CGV – CGU

Chapitre I – La lutte contre l’étalement urbain

Partie II – Les villes étendues
Titre 1 – Les villes à vivre à l’année
Sous-titre 1 – Les villes en expansion
Chapitre I – La lutte contre l’étalement urbain

3512 – De la gestion économe du sol à la lutte contre l’étalement urbain. – En 2008, le 104e Congrès des notaires de France consacrait l’intégralité de sa première commission à la gestion économe du sol. La conclusion du rapport commençait ainsi : « L’étude exhaustive qui vient d’être réalisée nous amène au constat suivant : les outils permettant d’assurer une gestion économe des sols existent bien dans notre législation, qu’ils soient de planification ou d’intervention. Ils seraient même trop nombreux ! »824. Il n’est pas nécessaire de faire une étude aussi exhaustive que celle de nos confrères825pour constater que les choses n’ont pas beaucoup évolué en dix ans, bien au contraire : les outils sont toujours existants826, encore plus nombreux et, à ce jour, toujours aussi inefficaces827 !

Car tant pour la planification que pour l’intervention, la multitude d’outils existants n’a pas permis d’endiguer l’artificialisation des sols828, quand le phénomène devrait être contenu au strict nécessaire. À tel point que la pratique a remplacé la formule positive de « gestion économe des sols » par celle, plus combative, de « lutte contre l’étalement urbain »829.

3513 – De l’article L. 110 à l’article L. 101-2 du Code de l’urbanisme. – À l’époque, l’article L. 110 du Code de l’urbanisme était beaucoup plus sobre que l’article L. 101-2 s’y étant substitué830.

En effet, la gestion économe des sols a été remplacée par l’équilibre entre « le renouvellement urbain, le développement urbain maîtrisé, la restructuration des espaces urbanisés » (C. urb., art. L. 101-2, 1°, b), « une utilisation économe des espaces naturels, la préservation des espaces affectés aux activités agricoles et forestières et la protection des sites, des milieux et paysages naturels » (C. urb., art. L. 101-2, 1, c), voire « la préservation (…) de la biodiversité, des écosystèmes, des espaces verts ainsi que la création, la préservation et la remise en bon état des continuités écologiques » participant indirectement à la lutte contre l’étalement urbain.

Ces textes donnent à penser qu’en dix ans, les problèmes se sont démultipliés, étendus, diversifiés831. En pratique, plus que des difficultés nouvelles, ils traduisent positivement une prise de conscience inédite832et négativement, une incapacité chronique à synthétiser les problèmes.

3514 – Une question existentielle. – En l’état actuel de la science, les enjeux de la lutte contre l’étalement urbain dépassent le simple débat philosophique des ruraux contre les urbains pour devenir une question existentielle. D’une part, les terrains agricoles gaspillés constituent une ressource non renouvelable. D’autre part, la France ne jouit pas d’une indépendance territoriale agricole, étant obligée d’importer l’équivalent de la production de 1,4 million d’hectares pour assurer ses propres besoins833. La lutte contre l’étalement urbain gagne ainsi son statut de nécessité collective essentielle sur le terrain de l’alimentation, premier besoin primaire (V. n° a3039)834. Sans les mésestimer, la protection de la biodiversité et l’esthétique de nos paysages paraissent de moindre importance.

3515 – Une lutte à armes inégales. – Au vrai, la consommation d’espace agricole ou naturel n’est pas répréhensible en soi lorsqu’elle n’est qu’une adaptation proportionnée à la croissance démographique. Mais ce n’est pas le cas en France835. Luttant à armes inégales836, les surfaces agricoles et naturelles perdent presque toujours le bras de fer imposé par les autres activités telles que l’habitat individualisé, le commerce, les loisirs, les infrastructures de toute nature et les forêts. Si l’« on peut dire de manière globale qu’une ville de 100 000 habitants produit de la périurbanisation jusqu’à une trentaine de kilomètres »837, il ne faut pas oublier que les conséquences de l’imperméabilité des sols, des ruissellements, de l’érosion ou de la fragmentation des éléments de la biodiversité sont souvent irréversibles.

Pour rééquilibrer le combat dans les villes étendues, il convient de lutter contre le mitage dans les aires urbaines (Section I) et de sanctuariser un plus grand nombre d’espaces agricoles et naturels838 (Section II).

Section I – La lutte contre le mitage dans les aires urbaines

3516 – La densification II : le retour. – Les dysfonctionnements de la lutte contre l’étalement urbain dans les villes étendues sont le miroir inversé de ceux de la densification dans les villes compactes. Dans les deux cas, la politique prônée est vantée comme le remède ultime aux dérives allant à l’encontre de l’intérêt général. Dans les deux cas, la pratique cautionne une multitude de passe-droits rendant déficiente la politique prônée. Là où il faudrait construire plus, on se restreint ; là où il faudrait construire moins, on bâtit.

Ainsi, la densification est tout autant nécessaire dans la partie étendue des aires urbaines que dans les zones compactes. Dans les espaces non couverts par des conventions antérieures, elle s’opère de façon spontanée ou, lorsqu’elle est encadrée par la puissance publique, prend la forme de la démarche « BIMBY »839 (Sous-section I). Dans les lotissements, cette densification serait également la bienvenue (Sous-section II).

Sous-section I – La démarche BIMBY

3517 – Le sens de l’histoire. – La densification est largement favorisée par des lois récentes840, ayant une influence directe sur les outils d’urbanisme. Ainsi, la loi Grenelle 2 a autorisé les SCoT à contraindre les communes à densifier suffisamment certains secteurs de leur territoire (C. urb., art. L. 122-1-5, VIII et IX). La loi ALUR a imposé une analyse des « capacités de densification » au sein du rapport de présentation des PLU(i).

La démarche BIMBY est cependant plus prégnante à l’échelle de chaque unité foncière pour densifier les secteurs pavillonnaires. Elle s’inscrit dans le cadre d’un urbanisme encadré reposant sur l’initiative privée (§ I), facilité par une orchestration de la collectivité publique (§ II).

§ I – Une initiative privée

3518 – Les sources françaises du BIMBY. – Le modèle français de densification des quartiers pavillonnaires connu sous la dénomination de « démarche BIMBY »841est récent842. Il s’agit en pratique d’une généralisation des initiatives individuelles de découpe parcellaire de terrains déjà bâtis dans le but d’y construire à nouveau. En effet, tout propriétaire d’une maison avec jardin a la faculté de vendre une partie de son bien en qualité de terrain à bâtir, tout en conservant la construction déjà édifiée. La méthode BIMBY consiste à industrialiser ces initiatives individuelles, en fournissant une ingénierie et en aménageant les règles locales d’urbanisme permettant de la faciliter.

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Des accents anglo-saxons

Malgré sa dénomination à l’accent anglo-saxon, la démarche BIMBY est la version française de pratiques mises en œuvre à l’étranger depuis des années. Elle a été initiée par le phénomène dit du granny flat843, par lequel de nombreux propriétaires âgés dans la Grande-Bretagne des années 1970 ont fait construire sur l’arrière de leur terrain une maison plus petite et plus adaptée à leurs besoins, avant de mettre leur habitation principale en location844.

L’Australie a emboîté le pas de cette densification urbaine par les Dual Occupancy en 1985 et Subdivision Act en 1988845. Les États-Unis ont suivi le mouvement, le Residents’ Right Act de 1994 autorisant la création d’un logement supplémentaire au sein d’une même habitation en vue de sa mise en location.

3520 – Un intérêt individuel. – D’un point de vue purement économique, la division d’un terrain bâti pour construire une seconde maison est souvent une mesure de valorisation du patrimoine privé. En effet, « dans les quartiers bien situés des agglomérations, la somme de la valeur du terrain créé par division parcellaire et de la maison amputée de ce terrain est supérieure à la valeur de la maison initiale »846. La division relève ainsi d’un intérêt individuel justifiant une démarche volontaire et privée. Ses avantages se renforcent néanmoins lorsque l’initiative devient publique.

