3199 – Les objectifs de la politique du logement. – Parmi les objectifs prévus par l’article L. 101-2 du Code de l’urbanisme, la politique du logement tient une place importante (V. n° a3078). Cet article vise non seulement à ce que l’urbanisme national offre au pays « des capacités de construction et de réhabilitation suffisantes pour la satisfaction, sans discrimination, des besoins présents et futurs de l’ensemble des modes d’habitat »331, mais également qu’il veille à la « mixité sociale dans l’habitat ».
3200 – La crise du logement. – L’objectif d’une construction suffisante en qualité et en quantité pour la satisfaction des citoyens est en lien direct avec la crise du logement partagée partout en Europe332. Cette crise a pour cause une hausse des prix importante, engendrant pour se loger un taux d’effort excessif333, et nécessitant la construction de logements à des coûts abordables. Car la conséquence d’une défaillance à remplir cet objectif se traduit par une augmentation de la fracture sociale liée au logement.
3201 – Un coût du foncier jamais en baisse. – L’un des principaux ennemis de la mixité est le prix des logements, en augmentation constante, dans la lignée de la flambée des prix du foncier.
« L’acquisition d’un terrain représente désormais environ un tiers de l’investissement immobilier »334. Le prix du foncier augmentant depuis des décennies, les propriétaires de terrains sont placés dans une position dominante les incitant, en fonction des circonstances, à céder leurs actifs à prix haut ou à pratiquer une forme de rétention foncière. Dans les phases ascendantes d’un cycle immobilier, les prix grimpent vite avec la rareté des terrains et la concurrence des promoteurs. Dans les phases descendantes, le propriétaire s’abstient simplement de vendre, espérant que les prix moyens atteints au sommet de la phase précédente serviront de plancher lors de la prochaine hausse, comme par un effet de cliquet. Il entretient ainsi une rareté de l’offre, contribuant à raccourcir la durée des phases descendantes.
3202 – L’augmentation du prix des logements. – L’augmentation du coût du foncier et la hausse régulière des coûts de construction335rejaillissent sur le prix des logements, rendant l’objectif de mixité sociale très difficile à atteindre. Ainsi, l’augmentation constante du coût de l’immobilier dans les aires urbaines les plus importantes diminue sensiblement la proportion des ouvriers et des employés propriétaires, au profit des cadres supérieurs et des professionnels libéraux336.
3203 – La politique sociale de la ville. – L’objectif d’évitement du cloisonnement des quartiers, certains dédiés aux « riches » et d’autres voués aux « pauvres », a trouvé un écho important à la fin des années 1970, après les tensions survenues dans plusieurs banlieues ayant de facto été abandonnées par les premiers aux seconds. Les décideurs ont pris conscience que la réduction des inégalités sociales entre territoires et la revalorisation de certains quartiers urbains « sensibles » constituaient des réponses importantes aux interrogations d’une jeunesse en mal d’avenir. Ainsi, dès le début des années 1980, l’État français a tenté de mettre en place une véritable politique de la ville337.
Malheureusement, des zonages à périmètre et durée variables338aux contrats disparates339, cette politique de la ville n’a pas porté les fruits que les milliards d’euros investis donnaient le droit d’attendre. Ces échecs successifs justifient que chaque nouveau gouvernement fasse de la politique du logement un cheval de bataille, objet de nouvelles mesures340.
3204 – L’adhésion populaire à l’objectif de mixité sociale. – L’objectif de mixité sociale des politiques du logement n’a jamais été aussi facile à prôner qu’aujourd’hui.
En effet, de plus en plus convaincus que la frustration sociale des quartiers populaires, principalement chez les jeunes, fournit un terreau pour la délinquance et le fondamentalisme, la plupart des Français se font à l’idée qu’ils ont plus à gagner à partager leur quartier qu’à laisser se pérenniser une situation explosive341.
3205 Cette mixité est difficile à mettre en place autant en propriété qu’en location (Section I). Ces difficultés ne découragent cependant pas le législateur, toujours à la recherche de nouvelles solutions allant dans le sens de la mixité sociale. La dernière en date est le bail réel solidaire (Section II).
3206 – Un accroissement constant du parc de logements… toujours insuffisant. – Les règles de l’économie de marché sont imparables. La loi de l’offre et de la demande, reposant sur l’équilibre entre la quantité des biens offerts et demandés, s’applique à l’immobilier comme aux autres produits du commerce. Ainsi, tant que la demande est supérieure à l’offre, le prix des logements augmente.
En métropole, le parc de logements s’accroît de 1 % par an depuis trente ans, soit presque deux fois plus que la population sur la même période342. Cela reste néanmoins insuffisant pour permettre à tous d’occuper un logement.
3207 – La vacance, premier symbole d’un parc de logements déséquilibré. – Le territoire français connaît de très grandes disparités de situations : certaines aires urbaines voient la demande de logements surpasser l’offre, tirant les prix vers le haut. Dans d’autres, une offre plus forte que la demande se caractérise de deux façons : par la vacance et par la baisse des prix.
Si la vacance est le premier marqueur d’un parc de logements déséquilibré, elle est proportionnellement beaucoup moins élevée dans les villes compactes que dans les villes étendues.
3208 – La fluctuation des prix, second symbole d’un parc de logements déséquilibré. – Alors que les prix flambent dans les grandes villes jouissant de nouvelles liaisons de transport, d’un dynamisme économique et d’une image positive343, les prix ne décollent pas dans de nombreuses cités provinciales marquées par une baisse de l’activité, de l’accessibilité ou des services publics. Parfois même, ils s’effondrent344. Ainsi, une véritable fracture géographique se crée, accentuant les déséquilibres économiques, sociaux et territoriaux. La fracture sociale n’existe plus seulement entre les centres-villes et les banlieues, elle s’instaure également entre les aires urbaines dynamiques et les autres.
