L'échange d'une offre et d'une acceptation par voie électronique pose la question spatio-temporelle de la rencontre des volontés
(Sous-section I)
, ainsi que la question de la protection du consentement par le développement des délais de rétractation et de réflexion
(Sous-section II)
.
L'échange d'une offre et d'une acceptation par voie électronique
L'échange d'une offre et d'une acceptation par voie électronique
La rencontre des volontés : regard spatio-temporel
L'article 1113 du Code civil (C. civ., art. 1113">Lien) dispose que « le contrat est formé par la rencontre d'une offre et d'une acceptation par lesquelles les parties manifestent leur volonté de s'engager ». Dans un univers dématérialisé, cet échange des consentements interroge sur la date et le lieu du contrat dans son environnement numérique
(§ I)
, lesquels permettent ensuite d'identifier la loi applicable au contrat numérique
(§ II)
.
La date et le lieu du contrat dans son environnement numérique
? Le moment de conclusion du contrat « entre absents »
V. sur le moment de la conclusion du contrat dans l'univers du numérique : C. Mangin, L'expression numérique du consentement contractuel, thèse, Université Toulouse 1 Capitole, 2020, nos 343 à 406.
. ? Un contrat peut parfaitement se former sans la présence simultanée des parties dans un même lieu, sauf exception
Illustre cette exception le contrat de mariage qui nécessite la présence simultanée des deux conjoints (C. civ., art. 1394).
. Cet échange des volontés peut par ailleurs être formalisé sous forme électronique, comme l'autorise l'article 1174 du Code civil
Sur les conditions de fond et de forme de la conclusion du contrat sous forme électronique, V. infra, nos et s.
(C. civ., art. 1174">Lien). La convention ainsi établie sous forme numérique présente donc la particularité de pouvoir être conclue entre des parties présentes en un même lieu et un même instant, mais aussi et surtout entre des parties absentes. Il en va par exemple ainsi pour toutes les ventes conclues par correspondance sur des sites internet, ou encore par un simple échange d'e-mails. Le contrat est alors dit « entre absents ». Celui-ci a fait l'objet de très nombreux échanges avant la réforme du droit des obligations
Ord. no 2016-131, 10 févr. 2016, portant réforme du droit des contrats, du régime général et de la preuve des obligations.
, avec l'opposition de deux grandes théories. D'une part, celle de l'émission
C. Demolombe, Cours de Code Napoléon, t. XII, Stenion, 1868, no 75.?L. Grynbaum, Contrats entre absents : les charmes évanescents de la théorie de l'émission de l'acceptation : D. 2001, chron. p. 1706.
: l'accord de volonté intervient dès que l'acceptation de l'offre est envoyée, sans attendre donc que le pollicitant en ait connaissance. D'autre part, celle de la réception
G. Ripert et J. Boulanger, Traité de droit civil, t. II, LGDJ, 1957, no 354.?L. Larombière, Théorie et pratique des obligations, t. 1, Durand et Pedone-Lauriel, 1885, art. 1101, no 19.
: le contrat est alors conclu lors de la réception par l'offrant de l'acceptation de son offre par son cocontractant. L'ordonnance du 10 février 2016
Ord. no 2016-131, 10 févr. 2016, portant réforme du droit des contrats, du régime général et de la preuve des obligations.
introduit un nouvel article 1121 du Code civil (C. civ., art. 1121">Lien) disposant que : « Le contrat est conclu dès que l'acceptation parvient à l'offrant. Il est réputé l'être au lieu où l'acceptation est parvenue ». La théorie de la réception est donc consacrée, le droit français s'alignant sur les Principes Unidroit
« L'Institut international pour l'unification du droit privé (Unidroit) est une organisation intergouvernementale indépendante (…). Son objet est d'étudier des moyens et méthodes en vue de moderniser, harmoniser et coordonner le droit privé?en particulier le droit commercial?entre des États ou des groupes d'États et, à cette fin, d'élaborer des instruments de droit uniforme, des principes et des règles » (www.unidroit.org/fr/presentation/presentation">Lien).
, les Principes du droit européen des contrats
Principes du droit européen des contrats, art. 2 :205 (www.unisob.na.it/universita/facolta/giurisprudenza/age/pecl_part1e2_francese.pdf">Lien).