§ II – Une démarche devenue publique

3521 – Des intérêts collectifs. – Les avantages de la démarche BIMBY sont nombreux pour la collectivité. D’un point de vue environnemental, la maison individuelle provenant du BIMBY freine l’étalement urbain et évite l’éloignement augmentant les transports. D’un point de vue social, le BIMBY engendre peu de pression foncière847, ouvrant la possibilité de devenir propriétaire à une population n’ayant pas nécessairement les moyens d’acquérir une maison traditionnelle produite par une filière classique. D’un point de vue budgétaire, la densification s’opère au sein de zones urbaines déjà équipées et s’affranchit le plus souvent de nouveaux équipements publics d’infrastructure848. Nec plus ultra, le BIMBY permet le développement économique d’une filière de construction courte et durable, créatrice d’emplois, en s’appuyant prioritairement sur des entreprises locales de construction.

La démarche BIMBY propose un accompagnement par la collectivité locale. Ainsi, là où le particulier réfléchit tout seul à sa division, la commune offre au travers de la démarche BIMBY une ingénierie capable de repérer des gisements fonciers.

3522 – Les principes de la démarche BIMBY. – La démarche BIMBY suppose une volonté politique de densification, souvent à rebours des desiderata849de la majorité de la population850mais aussi des pratiques bien ancrées851.

Lorsque cette volonté politique est acquise, les élus lancent une phase de repérage des gisements fonciers susceptibles de densification. Elle progresse par des discussions avec les propriétaires potentiellement concernés et a pour objectif principal de définir les possibilités de densification offertes par chaque parcelle, indépendamment des prescriptions réglementaires du document d’urbanisme applicable au secteur. Cette phase de prise d’informations est capitale, car elle permet d’appréhender le nombre de propriétaires intéressés par une évolution de la constructibilité, ainsi que les surfaces concernées et le nombre théorique de logements édifiables sur le secteur852.

Lorsqu’elle est convaincue du potentiel d’urbanisation en secteur diffus, la commune décide des multiples évolutions à apporter à ses documents d’urbanisme, et notamment son PLU. Ainsi, la densification du tissu pavillonnaire est susceptible de constituer l’un des volets du programme d’aménagement et de développement durable (PADD) de la commune (C. urb., art. L. 123-1-3). Les orientations d’aménagement et de programmation (OAP) définissent les objectifs et les principes d’une politique visant à répondre aux besoins en logements et en hébergements. À ce titre, la démarche BIMBY constitue une OAP spécifique (C. urb., art. L. 123-1-4).

Il n’est pas toujours aisé de faire intervenir la puissance publique dans la production de logements diffus. Il s’agit en effet d’un domaine dont elle était absente jusqu’à présent. Par ailleurs, la matière n’est pas simple pour des élus devant veiller à ce que la capacité des voies et réseaux supporte la densification prévue, ou, à défaut, à instaurer un système de financement tel que la taxe d’aménagement à taux majoré, permettant de reporter le coût de ce renforcement sur les propriétaires bénéficiaires de plus-values immobilières.

3523 – Des débuts prometteurs. – La méthode BIMBY en est à ses prémices. Ce n’est qu’au fil d’une communication importante qu’elle pourra prospérer, l’information de ses avantages encore méconnus devant irriguer tant les propriétaires de maisons individuelles que les collectivités locales. Si les particuliers intéressés sont peu nombreux, la démarche est sans doute trop chronophage pour être mise en place. Si la commune ou l’intercommunalité n’est pas prête à amender ses règles d’urbanisme pour permettre un partage des terrains, la mobilisation des propriétaires ne sert à rien.

Pourtant, le jeu en vaut la chandelle compte tenu de l’importance du gisement de terrains concernés. En effet, chaque année, 200 000 maisons individuelles se rajoutent aux dix-neuf millions existantes. Il suffirait qu’un terrain sur cent soit divisé chaque année en vue de produire un nouveau terrain à bâtir pour fournir en nombre de constructions la quasi-totalité de la production annuelle de maisons individuelles, et ce sans étalement urbain853.

Cette démarche bénéficie en outre d’un dernier avantage : même si elle est constitutive d’un lotissement854, elle ne nécessite pas un permis d’aménager mais une simple déclaration préalable, s’agissant d’un lotissement « unilot »855.

Sous-section II – Les lotissements

3524 – Du problème à la solution. – Les lotissements sont depuis longtemps le problème numéro un de la gestion économe des sols. Ils recouvrent depuis des décennies des hectares et des hectares d’espaces naturels et agricoles.

Cependant, le lotissement constitue aujourd’hui également une solution. Tout en continuant d’un côté à phagocyter des espaces périurbains dans un but pavillonnaire856, il peut contribuer de l’autre à la lutte contre l’étalement urbain. Cette action positive passe par une densification des lotissements existants, ainsi que par une procédure allégée pour les toutes petites opérations.

À cet effet, il convient de dépasser les problèmes liés à la pérennité ou à la caducité des cahiers des charges des lotissements (§ I), et de s’affranchir du permis d’aménager pour les divisions les plus simples (§ II).

§ I – Les problèmes contractuels du lotissement : le cahier des charges

3525 – Le bug du 26 mars 2019. – Tout le monde attendait le 1er janvier 2000 avec angoisse pour savoir si les systèmes informatiques planétaires allaient continuer à fonctionner comme avant. Tous les urbanistes français attendent le 26 mars 2019 pour savoir si les cahiers des charges des lotissements vont continuer à s’appliquer. Certains prétendent qu’à cette date, en application du nouvel article L. 442-9 du Code de l’urbanisme857, la caducité frappant les règlements858des lotissements de plus de dix ans859s’étendra aux clauses non réglementaires des cahiers des charges de lotissement non approuvés860« ayant pour objet ou pour effet d’interdire ou de restreindre le droit de construire ou encore d’affecter l’usage ou la destination de l’immeuble »861. D’autres sont péremptoires et affirment que cette caducité n’est qu’un leurre862. La troisième catégorie hésite entre désorientation et expectative863.

À ce problème majeur (A), existe-t-il des solutions (B) ?

A/ L’exposé du problème

3526 – Hommage à nos prédécesseurs. – Le 112e Congrès des notaires de France a déjà analysé en profondeur la refonte de l’article L. 442-9 du Code de l’urbanisme par la loi ALUR864. Rebondissant sur ces travaux, notre objectif est de résumer le problème ou plutôt les problèmes, la difficulté ne se concentrant pas sur un seul point saillant.

3527 – La difficulté de la pratique des lotissements. – Un lotissement est autorisé par la puissance publique et, à ce titre, obligatoirement constitué de documents administratifs, au premier rang desquels se trouve le règlement865. Le plus souvent, il comprend également un document contractuel ayant vocation à régir les rapports entre colotis : le cahier des charges. Malheureusement, et il s’agit là de la première difficulté, les cahiers des charges des lotissements, tout en ayant un caractère privé, ont rapidement intégré des dispositions ayant non seulement une nature réglementaire866, mais restreignant au surplus les droits à construire867.

Or, si les documents administratifs du lotissement cessent de s’appliquer au terme d’un délai de dix ans à compter de la délivrance de l’autorisation de lotir, le cahier des charges, en raison de sa nature contractuelle, est a priori inamovible, rendant pérennes les règles restreignant les droits à construire qu’il contient.

3528 – La difficulté liée à la définition des clauses de nature réglementaire. – Pour tenter de surmonter l’écueil engendré par la pérennisation des dispositions litigieuses des cahiers des charges, frein indiscutable à l’utilisation des gisements fonciers situés dans les lotissements existants, le législateur a étendu la caducité décennale des documents d’urbanisme aux « clauses de nature réglementaire » des cahiers des charges non approuvés dans les espaces couverts par un PLU ou un document équivalent (C. urb., art. L. 442-9, al. 1).