L’équilibre entre l’offre et la demande de logements se recherche principalement au niveau local, où se rencontrent les intérêts des propriétaires (Sous-section I) et des locataires (Sous-section II).
3209 – De la difficulté de devenir propriétaire. – Paradoxalement, l’augmentation régulière des prix de l’immobilier depuis les années 1970 (V. n° a3080) se déroule dans une période économique terne, peu propice à une hausse équivalente des revenus345. Cette décorrélation entre les perspectives macro-économiques et la valeur des biens immobiliers crée, pour les primo-accédants, une véritable difficulté à devenir propriétaires de leur habitation346.
Pourtant, l’immense majorité des Français rêvent toujours de posséder leur logement347, et 62 % d’entre eux ont atteint leur rêve. Certains l’ont même dépassé, possédant une ou plusieurs résidences secondaires348. Cependant, ces logements occasionnels sont rarement situés dans les villes compactes349.
Être propriétaire de sa résidence principale est souvent appréhendé comme une preuve de richesse ou comme une garantie contre les coups du sort.
Pourtant, selon une étude de décembre 2016 diligentée par l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE)350, les pays d’Europe comptant le plus de propriétaires sont aussi les plus pauvres. Ainsi, 96,5 % des Roumains sont propriétaires de leur habitation. Ce pourcentage dépasse les 80, voire les 90 % pour les citoyens des pays de l’ex-URSS. Sa moyenne atteint 71 % pour les Espagnols, Italiens, Grecs et Portugais.
En revanche, les pays européens connaissant la plus forte croissance économique sont aussi ceux où le taux de propriétaires est le plus faible, comme l’Allemagne avec 45 % ou les Pays-Bas avec 56,2 %, mais avec seulement 9,2 % de propriétaires sans emprunt en cours.
Ces chiffres vont à l’encontre des idées reçues, mais cachent une très grande disparité quant à la qualité des logements.
La majorité des propriétaires immobiliers possèdent leur résidence principale (§ I). Cependant, une partie non négligeable de ces propriétaires donne des logements en location (§ II).
3210 – La « gentrification ». – L’augmentation constante des prix de l’immobilier se traduit de facto par une « gentrification » des cœurs des villes compactes. Cet embourgeoisement des cités correspond, selon Wikipédia, à « un phénomène urbain par lequel des personnes plus aisées s’approprient un espace initialement occupé par des habitants ou usagers moins favorisés, transformant ainsi le profil économique et social du quartier au profit exclusif d’une couche sociale supérieure »351.
Dès que la mixité n’est pas imposée, que ce soit par des contraintes physiques352ou réglementaires353, la nature humaine conduit inexorablement à ce phénomène354.
3211 – Un frein à la mixité sociale. – La « gentrification » agit comme un cercle vicieux. Lorsque les groupes sociaux aisés migrent vers un quartier dont ils (re)découvrent les avantages, ils réhabilitent les bâtiments et contribuent à un accroissement des valeurs immobilières, n’hésitant pas à mettre la pression sur les pouvoirs publics pour une amélioration de l’environnement général, notamment scolaire. Les plus défavorisés n’ont pas les moyens de régler les loyers en hausse et sont souvent contraints de quitter le quartier. Ainsi, la gentrification est-elle un processus contribuant positivement à la réhabilitation des quartiers et négativement à la ségrégation sociale.
Ce phénomène urbain est intimement lié aux villes compactes, voire aux métropoles355. La tertiarisation des villes accentue le processus, en attirant des populations nouvelles souvent cultivées, désireuses d’un cadre de vie adapté à leurs attentes.
Sauf à craindre un renouvellement des populations trop important modifiant les équilibres électoraux356, les maires des grandes villes ont tendance à favoriser cette gentrification, permettant de jeter une lumière éclatante sur la qualité de leur bilan urbanistique. Mais n’est-ce pas une vision à court terme ? Ne fait-on pas perdurer, par l’absence de mixité, les tensions existant autrefois entre la ville et sa banlieue, en leur permettant d’avancer plus profondément dans la cité au risque d’opposer demain les quartiers entre eux ?
3212 – Un frein à la mixité générationnelle. – Lorsque les logements de centre-ville sont inabordables, les jeunes ménages désireux de devenir propriétaires sont contraints de se délocaliser en périphérie. En terme d’accession à la propriété, la mixité sociale est ainsi quasi inexistante au cœur des villes, mais la mixité générationnelle souffre également357.
3213 – La mixité sociale, ennemie du bailleur. – Dans l’immense majorité des cas, l’objectif principal des bailleurs est de maximiser la rentabilité de leur propriété. La hausse sensible du prix de l’immobilier ces dernières années les conduit à augmenter les loyers dans une période de déficit de logements.
Bien évidemment, au cœur d’une législation rendant les expulsions compliquées, la solvabilité des locataires est primordiale. Dès lors, un locataire aisé présentant au surplus des garanties de paiement du loyer constitue le Graal du bailleur. Dans ce contexte, tout ce qui risque de déranger ce locataire d’une manière ou d’une autre apparaît comme dangereux. C’est notamment le cas de la mixité sociale, le risque aux yeux du bailleur étant que le preneur souhaite rester au milieu des membres de sa classe sociale.
Il n’est pas certain que, de l’autre côté du bail, le locataire ait les mêmes attentes.
3214 – Deux parcs, deux redevances… – Il existe une très grande différence entre les dépenses liées au logement selon que l’on dépend du parc privé ou social. D’après le baromètre Sofinscope, le budget moyen dédié au logement des Français, hors charges et remboursement d’emprunt, s’élève à 631 €. Cela cache de profondes disparités. Ainsi, les locataires du parc privé (§ I) dépensent 662 € par mois, quand le budget moyen mensuel des locataires HLM (§ II) est de 470 €358.