, ou encore la Convention de Vienne du 11 avril 1980 sur la vente internationale de marchandises
CVIM, 11 avr. 1980, art. 15.
.
? L'accusé de réception électronique. ? La directive européenne du 8 juin 2000
PE et Cons. UE, dir. 2000/31/CE, 8 juin 2000, relative à certains aspects juridiques des services de la société de l'information, et notamment du commerce électronique, dans le marché intérieur (« directive sur le commerce électronique »).
impose (art. 11) concernant la passation de commandes par voie électronique l'obligation, à l'égard des consommateurs, d'en accuser réception sans délai et par voie électronique. Cet accusé de réception est en revanche optionnel dans les relations B to B
B to B : Business to Business, visant les relations entre professionnels.
et C to C
C to C : Consumer to Consumer, visant les relations entre consommateurs, ou non professionnels.
. Il suffit simplement que l'auteur de la commande ait accès à cette confirmation, sans que le professionnel ait à prouver sa prise de connaissance. Certains auteurs ont pu déduire de cette rédaction que le contrat est conclu après la prise de connaissance par l'offrant de l'acceptation de son cocontractant
En ce sens : E. Grimaux, La détermination de la date de conclusion du contrat par voie électronique : Contrats, conc. consom. avr. 2004, no 4, chron. 10.
. Il s'agit de la théorie de l'information de l'offrant, connue du droit américain et de certains pays européens, notamment le droit anglais.
La transposition en droit français de l'obligation de l'accusé de réception électronique est réalisée à l'article 1127-2 du Code civil (C. civ., art. 1127-2">Lien) créant la règle dite du « double clic »
V. infra, no .
. Ledit article précise que : « Le contrat n'est valablement conclu que si le destinataire de l'offre a eu la possibilité de vérifier le détail de sa commande et son prix total et de corriger d'éventuelles erreurs avant de confirmer celle-ci pour exprimer son acceptation définitive ». La même disposition impose ensuite à l'auteur de l'offre d'en accuser réception sans délai et par voie électronique. Le moment de la conclusion du contrat est donc précisé par l'alinéa 1, c'est-à-dire lors de la validation par le destinataire de l'offre de son acceptation
En ce sens : F. Terré, P. Simler, Y. Lequette et F. Chénedé, Droit civil, Les obligations, Dalloz, 2018, p. 253 et s.
. L'alinéa 2 prévoyant l'accusé de réception ne suspend pas la conclusion du contrat mais impose simplement une obligation, sans en préciser la sanction
Sur l'opportunité d'introduire une exception à la théorie de la réception pour les contrats conclus par voie électronique entre absents, V. C. Mangin, L'expression numérique du consentement contractuel, thèse, Université Toulouse 1 Capitole, 2020, nos 404 et 405.
. Le non-respect de cet impératif semble donc uniquement réparable par des dommages-intérêts.
S'agissant du lieu de formation du contrat sous forme électronique, lorsque celui-ci est conclu entre absents, le nouvel article 1121 du Code civil prévoit qu'« il est réputé l'être au lieu où l'acceptation est parvenue ». C'est donc le lieu de situation du pollicitant qui importe pour la détermination du lieu de conclusion du contrat.
? Les règles liées à la date et au lieu de conclusion du contrat numérique ont des applications pratiques importantes. ? Elles permettent par exemple d'apprécier la possible rétractation de l'offre tant que le contrat n'est pas conclu
Cette rétractation peut être fautive et engager la responsabilité extracontractuelle de son auteur, mais ne peut conduire à une conclusion forcée du contrat en vertu de l'article 1116 du Code civil.
, les conditions de formation du contrat, notamment la capacité des cocontractants et la réalité du consentement exprimé, ainsi que le moment de la formation du contrat lorsque l'une des parties décède. Surtout, ces règles vont permettre de déterminer la loi applicable au contrat, tant temporellement que spatialement.
La loi applicable au contrat numérique
Le contrat numérique est une convention classique, ne faisant pas l'objet d'une réglementation particulière, notamment dans un contexte international pour ce qui concerne la loi applicable au contrat. En effet, il ne présente pas de spécificités justifiant un traitement différent
En ce sens : J. Passa, Contrat électronique international. Le contrat électronique international : conflits de lois et de juridictions : Comm. com. électr. mai 2005, no 5, étude 17.
