Les procédés techniques de signature dématérialisée aujourd'hui utilisés ne sont pas nécessairement des signatures électroniques au sens du règlement eIDAS et du Code civil produisant les effets juridiques qui y sont attachés. Pour être jugé fiable, le procédé en question doit assurer l'identité du signataire et garantir l'intégrité de l'acte signé.
Les images non constitutives de signatures électroniques
Les images non constitutives de signatures électroniques
– La signature scannée. – La jurisprudence a ainsi eu l'occasion de préciser qu'une signature simplement scannée et apposée sur un document ne pouvait pas être assimilée à une signature électronique car ne présentait pas des garanties suffisantes de fiabilité
Cass. 2e civ., 30 avr. 2003, no 00-46.467 : JurisData no 2003-018798 ; Bull. civ. 2003, II, no 118. – CA Besançon, 20 oct. 2000 : JCP G 2001, II, 10606, note É. A. Caprioli et P. Agosti. – CA Nîmes, 14 sept. 2006, no 04/03800 : JurisData no 2006-329939. – CA Paris, 3e ch., sect. A, 10 oct. 2006, no 05-18789 : JurisData no 2006-312712 ; RD bancaire et fin. 2007, comm. 33, obs. É. A. Caprioli. – CA Fort-de-France, ch. civ., 14 déc. 2012, no 2012/00311 : JurisData no 2012-033784 ; Comm. com. électr. mai 2013, no 5, comm. 60, obs. É. A. Caprioli.
. La signature scannée ne permet pas en effet de vérifier l'identité du signataire, de sorte que l'engagement juridique du signataire ne peut pas être garanti. Il suffit effectivement de scanner le graphisme d'une signature pour obtenir une signature scannée sans qu'un lien d'identité soit établi entre le document et le scan de la signature. Il est par ailleurs tout à fait possible que la signature scannée soit utilisée à l'insu de son titulaire. On comprend donc aisément que la jurisprudence n'ait pas souhaité faire produire des effets juridiques à ce type de procédé pour des raisons évidentes de sécurité. Il convient toutefois d'observer que certaines décisions ont reconnu l'efficacité des signatures scannées comme simples signatures sous réserve que la signature, « qui identifie celui qui l'appose, manifeste, conformément aux dispositions de l'article 1316-4 du Code civil (…) son consentement aux obligations découlant de l'acte (…) »
CA Aix-en-Provence, 8e ch. B, 27 avr. 2017, no 2017/96 : JurisData no 2017-009894. En ce sens également : CA Aix-en-Provence, 9 mars 2017, no 14/16204 et 27 avr. 2017, no 15/06339. – CA Rouen, ch. soc., 5 févr. 2020, no 17/01401. – CA Paris, pôle 6, ch. 13, 13 sept. 2019. – Cass. 2e civ., 28 mai 2020, no 19-11.744 : JurisData no 2020-007074.
.
– La signature « préimprimée ». – D'une manière générale, les procédés techniques conduisant à simplement reproduire ou établir une signature sans que l'identité de son auteur soit vérifiée ne peuvent pas par principe être considérés juridiquement comme des signatures électroniques. Ce sera par exemple le cas de la signature « préimprimée » qui, comme la signature scannée, ne constitue pas une signature électronique dans la seule mesure où ce type de signature ne permet pas de déterminer avec certitude l'identité de la personne qui l'a apposée
Cass. 2e civ., 17 mars 2011, no 10-30.501 : JurisData no 2011-005036.
.
Une signature scannée ou « préimprimée » ne vaut pas signature électronique.
– La signature sur tablette. – La signature sur tablette numérique avec l'usage d'un stylet est sans doute le procédé de signature le plus connu en pratique et pourtant, il n'existe pas formellement de critères techniques permettant de la définir. Il s'agit d'un procédé aisément utilisable, non encadré, permettant à une personne de tracer sa signature sur une tablette qui n'est ni plus ni moins qu'une image techniquement non sécurisée. Contrairement aux signatures effectuées à l'aide d'un certificat
V. infra, no
.
, le document signé sur tablette ne fera l'objet d'aucun contrôle d'intégrité, laissant la porte ouverte à des facilités de falsifications ultérieures. Dès lors, dans la seconde qui suit une signature sur tablette, le destinataire pourra, à l'aide d'un logiciel très simple à trouver sur le marché, falsifier la signature de l'émetteur. Aucun contrôle n'est par ailleurs effectué sur l'identité du signataire au moment de l'apposition de la signature. Si cette solution a l'avantage de la facilité, elle a donc l'inconvénient de l'absence de sécurité.
– Valeur probatoire. – Comme le précise Éric A. Caprioli, ces solutions de signature scannée ou sur tablette sont des « objets juridiques non identifiés dans la mesure où elles ne relèvent ni du régime de l'original électronique, ni de la copie numérique »
Comm. com. électr. nov. 2020, no 11, comm. 85, obs. É. A. Caprioli. – C. civ., art. 1379. – D. no 2016-1673, 5 déc. 2016, relatif à la fiabilité des copies numériques : Comm. com. électr. 2017, comm. 17, obs. É. A. Caprioli.
. On en déduit, s'agissant de leur force probante, que ces procédés de signature sont sans doute ad minima des commencements de preuve par écrit plutôt que de véritables signatures conférant à un document la valeur d'un écrit
É. A. Caprioli, Signature et dématérialisation, LexisNexis, 2014, p. 108. Pour rappel, l'écrit électronique a la même force probante que l'écrit sous forme papier sous réserve notamment que puisse être dûment identifiée la personne dont il émane : C. civ., art. 1366 : V. infra, nos
.
. Il appartiendra toutefois aux juges du fond de vérifier au cas par cas si la signature préimprimée, scannée ou sur tablette a été entourée de garanties particulières relatives à l'identité du signataire et à l'utilisation du procédé de signature par ce dernier, ce qui permet d'ériger ledit procédé au rang de signature simple au sens du règlement eIDAS. Tout dépendra alors du type d'acte en cause et des moyens de preuve admis.
En effet, n'étant prohibé ni par le droit français ni par le droit européen, l'usage d'un tel procédé de signature préimprimée, scannée ou sur tablette peut être fait, tout en ayant conscience que ni l'intégrité du document ni l'identité du signataire ne seront assurées par ce procédé de signature. Il conviendra alors de garantir ces éléments par l'usage d'autres procédés techniques, tels le cloud ou la blockchain, qui pourront garantir l'intégrité des documents qui y sont stockés (mais pas l'identité des signataires), ou par l'intervention humaine, comme par exemple l'intervention du notaire dans le cadre de la signature d'un acte authentique électronique
V. infra, no
.
,