Parallèlement868, il a pris soin de rappeler que cette caducité automatique ne remettait pas en cause « les droits et obligations régissant les rapports entre colotis définis dans le cahier des charges » (C. urb., art. L. 442-9, al. 3)869.

Ce faisant, il a créé une immense confusion. En effet, la formule est si générale qu’elle laisse à penser qu’elle est applicable à toutes les dispositions du cahier des charges, de nature réglementaire ou non.

L’emplacement de cet alinéa 3 est également extrêmement dommageable, car il devance l’alinéa 5 prévoyant lui-même que : « Toute disposition non réglementaire ayant pour objet ou pour effet d’interdire ou de restreindre le droit de construire ou encore d’affecter l’usage ou la destination de l’immeuble, contenue dans un cahier des charges non approuvé d’un lotissement, cesse de produire ses effets dans les cinq ans à compter de la promulgation de la loi », à moins que ce cahier des charges ait fait l’objet, avant l’expiration de ce délai, « d’une publication au bureau des hypothèques870ou au livre foncier » (C. urb., art. L. 442-9, al. 5). Dès lors, la règle de l’alinéa 5 intervenant après le principe de l’alinéa 3 lui étant contraire, rend l’effet désastreux.

Si le législateur pensait créer une règle générale d’application des droits et obligations du cahier des charges entre colotis et une règle spéciale permettant d’y déroger pour toutes les clauses interdisant ou restreignant le droit de construire ou encore affectant l’usage ou la destination de l’immeuble871, il aurait dû le dire expressément. Le principe specialia generalibus derogant est parfois d’application évidente. Il n’est applicable ici qu’au terme d’une interprétation forcément subjective.

Il paraît clair que le législateur a souhaité mettre en place une parade pour les problèmes créés par chacun des deux types de clauses susceptibles de nuire à la densification. Soit les clauses du cahier des charges sont de nature réglementaire et elles seront caduques dans les dix ans de l’autorisation de lotir ; soit ces clauses du cahier des charges ne sont pas de nature réglementaire mais, si elles ont pour objet ou pour effet d’interdire ou de restreindre le droit de construire ou d’affecter l’usage ou la destination de l’immeuble, elles seront caduques pour l’immense majorité d’entre elles le 26 mars 2019, date du cinquième anniversaire de la promulgation de la loi ALUR872.

3529 – La difficulté liée à la résistance jurisprudentielle. – Il semble que la troisième chambre civile de la Cour de cassation ne partage pas l’interprétation du législateur de 2014. Il convient de souligner à ce titre qu’il a eu la maladresse de réutiliser, à l’alinéa 3 de l’article L. 442-9 du Code de l’urbanisme, l’expression relative aux « droits et obligations régissant les rapports entre colotis définis dans le cahier des charges », employée par l’ancien article L. 315-2-1 du même code. Or, à l’époque de ce texte, la Cour suprême avait eu le temps de forger une jurisprudence très favorable au maintien des cahiers des charges de lotissement.

Ainsi, faisant fi du changement de loi intervenu en 2014, la Cour de cassation a récemment continué à valider la « contractualisation » d’un règlement de lotissement, ressuscitant des clauses qui, si elles étaient restées réglementaires, seraient devenues caduques avec les dix ans de l’autorisation de lotir873. Mais surtout, le 7 janvier 2016, elle a validé la position des juges du fond ayant estimé qu’un article du règlement de lotissement prohibant un certain type de constructions n’était pas une règle d’urbanisme « mais une disposition destinée à régir les rapports entre les colotis et les modalités de vie en commun (…) ». Ainsi, en renvoyant presque mot pour mot aux droits et obligations « régissant les rapports entre colotis définis dans le cahier des charges » (C. urb., art. L. 442-9, al. 3), elle impose son pouvoir souverain d’appréciation quant à la caducité des clauses des cahiers des charges.

Il convient de rappeler que dans le doute, le juge judiciaire a la possibilité de demander à la juridiction administrative si la clause doit ou non être qualifiée de règle d’urbanisme. Mais le juge judiciaire n’a pas posé cette question préjudicielle, entendant se réserver l’analyse de la qualification874. Ces décisions marquent clairement la volonté de la Cour de cassation de s’affranchir de la lettre de l’article L. 442-9 du Code de l’urbanisme, en donnant la nature de contrat aux règlements de lotissement875, pour leur permettre de survivre au-delà des dix ans de l’autorisation de lotir, et en maintenant de manière très extensive l’application des cahiers des charges sans condition de délai.

B/ Les solutions

3530 – Des solutions (presque) impossibles. – Les clauses litigieuses des cahiers des charges étant par définition existantes, souvent même très anciennes, il n’est possible de les modifier qu’à la marge. En effet, l’article L. 442-11 du Code de l’urbanisme876permet notamment à la collectivité publique de modifier le cahier des charges, même non approuvé, pour qu’il ne soit plus en opposition avec les règles locales d’urbanisme. Mais la procédure est lourde, nécessitant enquête publique et délibération du conseil municipal. Dès lors, cette disposition ne peut être utilisée que « de manière artisanale », et n’est pas « industrialisable ». C’est d’autant plus vrai que d’aucuns la considèrent comme excessivement autoritaire et mettent en doute sa constitutionnalité877.

Un revirement de jurisprudence semble illusoire tant la position de la troisième chambre de la Cour de cassation paraît ferme. Tout donne à penser qu’elle est entrée en résistance au nom des grands principes, pour que la force obligatoire du contrat et le respect du droit de propriété ne baissent pas pavillon devant la nécessité de construire davantage878.

3531 – Une solution possible ? – Du fait de l’importance des principes en jeu, il n’est pas certain qu’il existe une solution permettant de faire céder la Cour de cassation, au moins à court terme. Ainsi, un revirement de jurisprudence avant le 26 mars 2019 est plus qu’improbable. Il voudrait dire que la justice civile considère soudain que l’alinéa 5 de l’article L. 442-9 du Code de l’urbanisme prévaut sur l’alinéa 3, alors qu’elle a toujours jugé l’inverse.

Quant à supprimer purement et simplement l’alinéa 3 de l’article L. 442-9, ce serait sans doute courir un risque d’inconstitutionnalité, l’anéantissement des règles contractuelles ayant des points de ressemblance avec une expropriation sans indemnité.

Mais les années peuvent cependant faire leur œuvre, et l’air du temps est aux concessions du droit de propriété879au profit de l’intérêt général. L’article L. 442-11 du Code de l’urbanisme démontre également880que les cahiers des charges ne sont pas des citadelles imprenables et qu’ils peuvent être modifiés dans l’intérêt général, au moment même où la force contraignante des contrats tend à s’éroder. À cet égard, une question préjudicielle de constitutionnalité quant à la validité de cet article L. 442-11 aurait sans doute un grand intérêt. Elle pourrait certes déboucher sur l’invalidation de cette clause peu utilisée. Mais, en cas de validation, elle ouvrirait une brèche importante dans le raisonnement de la Cour de cassation. Dans un tel cas, il ne serait plus exclu que la prochaine initiative du législateur en faveur de la densification des lotissements existants touche enfin sa cible.

§ II – Les problèmes d’urbanisme du lotissement : le formalisme des petites opérations

3532 – Pour une fois, la forme mieux que le fond. – Formellement, la version actuelle de l’article L. 442-1 du Code de l’urbanisme881définissant le lotissement comme « la division en propriété ou en jouissance d’une unité foncière ou de plusieurs unités foncières contiguës ayant pour objet de créer un ou plusieurs lots destinés à être bâtis » renoue avec la clarté et la concision que tout juriste appelle de ses vœux882.