. Le droit international privé en matière contractuelle s'applique donc pleinement, notamment s'agissant de la protection du consommateur.
Dans les relations
B to B
et
C to C dans un premier temps, les principaux textes applicables au niveau européen
S'agissant du droit international privé avec des États hors Union européenne, la jurisprudence française a déterminé des règles jurisprudentielles, auxquelles s'ajoutent quelques conventions internationales dans des domaines particuliers, notamment la Convention de Vienne du 11 avril 1980 sur la vente internationale de marchandises, ou la Convention de La Haye du 15 juin 1955 sur la loi applicable aux ventes internationales d'objets mobiliers corporels. En ce qui concerne la jurisprudence française, l'arrêt de la chambre civile de la Cour de cassation du 5 décembre 1910, American Trading Comp., établit que « la loi du lieu où le contrat est intervenu est en principe celle à laquelle il faut s'attacher, ce n'est donc qu'autant que les contractants n'ont pas manifesté une volonté contraire ».
sont la convention de Rome du 19 juin 1980
Conv. Rome, 19 juin 1980, sur la loi applicable aux obligations contractuelles.
et le règlement Rome I du 17 juin 2008
PE et Cons. UE, règl. (CE) no 593/2008, 17 juin 2008, sur la loi applicable aux obligations contractuelles (Rome I).
. Le premier texte régit les contrats conclus avant le 17 décembre 2009, et le second ceux conclus à partir de cette date. Le principe gouvernant ces deux textes est l'autonomie de la volonté.
? Le principe de l'autonomie de la volonté. ? Les articles 3 du règlement Rome I et de la convention de Rome disposent que la loi applicable au contrat est celle choisie expressément ou tacitement par les parties.
Ce choix n'est pas nécessairement global et peut différer selon les dispositions du contrat
Ce que l'on appelle le « dépeçage » du contrat.
afin de soumettre ses éléments à des lois nationales variées.
Le choix peut être fait lors de la conclusion du contrat ou postérieurement.
N'importe quelle loi nationale peut être choisie par les parties, même si elle n'a aucun rapport avec ces dernières, ou avec le lieu d'exécution ou de conclusion du contrat. Toutefois, les deux articles 3 précités limitent ce choix en précisant qu'il ne peut avoir pour effet d'évincer les règles impératives de l'autre pays dans lequel « tous les autres éléments de la situation sont localisés au moment de ce choix ». L'objectif de cette limitation au libre choix de la loi applicable est d'éviter que des parties choisissent une autre loi nationale dans l'unique but d'échapper aux dispositions impératives de l'État avec lequel le contrat a tous ses liens. Il en va de même pour les dispositions d'ordre public du droit européen pour le contrat dont tous les éléments sont localisés dans un État membre
Règl. Rome I, art. 3.4.
.
À défaut de choix de loi, la logique diffère entre les deux textes. La convention établit des présomptions simples visant à déterminer la loi avec laquelle la convention a les liens les plus étroits
Conv. Rome, art. 4.2 : « Il est présumé que le contrat présente les liens les plus étroits avec le pays où la partie qui doit fournir la prestation caractéristique a, au moment de la conclusion du contrat, sa résidence habituelle ou, s'il s'agit d'une société, association ou personne morale, son administration centrale ». La convention prévoit ensuite des exceptions pour certains contrats, comme ceux portant sur des biens immobiliers présumés avoir leurs liens les plus étroits avec le lieu de situation du bien.
, alors que le règlement détermine la loi applicable par catégorie de contrat
Par ex. : le contrat de vente de biens est régi par la loi du pays dans lequel le vendeur a sa résidence habituelle ; le contrat de prestation de services est régi par la loi du pays dans lequel le prestataire de services a sa résidence habituelle.
. Ce n'est que si le contrat n'entre pas dans le champ de l'une des classifications ci-dessus, ou s'il entre au contraire dans plusieurs de ces qualifications que le règlement soumet le contrat « à la loi du pays dans lequel la partie qui doit fournir la prestation caractéristique a sa résidence habituelle »
Règl. Rome I, art. 4. 2.
. Cette prestation caractéristique, visée tant par la convention que le règlement, est celle qui permet de distinguer le contrat d'un autre.