3215 – La crainte d’une augmentation des loyers. – En matière d’habitation, les loyers suivent les courbes des prix des logements et de l’attractivité des villes. Même en dehors des zones de location très tendues, et à l’exception des agglomérations en déclin où la vacance locative peut tirer les loyers vers le bas, les locations privées sont rarement bon marché. Pour autant, il faut bien se loger ! À ce titre, les locataires les moins fortunés font souvent des sacrifices pour conserver leur logement.
3216 – Les classes d’âge à risque. – Les étudiants et les retraités sont particulièrement sensibles à ces augmentations de loyer, les premiers n’ayant pas de revenus, les seconds voyant leur pension diminuer régulièrement.
Les étudiants et les seniors bénéficient néanmoins de résidences dédiées, censées leur faciliter la vie par l’apport de services extérieurs. Si les avantages fiscaux de ces résidences services contribuent à leur développement, ils n’allègent en rien le montant des loyers. Ainsi, il est fréquent que les étudiants leur préfèrent une colocation source d’économie sur les fonctions mutualisées, et que les retraités soient dans l’incapacité de trouver des places dans des maisons collectives à des prix correspondant à leur budget359. Parfois, ces deux classes d’âge se retrouvent dans un phénomène bien connu des classes les moins favorisées en passe de retrouver une nouvelle popularité : l’habitat intergénérationnel360.
Le rallongement de la durée des études et l’augmentation de l’espérance de vie constituent de véritables difficultés, liées notamment à la dépendance aux aides financières des pouvoirs publics. Pour les plus âgés, les aides récupérables sur les successions permettent d’alléger la perte sèche pour la collectivité. Pour les étudiants, la moindre annonce d’une baisse des APL de 5 € par mois est susceptible de créer une crise politique grave361…
Ainsi, imaginer et promouvoir de nouvelles solutions pour ces classes d’âge à risque devient une nécessité362. À ce titre, l’exemple des logements sociaux destinés à la colocation étudiante mérite approbation363.
3217 – Le phénomène « Airbnb ». – Dans les métropoles les plus courues, la pratique des plates-formes de location touristique aggrave cette situation. Elle engendre une diminution de 50 % du volume des biens à louer de manière classique364, faisant grimper les loyers par le simple effet de la loi de l’offre et de la demande. Les locations nues de trois ans minimum sont délaissées pour des baux en meublés de quelques jours, plus rémunérateurs365. Par voie de conséquence, les locataires de longue durée sont chassés des centres-villes366. L’importance du phénomène est telle que certains propriétaires délaissent régulièrement leur logement au profit d’une résidence secondaire délocalisée.
Bien entendu, la mixité sociale est une victime collatérale de ce phénomène. Indépendamment des problèmes de fiscalité367, il convient de prendre des mesures en urgence pour la préserver. La ville de Paris a montré l’exemple en annonçant un enregistrement obligatoire des personnes louant leur logement en meublé touristique sur une plate-forme numérique à compter de décembre 2017. Mais le résultat est plus que décevant368, engendrant plus d’illégalités que de remises en question369. Comme dans une course de lièvres tentant de rattraper une tortue, d’autres communes ont également décidé de réguler les locations de meublés touristiques370.
Toutes ces difficultés du secteur locatif privé sont dues à l’incapacité des pouvoirs publics de permettre à chacun de se loger à moindre coût dans des logements sociaux. Cette pénurie d’habitations à loyers modérés et le panel des personnes éligibles contribuent à pérenniser cette situation insatisfaisante.
3218 – Un logement (social) pour (presque) tous. – Toute personne française ou autorisée à séjourner régulièrement sur le territoire français, ayant, avec l’ensemble des personnes de son foyer, des ressources annuelles imposables ne dépassant pas un plafond maximum, est susceptible d’obtenir un logement social371. Les conditions de ressources sont révisées au 1er janvier de chaque année en fonction de l’évolution de l’indice INSEE de référence des loyers (IRL).
Aujourd’hui, sur le seul critère des revenus, dix-huit millions de ménages, soit environ deux sur trois, sont éligibles à un dispositif n’offrant qu’un peu moins de cinq millions de logements sociaux372. Le nombre de foyers éligibles est ramené à environ un tiers si l’on exclut les propriétaires d’un logement adapté à leurs besoins. Ce tiers restant suffit néanmoins à provoquer un engorgement du système, obligeant près de deux millions de ménages à attendre de plus en plus longtemps un logement social373. Quant aux foyers habitant déjà en HLM, ils parviennent de moins en moins à accéder à la propriété ou à rejoindre le parc locatif privé. Ils s’accrochent souvent à ce qu’ils ont374, même quand la famille s’agrandit ou que la situation recommande un déménagement375.
Dans ce système, les plus pauvres n’ont pas accès au logement social. Ainsi, en 2015, 6 % seulement des 340 000 logements attribués l’ont été à l’un des 125 000 ménages très pauvres en attente d’appartement et vivant avec moins de 500 € par mois376. Dès lors, un réexamen périodique de la situation des locataires du parc social est envisagé377, ainsi que la fixation d’une durée des baux d’habitation du secteur public à douze ou quinze ans par exemple378.
3219 – Un classement dans le classement. – Jusqu’à présent, les différentes catégories de logements sociaux étaient attribuées aux locataires en fonction de leurs revenus, d’une part, et des prêts et subventions accordés lors de la construction, d’autre part. Schématiquement, la partition se jouait ainsi :
les logements financés en prêt locatif aidé d’intégration (PLAI)379étaient réservés aux personnes en situation de grande précarité ;
les logements relevant des prêts locatifs à usage social (PLUS)380correspondaient aux habitations à loyer modéré traditionnelles, accessibles au plus grand nombre ;
les logements des secteurs PLS (prêt locatif social) et PLI (prêt locatif intermédiaire) étaient attribués aux familles ayant des revenus trop élevés pour accéder aux logements des deux premières catégories, mais trop bas pour pouvoir se loger dans le secteur privé.
