Le modèle de la publicité foncière en France

Le modèle de la publicité foncière en France

La publicité foncière, dans le sens de la gestion d'un registre public des inscriptions et publications immobilières, ne peut se concevoir sans les données auxquelles elle se rattache et les acteurs qui l'alimentent, à savoir :
  • une identification foncière fiable, par l'intermédiaire d'un cadastre qui donne une référence propre à chaque parcelle sur une section et des plans via des données accessibles au public. Les décrets de 1955 emploient l'expression « mutation cadastrale » pour désigner les formalités à inscrire relativement aux immeubles, et édictent un principe de concordance entre le fichier immobilier et le cadastre ;
  • des transactions publiées au travers d'actes sécurisés par le recours à l'acte authentique obligatoire pour la quasi-totalité des actes soumis à publication, lesquels actes sont reçus principalement par des notaires.
– L'architecture de la publicité foncière contemporaine. – Le système de publicité foncière français, hors départements du Bas-Rhin, du Haut-Rhin et de la Moselle Les départements du Bas-Rhin, du Haut-Rhin et de la Moselle sont soumis au Livre foncier informatisé, au registre des associations et au registre des associations coopératives de droit local tenus par les tribunaux judiciaires des départements concernés présentés supra, no . , est très largement issu des décrets des 4 janvier et 14 octobre 1955 D. no 55-1350, 14 oct. 1955, pris pour l'application du décret no 55-22 du 4 janvier 1955 portant réforme de la publicité foncière. (les « décrets de 1955 »), qui ont posé les bases du fonctionnement actuel du système foncier Pour une présentation détaillée de la publicité foncière, V. L. Aynès, Rapport de la Commission de réforme de la publicité foncière, Pour une modernisation de la publicité foncière, 2018 (www.justice.gouv.fr/art_pix/rapportpublicitefonciere.pdf">Lien ; également accessible ici : www.vie-publique.fr/sites/default/files/rapport/pdf/184000725.pdf">Lien). . Ces décrets n'ont pas été substantiellement modifiés depuis leur adoption et n'ont pas été codifiés.
Ce triptyque cadastre, actes authentiques et publicité foncière assure la fiabilité globale du système et sa robustesse notable par rapport à d'autres pays Pour une synthèse des différents systèmes foncier dans le monde, V. par ex. l'étude de l'organisation Solidarité des intervenants du foncier (www.foncier-developpement.fr/wp-content/uploads/SIF_Synth%C3%A8se-des-%C3%A9tudes-sur-le-syst%C3%A8me-foncier.pdf">Lien). .
Ainsi les développements qui suivent porteront de manière générale sur le système de publicité foncière, englobant à la fois les services de la publicité foncière Anciennement « conservations des hypothèques », elles sont devenues « services de la publicité foncière » en conservant le même rôle vis-à-vis des usagers, par D. no 2012-1462, 26 déc. 2012, pris pour l'application de l'ordonnance no 2010-638 du 10 juin 2010. et le cadastre, tous deux administrés par la Direction générale des finances publiques (DGFiP), et les actes authentiques. Le Livre foncier des départements du Bas-Rhin, du Haut-Rhin et de la Moselle, qui bénéficie d'un régime particulier, fera l'objet de développements spécifiques.
– Les principes régissant la publicité foncière. – Le système de publicité foncière, qui a maintenant presque soixante-cinq ans d'existence, met notamment en œuvre les principes suivants :
  • la publicité est obligatoire pour certains actes ou formalités aux fins d'opposabilité ou d'information, sans être créatrice de droit. Le droit préexiste à sa publication. À titre d'exemple, la vente d'un immeuble produit tous ses effets dès la signature de l'acte authentique par les parties, sans attendre sa publication. Ce système traduit le principe du consensualisme qui régit les conventions en droit français ;
  • la publicité est facultative pour d'autres actes ou formalités aux fins de simple information des tiers ou d'opposabilité aux tiers pour certains droits, sans création de droit ;
  • le principe dit « d'effet relatif de la publicité foncière », qui consiste à interdire toute publication sur un immeuble tant que le titre du disposant n'a pas été publié. Ainsi un créancier ne peut pas inscrire une hypothèque sur un immeuble du chef du vendeur dès lors que la vente a été publiée, et que le vendeur/débiteur ne justifie plus d'un titre publié à cette date. Le fichier immobilier forme ainsi une sorte de chaîne de propriété qu'un précédent auteur ne pourra pas dégrader.