Les présomptions de la convention de Rome et la détermination de la loi applicable par catégorie de contrat du règlement Rome I sont écartées s'il « résulte de l'ensemble des circonstances que le contrat présente des liens plus étroits avec un autre pays »
Conv. Rome, art. 4.5, le règlement Rome I présentant une rédaction quasi équivalente en son art. 4.3.
.
Le critère de rattachement se dégageant de ces deux textes est celui du lien le plus étroit, comme le précise le point 4 de l'article 4 du règlement Rome I qui dispose que : « Lorsque la loi applicable ne peut être déterminée sur la base du paragraphe 1 ou 2, le contrat est régi par la loi du pays avec lequel il présente les liens les plus étroits ».
Dans les relations
B to C
dans un second temps, la convention de Rome
Conv. Rome, 19 juin 1980, art. 5.
et le règlement Rome I
Règl. Rome I, art. 6.
ont la même inspiration. Le principe ici encore est le choix de la loi applicable. Ce choix ne doit toutefois pas avoir pour effet de priver le consommateur de la protection qui lui est accordée par les dispositions impératives de sa loi nationale
Sous certaines conditions précisées dans les articles 5 de la convention de Rome et 6 du règlement Rome I.
. À défaut de détermination par les parties, le principe est l'application de la loi de l'État dans lequel le consommateur a sa résidence habituelle.
Le consommateur reçoit la même définition dans les textes, il s'agit de celui qui agit « pour un usage pouvant être considéré comme étranger à son activité professionnelle ». Il suffit donc de conclure un contrat ayant un lien avec son activité professionnelle pour sortir de la définition, même si le contrat n'a rien à voir avec la spécialité du professionnel
Nombreux arrêts en ce sens, not. Cass. 1re civ., 24 janv. 1995, no 92-18.227 : Bull. civ. 1995, I, no 54, p. 38.
.
S'agissant de la loi applicable à la validité au fond, l'article 8 de la convention et l'article 10 du règlement soumettent le contrat à la loi qui lui serait applicable en vertu de chacun de ces textes si le contrat était valable. Il s'agit donc des mêmes règles de détermination que celles ci-dessus exposées. Une exception est faite pour l'appréciation du consentement s'il n'est pas « raisonnable » de déterminer son existence selon la loi ci-dessus fixée. La loi de la résidence habituelle est alors retenue. Cette notion de raison figurant tant dans la convention que dans le règlement laisse une porte ouverte à une appréciation judiciaire et instaure une certaine insécurité juridique.
S'agissant de la loi applicable à la forme, l'article 9 de la convention et l'article 11 du règlement distinguent entre le contrat conclu entre des parties se trouvant dans un même pays et celui conclu entre des parties se trouvant dans des États différents.
Lorsque les parties sont dans un même pays, le contrat est valable en la forme s'il respecte les conditions de la loi applicable au contrat déterminée selon les règles ci-dessus, ou celles de l'État dans lequel les parties se trouvent.
Si les parties ne se trouvent pas dans le même pays, la forme est soumise à la loi du contrat, ou à la loi de l'un des pays dans lequel les parties se trouvent. Cette situation est courante en matière de contrat électronique conclu entre absents. On la retrouve notamment pour toutes les transactions réalisées sur les plateformes en ligne lorsque leurs utilisateurs sont dans un autre État que leur siège social.
Lorsque le contrat est conclu par l'intermédiaire d'un représentant, la loi du pays devant être prise en compte est celle de l'État du représentant, et non celle de la personne représentée.
Des dispositions particulières s'appliquent au consommateur, pour lequel la forme du contrat est régie par la loi du pays dans lequel il a sa résidence habituelle.
S'agissant des contrats portant sur un immeuble (droit réel ou droit d'utilisation), la loi applicable à la forme est celle de l'État où le bien est situé. Cela sera notamment le cas pour toutes les plateformes en ligne proposant des locations courte ou longue durée et de meublé touristique.
Une question se pose à propos du dépeçage du contrat et des conséquences sur l'appréciation de la validité sur la forme. Trois solutions semblent envisageables :
- la première est de considérer que le contrat est valable en la forme s'il respecte les règles de l'une au moins des lois applicables aux différentes stipulations du contrat ;
- la deuxième est « d'appliquer la loi de fond applicable à la partie du contrat à laquelle la condition de forme litigieuse se rattache le plus étroitement » ;
- la troisième est de retenir la loi de la résidence habituelle des parties.
