Le consentement dans le contrat conclu électroniquement ne peut s'exprimer de la même manière que dans un contrat conclu entre personnes présentes physiquement. Le contenu de la convention numérique peut faire l'objet d'une négociation et d'un choix par les parties. La technologie de l'opt-in et de l'opt-out est utilisée pour cette manifestation de volonté
(§ I)
. Une fois le contrat négocié et ses clauses acceptées, se pose la question de la conclusion du contrat électronique et de la règle du double clic
(§ II)
.
L'expression du consentement
L'expression du consentement
La technologie opt-in et opt-out
Les plateformes et divers sites internet proposant la conclusion de contrats électroniques utilisent généralement la technologie de l'opt-in et de l'opt-out pour permettre aux utilisateurs de manifester leur consentement sur le contenu du contrat.
L'
opt-in peut se traduire en français par « option d'adhésion à ». Il s'agit du système par lequel l'utilisateur doit faire la démarche active de cocher une case et/ou de faire défiler une liste déroulante pour manifester son consentement.
Le consentement peut être doublé par l'envoi d'un e-mail destiné à faire confirmer son consentement par l'utilisateur, notamment par la validation d'un lien. Ce même système est utilisé pour la manifestation du consentement en vue d'intégrer des listes de diffusion et de démarchage électronique
C. P et CE, art. L. 34-5. Pour des explications en vidéo de la différence entre l'opt-in et l'opt-out dans le cadre de l'e-mailing : www.bing.com/videos/search?q=opt%27in&&view=detail&mid=903246DC86F0189E4015903246DC86F0189E4015&&FORM=VRDGAR&ru=%2Fvideos%2Fsearch%3Fq%3Dopt%2527in%26FORM%3DHDRSC3">Lien
.
L'
opt-out peut se traduire en français par « option de retrait ». Cette fois, l'utilisateur fait face à des choix préétablis. Ils se manifestent par des cases déjà cochées, qu'il peut décocher pour manifester sa volonté de ne pas adhérer à leur contenu.
? L'acceptation des conditions générales. ? L'article 1119 du Code civil (C. civ., art. 1119">Lien) dispose que : « Les conditions générales invoquées par une partie n'ont effet à l'égard de l'autre que si elles ont été portées à la connaissance de celle-ci et si elle les a acceptées ». L'article 1120 du même code (C. civ., art. 1120">Lien) ajoute que « le silence ne vaut pas acceptation », sauf exception.
La conjugaison de ces dispositions avec les technologies opt-in et opt-out conduit à privilégier la première à la seconde. En effet, l'opt-out n'emporte pas une manifestation expresse de volonté et pourrait s'apparenter à un silence, ne valant donc pas acceptation. Au contraire, l'opt-in nécessite une action de l'utilisateur, et non pas uniquement une attitude passive. Elle permet donc d'apporter la preuve de l'approbation des conditions générales, et éventuellement de certaines options délibérément choisies
Les divers sites marchands invitent systématiquement les utilisateurs à cocher une case manifestant que les conditions générales ont été lues et acceptées, ce qui leur permet ensuite de les opposer. Les commandes sont bloquées et ne peuvent être validées sans que les conditions soient acceptées. Parfois les sites proposent également des choix portant notamment sur des newsletters ou des offres promotionnelles par e-mails.
.
Un débat
E. Netter, Numérique et grandes notions du droit privé, Ceprisca, coll. « Essais », 2019, nos 271 et s. ; V. infra, nos et s.
porte sur la réalité du consentement dans la mesure où, dans une très grande majorité de cas, les conditions générales sont acceptées sans être lues. Il en revient ensuite à la responsabilité de chacun de prendre connaissance du contrat qu'il conclut.
Une fois le contenu du contrat établi, se pose la question de la méthode de conclusion sous sa forme électronique. Celle-ci est déterminée par l'article 1127-2 du Code civil instaurant la règle du double clic.
La règle du double clic
L'article 1127-2 du Code civil (C. civ., art. 1127-2">Lien) dispose que : « Le contrat n'est valablement conclu que si le destinataire de l'offre a eu la possibilité de vérifier le détail de sa commande et son prix total et de corriger d'éventuelles erreurs avant de confirmer celle-ci pour exprimer son acceptation définitive ».
La notion d'offre au sens de l'article 1127-2 du Code civil (C. civ., art. 1127-2">Lien) est, pour certains auteurs, différente de la définition qui lui est habituellement donnée dans le même code
En ce sens, P. Stoffel-Munck, La réforme des contrats du commerce électronique : JCP E 16 sept. 2004, no 38, 1341.