Cette simplification formelle s’est malheureusement doublée d’une complexification procédurale. À présent, et sous la seule réserve des lotissements unilots (V. n° a3523), la moindre division d’une parcelle en vue de bâtir est susceptible de nécessiter la longue et fastidieuse procédure de permis d’aménager, dès lors que la division nécessite la réalisation de voies, d’espaces ou équipements communs883.

3533 – Simplifier le fond après la forme ? – Le souci principal justifiant le permis d’aménager est le contrôle de la viabilisation des terrains par le lotisseur. Le principe du contrôle est ainsi respectable.

Néanmoins, la lourdeur de la procédure est un frein important au développement des divisions de terrains déjà bâtis. Une simplification des procédures serait la bienvenue.

C’est parfois le cas. Ainsi, « lorsqu’une construction est édifiée sur une partie d’une unité foncière qui a fait l’objet d’une division, la demande de permis de construire tient lieu de déclaration préalable de lotissement dès lors que la demande indique que le terrain est issu d’une division » (C. urb., art. R. 442-2). Cette simplification formelle gagnerait à être étendue à de petites opérations, même prévoyant des voies, des espaces ou des équipements communs.

Section II – La lutte pour la préservation des espaces agricoles et naturels

3534 – De la lutte frontale à l’évitement du combat. – La lutte frontale entre le droit à l’urbanisation et le droit du fermage démontre que la campagne a tout à perdre dans un combat contre la ville (Sous-section I). Pour éviter l’affrontement direct, la sanctuarisation des espaces agricoles et naturels est une option tentante (Sous-section II).

Sous-section I – La lutte frontale entre urbanisation et fermage

3535 Le combat de l’urbanisation contre le maintien de la nature agricole des terres exploitées se cristallise dans le déséquilibre, en faveur du propriétaire, des droits du bailleur et du preneur liés par un bail soumis au statut du fermage (§ I). Un léger rééquilibrage s’effectue néanmoins par petits pas (§ II).

§ I – Le grand déséquilibre en faveur de l’urbanisation

3536 – Avantage urbanisation. – Le combat mené par les surfaces agricoles et naturelles contre l’étalement urbain est une lutte à armes inégales (V. n° a3515). S’il était nécessaire d’en apporter la preuve, on la trouverait dans l’article L. 411-32 du Code rural et de la pêche maritime. Cet article prend l’exact contre-pied de la soi-disant indéfectible protection que la législation française est censée procurer à l’exploitant agricole bénéficiaire du statut du fermage. En décidant que « le propriétaire peut, à tout moment, résilier le bail sur des parcelles dont la destination agricole peut être changée et qui sont situées en zone urbaine en application d’un plan local d’urbanisme ou d’un document d’urbanisme en tenant lieu », la loi penche clairement dans le camp du bailleur. Près de 75 % de la surface agricole utile étant exploitée sous forme d’un bail rural, cet article est ainsi au cœur de l’artificialisation des sols agricoles.

La résiliation prenant effet par la loi un an après la notification faite par acte extrajudiciaire, le preneur a juste le temps d’effectuer les récoltes en cours et de prendre ses dispositions en vue d’une réinstallation. Une indemnité calculée comme en matière d’expropriation lui est due884. Néanmoins, le bailleur est dispensé de toute indemnité si la résiliation pour urbanisation coïncide avec la fin du bail, à condition de délivrer un congé valant refus de renouvellement pour motif de changement de destination agricole du bien loué dix-huit mois avant la fin du bail885.

Le déséquilibre est renforcé par l’absence de réintégration du preneur886lorsque le bailleur ne respecte pas son engagement887de changer la destination des terrains dans le délai de trois ans lui étant imparti pour le faire888.

3537 – Pas à un paradoxe près. – Alors que le législateur prétend sans vergogne défendre coûte que coûte ses agriculteurs contre l’envahissement de la ville et lutter d’arrache-pied contre l’étalement urbain, il accorde au bailleur un droit de résiliation unilatérale et extrajudiciaire. Cet article apparaît comme un paradoxe889, voire une incongruité890.

Et pourtant, l’agriculteur n’est pas victime d’un abandon soudain. Il souffre d’une situation ancienne891, seule la lenteur des petits pas de rééquilibrage faits en sa direction étant critiquable.

§ II – Les petits pas de rééquilibrage

3538 – Un léger rééquilibrage légal. – Le régime de résiliation du bail rural pour cause d’urbanisme n’est pas nouveau. Il a été institué par la loi d’orientation agricole du 30 décembre 1967892, à une époque où l’impératif de la gestion économe des sols n’existait pas encore. À l’origine, l’article 844893du Code rural était encore plus sévère que l’article L. 411-32 du Code rural et de la pêche maritime puisque le bailleur pouvait résilier le bail à tout moment, dès lors que le plan d’occupation des sols ne destinait plus le terrain à l’agriculture. La loi du 15 juillet 1975 a modifié l’article 830-1 par une limitation exclusive de son champ d’application aux zones urbaines définies par un POS. La règle actuelle est ainsi moins sévère qu’à sa création. La Cour de cassation en est le vigilant cerbère.

3539 – Le cerbère jurisprudentiel. – Prise dans la frénésie de l’étalement urbain de la fin du siècle dernier, la jurisprudence aurait pu se laisser tenter d’inverser sa politique d’appréciation du classement, en profitant par exemple du passage du POS au PLU ou des changements de zonage pour privilégier le bailleur. Mais la Cour de cassation maintient son exigence originelle : seul le classement des parcelles en zone U, au sens de l’article R. 123-5 du Code de l’urbanisme, permet l’application des dispositions de l’article L. 411-32 du Code rural et de la pêche maritime894. L’aptitude à urbaniser n’est pas suffisante895.

3540 – La difficulté de la pratique alternative. – À défaut d’un document d’urbanisme classant les terrains concernés en zone U, le deuxième alinéa de l’article L. 411-32 du Code rural et de la pêche maritime permet au bailleur d’exercer son droit de résiliation avec l’autorisation de l’autorité administrative896. Mais cette procédure est longue et compliquée, constituant en pratique la meilleure protection du preneur. Elle nécessite la consultation préalable de la commission consultative départementale des baux ruraux (C. rur. pêche marit., art. D. 411-9-12-2).

Aucun délai n’est imposé au préfet pour répondre897, mais son silence pendant plus de quatre mois vaut rejet de la demande (C. rur. pêche marit., art. R. 411-9-12). En pratique, les commissions consultatives départementales se réunissent rarement, tendant à rallonger les délais d’une procédure complexe et encourageant les mesures dilatoires.

3541 – Des mesures dilatoires. – Très souvent, l’agriculteur demande l’annulation de l’acte de résiliation devant le juge judiciaire. Lorsque l’autorisation préfectorale est nécessaire, il a également la faculté d’attaquer la décision du préfet lui étant défavorable devant le tribunal administratif.

Le plus souvent, ces contestations sont menées de front, un référé-suspension étant en outre engagé pour faire échec à la résiliation immédiate du bail.

En pratique, ces mesures dilatoires, si elles ne sont que temporaires, sont très efficaces et « retardent parfois considérablement la satisfaction des besoins (…) en logements de la population »898.

C’est d’autant plus vrai que le preneur ne peut pas être contraint de quitter les lieux avant l’expiration de l’année culturale en cours lors du paiement de l’indemnité pouvant lui être due899(C. rur. pêche marit., art. L. 411-32, dernier al.). Ainsi, il a tout intérêt à contester toute offre amiable pour retarder son départ900. Le bailleur, souvent tenté de demander la fixation de l’indemnité d’éviction en demande reconventionnelle à l’instance relative à la contestation de l’acte de résiliation, a bien meilleur intérêt à suivre la procédure proposée par l’article L. 411-32 du Code rural et de la pêche maritime et à agir en référé-expertise ou en référé-provision.

