À ce stade, il n'est pas inutile de rappeler que l'obligation générale de conservation pour les notaires résulte de l'article 1er de l'ordonnance no 45-2590 du 2 novembre 1945
www.legifrance.gouv.fr/affichTexte.do?cidTexte=LEGITEXT000006069175">Lien
et de l'article 26 du décret no 71-941 du 26 novembre 1971 relatif aux actes établis par les notaires
www.legifrance.gouv.fr/loda/id/JORFTEXT000000511476/2021-01-13">Lien
. Ceci étant, une fois les annexes numérisées et l'acte authentique signé électroniquement, que faut-il faire des « originaux » papier (procuration sous signature privée, certificat d'urbanisme, DIA…) ? La question a déjà fait couler beaucoup d'encre ces dernières années
V. 111e Congrès des notaires, Strasbourg, 2015, La sécurité juridique : un défi authentique, et plus préc. 4e proposition de la première Commission, « La sécurité authentique », intitulée « Gérer les annexes d'un acte authentique électronique » ; 116e Congrès des notaires, Paris, 2020, Protéger Les vulnérables?Les proches?Le logement?Les droits, § 4143, p. 869 et s.
. En 2015, le 111e Congrès des notaires aborde le sujet. Les rapporteurs de la première Commission proposent un débat en séance solennelle sur la possibilité pour le notaire de détruire les documents papier ayant été préalablement numérisés et annexés à un acte authentique, sauf opposition formelle et expresse des parties. Ils tirent ainsi les conséquences d'une réponse ministérielle du 18 juin 2013, restée pourtant muette sur le sujet
http://questions.assemblee-nationale.fr/q14/14-18235QE.htm">Lien ; les notaires satisfont à leurs obligations de conservation des actes en numérisant, dans le respect des conditions de sécurité prévues par le décret, les pièces annexes indissociablement liées à l'acte authentique électronique auquel elles se rapportent.
. Les avantages d'une telle proposition sont connus de la pratique : gain de place, simplification de l'archivage, pérennité de conservation… La proposition a été rejetée. Ce vote a vraisemblablement traduit une forte réticence des praticiens à se départir d'un élément de leur pratique jugé essentiel encore en 2015 ; le document matériel, physique, celui que chacun peut toucher, palper comme pour se rassurer de son existence et de sa validité. Par la suite, la réforme du droit des obligations issue de l'ordonnance du 10 février 2016 déjà citée est venue préciser les conditions permettant de présumer fiable une copie numérisée (C. civ., art. 1379)
www.legifrance.gouv.fr/codes/art._lc/LEGIARTI000032042394/">Lien
. Le décret d'application du 5 décembre 2016
www.legifrance.gouv.fr/loda/id/LEGITEXT000033546178/2016-12-07/#LEGITEXT000033546178">Lien
décrit plus précisément le procédé de reproduction. En 2017, le 113e Congrès des notaires repose la question en s'appuyant sur le droit positif d'alors et notamment un arrêt de cour d'appel de 2015
V. développements in 113e Congrès des notaires de France, Lille, 2017, ?Familles ?Solidarités ?Numérique, Le notaire au cœur des mutations de la société, p. 999, § 3507 et s.
. Les auteurs concluent à la nécessité de modifier le décret du 10 août 2005. En 2020, le 116e Congrès des notaires de France tire les conséquences de ces nouveaux ajouts législatif et réglementaire. Pour ses auteurs, il est nécessaire d'adapter le décret du 10 août 2005, modifiant le décret no 71-941 du 26 novembre 1971 relatif aux actes établis par les notaires, à l'aune de l'ordonnance du 10 février 2016 et de son décret d'application du 5 décembre 2016
116e Congrès des notaires de France, Paris, 2020, Protéger Les vulnérables?Les proches?Le logement?Les droits, § 4143, p. 869 et s.
, sans toutefois faire de proposition.
La destruction des originaux papier après leur numérisation
La destruction des originaux papier après leur numérisation
Une proposition d'évolution souhaitable et attendue pourrait consister à compléter la dernière phrase du second alinéa de l'article 22 du titre IV du décret du 26 novembre 1971, relatif aux annexes, comme suit :
« Art. 22.?Lorsque l'acte est établi sur support papier, les pièces annexées à l'acte sont revêtues d'une mention constatant cette annexe et signée du notaire.
Lorsque l'acte est établi sur support électronique, les pièces annexées sont indissociablement liées à l'acte auquel elles se rapportent. La signature électronique du notaire en fin d'acte vaut également pour ses annexes. Les originaux papier des annexes ainsi numérisées peuvent être détruits, avec l'accord exprès des parties à l'acte ».
Cette proposition a le mérite de concilier toutes les positions. Elle n'impose pas aux professionnels récalcitrants de détruire les originaux, mais permet à ceux qui le souhaitent d'y procéder avec l'accord des parties à l'acte. A contrario, sans l'accord des parties, la destruction des originaux est impossible, que le professionnel le souhaite ou non.
Ceci étant, dans le cadre d'une telle évolution législative, il conviendrait de ne pas omettre de clarifier préalablement l'article 432-15 du Code pénal qui prévoit que : « Le fait, par une personne dépositaire de l'autorité publique ou chargée d'une mission de service public, un comptable public, un dépositaire public ou l'un de ses subordonnés, de détruire, détourner ou soustraire un acte ou un titre, ou des fonds publics ou privés, ou effets, pièces ou titres en tenant lieu, ou tout autre objet qui lui a été remis en raison de ses fonctions ou de sa mission, est puni de dix ans d'emprisonnement et d'une amende de 1 000 000 €, dont le montant peut être porté au double du produit de l'infraction » (C. pén., art. 432-15">Lien). Cette modification consisterait à clarifier les termes de cet article pour éviter que les documents annexés à un acte puissent être assimilés à un titre, effet, ou tout autre objet cité par cet article.