3220 – La lutte contre la ghettoïsation. – Aujourd’hui, la conscience des méfaits de la ghettoïsation conduit au renforcement des politiques visant à une meilleure répartition des personnes relevant des différentes classes sociales dans chaque quartier. Comme il est difficile de faire venir les plus fortunés dans des « zones »381où ils n’ont pas envie d’aller, ces politiques se concentrent sur une relocalisation des ménages les moins favorisés ailleurs que dans les quartiers déjà paupérisés382. Dès lors, il convient de prévoir, dans les quartiers concernés, davantage de logements sociaux, mais également une répartition accrue des logements PLAI, PLUS et PLS en fonction du besoin de mixité de chaque endroit.
3221 – Les dernières mesures. – Dresser une liste exhaustive des mesures mises en place pour favoriser la mixité dans le logement ne peut présenter, au mieux, qu’un intérêt passager, tant les réglementations s’empilent ou se remplacent sans fin.
Le dernier texte phare en la matière est la loi du 27 janvier 2017 relative à l’égalité et à la citoyenneté383, dont la moitié des 224 articles se concentre dans un titre intitulé « Mixité sociale et égalité des chances dans l’habitat ». Trois mesures ressortent du lot, emblématiques d’une volonté d’avancer plus vite et mieux vers la mixité.
La première consiste dans l’obligation d’attribuer 25 % des logements sociaux en dehors des quartiers prioritaires de la politique de la ville384aux 25 % des ménages les plus pauvres ayant déposé une demande de logement.
La deuxième correspond à la décorrélation des loyers sociaux du financement d’origine des logements concernés. Avec la loi LEC, tous les logements devraient être éligibles à tous les locataires sociaux, un appartement financé en PLS dans un quartier attractif pouvant à présent être proposé en loyer PLAI.
La troisième mesure était censée, par plusieurs dispositions différentes, renforcer l’application de l’article 55 de la loi SRU385, auxquelles de nombreuses communes sont en infraction386. Il semble qu’en pratique, elle permette à certaines agglomérations d’exciper de l’absence d’une bonne desserte des transports en commun pour s’exonérer de la règle387.
3222 – Des aides à l’accession à la propriété à bout de souffle. – Le responsable des difficultés d’accession à la propriété est désigné depuis longtemps par les pouvoirs publics français : il s’agit du coût de l’immobilier ! Ainsi, le législateur a mis en place des solutions fondées sur des aides de la collectivité permettant aux citoyens modestes d’acquérir leur résidence principale.
La plupart de ces aides consistent à alléger le poids de l’endettement par des prêts bonifiés, tels que le prêt à taux zéro (PTZ) et le prêt d’accession sociale (PAS). À l’exception de la location-accession388, les autres mécanismes mis en place n’ont pas marqué l’histoire389.
Par ailleurs, l’augmentation constante du prix des logements met en exergue les deux défauts majeurs du système. D’une part, il laisse un espace béant dans l’offre de logements entre les foyers aisés susceptibles d’acquérir dans le secteur privé et les ménages défavorisés bénéficiant des aides publiques. La classe intermédiaire, trop riche ou pas assez, est souvent laissée de côté. Le problème est particulièrement caractérisé chez les jeunes dans les zones tendues. D’autre part, les mécanismes existants ne permettent pas de maintenir un parc de logements accessible sur la durée. En effet, passée l’acquisition par le foyer éligible au montage proposé, le logement entre dans la sphère économique classique, devenant inabordable pour les plus modestes. Au surplus, la plus-value de revente profite uniquement au vendeur390.
3223 – Le bail réel solidaire : plus brillant que le BRILO ? – Le législateur invente ainsi de nouveaux montages censés alléger la facture des logements. L’objectif est double : permettre au plus grand nombre d’acquérir leur résidence principale391et faire en sorte que les efforts collectifs profitent successivement à plusieurs ménages.
À ce titre, le bail réel immobilier relatif au logement (BRILO) fut lancé en février 2014392. Accessible aux classes intermédiaires, ce nouvel outil basé sur une dissociation du foncier et du bâti permet de vendre les constructions indépendamment du terrain d’assiette. À l’inverse des baux classiques conférant un droit réel393, les clauses d’affectation et anti-spéculatives sont admises dans le BRILO.
À peine un mois plus tard, la loi ALUR394créait les organismes de foncier solidaire (OFS)395, postes avancés d’un nouveau contrat programmé par la loi « Macron » du 6 août 2015396, créé par ordonnance du 20 juillet 2016397et utilisable depuis un décret du 10 mai 2017398 : le bail réel solidaire (BRS) (CCH, art. L. 255-1 et s.).
Jusqu’à présent, le BRILO n’a pas brillé399. Sans doute ne se démarque-t-il pas suffisamment des outils existants400.
Le bail réel solidaire, reposant également sur la dissociation du sol et du bâti, bénéficie d’une nouveauté majeure : pour la première fois, l’aide de la collectivité profite à plusieurs ménages successivement. En effet, l’aide publique ne se rapporte plus à un avantage personnel octroyé au premier bénéficiaire du contrat, mais reste attachée au bien. Ainsi, la nécessité collective prend le pas sur l’intérêt individuel, le profit « réel » remplace le profit « personnel ».
Le BRS est d’ores et déjà plus efficace que le BRILO, le premier bail réel solidaire ayant été signé le 18 décembre 2017401. D’autres sont prévus très prochainement un peu partout en France402.