Sous-section II – La tentation de sanctuarisation

3542 – La chimère de la protection économique. – La meilleure protection des terres agricoles et naturelles serait qu’elles aient, à leur état naturel, une valeur économique supérieure à celle provenant de leur urbanisation. Mais cet axiome ne se vérifie que pour quelques vignobles plantés en crus d’exception.

La protection de l’espace agricole ne pouvant être économique, elle est censée venir du droit, et plus particulièrement de la multitude d’outils juridiques mis en place par les législateurs successifs pour tenter de juguler le phénomène de l’étalement urbain901. Pour ce faire, ils n’ont pas hésité à se revendiquer aussi bien du droit de l’environnement902que du droit rural903et du droit de l’urbanisme904.

Indépendamment des mesures fiscales et de compensation agricole collective (V. n° a4730) (C. rur. pêche marit., art. L. 112-1-3), la plupart de ces mesures relèvent d’un classement des terres à protéger dans une zone à l’abri de l’urbanisation.

3543 – La politique de création de zones à protéger. – Depuis le début des années 1960, les législateurs successifs sont entrés dans une politique insatiable de créations d’espaces protégés. Toutes les échelles de responsabilité géographique sont représentées, des parcs nationaux ou régionaux aux espaces naturels sensibles (ENS) départementaux ou aux espaces boisés classés (EBS), aux périmètres beaucoup plus locaux905. Au travers des réserves naturelles, du réseau Natura 2000, des zones naturelles d’intérêt écologique, faunistique et floristique (ZNIEFF), des zones agricoles protégées (ZAP) ou des sites classés, les préoccupations les plus diverses sont défendues, qu’elles soient écologiques, esthétiques, agronomiques, voire de cohérence européenne906.

Si la lutte contre l’étalement urbain n’est pas le seul objectif de ces créations d’espaces protégés, les zonages suivent un régime classique : une zone géographique est définie, à l’intérieur de laquelle tout mouvement foncier est sous surveillance rapprochée.

Les différents systèmes de sanctuarisation d’espaces protégés n’ont pas donné satisfaction jusqu’à présent. Ainsi, il convient d’analyser les raisons de leurs insuffisances. Elles proviennent de la multitude d’acteurs (§ I) ou des outils mis à leur disposition tels que le droit de préemption (§ II). Le périmètre de protection des espaces agricoles et naturels périurbains (PAEN) parviendra-t-il à inverser cette tendance négative (§ III) ?

§ I – Les acteurs : une chorale dissonante

3544 – Les acteurs de la confection des règles. – L’État participe bien entendu à la chorale des acteurs de la sanctuarisation de zones spécifiques. Il le fait parfois de manière remarquable, comme avec la règle de constructibilité limitée mise en place dans les communes non couvertes par un PLU, un document équivalent ou une carte communale, en limitant les constructions aux seules parties déjà urbanisées de la commune (C. urb., art. L. 111-3)907. Il le fait également régulièrement en édictant des dispositions s’imposant aux communes dans le cadre de la confection de leurs documents d’urbanisme.

Les collectivités locales, créatrices des documents d’urbanisme tels que les SCoT, PLU et cartes communales, sont ainsi les plus impliquées dans la mise en place des zones et des règles leur étant spécifiques. À cela, rien d’anormal.

3545 – Les acteurs de l’utilisation des règles. – L’État et les collectivités locales908ne sont pas les seuls sur le champ de bataille contre l’étalement urbain. Les commissions départementales de la préservation des espaces naturels, agricoles et forestiers (CDPENAF)909(C. rur. pêche marit., art. L. 112-1-1) les rejoignent dans l’utilisation des règles, notamment pour contrôler les dérogations à la règle de constructibilité limitée ou à titre consultatif lorsque les projets de SCoT ou de PLU réduisent les espaces agricoles. Les établissements publics fonciers, étatiques ou locaux910, revendiquent également un rôle dans cette lutte (C. urb., art. L. 321-1, al. 3)911, ainsi que l’Agence des espaces verts de la région Île-de-France. Les SAFER ne sont pas en reste (C. rur. pêche marit., art. L. 141-1, I, 1°)912, au risque d’un chevauchement de compétences913.

Ainsi, il n’est pas impossible que les insuffisances constatées proviennent d’une trop grande quantité d’acteurs concernés, aux compétences territoriales potentiellement communes914, et aux outils communs, tels que le droit de préemption.

§ II – Les outils : l’exemple du droit de préemption

3546 – Le droit de préemption pour tous. – L’intérêt sans cesse renouvelé que les juristes en général, et spécialement les notaires, portent aux droits de préemption ne lasse pas d’interroger. Il peut paraître surprenant qu’un thème évoqué lors du 112e Congrès des notaires de France en 2016915, le soit encore par le 114e en 2018 (V. nos a1265 et s. et nos a1335 et s.). Et pourtant, si ce sujet est incontournable, c’est qu’au fil des années, il continue à poser des problèmes, démultipliés par l’augmentation des organismes habilités à utiliser cet instrument916et par les interférences en résultant917. Il nous revient alors en mémoire les travaux du 104e Congrès de 2008918, qui, désespérant d’une réduction du nombre des droits de préemption, proposait déjà un guichet unique comme moyen d’adaptation des droits de préemption au service de la gestion économe des sols.

3547 – Tous pour un droit de préemption. – Pris indépendamment les uns des autres, les droits de préemption ne sont pas simples à gérer. La réforme de ce droit au profit des SAFER est venue le rappeler à quiconque l’aurait oublié. Mais les interactions existant entre les droits de préemption des différents organismes en bénéficiant sont parfois caricaturales919.

Il serait urgent de créer un organisme920capable de centraliser la gestion des droits de préemption, sans doute au niveau du département, voire de la région. Un formulaire CERFA unique y serait déposé par le notaire en charge de la vente, et distribué aux différents organes susceptibles de préempter. Cette concentration formelle obligerait à une uniformisation vertueuse des informations données. L’ordre de priorité entre les divers préempteurs potentiels pourrait varier selon la zone concernée par la vente. Un délai unique, de trois mois par exemple921, éventuellement prorogeable pour les dossiers incomplets ou en cas de demande de visite922, donnerait une visibilité aux citoyens, avides de sécurité juridique et de compréhension du droit applicable.

À l’heure où le rural et l’urbain se fondent dans le « rurbain » ; où la préservation des sols agricoles est la meilleure défense contre une explosion des dépenses et la pollution liées aux transports ou à l’énergie, où la lutte contre l’étalement urbain bénéficie autant à la ville qu’à la campagne, le temps semble venu de franchir le pas.

§ III – L’exemple des PAEN

3548 – Une ultime tentative de sanctuarisation ? – L’instauration des périmètres de protection des espaces agricoles et naturels périurbains (PAEN)923apparaît comme la tentative ultime de sanctuarisation de zones interdites à l’urbanisation924.

Dans un contexte où de nombreuses mesures ont déjà échoué, ces périmètres de protection des espaces agricoles et naturels périurbains entament leur existence avec un vice encombrant : le même instrument est connu sous au moins quatre dénominations différentes : PAEN, PEAN, PPEANP et PENAP sont ses noms de baptême selon son lieu de création925.

Les élus départementaux instaurant un PAEN en vue de protéger et mettre en valeur des espaces agricoles naturels et forestiers lui assignent un périmètre définitivement préservé de l’urbanisation, dès lors que tout classement de terrain en zone U ou AU est interdit dans la zone couverte par un PLU926.

3549 – L’atout de la pérennité. – L’atout principal du PAEN est sa pérennité. Contrairement aux documents d’urbanisme, révisables au gré des modifications de la politique des élus du moment, les aménagements et les orientations de gestion définis par le programme d’action du PAEN sont appelés à durer927. Ainsi, une fois la zone protégée, toute modification de son périmètre est prise uniquement par décret en Conseil des ministres. La suspension temporelle permet une maîtrise de l’évolution du foncier sur la durée et la fixation d’objectifs à long terme pour les espaces du périmètre d’intervention, intégrant de manière inhabituelle la problématique agricole dans les documents d’urbanisme.

