver plusieurs modalités d'accès aux services publics pour qu'aucune démarche administrative ne soit accessible uniquement par voie dématérialisée ».
– Imposer l'accès omnicanal aux services publics ? – Cependant, les recommandations du Défenseur des droits ne sont pas contraignantes pour le législateur, dont la tâche est de trouver l'équilibre entre les économies et la simplification induites par la dématérialisation et la liberté laissée aux usagers. Il est constant que sans contrainte, les changements d'habitudes ne se font pas Ce constat se fait aussi chez les professionnels. Ainsi, en matière notariale, avant que les télépublications au fichier immobilier ne deviennent obligatoires, elles représentaient moins de 20 % des publications ; en quelques mois d'obligation, elles ont représenté environ 90 %, le surplus n'étant pas déposable par voie électronique. . Dès lors, l'objectif d'« accès omnicanal aux services publics » Objectif énoncé dans la stratégie et la feuille de route actualisée mi-2020 de « Tech.Gouv : Accélérer la transformation numérique du service public » : www.numerique.gouv.fr/publications/tech-gouv-strategie-et-feuille-de-route-2019-2021">Lien ne devrait être satisfait que s'il est transformé en obligation dans un texte gouvernant les services publics numériques, texte qui fait actuellement défaut.
Enfin, en se projetant à moyen terme, il est envisageable que les facteurs d'illectronisme, notamment ceux qui sont générationnels ou liés à l'emplacement géographique, diminuent, rendant de moins en moins nécessaire l'existence d'un droit au refus du numérique.