Les difficultés de valorisation des actifs numériques

Les difficultés de valorisation des actifs numériques

– Des difficultés liées à la forte fluctuation de valeur des actifs numériques. – La seconde problématique rencontrée par le liquidateur tient à la valorisation des actifs numériques, notamment lorsqu'il s'agit de cryptomonnaies. Il est difficile en effet de déterminer la valeur d'une cryptomonnaie qui connaît de très fortes fluctuations à la hausse ou à la baisse sur un laps de temps parfois très court.
Contrairement aux actions, les cryptomonnaies ne font pas l'objet de dispositions spécifiques concernant leur valorisation, et la grande volatilité V. infra, no . qui les caractérise peut entraîner des difficultés d'attribution et une iniquité dans le partage.
– Évaluation des actifs numériques et partage amiable. – Pour évaluer les biens, la jurisprudence a indiqué que les estimations doivent être effectuées au jour le plus proche du partage Cass. civ., 20 avr. 1928 : DH 1928, p. 317. – Cass. civ., 20 nov. 1940 : S. 1941, 1, p. 233, note H. Batiffol ; JCP G 1941, II, 1597, note P. Voirin. – Cass. civ., 6 oct. 1941 : JCP G 1942, II, 1794, note J. Radouant. – Cass. 1re civ., 1er juin 1994, no 91-21.935 : JurisData no 1994-001570 ; Bull. civ. 1994, I, no 198 ; JCP G 1994, IV, 1944. – Cass. 1re civ., 16 juill. 1998, no 96-21.011 : JurisData no 1998-003261 ; JCP N 1999, no 8, p. 393, note J. Casey. – Cass. 1re civ., 19 janv. 1999, no 96-21.150 : JurisData no 1999-000220 ; Bull. civ. 1999, I, no 20 ; Defrénois 1999, art. 37082, p. 1367, note G. Champenois. . L'actif à partager doit en principe être évalué au jour de la sortie de l'indivision, c'est-à-dire à la date du partage. Cette règle doit être appliquée avec une rigueur toute particulière en présence de cryptomonnaies dans un partage. Il est en effet fréquent en pratique que la date de jouissance divise soit fixée rétroactivement à une autre date que celle du partage, comme par exemple la date du décès dans un partage successoral ou la date de séparation effective des époux dans un partage de régime matrimonial. Il convient cependant d'être très vigilant sur la fixation de cette date de jouissance divise lorsque le partage comprend des biens susceptibles de voir leur valeur subir d'importantes fluctuations. Outre le risque d'iniquité dans le partage déjà souligné, l'administration fiscale pourrait par ailleurs remettre en cause une date de jouissance divise trop éloignée de la date du partage ou une date de jouissance divise fixée en fraude de ses droits BOI-ENR-PTG-10-10, 30 juin 2020, § 180. . Compte tenu des fortes fluctuations de valeur des cryptomonnaies, la tentation peut être grande en effet de fixer la date de jouissance divise au jour de valorisation le plus bas dans le seul but de minimiser le droit de partage.
– Le cas des conventions amiables conclues sur le fondement des articles 265-2 et 268 du Code civil. – S'agissant d'un divorce contentieux, et même si les époux parviennent à un accord en cours de procédure sur la liquidation de leur régime matrimonial dans les conditions de l'article 265-2 du Code civil, le problème de la valorisation rejaillit implacablement. Rappelons que la convention passée en application de l'article 265-2 est suspendue, quant à ses effets, jusqu'au prononcé du divorce et n'est exécutoire que lorsque le jugement a pris force de chose jugée (C. civ., art. 1451). Les conventions relevant de l'article 268 du Code civil sont quant à elles soumises à homologation du juge Notons que le domaine de la convention régularisée sur le fondement de l'art. 265-2 est restreint et ne peut porter que sur la liquidation et le partage du régime matrimonial. La convention de l'article 268 du Code civil a une portée plus large et peut porter sur les conséquences du divorce et notamment sur le montant de la prestation compensatoire : S. Torricelli-Chrifi, Convention de divorce hybride : l'article 265-2 du Code civil l'emporte : Dr. famille 2017, comm. 245. . Les cryptomonnaies entrant dans l'actif à partager ont donc nécessairement été évaluées au plus tard au jour de la signature de la convention liquidative. Toutefois, la rétroactivité de cette convention à la date qu'elle fixe peut aboutir à des solutions parfaitement injustes et non voulues par les époux, au regard desquelles ils n'auraient pas consenti à conclure la convention. En effet, la valeur peut avoir changé entre le moment de son évaluation et le moment de l'exécution de la convention ou de son homologation, et c'est pourtant au regard de cette évaluation initiale, dépassée au jour de l'exécution, que les époux ont pu s'accorder.
– Évaluation des actifs numériques et partage judiciaire. – Dans le cadre d'un partage judiciaire, le juge peut fixer la jouissance divise à une date plus ancienne que la date du partage, si le choix de cette date apparaît plus favorable à la réalisation de l'égalité (C. civ., art. 829, al. 3) Cass. 1re civ., 29 mai 2013, no 12-11.983 : JurisData no 2013-010919 ; JCP G 2013, doctr. 1323, A. Tisserand-Martin. La demande est alors portée devant le président du tribunal judiciaire (CPC, art. 1379, al. 2). . Les juges peuvent aussi fixer « immuablement, en considération des circonstances de la cause, la date du partage au jour où ils statuent » Cass. 1re civ., 18 sept. 2002, no 00-17.555 : JurisData no 2002-015496 ; Bull. civ. 2002, I, no 211 ; en l'espèce l'évaluation des biens était antérieure de quatre ans à la date de jouissance divise alors que des modifications des règles d'urbanisme étaient intervenues entre-temps. . Cette décision du juge qui peut être prise en méconnaissance de la nature volatile des actifs à partager n'est pas sans risques, car si l'actif numérique prend de la valeur après cette date de jouissance divise, l'augmentation de valeur ne sera pas prise en compte dans le partage.