Dans le cadre de ses pouvoirs, le département peut procéder à des acquisitions au sein du périmètre et créer un droit de préemption spécifique, exercé par la SAFER ou un EPF à la demande et au nom de la collectivité locale. Les biens acquis n’entrent pas dans le domaine public départemental et sont susceptibles d’être transmis à des exploitants, au terme de cessions ou de locations.

Ces transferts s’opèrent dans le cadre d’un cahier des charges obligeant les occupants de l’espace à respecter les objectifs du programme d’action, et notamment le développement de pratiques agricoles respectueuses de l’environnement et privilégiant les circuits courts.

3550 – Les prémices d’une réussite, mais… – Les premiers chiffres d’instauration des PAEN étaient décevants928. Mais la tendance semble s’inverser, même s’il est difficile d’obtenir des chiffres fiables, la plupart des PAEN prévus étant en cours d’élaboration929.

Pour qu’ils trouvent une place aussi pérenne que les mesures qu’ils prévoient, ces PAEN doivent surmonter un écueil politique. En effet, « la création de ces périmètres par les départements a été largement entravée par les communes, lesquelles craignent de voir durablement gelée la vocation des terrains à rejoindre les zones constructibles dans les documents d’urbanisme », dès lors que la délimitation du périmètre vaut servitude d’utilité publique empêchant la commune de classer les terrains concernés parmi les secteurs urbanisables930. Ainsi, le département, strate décisionnaire de l’instauration des PAEN, semble trop proche des élus municipaux pour ne pas être sensible au lobbyisme local.

La sanctuarisation des terres agricoles ne semble possible à grande échelle qu’à l’aune d’un pouvoir décisionnaire décentralisé931.


824) Rapport du 104e Congrès des notaires de France, Nice, 2008, p. 219.
825) Qui garde encore toute son acuité sur de nombreux points.
826) Ils ont même évolué plus que de raison.
827) « Disons-le tout net, la volonté législative d’économie dans la consommation des sols a échoué malgré l’existence d’une surabondance de moyens juridiques spécialement créés » (I. Savary-Bourgeois, La préservation de l’agriculture par le droit de l’urbanisme, in Agriculture et ville : vers de nouvelles relations juridiques, LGDJ-Lextenso éd., janv. 2016, p. 59).
828) Si seulement 9 % de la superficie totale du territoire métropolitain est composé de territoires non agricoles, ce chiffre atteint 31 % en Île-de-France (source : Agreste Primeur avr. 2011, n° 260).
829) Car « nous ne pouvons pas continuer à perdre 200 hectares de terres agricoles par jour, l’équivalent d’un département de terres agricoles tous les dix ans », comme l’avait indiqué B. Le Maire, alors ministre de l’Alimentation, de l’Agriculture et de la Pêche, dans son discours de présentation de la loi de modernisation de l’agriculture et de la pêche le 18 mai 2010.
830) C. urb., art. L. 110, en vigueur en 2008 : « Le territoire français est le patrimoine commun de la nation. Chaque collectivité publique en est le gestionnaire et le garant dans le cadre de ses compétences. Afin d’aménager le cadre de vie, d’assurer sans discrimination aux populations résidentes et futures des conditions d’habitat, d’emploi, de services et de transports répondant à la diversité de ses besoins et de ses ressources, de gérer le sol de façon économe, d’assurer la protection des milieux naturels et des paysages ainsi que la sécurité et la salubrité publiques et de promouvoir l’équilibre entre les populations résidant dans les zones urbaines et rurales et de rationaliser la demande de déplacements, les collectivités publiques harmonisent, dans le respect réciproque de leur autonomie, leurs prévisions et leurs décisions d’utilisation de l’espace ».
831) Comme la nécessité de protéger la biodiversité, la ressource en eau, le taux de matière organique, et de lutter contre le réchauffement climatique ou la dégradation des sols.
832) S’étant notamment manifestée dans les lois Grenelle 2 (L. n° 2010-788, 12 juill. 2010, portant engagement national pour l’environnement ), LMA (L. n° 2010-874, 27 juill. 2010, de modernisation de l’agriculture et de la pêche), ALUR (L. n° 2014-366, 24 mars 2014, pour l’accès au logement et un urbanisme rénové) et LAAF (L. n° 2014-1170, 13 oct. 2014, d’avenir pour l’agriculture, l’alimentation et la forêt).
833) Les terres agricoles occupant environ vingt-neuf millions d’hectares dans le pays au lieu de quarante millions en 1960 : S. Brunel, Plaidoyer pour nos agriculteurs – il faudra demain nourrir le monde, éd. Buchet-Chastel, coll. « Dans le vif », 2017.
834) Pour des données chiffrées, V. Panorama de la quantification de l’évolution nationale des surfaces agricoles, Observatoire national de la consommation des espaces agricoles, rendu au ministère de l’Agriculture, de l’Agroalimentaire et de la Forêt en mai 2014.
835) De 1982 à 2004, les surfaces urbaines ont crû de 40 % alors que l’augmentation de la population était de 10 % : P. Balny, O. Beth et E. Verlhac, Protéger les espaces agricoles et naturels face à l’étalement urbain, rapp. CGAAER n° 1716, mai 2009, p. 8.
836) Les agriculteurs s’opposent aux habitants épris d’espace, aux promoteurs lorgnant sur leurs terrains, à certains maires avides de recettes fiscales supplémentaires… voire à eux-mêmes, tentés de substituer facilement un capital important aux modestes fruits de leur dur labeur.
837) Y. Jean et S. Arlaud, Les nouvelles dynamiques spatiales et la relation ville-agriculture : reconfiguration des liens et nouvelle action publique, in Agriculture et ville : vers de nouvelles relations juridiques, LGDJ, 2016, p. 15.
838) J. Nouvel : « La deuxième décision fondatrice [du futur Président de la République] consistera à protéger, à sanctuariser les terres agricoles et forestières contre l’expansion urbaine et à tracer une ligne de littoral au-delà de laquelle aucune construction ne sera autorisée », tribune in Le Monde 27 mars 2017.
839) Pour Build In My BackYard (construire dans mon jardin), par opposition à l’acronyme NIMBY (Not In My BackYard).
840) Une loi du 20 mars 2012 prévoyait par exemple que les droits à construire résultant des règles de gabarit, de hauteur, d’emprise au sol ou de coefficient d’occupation des sols (COS), fixées par les PLU, POS ou PAZ, seraient majorés de 30 % afin de permettre l’agrandissement ou la construction de bâtiments à usage d’habitation : L. n° 2012-376, 20 mars 2012 : JO 21 mars 2012.
841) Marque open source que les dépositaires autorisent toute personne physique ou morale à utiliser à condition d’en respecter le concept d’action ou de démarche de création de logement sans étalement urbain, à l’initiative de l’habitant, avec orchestration par les collectivités locales et sans spéculation foncière (Fascicule de l’agence d’urbanisme de la région de Saint-Nazaire, Décryptage, juill. 2017, n° 5, p. 2).
842) La première expérimentation a été mise en place dans le PLU de Tremblay-sur-Mauldre (Yvelines) à partir de 2010.
843) L’appartement de mamie.
844) La motivation n’était cependant pas la même que dans la France du 21e siècle. Du fait de l’architecture particulière des maisons britanniques, la lutte contre l’étalement urbain n’est pas une priorité en Grande-Bretagne, ainsi que le démontre le gouvernement de Theresa May en envisageant de créer ex nihilo dix-sept nouveaux villages et petites villes dans la campagne anglaise (Le gouvernement britannique veut créer de nouvelles villes à la campagne : http://immobilier.lefigaro.fr, 2 janv. 2017).
845) Permettant respectivement la construction d’une seconde maison sur le terrain d’un propriétaire pouvant l’occuper ou la donner en location et la division du terrain, avant ou après la construction d’un second logement.
846) BIMBY, Une nouvelle filière de renouvellement urbain : L’Essentiel sur (CIFoDEL) mai-juin 2013, n° 141, p. 3 ; www.caue-isere.org.
847) Le modèle n’est pas viable pour les marchands de biens et promoteurs.
848) De plus, s’opérant de particulier à particulier, elle dispense la collectivité publique de tout portage foncier.
849) Selon un sondage IFOP de mars 2012, seul un tiers des propriétaires de maisons individuelles avec jardin était prêt à étudier l’hypothèse d’une vente d’une partie de leur terrain afin qu’un particulier y fasse construire sa maison : BIMBY, Une nouvelle filière de renouvellement urbain, préc., p. 2.
850) E. Charmes, Densités, formes urbaines et Villes durables, in Villes à Vivre, Odile Jacob, 2011 : « Il faut (…) distinguer la densité choisie et la densité subie ». La densité serait bien tolérée lorsque voulue et très mal vécue lorsqu’imposée.
851) Il faut un certain courage pour en finir radicalement avec une certaine idée de l’urbanisme pavillonnaire ayant prévu pendant des décennies des surfaces minimums de terrain importantes (souvent supérieures à 1 000 mètres carrés), une densité faible (des COS souvent inférieurs à 0,20), des maisons situées au milieu des parcelles, avec d’importantes marges de retrait par rapport aux limites.
852) Voire, négativement, les risques de conflits de voisinage et leur amplitude, les YIMBYS (Yes in my backyard) en recherche de logement à prix ou loyer raisonnable se révoltant contre les NIMBYS (source : La colère des YIMBYS : Courrier international 27 oct. 2017).
853) BIMBY, Une nouvelle filière de renouvellement urbain, préc., p. 2. Or, dans la commune de Coex, où il a été expérimenté sur trois ans, « le dispositif a mobilisé 74 ménages, soit 5 % des propriétaires » (source : En Vendée, on innove face à la hausse de la population : Ouest-France 13 juill. 2017).
854) En tant que « division en propriété (…) d’une unité foncière (…) ayant pour objet de créer un ou plusieurs lots destinés à être bâtis » (C. urb., art. L. 442-1).
855) Les accès et réseaux partagés avec l’existant ne pouvant être intégrés dans la catégorie des « équipements communs aux lots créés ».
856) Mais sur un rythme moins soutenu qu’auparavant. Ainsi, C. Capelli, à la tête du groupe éponyme se revendiquant deuxième lotisseur français, a fait le constat de l’absence d’avenir des lotissements : « Certes le métier de lotisseur est basique mais il est très rentable et je ne l’oublie pas. Toutefois, nous avons décidé cette année d’arrêter ce métier originel pour ne faire que de la promotion » : Le Tout Lyon Affiches 18 nov. 2017, n° 5284, p. 5.