3224 – Un bail à durée et parties variables. – Le bail réel solidaire est un contrat par lequel un organisme de foncier solidaire consent à un preneur des droits réels en vue de la location ou de l’accession à la propriété de logements, pour une durée comprise entre dix-huit et quatre-vingt-dix-neuf ans. Il comprend, le cas échéant, l’obligation pour le preneur de construire ou de réhabiliter des constructions existantes (CCH, art. L. 255-1, al. 1). L’engagement du bailleur se prolonge au-delà de la durée du bail initial. En effet, à chaque changement de preneur, le bail réel solidaire est prorogé pour la durée d’origine, du fait de l’agrément par l’OFS de l’acquéreur du logement.
3225 – Des droits réels du BRS. – À la différence du bail de droit commun, créateurs de droits de créance, le bail réel solidaire confère au preneur des droits réels. La loi ne précise pas de quels droits il s’agit et leur analyse nécessite un renvoi aux droits réels attachés aux autres baux réels.
Ainsi, à défaut de qualification, les « droits réels issus du bail réel solidaire » mentionnés à l’article L. 255-9 du Code de la construction et de l’habitation rappellent les droits réels portant sur la chose du bailleur et autorisant le preneur à construire sur le terrain d’autrui ou à réhabiliter les constructions existantes, comme dans le bail emphytéotique (C. rur. pêche marit., art. L. 451-1), le bail à construction (CCH, art. L. 251-3) et le bail à réhabilitation (CCH, art. L. 252-2).
L’autre droit réel transmis au preneur et justifiant l’emploi du pluriel est un droit de propriété temporaire sur les constructions édifiées en cours de bail (CCH, art. L. 255-7, al. 3).
Le preneur jouit librement des droits nécessaires à l’opération de construction et du droit de propriété temporaire des constructions édifiées, ces droits pouvant être hypothéqués, cédés et saisis (CCH, art. L. 255-9).
3226 Le bail réel solidaire peut être consenti à un preneur occupant l’habitation (CCH, art. L. 255-2). Il peut également s’agir d’un opérateur construisant ou réhabilitant des logements. Dans cette hypothèse, l’opérateur s’engage à vendre les droits réels immobiliers (CCH, art. L. 255-3) ou à les mettre en location (CCH, art. L. 255-4). Ainsi, l’analyse des parties au bail réel solidaire en dessine les contours (A). Elle conditionne également les singularités du contrat (B).
3227 Le bail réel solidaire implique nécessairement la participation d’un organisme de foncier solidaire en qualité de bailleur (I). En revanche, deux catégories de preneurs coexistent (II).
3228 – Un nouvel acteur de la mixité sociale. – Le bailleur est nécessairement un organisme de foncier solidaire (CCH, art. L. 255-1). Il s’agit d’une personne morale de droit public ou de droit privé agréée par le représentant de l’État dans la région, dont la principale singularité est le statut d’organisme à but non lucratif. En pratique, les organismes de foncier solidaire seront sans doute des associations, fonds de dotation et fondations403.
Même si ces structures déterminent librement leur champ d’action, leur principale mission est de garantir la pérennité des baux réels solidaires. À ce titre, elles réalisent des logements et des équipements collectifs conformément à la politique d’aide au logement définie par la loi (CCH, art. L. 301-1)404. Cela implique d’acquérir des terrains nus ou bâtis, d’en assurer la gestion et d’en demeurer propriétaire. Les organismes de foncier solidaire ont en outre l’obligation d’affecter l’intégralité de leurs bénéfices au maintien ou au développement de cette activité, leurs réserves étant destinées à la gestion des baux en cours (C. urb., art. R. 329-3). Cette affectation impérative oblige l’organisme de foncier solidaire à distinguer comptablement le résultat lié aux baux réels solidaires de celui provenant d’autres activités exercées, le cas échéant.
Indépendamment des bénéfices engendrés par ses activités, le financement de l’organisme de foncier solidaire s’opère par perception d’apports en nature ou en numéraire de toute personne publique ou privée, par voie de libéralités, voire par appel public à la générosité.
3229 – Trois variantes se dessinant dès l’origine. – Le bail réel solidaire consenti par l’organisme de foncier solidaire n’est pas nécessairement consenti aux occupants du logement (a). Il peut également l’être à un opérateur (b), susceptible de prendre deux engagements différents.
Ainsi, les variantes du bail réel solidaire sont au nombre de trois.
3230 – Un preneur aux revenus modestes. – L’organisme de foncier solidaire peut consentir le bail réel solidaire directement à un preneur occupant le logement (CCH, art. L. 255-2). C’est le cas en pratique lorsque le bailleur est propriétaire d’un immeuble bâti ne nécessitant pas de réhabilitation.
Pour limiter ce montage aux ménages modestes n’ayant pas la possibilité de se constituer un patrimoine immobilier autrement, les ressources des preneurs et le prix de cession des droits réels sont encadrés par décret en Conseil d’État405. En dépit des difficultés des classes intermédiaires à acquérir leur logement, le bail réel solidaire ne leur est pas destiné eu égard aux conditions de ressources exigées406.
À l’instar du plafond du prix de cession, le montant de la redevance dont s’acquitte le preneur occupant est fixé par décret en Conseil d’État. Cette redevance tient compte « des conditions d’acquisition du patrimoine par l’organisme de foncier solidaire et, le cas échéant, des conditions financières et techniques de l’opération de construction ou de réhabilitation des logements ». Les conditions d’occupation du logement sont également prises en compte (CCH, art. L. 255-8). En contrepartie, le preneur occupant est titulaire d’un droit réel, susceptible d’être donné en garantie dans le cadre d’un prêt bancaire, et pouvant être cédé par la suite.
Pour que le bail réel solidaire présente un intérêt, il est indispensable que la redevance soit faible407. Cette modicité correspond à l’aide de la collectivité aux preneurs successifs.
Le logement est destiné à être occupé à titre de résidence principale pendant toute la durée du bail. La plupart du temps, l’occupant sera naturellement le titulaire des droits réels. Mais, sauf interdiction contractuelle prévue au contrat, il n’est pas exclu d’imaginer une location du logement, dès lors qu’il s’agirait de la résidence principale des locataires.