Lorsque les parties décident, conformément aux deux articles 3 de la convention et du règlement
V. supra, no .
, de modifier la loi applicable au fond du contrat après sa conclusion, la forme ne peut être remise en cause.
Il n'y a pas à ce jour de jurisprudence permettant de trancher entre ces différentes possibilités. Il semble toutefois opportun de retenir la solution conduisant à minimiser les risques de remise en cause de la validité du contrat afin de rassurer les cocontractants
En ce sens : Portalis in Les travaux préparatoires du Code civil (Fenet, Recueil complet des travaux préparatoires du Code civil, t. VI, 1827, p. 51).
.
La loi applicable au contrat numérique étant déterminée, il y a lieu d'analyser comment la protection du consentement est organisée lors de la conclusion des conventions. Cette protection du consentement est notamment assurée par des délais légaux de réflexion et de rétractation.
La protection du consentement par le développement des délais de réflexion et de rétractation
L'article 1122 du Code civil (C. civ., art. 1122">Lien) issu de la réforme du droit des obligations intègre une définition des délais de réflexion et de rétractation. Le premier est défini comme « le délai avant l'expiration duquel le destinataire de l'offre ne peut manifester son acceptation ». Le second est « le délai avant l'expiration duquel son bénéficiaire peut rétracter son consentement ». Le contrat numérique bénéficie déjà sous certaines conditions d'un délai de rétractation. Pour autant, cette protection est-elle suffisante ? Ne faut-il pas envisager une extension de ce délai de rétractation à tous les contrats conclus à distance
(§ I)
, voire imposer un délai de réflexion à ce type de contrat
(§ II)
?
Le délai de rétractation : une extension ?
La consumérisation du droit des contrats se manifeste par l'introduction du nouvel article 1122 dans le Code civil (C. civ., art. 1122">Lien), qui porte sur deux types de délais ayant vu le jour dans les contrats de consommation
Le mécanisme de la rétractation est d'abord apparu dans les contrats relatifs à l'enseignement à distance (L. no 71-556, 12 juill. 1971), puis dans le démarchage financier (L. no 72-6, 3 janv. 1972), le démarchage à domicile (L. no 72-1137, 22 déc. 1972), pour s'étendre ensuite à d'autres secteurs comme les crédits à la consommation, les contrats à distance, le courtage matrimonial.
, à savoir les délais de réflexion et de rétractation
Pour une analyse juridique du délai de rétractation, V. not. R. Baillod, Le droit de repentir : RTD civ. 1984, 226.?L. Bernardeau, Le droit de rétractation du consommateur : JCP G 2000, I, 218.?P. Brun, Le droit de revenir sur son engagement : Dr. et patrimoine 1998, no 60, p. 78.
. Ces modes de protection du consentement demeurent toutefois réservés à des contrats déterminés puisque ce texte, issu de l'ordonnance du 10 février 2006, définit ces délais et en précise la source?« la loi ou le contrat »?sans les ériger en mécanismes de droit commun : la volonté des parties ou une loi spéciale continuent de subordonner leur existence.
? Actuellement, il n'existe aucun délai de rétractation spécifique au contrat conclu électroniquement. ? Le format numérique n'appelle pas de protection particulière s'il est utilisé en présentiel. En effet, la conclusion en présentiel d'un contrat au format numérique ne présente guère de différence avec la conclusion d'un contrat au format papier
V. infra, nos et s.
qui justifierait un régime particulier de protection. Reconnaître une protection particulière au contrat conclu au format numérique consacrerait d'ailleurs la reconnaissance par le législateur que ce type de contrat est moins fiable ou plus dangereux que le contrat au format papier. En revanche, les contrats conclus entre absents, notamment par le biais des sites internet et très nombreuses plateformes en ligne, marketplaces ou autres, génèrent certains dangers méritant une protection particulière. En effet, contrairement à un achat en magasin, celui en ligne ne permet pas d'essayer, de prendre le temps de la réflexion, d'aller et venir entre les rayons en réfléchissant au produit que l'on a pu voir et vers lequel on revient finalement. Certains sites jouent même sur ce court délai de réflexion pour précipiter les achats en proposant des promotions disponibles pendant une très courte durée
Par ex., la plateforme Wish « acheter en s'amusant » propose des « jeux » pour obtenir des réductions et débloquer des articles en promotion. Lesdites promotions ne sont valables que pendant de courtes durées (par ex., dix, vingt ou trente minutes) et le produit, s'il n'est pas acheté immédiatement, apparaîtra à un prix supérieur les jours suivants.