La même question relative à la conservation des originaux des annexes numérisées se pose pour les avocats dès aujourd'hui. Ainsi, les originaux des documents papier numérisés et annexés à des contrats de cession de parts, ou d'actions, des protocoles d'accord divers… sont-ils aujourd'hui détruits par les professionnels ? La première édition de mars 2018 du guide pratique des avocats au sujet du règlement général sur la protection des données (RGPD) ne répond pas directement à cette question
www.cnb.avocat.fr/sites/default/files/2.guide_rgpd_avocats-2018_2.pdf">Lien ; « L'avocat responsable de traitement doit définir une politique de durée de conservation des données au sein de son cabinet. Les données à caractère personnel ne peuvent être conservées que le temps nécessaire à l'accomplissement de l'objectif poursuivi lors de leur collecte. Généralement, les données relatives aux clients peuvent être conservées le temps de la relation contractuelle entre l'avocat et son client. Au-delà, les données devraient être archivées pour la période où la responsabilité de l'avocat pourrait être mise en cause avant suppression définitive des données ».
. En pratique, il semble que dans la mesure où la responsabilité des avocats se prescrit cinq ans après la fin de leur mission, ils considèrent devoir conserver les originaux confiés cette même durée.
Cette problématique de conservation des originaux se pose avec autant d'acuité pour les actes sous signature privée relatifs au droit de la famille et des successions avec la loi no 2019-222 du 23 mars 2019 de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice, dans son article 25
www.legifrance.gouv.fr/affichTexte.do?cidTexte=JORFTEXT000038261631&categorieLien=id">Lien
. Le 1o de l'article 1175 du Code civil est ainsi complété par les mots : «, sauf les conventions sous signature privée contresignées par avocats en présence des parties et déposées au rang des minutes d'un notaire selon les modalités prévues aux articles 229-1 à 229-4 ou à l'article 298 ». En d'autres termes, les conventions sous signature privée contresignées par avocat dans le cadre d'une procédure de divorce par consentement mutuel peuvent être désormais conclues sur support électronique. Dès lors, les récépissés des lettres recommandées avec demande d'avis de réception envoyées aux époux contenant le projet de convention de l'article 229-4 du Code civil peuvent-ils être détruits ? La pratique répondra à cette interrogation. Mais il est certain que le développement de l'envoi des lettres recommandées en format électronique réglera cette difficulté.
Pour les huissiers de justice, c'est en 2005 qu'ils ont été autorisés à réaliser, signer et conserver des actes originaux sous forme électronique, sous condition du consentement des parties
D. no 2005-972, 10 août 2005 modifiant D. no 56-222, 29 févr. 1956 pris pour l'application de l'ordonnance du 2 novembre 1945 relative au statut des huissiers de justice (www.legifrance.gouv.fr/download/pdf?id=kWlo_opd6E_LqV5UfVMewS-rbs8s5QazxPmrjJQFplo">Lien).
. Un arrêté du 29 juin 2010
A. 29 juin 2010 fixant les normes de présentation des actes d'huissier de justice (www.legifrance.gouv.fr/jorf/art._jo/JORFARTI000022406733">Lien) ; entrée en vigueur le 1er juillet 2010 pour les commandements de payer, significations d'ordonnance d'injonction de payer, dénonciations d'une saisie-attribution, significations de l'acte de saisie-vente, et autres significations d'une contrainte décernée conformément à l'article R. 133-3 du Code de la sécurité sociale et le 31 décembre 2010 pour tous les autres actes.
est venu modifier quelque peu les règles de rédaction des actes d'huissier en conséquence. Depuis lors, la plupart des actes sont rédigés ab initio au format numérique y compris aujourd'hui pour les saisies électroniques
www.defrenois.fr/actualites/mise-en-place-de-la-saisie-par-voie-electronique-des-comptes-bancaires">Lien
. Pour les actes encore rédigés au format papier, les huissiers conservent la minute papier avec leur signature manuscrite et peuvent délivrer une expédition conforme à l'original. Le décret du 29 février 1956 impose la conservation des données pendant dix ans
D. no 56-222, 29 févr. 1956, pris pour l'application de l'ordonnance du 2 novembre 1945 relative au statut des huissiers de justice, art. 24 à 26 (www.legifrance.gouv.fr/loda/id/JORFTEXT000000686521/1994-04-19">Lien).
. Mais il faut reconnaître que les documents annexés sont souvent bien moins nombreux que ceux des actes notariés. Pour conclure sur la numérisation et la profession d'huissier, il faut souligner le développement par la profession ces dernières années d'outils spécifiques visant à dématérialiser totalement ses activités. Un auteur a d'ailleurs constaté à cet égard que la numérisation était plus avancée pour les activités concurrentielles que pour les activités monopolistiques
R. Laher, La numérisation des activités de l'huissier de justice : Cah. Droit, Sciences et Technologies [en ligne] 10-2020, mis en ligne le 27 avr. 2020 (http://journals.openedition.org/cdst/1962">Lien) ; DOI (https://doi.org/10.4000/cdst.1962">Lien).
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