En ce qui concerne les relations entre le bailleur et le preneur, les textes ne détaillent pas les charges et conditions des baux réels solidaires. Ils prévoient logiquement l’absence de faculté de résiliation unilatérale de la part du bailleur408, ainsi que l’absence de reconduction tacite du bail (CCH, art. L. 255-6). Cette absence de reconduction tacite peut surprendre, s’agissant d’un bail appelé par définition à s’étendre au-delà de la durée prévue à l’origine du contrat. Elle est sans doute liée juridiquement à la pratique habituelle l’excluant pour les démembrements de propriété comparables409. Elle l’est sans doute également dans l’esprit de ses initiateurs comme la conséquence d’un rechargement quasi systématique renvoyant régulièrement la durée du bail réel solidaire à son point de départ. Indiscutable avec un bail de quatre-vingt-dix-neuf ans, ce raisonnement est fragilisé en cas de bail proche de dix-huit ans, à moins qu’il ne traduise également la volonté d’un montage autorisant à ne pas conserver un même titulaire plus d’une vingtaine d’années, dans le but de bénéficier au plus grand nombre410. Ce choix induirait en revanche une dégradation de la valeur du bien et rapprocherait le BRS du BRILO.
3231 – Promoteur privé ou bailleur social. – L’organisme de foncier solidaire, propriétaire d’un terrain à bâtir ou d’un immeuble nécessitant d’importants travaux de rénovation, a la faculté de signer un bail réel solidaire avec un opérateur chargé de construire ou de réhabiliter des logements. Cet opérateur peut être un promoteur privé, un bailleur social ou une société d’économie mixte par exemple.
Les parties définissent entre elles les obligations de l’opérateur. À ce titre, le bénéficiaire du bail réel solidaire s’engage à vendre les logements concernés (i), ou à les donner en location (ii).
3232 – La variante la plus courante. – L’opération engageant le preneur à vendre les droits réels immobiliers attachés aux logements construits ou réhabilités est la plus complexe des trois variantes du bail réel solidaire. En pratique, il s’agira sans doute de la plus courante (CCH, art. L. 255-3).
Ce montage intéresse trois parties différentes, intervenant chacune deux fois. Il se déroule en trois temps, les deux derniers étant concomitants : le bail entre l’organisme de foncier solidaire et l’opérateur (1), la vente par l’opérateur à l’occupant (2), et le bail entre l’organisme de foncier solidaire et l’occupant (3). S’agissant de contrats portant sur des droits réels, les actes à établir à chaque étape sont authentiques.
3233 – Le BRS-initial. – Le postulat de départ est le suivant : l’organisme de foncier solidaire est propriétaire d’un bien immobilier non bâti ou à réhabiliter, inutilisable en logements411. Il le donne à bail réel solidaire à un opérateur chargé de construire ou de réhabiliter des logements412. L’opérateur s’oblige également à céder ses droits sur les logements créés aux acquéreurs agréés par l’OFS.
Notre confrère Frédéric Roussel, bâtisseur de ce nouvel outil413, qualifie le bail réel solidaire régularisé entre l’organisme de foncier solidaire et le constructeur de « BRS-Initial »414. Ce bail initial est réductible, son assiette diminuant à l’occasion de chaque bail signé entre l’organisme de foncier solidaire et l’acquéreur final.
3234 – Le BRS et la copropriété. – Sauf les rares cas de constructions de maisons individuelles ou en volumétrie, le BRS-Initial porte sur des biens à construire ou réhabiliter dans le cadre d’une copropriété. Trop récent pour que des exemples avérés permettent d’en saisir toutes les subtilités techniques, ce bail réel solidaire doit cependant s’adapter aux règles de la copropriété.
Il est possible de proposer le montage suivant, assis sur la gémellité de deux états descriptifs de division différents, l’un portant sur les droits à construire loués par l’OFS, l’autre sur les lots privatifs vendus par le promoteur.
Le bail étant « réductible » plutôt que « divisible », l’organisme de foncier solidaire établit un état descriptif de division primaire du foncier, antérieurement à la signature du « BRS-Initial ». Ce document répartit en différents lots les droits à construire attachés au sol. Parallèlement, le promoteur prépare un projet d’état descriptif de division-règlement de copropriété classique, attachant à chaque lot privatif une quote-part de partie commune équivalente aux droits à construire du lot correspondant de l’état descriptif de division primaire415.
Dans le cadre du BRS-Initial, l’OFS transmet au promoteur l’ensemble des lots de droits à construire. Par la signature concomitante de l’état descriptif de division-règlement de copropriété préparé par l’opérateur, il y a corrélation parfaite entre les tantièmes de charge foncière affectés aux lots objets du BRS-Initial et les tantièmes de copropriété attachés à la globalité des lots privatifs de la copropriété.
À chaque réduction du « BRS-Initial » liée à une vente de lot de copropriété par l’opérateur, le « BRS-Utilisateur » correspondant porte sur les tantièmes de droit à construire correspondant aux millièmes de copropriété attachés au lot vendu par le promoteur416.
3235 – La vente achevée, la VEFA, la VIR, etc. – Dans le cadre des droits réels conférés par le bail réel solidaire initial, le constructeur édifie ou rénove les logements. Il cède ensuite les droits réels immobiliers correspondant à l’appartement ou à la maison à des particuliers agréés par l’organisme de foncier solidaire répondant aux conditions de ressources. Cette vente peut intervenir avant l’achèvement des constructions dans le cadre d’une vente en l’état futur d’achèvement ou d’immeuble à rénover, ou après l’achèvement dans le cadre d’une vente classique. Il peut également s’agir de la souscription de droits sociaux donnant vocation à la jouissance du bien.