. Les paniers virtuels constitués sur les sites de vente en ligne ne sont par ailleurs disponibles que quelques minutes au-delà desquelles les produits ne sont plus réservés. Le paiement dématérialisé est banalisé : il n'est même plus nécessaire de sortir une carte bancaire pour effectuer un règlement sur internet. Soit les cartes sont préenregistrées, soit des modes alternatifs peuvent être utilisés, nécessitant un simple mot de passe
Par ex., les comptes PayPal, directement liés aux comptes bancaires et/ou aux cartes bleues.
ou une empreinte digitale ou faciale
La technologie ApplePay permet, une fois la carte bancaire enregistrée, de procéder à des paiements sans mot de passe, avec le même mécanisme que celui utilisé pour déverrouiller le téléphone.
. Les utilisateurs achètent donc, sans même se rendre compte de l'engagement pris ou du paiement réalisé. Le véritable danger est donc davantage lié au fait que le contrat est conclu à distance qu'à la forme électronique elle-même, qui n'est qu'un moyen de fluidifier ce processus.
S'agissant de ces contrats conclus à distance ou hors établissement, une protection est offerte au consommateur
À l'exclusion des contrats visés à l'article L. 221-28 du Code de la consommation.
. Elle résulte de l'article L. 221-18 du Code de la consommation (C. consom., art. L. 221-18">Lien), transposition de la directive européenne du 25 octobre 2011
Cons. UE, dir. 2011/83/UE, 25 oct. 2011, relative aux droits des consommateurs, modifiant la directive 93/13/CEE du Conseil et la directive 1999/44/CE du Parlement européen et du Conseil et abrogeant la directive 85/577/CEE du Conseil et la directive 97/7/CE du Parlement européen et du Conseil.
. Cette protection consiste en un délai de rétractation de quatorze jours, permettant au consommateur de retirer son consentement, après la conclusion du contrat, et parfois même après son exécution totale ou partielle, sans motif et sans frais
À l'exclusion des frais de retour (sauf si le professionnel n'avait pas informé le consommateur que ces frais seraient à sa charge en cas de rétractation) ; des éventuelles compensations du résultat d'une manipulation excessive des biens entraînant une dépréciation de ceux-ci (une manipulation excessive étant celle dépassant une utilisation qui pourrait être faite en magasin?à titre d'exemple : un vêtement est porté et non seulement essayé) ; pour les contrats de prestation de services, l'équivalent de la prestation déjà fournie lors de la rétractation, si le consommateur avait donné son accord à une exécution pendant la période du délai de rétractation.
. La directive du 25 octobre 2011 avait pour objectif une harmonisation des droits de rétractation pratiqués par les États membres dans les contrats conclus à distance et hors établissement. En effet, auparavant, les législations nationales prévoyaient des protections de degrés très différents, tant en termes de délai que de modalités d'exercice. Ces variations généraient une insécurité juridique, des inégalités entre les sociétés et des coûts d'adaptation pour ces dernières, entravant le marché européen
Dir. 2011/83/UE, 25 oct. 2011, consid. 4 à 7.
.
- pour les contrats de vente : dès la réception du bien par le consommateur ou un tiers, à l'exclusion du transporteur. Le professionnel exécute donc son obligation de délivrance alors même que le consommateur peut encore se rétracter. Il semblerait plus efficace, tant juridiquement qu'économiquement, que le consommateur puisse rétracter son consentement avant que le professionnel n'exécute son obligation. Cela permettrait notamment des économies sur les frais d'envoi, et de ne pas immobiliser le stock pour une vente qui, à la connaissance du consommateur, est déjà vouée à ne pas aboutir. Afin toutefois de ne pas affaiblir la protection du consommateur, il pourrait être envisagé une rétractation à partir de la commande et jusqu'à quatorze jours après la livraison ;
- de la conclusion du contrat, pour les prestations de services. Le professionnel peut ici commencer à exécuter son obligation pendant le délai de rétractation, mais il ne sera payé des services déjà fournis, en cas de rétractation, qu'à condition d'avoir obtenu au préalable l'accord du consommateur sur le commencement d'exécution.
