La notion d'oracle

La notion d'oracle

Avant d'appliquer la notion aux professionnels du droit (Sous-section II) , il convient préalablement de tenter d'en définir les contours (Sous-section I) .

La recherche d'une définition de l'oracle

Dans le cadre de la technologie blockchain, la sécurité juridique des opérations nécessite d'établir une correspondance entre les données inscrites dans la chaîne de blocs (monde numérique) avec celles du monde réel (document analogique ou numérique) V. supra, no ; V. Glossaire : « Oracle ». . Ce lien est assuré par l'oracle. Il n'existe aucune définition légale de l'oracle, mais celui-ci peut se définir comme un service (personne physique ou morale, entité spécifique, logiciel…) chargé d'entrer manuellement une donnée extérieure dans la blockchain après l'avoir vérifiée D. Legeais, Blockchain et actifs numériques, LexisNexis, coll. « Actualité », 2019, § 171, p. 102. . Il a donc pour principale mission de vérifier et d'alimenter la blockchain d'une ou de plusieurs informations extérieures issues du monde réel nécessaires à son fonctionnement. Cette intervention assure l'intégrité des données devant alimenter la chaîne et déclenche ainsi certains protocoles tels que le smart contract Pour des exemples concrets, cf. M. Mekki : D. 2017, p. 2160 et s. ; V. supra, no . . Dans le langage courant du monde numérique, l'oracle est donc le tiers de confiance spécifique au fonctionnement de la technologie blockchain. L'oracle doit donc remplir tous les critères spécifiques du tiers de confiance V. supra, no . .

Les professionnels du droit et l'oracle

  • Les avocats. Les auteurs du rapport d'information de l'Assemblée nationale sur les blockchains rendu en décembre 2018 considèrent que « ce rôle ne paraît pas incohérent, avec le conseil que pourrait apporter la profession dans le recours au smart contract ». Les avocats sont à même « [d']examiner et proposer des stipulations conventionnelles inscrites dans une blockchain mais aussi?le cas échéant (d')auditer le dispositif technique sur lequel devra reposer leur exécution ». Cette nouvelle mission reposerait donc principalement sur les qualités de juriste incontestées de cette profession au travers de leur mission de conseil.
  • Les huissiers. Pour cette profession comme pour la suivante, c'est la qualité d'officier ministériel qui justifie leur rôle prépondérant en tant qu'oracle. Pour un auteur, l'huissier pourrait intervenir pour prouver l'authenticité de l'information introduite dans la blockchain . La profession l'avait bien compris et a investi il y a deux ans dans la société Fiderconex, qui faisait de l'huissier de justice l'oracle des opérations basées sur la technologie blockchain. Le site internet n'est plus accessible à ce jour.
  • Les notaires. Cette profession est plébiscitée par une large partie de la doctrine en la matière pour répondre efficacement à la problématique de fiabilité posée par la blockchain. Les auteurs du rapport d'information de l'Assemblée nationale considèrent qu'à « bien des égards, le statut d'une profession réglementée comme celle des notaires peut être considéré comme apportant certaines garanties de nature à répondre à ces interrogations, dans le cadre renouvelé des missions assignées par le législateur ». Pour beaucoup, le notaire est l'oracle naturel, l'interface entre le monde virtuel de la blockchain et le monde réel. Selon S. Harnay, économiste, le notaire est pour l'instant le seul à pouvoir s'assurer de l'exactitude et de la qualité des informations qui seraient susceptibles d'entrer dans la blockchain, et donc le seul à pouvoir en garantir la validité. D'abord parce que le notaire est un juriste . Ses compétences transversales et actualisées font de lui un oracle parfaitement à même de juger de la légalité d'un titre, de la réalité d'une créance ou encore de l'authenticité de l'identité civile d'une personne. Ensuite parce que le notaire est un officier public et ministériel . De par son statut, il assure le contrôle de l'intégrité d'un document de façon incontestable et sous sa responsabilité.
Le choix de l'oracle étant de toute évidence une condition essentielle à la confiance portée à la blockchain et donc à la sécurité juridique attendue, quels sont aujourd'hui les professionnels qui répondent le mieux aux critères dégagés ? Si tous les professionnels du droit peuvent prétendre à cette confiance V. en ce sens tous les développements précédents relatifs aux atouts juridiques, économiques, sociaux et technologiques des professionnels du droit, supra, nos à . , il semble néanmoins que les professions réglementées (huissiers, notaires et greffiers des tribunaux de commerce) T. Douville et T. Verbiest, Blockchain et tiers de confiance : incompatibilité ou complémentarité : D. 2018, no 20, p. 1144.?E. Netter, Les perspectives des professions réglementées?Blockchain et professions réglementées : CDE 2018, dossier 21.?M. Mekki, Les mystères de la Blockchain : D. 2 nov. 2017, no 37, p. 2165, § 29.?M.-A. Frison-Roche, Analyse des blockchains au regard des usages qu'elles peuvent remplir et des fonctions que les officiers ministériels doivent assurer : Defrénois 20 juin 2019, no 149k4, p. 23.?M. Mekki, Blockchain et métiers du droit en questions : Dalloz IP/IT 2020, p. 87. sont les mieux à même de répondre à cette attente de sécurité juridique M.-A. Frison-Roche, Analyse des blockchains au regard des usages qu'elles peuvent remplir et des fonctions que les officiers ministériels doivent assurer : Defrénois 20 juin 2019, no 149k4, p. 23. . Et, parmi elles, plus spécifiquement la profession de notaire.

Le notariat est le métier de la vérité et les notaires sont garants du réel qui sera phygital, c'est-à-dire physique et digital à la fois. Leur rôle est crucial quand c'est le bordel !.

Les professionnels du droit doivent promouvoir leurs spécificités professionnelles pour s'imposer en tant que tiers de confiance dans l'application pratique des nouvelles technologies numériques et notamment la blockchain, afin d'offrir une meilleure sécurité juridique contractuelle.