Le prix de cession est fixé par décret en Conseil d’État (CCH, art. L. 255-2). Il est limité par la nature même du bien acquis, la cession portant uniquement sur les droits réels correspondant à la partie bâtie, le foncier restant la propriété de l’organisme de foncier solidaire417. Ainsi, l’intérêt du bail réel solidaire s’accroît dans les zones « tendues », où la part du foncier dans le prix d’achat du bien est substantielle.
Le preneur a la faculté d’hypothéquer ses droits réels, notamment en garantie du prêt souscrit pour les acquérir.
Concomitamment à la vente, l’acquéreur régularise un bail réel solidaire portant sur les droits réels acquis avec l’organisme de foncier solidaire.
3236 – Le BRS-Utilisateur. – Le bail réel solidaire destiné à l’utilisateur final, qualifié de BRS-Utilisateur418, est signé entre l’organisme de foncier solidaire et l’acquéreur du logement, concomitamment à la vente des droits réels régularisée avec le promoteur.
Ce bail prévoit le paiement d’une redevance devant rester modeste, permettant à l’utilisateur de s’en acquitter en sus des remboursements d’emprunts, de la taxe foncière et des éventuelles charges de copropriété, toutes dépenses qu’il n’avait pas auparavant.
Par l’effet conjugué de la cession des droits réels et de la signature du BRS-Utilisateur, les droits réels que le constructeur tenait du BRS-Initial en sont automatiquement soustraits. La régularisation d’un avenant n’est pas nécessaire, la réduction ayant lieu automatiquement. Ainsi, le bail réel solidaire initial s’éteint lorsque l’ensemble des droits réels d’origine est transmis.
3237 – Une variante de repli. – L’objectif originel du bail réel solidaire étant la transmission de droits réels au profit de ménages modestes, il est permis de s’interroger sur la pertinence d’avoir instauré une variante permettant à l’opérateur de louer les logements (CCH, art. L. 255-4). Dans un tel cas, la situation du preneur s’apparente en effet à celle du locataire lambda d’un logement social. Tout juste peut-on préciser que les plafonds de loyers et de ressources applicables sont spécifiques aux baux réels solidaires.
En pratique, cette variante constitue une solution de transition ou de repli dans l’hypothèse où il n’y aurait pas de candidats au bail réel solidaire.
Ce bail fonctionne comme le BRS-Initial (V. n° a3233), à l’exception de l’engagement de louer substitué à l’engagement de vendre du promoteur. Rien n’interdit que le même BRS-Initial contienne un double engagement. Eu égard à la philosophie du montage, la vente est à privilégier, mais un engagement alternatif de location à défaut d’avoir pu vendre paraît de bon aloi.
3238 Le bail réel solidaire présente les particularités d’être rechargeable (I) et anti-spéculatif (II).
3239 – Davantage de bénéficiaires. – La principale particularité du bail réel solidaire résulte dans le rechargement de la durée du bail à chaque mutation. En effet, à chaque changement de titulaire, le bail réel solidaire repart pour sa durée originelle (CCH, art. L. 255-12).
Ainsi, l’avantage transmis initialement pour faciliter l’accession à la propriété du premier occupant se renouvelle avec chaque nouveau locataire, à l’infini. La valeur du logement ne s’érode pas autrement que par la vétusté. La faculté des droits réels immobiliers à être donnés en garantie aux banques perdure. Le législateur espère ainsi maintenir un parc de logements « durablement » sociaux, accessible sur plusieurs générations, et faire profiter à un plus grand nombre de ménages des efforts de la collectivité.
Le nombre de ménages bénéficiaires de ces aides augmentera mécaniquement par l’addition de toutes les familles ayant été titulaires de droits réels sur l’ensemble des logements concernés. Le résultat sera à comparer avec le nombre de logements créés grâce aux aides bénéficiant uniquement au premier ménage installé. Les retombées de l’aide seront en revanche moindres pour chaque bénéficiaire.
3240 – Des gains mieux répartis. – Le bail réel solidaire est conçu pour éviter toute spéculation. Il confère à chaque preneur successif un droit identique à celui du preneur initial. Ainsi, le preneur du bail réel solidaire n’a jamais vocation à devenir propriétaire du terrain. À l’inverse du Pass foncier « bail à construction », il ne bénéficie pas de la plus-value liée à la reconstitution d’un droit de propriété plein et entier.
Par ailleurs, le prix de cession est limité à la valeur initiale des droits réels actualisée (CCH, art. L. 255-5)419, majorée de la valorisation des travaux effectués entre l’acquisition et la cession. Aucune dérogation n’est permise, la sanction du dépassement du prix maximum étant la nullité de la vente (CCH, art. L. 255-11)420.
Par leur ampleur, les systèmes antérieurs constituaient un tremplin vers un début de richesse pour une petite quantité d’élus421. Le bail réel solidaire devrait profiter à un plus grand nombre de ménages et leur apporter un enrichissement qu’ils n’auraient pas eu sans lui.
3241 – Un fonctionnement sans particularité notable. – Le bail réel solidaire étant très encadré par la loi, son fonctionnement n’engendre pas de difficultés particulières. Le paiement régulier de la redevance et le respect des conditions du bail (CCH, art. L. 255-7 et L. 255-8)422permettent à l’occupant de jouir de son logement en toute quiétude.
Pour le preneur, les inconvénients apparaissent en cas de transmission (A) et à l’expiration du bail (B).
3242 – Un formalisme déroutant pour un preneur vivant. – La transmission des droits résultant d’un bail réel solidaire est un parcours long et fastidieux pour le preneur. Le formalisme commence par l’envoi au cessionnaire ou au donataire d’une offre préalable de cession ou de donation, reprenant toutes les clauses importantes du bail. En cas de mutation à titre onéreux, le prix de vente des droits réels immobiliers est limité à leur valeur initiale, simplement actualisée. Calquée sur le mécanisme d’une offre de prêt bancaire, cette offre de contrat doit être maintenue par le preneur au moins trente jours et ne peut être acceptée par son bénéficiaire avant un délai de dix jours à compter de sa réception423.