Dans l'hypothèse où le consommateur n'a pas été averti de l'existence de son délai de rétractation, celui-ci ne commence à courir qu'à compter de la transmission de l'information par le professionnel, et au plus tard douze mois après l'expiration du délai initial (C. consom., art. L. 221-20">Lien).
Le délai de rétractation bénéficiant au consommateur
Le consommateur bénéficiant de ce délai de rétractation est défini par l'article 2 de la directive 2011/83/UE du 25 oct. 2011 comme « toute personne physique qui, dans les contrats relevant de la présente directive, agit à des fins qui n'entrent pas dans le cadre de son activité commerciale, industrielle, artisanale ou libérale ».
dans les contrats à distance, souvent conclus au moyen d'un procédé électronique, est de quatorze jours calendaires commençant à courir :
Le consommateur doit avertir le professionnel pendant le délai de quatorze jours de sa volonté de se rétracter. Il peut le faire soit par l'utilisation du formulaire-type
Ce formulaire-type est identique pour tous les États européens et visé à l'article R. 221-1 du Code de la consommation comme lui étant annexé.
, soit par tout autre moyen tant qu'il manifeste clairement la volonté de se rétracter. La charge de la preuve de la rétractation incombe au consommateur, qui aura donc tout intérêt à se rétracter par écrit et se préserver un justificatif de l'envoi. Le professionnel peut aussi décider de mettre à la disposition de ses clients un formulaire de rétractation en ligne, dont il doit accuser réception sans délai. Une fois sa rétractation transmise, le consommateur doit retourner le produit dans un délai de quatorze jours (C. consom., art. L. 221-23">Lien). Le professionnel est quant à lui contraint de rembourser la totalité du prix et des frais engagés par le consommateur, y compris ceux de livraison (C. consom., art. L. 221-24">Lien). Ce remboursement intervient selon le même mode de paiement que celui utilisé pour la transaction initiale, le but étant d'éviter d'éventuels bons d'achat contraignant le client. Le professionnel dispose de quatorze jours pour rembourser le consommateur. Il peut toutefois différer ce remboursement à la réception du bien retourné, ou à la preuve de l'envoi par le consommateur
Une réponse est ici donnée aux craintes des professionnels de devoir rembourser le consommateur dans ce délai de quatorze jours après la rétractation, alors qu'il n'a peut-être pas encore reçu le bien retourné.
.
? L'extension du délai de rétractation à tous les contrats conclus entre consommateurs ? ? Le délai de rétractation bénéficie donc à tout consommateur, dans tout contrat conclu à distance ou hors établissement avec un professionnel
Sauf quelques exceptions énumérées à l'article L. 221-28 du Code de la consommation.
. La question peut légitimement se poser de l'extension de ce délai de rétractation à tous ces contrats conclus entre consommateurs. En effet, de nombreuses plateformes en ligne permettent désormais la mise en relation de non-professionnels
La plateforme de vente en ligne Vinted permet ainsi à des non-professionnels de proposer à la vente des produits d'occasion, achetés par d'autres non-professionnels.
qui contractent ensuite directement. Se retrouvent dans cette hypothèse les mêmes problématiques que celles justifiant l'existence d'un délai de rétractation au bénéfice des consommateurs : la facilité d'acheter, l'absence de réflexion, l'impossibilité d'essayer les produits… il semblerait donc opportun d'étendre l'actuel délai de rétractation du Code de la consommation à tous les contrats conclus à distance, en donnant la possibilité aux professionnels de l'écarter conventionnellement afin de ne pas entraver les relations d'affaires.
Vers une généralisation du délai de rétractation ?
L'article 1122 du Code civil, au lieu de se limiter à une définition du délai de réflexion et de rétractation, pourrait introduire le principe du délai de rétractation pour tous les contrats conclus entre absents. Afin de ne pas entraver les relations d'affaires, il pourrait être prévu des exceptions, notamment pour les contrats conclus entre professionnels ou par échange d'e-mails. Comme le prévoit la règle du double-clic, les professionnels pourraient volontairement écarter ce délai de rétractation. Il est également envisageable de prévoir la possibilité de renoncer audit délai une fois celui-ci ouvert.
