La production de logements par une action publique partenariale a10133003

Le gouvernement actuel semble décidé à engager un nouvel acte de la décentralisation en matière de logement, à la suite de la loi 3DS déjà cité qui la création des autorités organisatrices de l’habitat (AOH) sur le modèle de l’autorité organisatrice de la mobilité (AOM).
Visant à amplifier le mouvement de territorialisation des politiques de l’habitat, et à repenser les modalités de mise en œuvre des orientations nationales dans la matière, la loi 3DS, institue, au travers de son article 92, la notion d’autorité organisatrice de l’habitat. Il s’agit d’un concept nouveau, promu depuis plusieurs années par des observateurs, des associations d’élus locaux (telles que l’Assemblée des communautés de France – AdCF) ou des acteurs du logement social (à l’exemple de l’Union sociale pour l’habitat – USH). Il s’inspire des statuts d’autorité organisatrice consacrés dans le domaine de la politique des transports et de la mobilité, de l’énergie (par exemple pour la gestion des réseaux publics de distribution de l’électricité ou de gaz ou de la gestion de l’eau).
Selon le nouvel article L. 301-5-1-3 du Code de la construction et de l’habitation, un EPCI à fiscalité propre, disposant d’un PLH exécutoire, d’un PLU intercommunal approuvé, et ayant conclu une convention intercommunale d’attribution (CCH, art. L. 441-1-6) ainsi qu’une convention de délégation des aides à la pierre, peut être reconnu comme autorité organisatrice de l’habitat par arrêté du représentant de l’État dans la région, après avis du comité régional de l’habitat et de l’hébergement. Lorsque l’une des conditions ci-avant n’est plus respectée, l’EPCI perd la qualité d’autorité organisatrice de l’habitat, sur arrêté, dans un délai d’un an à compter de la date à laquelle il est constaté que les conditions ne sont plus réunies. Ces conditions, garantissant une responsabilité sur toute la chaîne, sont de nature à montrer la maturité de l’EPCI en question pour assumer le rôle d’autorité organisatrice de l’habitat.
Issue des travaux devant l’Assemblée nationale, l’article 92 est moins prolixe que la rédaction adoptée initialement par le Sénat en 1ère lecture sur les compétences pouvant être exercées par l’AOH. Sous leur plume, l’AOH disposait d’une liste de compétence qu’elle pouvait exercer de plein droit. Cette dernière recouvrait, selon le rapport de la des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République en date du 25 novembre 2021, « l’essentiel des compétences et outils touchant à la conduite de la politique de l’habitat. Ainsi, l’article 25 bis marque une nouvelle décentralisation de grande ampleur en la matière, dans la continuité du mouvement initié par le biais des programmes locaux de l’habitat, ainsi que des délégations de compétence dans le champ des aides au logement et à l’hébergement. Il aboutit à confier aux intercommunalités – davantage qu’aux collectivités territoriales – des responsabilités leur permettant d’appréhender l’ensemble des enjeux touchant aux parcours résidentiels. En revanche, le dispositif ne s’insère pas nécessairement de manière évidente dans la répartition des compétences établies aujourd’hui par le Code de la construction et de l’habitation, d’une part, et par le Code général des collectivités territoriales, d’autre part. À l’appui de l’avis défavorable émis en séance publique, au nom du Gouvernement, la ministre de la cohésion des territoires a d’ailleurs relevé que « la notion d’autorité organisatrice crée un nouveau concept, qui vient s’ajouter à ceux, déjà bien établis dans notre droit, de compétence exclusive ou de compétence partagée ». Une réécriture globale du dispositif a donc été opérée par la Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République de l’Assemblée nationale.
Dans la version adoptée, les conséquences de l’obtention de cette qualité sont :
  • à sa demande, l’autorité organisatrice de l’habitat est consultée sur les modifications des projets d’arrêté pris par les ministres chargés du logement et du budget en application du IV de l’article 199 novovicies du Code général des impôts – zonage des zones tendues (CCH, art. L. 301-5-1-3) ;
  • lorsque l’autorité organisatrice de l’habitat est signataire d’une convention pluriannuelle avec l’Anru, la convention peut prévoir que la production de logements locatifs sociaux financée dans le cadre du nouveau programme national de renouvellement urbain s’effectue prioritairement dans une commune soumise aux obligations SRU ou dans toute autre commune située en dehors de l’unité urbaine d’appartenance du quartier concerné par ledit programme, tout en étant membre de l’établissement public de coopération intercommunale reconnu autorité organisatrice de l’habitat, dès lors qu’il n’existe aucune commune soumise aux obligations SRU qui soit située à l’intérieur de cette unité urbaine (CCH, art. L. 301-5-1-3) ;
  • l’EPCI autorité organisatrice de l’habitat est signataire des CUS des organismes possédant au moins 5% des logements du parc social situé dans son ressort territorial. Il peut renoncer à être signataire de cette convention d’utilité sociale, selon des modalités définies par décret (CCH, art. L. 445-1).
La première AOH est la métropole de Brest (arrêté préfectoral du 19 juillet 2022). Mais ce n’est qu’un début et la volonté de décentralisation affichée par le gouvernement pourrait sans doute renforcer le rôle de ces AOH, peut-être même en leur attribuant une partie des crédits dédiés au logement dans le budget actuel de l’État pour donner un sens territorial à la dépense publique en la matière. Les expérimentations (au sens commun ou au sens constitutionnel) viennent des territoires. Toutes ne sont pas généralisables car en fonction des circonstances locales, des marchés, les solutions nationales (qu’elles soient ou non issues d’expérimentation) ne seront pas nécessairement adaptées. Pour éviter les écueils d’une politique nationale trop généraliste malgré les zonages qu’elle peut instituer, il semblerait donc que le gouvernement actuel s’oriente vers une accélération du processus de décentralisation.