Lorsque le bénéficiaire de l’offre l’a acceptée, le titulaire du BRS a trente jours pour en informer l’organisme de foncier solidaire en lui demandant l’agrément du cessionnaire choisi. Il joint à sa demande un dossier complet permettant notamment de justifier l’éligibilité du nouvel élu aux conditions légales (CCH, art. L. 255-10).
L’organisme de foncier solidaire dispose ensuite d’un délai de deux mois pour analyser le dossier, contrôler les modalités principales du contrat proposé424, vérifier l’éligibilité de l’acquéreur ou du donataire à la conclusion d’un bail réel solidaire, et enfin délivrer l’indispensable agrément (CCH, art. L. 255-11).
En cas de refus d’agrément dans le cadre d’une cession à titre onéreux, le cédant peut demander à l’organisme de foncier solidaire de lui proposer un autre cessionnaire. À défaut de le faire dans les six mois, l’organisme de foncier solidaire se porte acquéreur des droits réels appartenant au preneur. En cas de refus d’agrément lors d’une donation, le bail réel solidaire peut être résilié conventionnellement, le preneur étant indemnisé de la valeur de ses droits dans les conditions prévues au bail (CCH, art. L. 255-13).
À l’instar de certains auteurs, « on se demande quelle est l’utilité d’une telle multiplication des délais, à moins que l’affaire étant si mauvaise à réaliser, il soit nécessaire d’y réfléchir à plus d’une fois pour la conclure… »425.
3243 – Le droit de préemption de l’organisme de foncier solidaire. – L’agrément donné par l’organisme de foncier solidaire à tout nouveau preneur est incontournable, fidèle à la philosophie de ce bail à long terme. Mais le bailleur ne se borne pas à la vérification de l’éligibilité du cessionnaire à la conclusion d’un bail réel solidaire. Il bénéficie en effet d’un droit de préemption426dans les deux mois427de la transmission de l’offre préalable à toute cession ou donation (CCH, art. L. 255-15).
L’exercice du droit de préemption implique l’indemnisation du preneur. La valeur de ses droits est fixée conformément aux stipulations du bail, dans la limite mentionnée à l’article L. 255-5 du Code de la construction et de l’habitation.
3244 – La transmission successorale des droits au bail réel solidaire. – La transmission successorale des droits attachés au bail réel solidaire fait également l’objet d’un encadrement contraignant (CCH, art. L. 255-14). Le texte appréhende différemment la situation du conjoint survivant et des autres ayants droit. Les conditions d’éligibilité et d’agrément ne sont pas opposables au conjoint survivant.
En revanche, la transmission aux autres ayants droit est contrôlée. Ainsi, dans l’hypothèse où un ayant droit répond aux conditions d’éligibilité pour prétendre au bénéfice d’un bail réel solidaire, le bail fait l’objet d’une prorogation de plein droit d’une durée identique à celle du bail d’origine. Si l’ayant droit ne remplit pas ces conditions, il dispose d’un délai de douze mois à compter du décès428pour céder les droits réels à un acquéreur éligible agréé par l’organisme de foncier solidaire. À défaut de cession dans le délai prévu, le bail réel solidaire est résilié, l’ayant droit étant indemnisé par l’organisme de foncier solidaire de la valeur des droits réels immobiliers dans les conditions prévues par le bail.
En pratique, il y aura certainement des successions avec un conjoint survivant, des ayants droit éligibles et d’autres non, et des difficultés de partage. Il est probable que ces situations se termineront par la résiliation du bail, ersatz d’expropriation.
3245 Le bail réel solidaire s’éteint par la résiliation ou l’arrivée du terme.
En cas de non-exécution de ses obligations par le preneur, notamment de non-paiement de la redevance, le bail peut être résilié. L’indemnité de résiliation tient compte du manquement ayant entraîné la résiliation du bail (CCH, art. L. 255-8). Néanmoins, le preneur ne risque pas de perdre toutes ses économies dans un projet trop ambitieux pour lui429. Dans cette hypothèse, les sûretés assises sur les droits réels s’éteignent, indépendamment de leur date initiale d’échéance.
À l’arrivée du terme du bail réel solidaire430, les droits réels immobiliers du preneur s’éteignent. Cette extinction entraîne une indemnisation semblable à celle prévue pour les ventes. Le bailleur recouvre alors la pleine jouissance du bien.
En cas de location par le preneur de son logement, la mention de la date d’extinction du BRS dans le contrat entraîne automatiquement l’extinction de la location du bien à l’arrivée du terme du bail réel solidaire. À défaut d’avoir stipulé cette mention pourtant impérative, les occupants ont le droit de se maintenir dans les lieux pendant une durée maximale de trente-six mois à compter de la date d’expiration du bail réel solidaire, dans des conditions équivalentes à celles prévues au bail de location du logement.
404) « I. – La politique d’aide au logement a pour objet de favoriser la satisfaction des besoins de logements, de promouvoir la décence du logement, la qualité de l’habitat, l’habitat durable et l’accessibilité aux personnes handicapées, d’améliorer l’habitat existant et de prendre en charge une partie des dépenses de logement en tenant compte de la situation de famille et des ressources des occupants. Elle doit tendre à favoriser une offre de logements qui, par son importance, son insertion urbaine, sa diversité de statut d’occupation et de répartition spatiale, soit de nature à assurer la liberté de choix pour toute personne de son mode d’habitation.
II. – Toute personne ou famille éprouvant des difficultés particulières, en raison notamment de l’inadaptation de ses ressources ou de ses conditions d’existence, a droit à une aide de la collectivité pour accéder à un logement décent et indépendant ou s’y maintenir. »