Une deuxième solution consisterait à suspendre la formation du contrat à la réception, le commencement d'exécution parachevant le processus de conclusion.
Au-delà du délai de rétractation, une protection alternative peut être offerte à un cocontractant en l'obligeant à faire mûrir son consentement avant de l'exprimer définitivement : il s'agit du délai de réflexion.
Le délai de réflexion : vertus et limites
? Un consentement précipité. ? Les contrats conclus à distance, souvent sous forme électronique, peuvent être précipités. Le consentement est alors également hâtif, ce qui ne garantit pas sa pleine existence lors de l'échange des volontés formant l'engagement définitif des parties
Selon le principe du consensualisme en droit français.
. Dans ce contexte, le législateur impose parfois aux parties un délai pendant lequel l'offre ne peut être ni rétractée (sous peine de dommages et intérêts à l'encontre du pollicitant), ni acceptée. Le destinataire de cette offre est contraint de réfléchir avant de manifester efficacement son consentement. Ce délai lui permet également de comparer et mettre en concurrence sans pression particulière.
? Ce procédé du délai de réflexion s'inscrit dans la logique du consensualisme. ? En effet, par principe, un contrat est conclu par la rencontre d'une offre et d'une acceptation, manifestant la volonté de s'engager (C. civ., art. 1113">Lien). Sauf exception, il n'y a donc pas de forme particulière à respecter. La rencontre des consentements forme le contrat. Contraindre les parties à réfléchir avant d'exprimer un consentement libre et éclairé traduit sans doute une prudence du législateur à leur égard, mais respecte la logique du consensualisme.
C'est dans cet esprit que le législateur a créé divers délais de réflexion propres à des contrats spéciaux. Ce mécanisme est particulièrement présent en matière de crédits, qu'ils soient à la consommation (C. consom., art. L. 312-18">Lien) ou encore destinés à acquérir de l'immobilier (C. consom., art. L. 313-34">Lien). On le retrouve également en matière de transactions immobilières, au bénéfice des acquéreurs non professionnels de biens à usage d'habitation (CCH, art. L. 271-1">Lien). Le délai de réflexion a fait officiellement son entrée dans le Code civil à l'occasion de l'ordonnance no 2016-131 du 10 février 2016 : l'article 1122 en fournit une définition et en rappelle la source?la loi, sous-entendu spéciale, ou le contrat?sans ériger le délai de réflexion au rang de mécanisme de droit commun.
? En pratique, l'instauration conventionnelle d'un délai de réflexion se heurte aux exigences économiques. ? En particulier, l'instauration d'un délai de réflexion pour tous les contrats conclus à distance, notamment sur les plateformes en ligne, aurait pour effet de pénaliser la fluidité des échanges et des transactions commerciales. Il y a donc un choix à faire entre protection et économie :
- la protection de l'utilisateur en le forçant à réfléchir avant d'acheter ;
- l'économie qui repose sur l'instantanéité des relations commerciales, laquelle instantanéité pousse à la consommation (voire à une surconsommation).
La question est de savoir quelle importance accorde la société à la protection du consentement de la partie faible face à un marché efficient et des prix que l'on souhaite de plus en plus bas. Car imposer par exemple aux consommateurs de réfléchir, ne serait-ce que quelques jours, avant d'acheter sur internet, entraîne du côté du vendeur une paralysie de son stock, et occasionne des coûts en conséquence. Par ailleurs, la pratique du délai de réflexion dans les secteurs où il a déjà été instauré est souvent vécue par les personnes protégées comme une charge à laquelle elles souhaiteraient renoncer.
? Une entrave au marché ? ? Le délai de réflexion, bien que théoriquement efficace pour assurer un consentement de bonne qualité, apparaît en pratique comme une entrave disproportionnée au marché. Le délai de rétractation semble une protection plus adaptée tant aux attentes de la société qu'aux besoins d'un marché fluide et efficace. Ce mécanisme mériterait d'être étendu à tous les contrats à distance, et non réservé uniquement aux consommateurs, avec la possibilité pour les professionnels d'y renoncer.
Les nouvelles technologies ont également une incidence importante en matière de rédaction et de signature du contrat.