Le contrôle d'un consentement réel, libre et éclairé participe de la sécurité juridique de toute transaction. Toutefois, dans le monde numérique usuel d'aujourd'hui, la réalité du consentement libre et éclairé ne semble pas constituer une priorité.
Le consentement
Le consentement
Dans un ouvrage remarqué, un auteur traite de la question d'une façon générale en parlant du « mirage du consentement plus éclairé »
E. Netter, Numérique et grandes notions du droit privé, Ceprisca, coll. « Essais », 2019, p. 382, § 264.
. Il affirme qu'« Internet n'est peut-être pas la matrice d'un monde contractuel plus juste », alors même que le numérique est synonyme d'information abondante et peu coûteuse. Deux raisons justifient cette déclaration. La première résulte d'après lui de la complexité des offres, mêlant des « gratuités factices » et « intéressées » avec « une omniprésence de clauses trompeuses »
Netter, Numérique et grandes notions du droit privé, Ceprisca, coll. « Essais », 2019, p. 383, § 266 et s. ; V. supra, no .
. Ces informations nombreuses, partiellement erronées et fondées sur des droits ultralibéraux
Droit anglo-saxon permissif, autorisant la rédaction de clauses considérées comme abusives selon le droit français et donc moins protectrices (ex. : Facebook ; Clauses attributives de juridiction devant un tribunal californien, acceptation que toutes les données personnelles soient transférées aux États-Unis…).
sont de nature à tromper la vigilance du consommateur et à biaiser son consentement. La seconde raison résulte d'après le même auteur de la simplicité de l'acceptation. Ainsi, « faire défiler un ascenseur, cliquer sur une case à cocher ou sur un bouton constituent des gestes dénués de toute signification intellectuelle véritable, des rituels accomplis par pur automatisme »
Pour cet auteur, il conviendrait de « densifier le consentement », tantôt en prévoyant une version abrégée et simplifiée plus accessible au profane, tantôt en confiant la rédaction des conditions générales à un tiers indépendant. V. supra, nos et s.
. Dès 2014, la Commission des clauses abusives s'en est émue. Elle recommande que soient éliminées des contrats proposés par les fournisseurs de service de réseautage social les clauses ayant pour objet ou pour effet de présumer le consentement du consommateur ou du non-professionnel aux conditions générales d'utilisation du seul fait qu'il utilise le réseau
Recomm. no 14-02, 7 nov. 2014, no 10.
. Depuis, la technique du « double clic » s'est répandue dans le domaine du commerce en ligne, mais ne permet pas de justifier d'un consentement libre et éclairé
V. supra, nos et s.
.
Plus particulièrement, dans le processus de contractualisation développé par la blockchain publique, la capacité des personnes et le consentement libre et éclairé ne sont pas contrôlés
V. en ce sens, M. Mekki, Les mystères de la blockchain : D. 2017, p. 2160 et s., § 17.?J.-M. Mis, Les technologies de rupture à l'aune du droit : Dalloz IP/IT juill.-août 2019, p. 425 et s.?L. Godefroy, La gouvernementalité des blockchains publiques : Dalloz IP/IT sept. 2019, p. 497 et s.?N. Weinbaum, Contrats et obligations?La preuve du consentement à l'ère du RGPD et de la blockchain : JCP E 2018, p. 1110, Rapp. AN no 1501, déjà cité, p. 34.
. Ce qui laisse le champ libre à tous les abus et les fraudes en la matière.
En matière de smart contract, il n'existe aujourd'hui aucun contrôle du consentement
B. Ancel, Les smart contrats : révolution sociétale ou nouvelle boîte de Pandore ? Regard comparatiste : Comm. com. électr. 2018, étude 13.
. Le smart contract étant un simple mode d'exécution du contrat, le contrôle du consentement est censé avoir été opéré au stade de sa conclusion. Il ne sera pas réitéré lors de son exécution automatisée
V. supra, no .
.
Quant à l'impact de l'IA sur le consentement, il est utopique de croire aujourd'hui que cette technologie soit en mesure de jouer un rôle prépondérant tant dans l'expression que dans la réception du consentement. Le langage étant le propre de l'humain, il est très difficile d'en capturer toutes les nuances.
De prime abord, le recueil d'un consentement peut s'effectuer au moyen des logiciels ou applications de visioconférence usités dans le grand public tels que Skype, Zoom, WhatsApp, FaceTime. Ces outils permettent l'expression d'un consentement verbal pouvant suffire pour la plupart des contrats usuels aux enjeux économiques ou financiers limités. Mais qu'en est-il pour des contrats plus importants ? Compte tenu de ses origines continentales, le droit français fait de la preuve par écrit l'un des piliers des modes de preuve communément admis
C. civ., art. 1364 et s.
. Tout support écrit est recevable ; l'écrit électronique ayant la même force probante que l'écrit sur support papier
C. civ., art. 1366.
. La signature, identifiant son auteur, constitue donc le mode de preuve adéquat du consentement. Encore faut-il qu'il soit libre et éclairé. Et, en la matière, la preuve d'un vice du consentement peut être apportée par tous moyens. Il est alors tout à fait envisageable de considérer que des enregistrements audio/vidéo puissent, à cet égard, avoir une portée probatoire.