Le couple partenaire

Le couple partenaire

– Une séparation « par défaut » bienvenue. – Le pacte civil de solidarité (Pacs), dont le nombre annuel est désormais quasiment équivalent à celui des mariages, peut être conclu sous deux régimes patrimoniaux, étant rappelé que l'alinéa 2 de l'article 515-4 du Code civil dispose sans distinction que « les partenaires sont tenus solidairement à l'égard des tiers des dettes contractées par l'un d'eux pour les besoins de la vie courante et pour les dépenses relatives au logement commun ».
La loi du 23 juin 2006 a opportunément modifié le régime primaire du pacte. Désormais, le défaut de convention entraîne l'application du régime séparatiste, à l'inverse de la solution retenue lors de l'adoption de la loi du 15 novembre 1999 instituant ce type d'union.
– Placer l'entreprise dans un contexte séparatiste. – Le premier régime, dit « séparatiste », aboutit à ce que deux ou trois masses patrimoniales prennent naissance au sein du couple : le patrimoine personnel divis de chacun, et potentiellement un patrimoine indivis que les partenaires auront volontairement choisi de constituer entre eux. Dans cette configuration, les créanciers de l'entreprise disposeront d'un seul, deux ou trois patrimoines saisissables : le patrimoine divis de l'entrepreneur si son entreprise y figure, le patrimoine divis de l'entrepreneur et le patrimoine indivis s'il existe, les patrimoines des deux partenaires si l'entreprise a été placée en indivision.
Bien entendu, le conseil qui peut être apporté dans ce type de situation serait de placer l'entreprise dans le patrimoine divis de l'entrepreneur puisque cela permettrait de protéger, à tout le moins, le patrimoine divis de l'autre partenaire. En n'omettant pas de rappeler que, dans ce contexte, le patrimoine créé indivisément pourra lui aussi être indirectement appréhendé à hauteur de la quote-part indivise détenue par l'entrepreneur.
– Une relative souplesse de preuve. – Bien entendu, le partenaire ayant placé l'entreprise au sein de son propre patrimoine devra continuellement s'en ménager la preuve. L'article 515-5, alinéa 2 du Code civil dispose que : « Chacun des partenaires peut prouver par tous les moyens, tant à l'égard de son partenaire que des tiers, qu'il a la propriété exclusive d'un bien. Les biens sur lesquels aucun des partenaires ne peut justifier d'une propriété exclusive sont réputés leur appartenir indivisément, à chacun pour moitié ». Du point de vue de l'entreprise, ces dispositions sont à conserver précautionneusement en tête. En effet, l'entreprise individuelle n'est pas un actif patrimonial monolithique, à l'instar d'un fonds de commerce. Elle est composée d'une diversité de biens et droits, corporels et incorporels, meubles ou immeubles. La souplesse de cette preuve « par tous moyens » (renvoyant, cela est notable, au mode de preuve en matière commerciale) est opportune dans le sens où le législateur n'a pas souhaité apporter de frein matériel. Cependant, les dispositions in fine de l'article suscité peuvent emporter un certain nombre de complexités dans la mesure où, tel que rappelé, la preuve de propriété n'est pas du tout uniforme sur l'ensemble des biens qui peuvent composer une entreprise individuelle. Elle peut paraître aisée à concevoir en ce qui concerne les biens et droits immobiliers, ou les biens meubles corporels acquis et facturés au nom de l'entrepreneur individuel. Mais la propriété d'autres biens ou droits est beaucoup plus délicate à rapporter. On peut notamment penser aux droits de propriété intellectuelle. Une idée pourrait être de considérer que les biens et droits affectés à l'entreprise individuelle inscrits à son bilan sont de facto la propriété exclusive de l'entrepreneur. Cependant, cette solution serait lacunaire dans la mesure où (i) cette inscription est réalisée à l'initiative de l'entrepreneur lui-même et qu'à ce titre il serait parfaitement illusoire d'accorder une confiance aveugle à ces données financières, (ii) un certain nombre d'actifs n'apparaissent pas systématiquement dans un bilan à une date donnée (immobilisations totalement amorties, stocks dépréciés, créances provisionnées, etc.), et (iii) tous les entrepreneurs ne sont pas astreints à la tenue d'un bilan.
En matière d'entreprise, loger les actifs sociaux au sein d'un des patrimoines personnels pourra limiter le droit de gage des créanciers, tel que rappelé ci-dessus. Contrairement au régime précédent, la loi apporte une précision qui peut s'avérer différenciante puisque l'article 515-5-2, 2o du Code civil prévoit que les biens créés et leurs accessoires demeurent la propriété exclusive de chaque partenaire. À défaut d'autre précision, l'on pourrait donc considérer que l'entreprise individuelle créée restera la propriété exclusive de son fondateur. Il ne semble cependant pas évident de circonscrire la notion « d'accessoires » :
  • puisque la terminologie relative au Pacs diffère sensiblement, et est moins large que celle reprise pour le contrat de mariage en séparation de biens, peut-on considérer que l'ensemble des moyens d'exploitation accessoires de l'entreprise créée sont de facto concernés ?
  • et surtout, dans la mesure où ces accessoires ne sont pas créés mais sont souvent acquis postérieurement à la conclusion du pacte, ne sont-ils donc pas avant tout des acquêts ?
Le défaut de précision sur ces points pourrait s'avérer une source de contentieux, en lien avec les modalités, délicates, de preuve évoquées ci-dessus.
– L'indivision plus risquée. – Le second régime, dit d'« indivision d'acquêts », consiste à réputer conventionnellement certains biens et droits acquis, à compter de l'enregistrement du pacte, automatiquement « indivis par moitié, sans recours de l'un des partenaires contre l'autre au titre d'une contribution inégale ». Ainsi trois masses patrimoniales coexisteront nécessairement dans ce type de contexte : le patrimoine personnel divis de chacun des partenaires, et un patrimoine égalitairement indivis au sein duquel figureront ces acquêts.
– En synthèse. – Il faudra convenir, pour conclure, que le régime primaire « séparatiste » se révèle finalement plus adapté à la création d'entreprise pour au moins trois raisons :
  • il prévoit un régime de preuve de propriété assez favorable, et moins sujet à interprétation que celui du régime d'indivision d'acquêts ;
  • il permet d'éviter la constitution automatique d'une masse patrimoniale indivise que le second régime garnit largement du fait de sa présomption étendue, et sans recours possible ;
  • « placer » l'entreprise dans le patrimoine divis présente aussi de nombreux autres avantages : liberté totale de gestion par l'entrepreneur, liberté totale de disposition de l'entreprise et de ses actifs (au premier rang desquels son fonds de commerce), protection de l'entreprise et de l'entrepreneur en cas de désunion.
Placer opportunément dans l'une des masses patrimoniales tant l'entreprise que les autres biens et droits du couple pourra permettre de limiter le risque financier de la première sur les autres. Le notaire pourra ainsi utilement conseiller les couples lors de leurs projets d'investissement, en tenant compte bien entendu du régime adopté, des contributions respectives faisant naître, ou non, des créances entre partenaires.

Le Pacs nécessairement séparatiste de l'entrepreneur

Les deux régimes du Pacs posent encore de nombreuses questions qui donneront lieu à contentieux, notamment sur le plan probatoire.
Le régime séparatiste demeure cependant le plus adapté à l'exploitation d'une entreprise.