  • une mission civile d'enregistrement des documents déposés au registre de dépôt, d'analyse des actes et de leur publication au fichier immobilier pour délivrer tous les renseignements sur la situation juridique des immeubles à toute personne en faisant la demande. L'accès n'est toutefois pas direct en ligne comme d'autres bases de données publiques telles que le cadastre, et les demandes doivent être exercées individuellement sous forme de réquisition au format papier ou numérique pour les notaires ;
  • une mission fiscale de collecte des impôts exigibles au titre des actes et droits publiés, versés à guichet unique au service de la publicité foncière (formalité fusionnée de publicité et d'enregistrement).
– Présentation des missions du service de la publicité foncière. – Les services de la publicité foncière 266 services de la publicité foncière selon les données DGFiP 2021 (https://lannuaire.service-public.fr/navigation/hypotheque">Lien). qui tiennent les fichiers de la publicité foncière et veillent au respect des principes susvisés exercent principalement deux missions :
– Présentation du nouveau cadastre. – Le cadastre est l'ensemble des documents qui recensent et évaluent les propriétés foncières de chaque commune en vue d'établir les impôts fonciers. Le cadastre actuel, ou nouveau cadastre, est l'héritier du premier cadastre napoléonien La loi de finances du 15 septembre 1807 est à l'origine du cadastre parcellaire français, appelé « Cadastre napoléonien » ou encore « Ancien cadastre ». , ou ancien cadastre, rénové et révisé au titre de plusieurs lois successives et par un décret de 1955, contemporain de la création de la publicité foncière moderne D. no 55-471, 30 avr. 1955, relatif à la rénovation et à la conservation du cadastre. .
Malgré son orientation fiscale, le cadastre constitue le socle de la propriété foncière et de la publicité foncière, et sa fiabilité est essentielle au bon fonctionnement de cette dernière. Le cadastre n'a pas de valeur juridique quant à la propriété ou à la délimitation d'un bien.
La documentation cadastrale est établie par la DGFiP au sein de laquelle exercent des géomètres-cadastreurs, et comprend le plan cadastral et la matrice cadastrale, ce dernier document ayant une vocation purement fiscale en indexant un relevé des propriétés d'une même personne dans le ressort de la commune.
– Le fonctionnement papier de la publicité foncière avant sa digitalisation. – Jusqu'à la fin des années 1990, l'ensemble des activités de la publicité foncière reposait principalement sur du papier, que ce soit les plans et fiches du cadastre, les fichiers hypothécaires par personne, parcelle ou immeuble, les demandes et réponses à demande d'état hypothécaire, copie de document, mais également l'envoi des actes à la publication. Cette architecture et ce fonctionnement papier n'empêchaient pas les administrations et notaires de commencer à utiliser des systèmes d'information et progiciels pour exercer leurs activités, mais le support d'échange et de conservation des informations était principalement, et souvent obligatoirement, sur papier.
Compte tenu du nombre massif d'informations à indexer et du flux des demandes à traiter, les bureaux des hypothèques fonctionnaient avec des systèmes d'archivage physiques à la pointe, tels que des bacs rotatifs automatisés ou du microfilm. L'intervention humaine était à chaque fois indispensable pour traiter individuellement chaque demande, déposer les demandes d'information ou d'inscription, adresser les réponses, traiter l'échange d'informations entre cadastre et conservation des hypothèques, etc. À cette époque, toutes les tâches n'étaient pas accessibles via un poste de travail unique, chaque tâche nécessitant des acteurs dédiés et un déplacement de personnes pour consultation, désarchivage, envoi de copies, courriers, etc.
Cet âge industriel de la donnée indexée et classifiée, mais dans une version papier, a connu ses limites à mesure que le flux des informations s'est intensifié En 1996, le fichier comprenait 140 millions de fiches pour 8 millions de formalités annuelles (étude d'impact du projet de loi portant réforme de la réglementation comptable et adaptation du régime de la publicité foncière – L. no 98-261, 6 avr. 1998). et que l'intervention humaine pour toutes les tâches de manière itérative empêchait toute scalabilité.
L'adoption massive des systèmes d'information et l'essor de l'internet ont conduit les pouvoirs publics à initier dès le milieu des années 1980 un programme de numérisation du cadastre et des données hypothécaires. Ce programme progressif s'est intensifié pendant les années 1990 jusqu'à devenir obligatoire à l'orée de l'an 2000.