La reconversion de l’existant a10531
Tous les indicateurs laissent aujourd’hui entrevoir le potentiel formidable de la transformation des bureaux.
La plupart des acteurs du marché s’accordent pour considérer que ce potentiel existe bel et bien, de sorte qu’il est nécessaire de s’y consacrer. Reste à savoir si cela est rentable. Certains intervenants en font un axe majeur de développement à l’instar des sociétés Novaxia ou Compagnie de Phalsbourg. Du côté du parc intermédiaire et social, le Groupe Action Logement, via la contractualisation du Plan d’investissement volontaire PIV) avec l’État, a créé en juillet 2020 la Foncière de transformation immobilière (FTI) ; première structure nationale intégralement dédiée à la transformation de bureaux en logements.
Une voix s’élève cependant pour s’inscrire en faux sur la viabilité globale du processus engagé, jugeant que « l’analyse de bons sens mène à relativiser l’efficacité et même seulement le réalisme de la transformation des bureaux en logements. Derrière le bruit médiatique et le marketing habile, que restera-t-il de ce qui est présenté à tort comme une partie de l’avenir de la politique du logement ? Pas grand-chose ».
– Un mauvais bureau fera-t-il un bon logement ? – Répondre à cette question et relever ainsi le défi de la transformation de bureaux en logements, nécessite de se pencher dans un premier temps sur les aspects techniques, économiques et sociologiques de l’opération (Section I). Dans un second temps, il faut examiner les contraintes et les leviers juridiques qui l’entourent (Section II). Enfin, il ne faut pas omettre les impacts fiscaux de ces opérations (Section III).
« REINVENTER PARIS », 3 édition
Lancée en 2021, la troisième édition de « Réiventer Paris », se focalise sur la transformation de bureaux en logements.
Au travers d’un appel à projet urbain innovant (APUI), la municipalité accompagnait, au troisième trimestre 2022, la transformation de 10 sites pour un total d’environ 73 000 m² de surface.
La reconversion de l’existant : quelques chiffres
1. À Paris, entre 1990 et 2010, un peu plus d’un million de mètres carrés de bureaux ont fait l’objet d’un changement de destination, dont une moyenne de 33 000 m² par an de transformation en habitation, équivalant à la création de 300 à 400 logements chaque année. De son côté, l’Atelier parisien d’urbanisme (APUR) a recensé entre 2001 et 2012, 378 600 mètres carrés de bureaux transformés en logements, soit une moyenne de 31 500 m² par année. Ces chiffres concordants démontrent le caractère marginal de ces opérations, puisqu’en parallèle les autorisations de construire délivrées étaient de 4 500 logements par an sur le même territoire.
2. En 2018, il était recensé en Île-de-France plus de trois millions de mètres carrés de bureaux vacants, dont près de 932 000 m² en situation de vacance structurelle, avec une estimation de 140 000 à 240 000 m² de bureaux devenus définitivement inadaptés, par an, jusqu’en 2030. Cette prévision semble se réaliser puisqu’à la mi 2022 la vacance tertiaire s’élevait à 4,4 millions de mètres carrés, dont 1,1 million en vacance structurelle.
3. Julien Denormandie, alors secrétaire d’État auprès du ministère de la Cohésion des territoires, adressait le 3 août 2018, une lettre de mission au Directeur Général délégué du Grand Paris Aménagement soulignant la nouvelle prise de conscience et l’intérêt politique sur ce sujet. Cette lettre se faisait l’écho de la signature, le 28 mars précédent, d’une charte d’engagement pour la transformation de bureaux en logements signée par le Secrétaire d’État et dix grands opérateurs immobiliers ayant pour objectif affiché de transformer 500 000 m² de bureaux en logements d’ici fin 2022. Cette charte identifie plusieurs freins au bon déroulement du processus ; freins qui devaient être levés grâce à la loi Elan du 23 novembre 2018.
4. Le 8 février 2021, Emmanuelle Wargon, alors ministre déléguée chargée du Logement auprès du ministère de la Transition écologique dressait un premier bilan de cet objectif. À cette date, 417 000 m² de bureaux avaient fait l’objet d’une demande de transformation en logements ; dont 110 000 m² sur Paris et 190 000 m² dans les autres grandes agglomérations, mais seulement 85 000 m² étaient portés par les acteurs de la charte. Au-delà de ce bilan intermédiaire mitigé, la ministre insistait sur la nécessité d’accélérer considérablement cette dynamique. En effet, le phénomène de vacance des locaux tertiaires devrait s’accentuer pour deux raisons : premièrement, l’accélération de l’obsolescence du parc de bureaux liée à l’évolution des normes environnementales et énergétiques. Deuxièmement, l’évolution durable des mœurs quant au télétravail en faveur du modèle de « flex office ».
5. C’est ainsi que l’Institut de l’épargne immobilière et foncière (IEIF) a estimé qu’à l’horizon de dix ans, « sur une base de 41 % des entreprises qui passeraient à 2 jours de télétravail par semaine, le gain de surface (de bureaux occupés) envisageable serait de 27 %. Sur le parc de bureaux francilien, cela représenterait 3,3 millions de m² (soit 6,5 %) et un impact déflationniste sur la demande placée de 14 % par an ». Ce phénomène semble enclenché puisque selon les données du GIE Immostat, au quatrième trimestre 2022, l’offre immédiate (qui représente l’évaluation des surfaces immédiatement disponibles) de bureaux en Île-de-France était de 4 320 000 m².
6. Le 22 septembre 2021, toujours dans cette voie, la commission pour la relance durable de la construction de logements (dite « commission Rebsamen ») remettait à la ministre le Tome II de son rapport, comportant de nouvelles propositions pouvant favoriser l’accélération du mouvement.