857) « Les règles d’urbanisme contenues dans les documents du lotissement, notamment le règlement, le cahier des charges s’il a été approuvé ou les clauses de nature réglementaire du cahier des charges s’il n’a pas été approuvé, deviennent caduques au terme de dix années à compter de la délivrance de l’autorisation de lotir si, à cette date, le lotissement est couvert par un plan local d’urbanisme ou un document d’urbanisme en tenant lieu.

De même, lorsqu’une majorité de colotis a demandé le maintien de ces règles, elles cessent de s’appliquer immédiatement si le lotissement est couvert par un plan local d’urbanisme ou un document d’urbanisme en tenant lieu, dès l’entrée en vigueur de la loi n° 2014-366 du 24 mars 2014 pour l’accès au logement et un urbanisme rénové.

Les dispositions du présent article ne remettent pas en cause les droits et obligations régissant les rapports entre colotis définis dans le cahier des charges du lotissement, ni le mode de gestion des parties communes.

Les dispositions du présent article ne sont pas applicables aux terrains lotis en vue de la création de jardins mentionnés à l’article L. 115-6.

Toute disposition non réglementaire ayant pour objet ou pour effet d’interdire ou de restreindre le droit de construire ou encore d’affecter l’usage ou la destination de l’immeuble, contenue dans un cahier des charges non approuvé d’un lotissement, cesse de produire ses effets dans le délai de cinq ans à compter de la promulgation de la loi n° 2014-366 du 24 mars 2014 précitée si ce cahier des charges n’a pas fait l’objet, avant l’expiration de ce délai, d’une publication au bureau des hypothèques ou au livre foncier.

La publication au bureau des hypothèques ou au livre foncier est décidée par les colotis conformément à la majorité définie à l’article L. 442-10 ; les modalités de la publication font l’objet d’un décret.

La publication du cahier des charges ne fait pas obstacle à l’application du même article L. 442-10. »