. En effet, les offres disponibles sur internet sont parfois assorties de réserves. Si les destinataires les acceptent et que les commerçants lèvent ensuite les réserves, les destinataires deviennent les auteurs d'une offre ferme et définitive acceptée par les commerçants. Les obligations mises à la charge de l'offrant par le Code civil perdent alors tout leur sens. Aussi Philippe Stoffel-Munck définit-il l'offre au sens de l'article 1127-2 comme « toute proposition de contracter (ferme ou indécise ; complète ou partielle ; précise ou vague) que met en ligne le professionnel, éventuel fournisseur de la prestation caractéristique du contrat ». Cette définition a pour vertu de conserver l'esprit de la directive du 8 juin 2000
PE et Cons. UE, dir. 2000/31/CE, 8 juin 2000, relative à certains aspects juridiques des services de la société de l'information, et notamment du commerce électronique, dans le marché intérieur (« directive sur le commerce électronique »).
transposée à l'article 1127-2 du Code civil.
La conclusion du contrat sous forme électronique nécessite donc le respect de deux étapes :
- après avoir effectué un choix, l'utilisateur doit pouvoir vérifier sa commande, le prix total et corriger les éventuelles erreurs qu'il a détectées, ou invalider la commande. Le prix total doit inclure les frais de livraison mais non les éventuels frais de douane. Le consentement du destinataire de l'offre est renforcé par cette étape intermédiaire destinée à lui donner un temps de réflexion complémentaire malgré la spontanéité du marché numérique ;
- une fois ces vérifications faites, le destinataire de l'offre peut la valider. L'auteur de l'offre « doit accuser réception sans délai injustifié, par voie électronique, de la commande qui lui a été adressée » (C. civ., art. 1127-2, al. 2">Lien).
Il y a donc un premier « clic » constituant une première acceptation ouvrant une page permettant de corriger sa commande, de la vérifier, de la modifier… et ensuite un second « clic » une fois ces vérifications faites manifestant le consentement de l'utilisateur.
Le Code civil ne reprend pas ici le système de la punctation du droit allemand. En effet, seul le second clic rend le contrat parfait en manifestant la volonté du destinataire de l'offre de l'accepter.
La rencontre des volontés ayant lieu lors du second clic, il y a lieu de considérer que le contrat est formé à compter de ce dernier. Toutefois, lorsque l'offre est assortie de réserves
Comme une réserve d'agrément de la personne acceptant l'offre.
, il y a plutôt lieu de considérer que le contrat se forme lors de l'émission de l'accusé de réception par l'auteur de l'offre. Par cet accusé de réception, il manifeste sa volonté de lever les réserves, et donc de conclure la convention
Sur la règle du double clic, V. C. Mangin, L'expression numérique du consentement contractuel, thèse, Université Toulouse 1 Capitole, 2020.
.
La commande en un clic
Les « grands acteurs du commerce électronique ont toutefois, depuis 2004, développé des techniques de vente qui contournent l'exigence du double-clic en offrant des garanties alternatives. Ainsi, la technologie 1-Click mise en œuvre par Amazon permet à un consommateur, qui a déjà commandé sur le site, d'acheter directement un produit sur le site sans passer par l'écran de confirmation et de validation. Il est seulement précisé que la commande demeure « ouverte » pendant trente minutes, permettant au client de la modifier ou de la consulter » (G. Chantepie et M. Latina, Le nouveau droit des obligations. Commentaire théorique et pratique dans l'ordre du Code civil, Dalloz, 2e éd. 2018, no 279).
Dans les relations entre professionnels, la règle du double clic peut être écartée d'un commun accord entre les parties (C. civ., art. 1127-3">Lien). La formation du contrat électronique n'est alors encadrée par aucune forme particulière. Il revient aux cocontractants de déterminer les règles applicables à l'expression de leur consentement.
S'agissant des contrats conclus exclusivement par voie de courriers électroniques, ils sont exclus de la règle du double clic (C. civ., art. 1127-3">Lien). Cette exception ne concerne pas les offres faites au public, lesquelles ne peuvent être acceptées par simple courrier électronique. Elle ne s'applique pas non plus aux transactions réalisées entre deux particuliers s'étant rencontrés via une plateforme. L'intervention de cette dernière rend l'offre publique, et donc soumise au formalisme de l'article 1127-2 du Code civil
Sur le champ d'application de la règle du double clic, V. L. Grynbaum, C. Le Goffic et L. Morlet-Haïdara, Droit des activités numériques, Précis Dalloz, 1re éd., 2014, nos 134 et s.
.
Une fois le contrat numérique formé, se posent les questions de sa validité et de sa force probante. Comment le droit commun des contrats, tel qu'il a été récemment réformé, s'applique-t-il aux conventions numériques ? Quelle place accorde le Code civil aux contrats électroniques ?