858) Et les règles d’urbanisme des cahiers des charges approuvés, ainsi que les clauses de nature réglementaire des cahiers des charges non approuvés.
859) Cette caducité étant prévue par l’alinéa 1er de l’article L. 442-9 du Code de l’urbanisme.
860) Le cahier des charges non approuvé est de nature purement contractuelle, par opposition avec le cahier des charges approuvé, qui, soumis au contrôle de l’autorité publique délivrant l’arrêté de lotir prenait une double nature, à la fois administrative et civile. Il faisait parfois office de règlement de lotissement avant que celui-ci ne devienne obligatoire en 1977.
861) En application de l’alinéa 5 de cet article. – P. Marcangelo-Leos, Caducité des documents du lotissement : un décret enfonce le clou : www.caissedesdepotsdesterritoires.fr, 7 sept. 2017. – Dans ce sens également : Rép. min. n° 82539 : JOAN Q 10 nov. 2015, p. 8247.
862) A. Longuépée, Caducité des lotissements ; les faux espoirs de la loi ALUR, la réalité de la jurisprudence : Cah. Cridon Lyon 2016, p. 121.
863) R. Noguellou, Qui comprend ce qu’est l’état du droit dans les lotissements ? : Dr. adm. 2016, n° 1, alerte 1.
864) Rapport du 112e Congrès des notaires de France, Nantes, 2016, nos 3269 et s.
865) Outre d’autres pièces comme le plan de division parcellaire par exemple.
866) Que ce soit des règles d’utilisation des sols, d’implantation des bâtiments, de destination, de nature, d’architecture, etc.
867) La plus connue de ces dispositions étant l’interdiction de diviser un lot pour y construire plus d’une maison.
868) Sans doute dans le souci de ne pas s’opposer frontalement à ceux qui allaient lui opposer le respect du droit de propriété et du droit des contrats.
869) Non plus que le mode de gestion des parties communes.
870) Les habitudes bien ancrées ont la vie dure…
871) Laissant subsister les dispositions insignifiantes du cahier des charges du type couleur des volets ou interdiction d’étendre le linge.
872) En effet, il ne fait guère de doute que dans l’esprit du législateur, les demandes de publication au service de la publicité foncière compétent, assises sur des votes à la double majorité de la moitié des propriétaires détenant ensemble les deux tiers au moins de la superficie du lotissement ou des deux tiers des propriétaires détenant au moins la moitié de cette superficie, seraient sans doute aussi rares que les anciennes demandes de maintien du règlement du lotissement.
873) Cass. 3e civ., 7 janv. 2016, n° 14-24.445. – Cass. 3e civ., 29 sept. 2016, nos 15-22.414 et 15-25.017. – Cass. 3e civ., 13 oct. 2016 n° 15-23.674.
874) Il en fut de même dans un arrêt de la même chambre du 21 janvier 2016 (n° 15-10.566), s’agissant d’un article du cahier des charges « limitant la superficie des constructions pouvant être édifiées sur chaque lot ». La décision a fait d’autant plus de bruit qu’elle validait une démolition.
875) Dès que les colotis en auraient marqué la volonté.
876) « Lorsque l’approbation d’un plan local d’urbanisme ou d’un document d’urbanisme en tenant lieu intervient postérieurement au permis d’aménager un lotissement ou à la décision de non-opposition à une déclaration préalable, l’autorité compétente peut, après enquête publique réalisée conformément au chapitre III du titre II du livre Ier du Code de l’environnement et délibération du conseil municipal, modifier tout ou partie des documents du lotissement, et notamment le règlement et le cahier des charges, qu’il soit approuvé ou non approuvé, pour mettre en concordance ces documents avec le plan local d’urbanisme ou le document d’urbanisme en tenant lieu, au regard notamment de la densité maximale de construction résultant de l’application de l’ensemble des règles du document d’urbanisme. »
877) A. Longuépée, préc., p. 123.
878) J. Nalet, Lotissements : la position « anti-ALUR » de la Cour de cassation : www.village-justice.com, 8 mars 2017.
879) La multiplication des droits de préemption au profit des locataires en est le symbole.
880) Le droit de la copropriété va en ce sens, notamment par l’allègement de certaines conditions de majorité pour modifier le règlement de copropriété afin de faire passer des mesures de densification (V. nos a3175 et s.).
881) Issue de Ord. n° 2011-1916, 22 déc. 2011 : JO 23 déc. 2011.
882) Dans la version précédente de cet article du Code de l’urbanisme (applicable du 1er octobre 2007 au 1er mars 2012), il fallait chercher dans le passé si l’opération d’aménagement avait eu pour objet ou, sur une période de moins de dix ans, avait eu pour effet la division en propriété ou en jouissance d’une ou de plusieurs propriétés foncières en vue de l’implantation de bâtiments.
883) Alors qu’une simple déclaration préalable suffit pour diviser un terrain en façade sur une voie publique en de multiples parcelles n’ayant ni voies, ni espaces, ni équipements communs, quand bien même cette multiplication résidentielle aurait des impacts importants sur les équipements publics.
884) À titre d’information, dans le département du Rhône, cette indemnité était de 7 711 € l’hectare en polyculture élevage en 2012.
885) Cette pratique ayant été validée par la Cour de cassation : Cass. 3e civ., 30 nov. 1988 : Bull. civ. 1988, III, n° 171.
886) Pourtant prévue dans d’autres circonstances par l’article L. 411-66 du Code rural et de la pêche maritime.
887) Obligatoirement pris dans la notification de résiliation.
888) C’est notamment le cas lorsque le document d’urbanisme classant le bien loué en zone U vient à être remplacé par un autre le rendant inconstructible au moment de la fin du bail, douze ou dix-huit mois plus tard. Pour autant, la justice considère que c’est la situation au jour de la signification de l’acte de résiliation qui prévaut.
889) Mais le constat est récurrent (V. nos a3102 et a3580), la législation française n’étant pas à un paradoxe près.
890) H. Bosse-Platière, Ville et Agriculture : Radiographie libre des instruments du partage de l’espace, in Agriculture et ville : vers de nouvelles relations juridiques, préc., p. 67.
891) Le législateur a ainsi voulu compenser la faible rémunération du capital foncier du bailleur agricole, caractérisée par la fixation autoritaire d’un fermage plafonné.
892) L. n° 67-1253, 30 déc. 1967 : JO 3 janv. 1968. Ce dispositif était lui-même la suite d’une ordonnance du 17 octobre 1945 prévoyant la possibilité pour le bailleur de s’opposer au renouvellement d’un bail rural pour ses terrains situés dans le périmètre d’agglomération défini par un projet d’aménagement.
893) Devenu par la suite l’article 830-1.
894) Récemment encore, cette position a été maintenue dans le cas d’une parcelle non viabilisée située en zone constructible d’une carte communale : Cass. 3e civ., 9 févr. 2017, n° 15-24.320 : D. 2017, p. 407 ; JCP N 30 juin 2017, n° 26, 1217.
895) Qu’importe à cet égard que l’on soit passé des zones NA aux zones AU.
896) En l’occurrence le préfet, pouvant être saisi par une simple lettre permettant d’identifier la parcelle et le preneur, et de justifier d’un projet de changement de la destination agricole des terres.
897) Aucune forme non plus, le Conseil d’État ayant confirmé que la décision n’avait pas à prendre la forme d’un arrêté, une simple lettre, même non motivée et non notifiée au preneur étant suffisante : CE, 5e et 4e ss-sect. réunies, 11 juill. 2008, n° 310624.
898) Blog de J. Dervillers, La résiliation du bail pour cause d’urbanisme : https:blog.avocat.fr, 14 mai 2009.
899) Ou d’une indemnité prévisionnelle fixée, à défaut d’accord entre les parties, par le président du tribunal paritaire statuant en référé.
900) Notamment en s’abstenant de solliciter une indemnité dans l’année suivant la délivrance du congé.
901) Le constat est unanime : H. Bosse-Platière, préc., p. 66 : « Les moyens de lutte contre l’envahissement urbain sont si pléthoriques qu’il paraît quasi illusoire de s’aventurer dans un exercice de recensement tant les mesures s’enchevêtrent les unes dans les autres ». – I. Savarit-Bourgeois, préc., p. 52 : « Le législateur a “cultivé” de façon extensive des mesures et dispositifs de préservation des espaces naturels ».
902) L. n° 2010-788, 12 juill. 2010, portant engagement national pour l’environnement, dite « Grenelle 2 » : JO 13 juill. 2010.
903) L. n° 2010-874, 27 juill. 2010, de modernisation de l’agriculture et de la pêche : JO 28 juill. 2010. – L. n° 2014-1170, 13 oct. 2014, d’avenir pour l’agriculture, l’alimentation et la forêt : JO 14 oct. 2014.
904) L. n° 2014-366, 24 mars 2014, pour l’accès au logement et un urbanisme rénové, dite « loi ALUR » : JO 26 mars 2014.
905) Même les lotissements-jardins sont sanctuarisés, l’article L. 115-6 du Code de l’urbanisme prévoyant que « toute renonciation à la clause d’interdiction d’édifier des constructions à usage d’habitation, d’industrie, de commerce ou d’artisanat figurant dans les actes de vente ou de location de terrains lotis en vue de la création de jardins est nulle et de nul effet, même si elle est postérieure à la vente ou à la location ».
906) Dir. n° 92/43/CEE, 21 mai 1992.
907) Dans le double but de lutter contre l’urbanisation diffuse, mais aussi d’engager les communes dans la voie de la planification.
908) En ce compris les établissements publics de coopération intercommunale (EPIC).
909) Ayant succédé aux commissions départementales de la consommation des espaces agricoles (CDCEA).
910) Y. Jean et S. Arlaud, Les nouvelles dynamiques spatiales et la relation ville-agriculture : reconfiguration des liens et nouvelle action publique, in Agriculture et ville : vers de nouvelles relations juridiques, préc., p. 21 : « En 2014, on recense treize EPF d’État et vingt-trois EPF locaux ».
911) « Les établissements publics fonciers mettent en place des stratégies foncières afin de mobiliser du foncier et de favoriser le développement durable et la lutte contre l’étalement urbain. »
912) « Elles œuvrent prioritairement à la protection des espaces agricoles, naturels et forestiers. »
913) H. Bosse-Platière, préc., p. 69 : « (…) le législateur (…) a démultiplié les acteurs susceptibles d’intervenir. Il n’est pas certain qu’il existe actuellement, en France, un juriste capable d’appréhender l’ensemble de cette réglementation ».
914) Notamment en zones périurbaines.
915) Rapport du 112e Congrès des notaires de France, Nantes, 2016, nos 2729 et s.
916) Selon les zones, les établissements publics fonciers d’État et locaux peuvent concurrencer la SAFER, et/ou des collectivités locales titulaires légales du droit de préemption urbain ou l’ayant délégué, qui à une société d’économie mixte, qui à un établissement public de coopération intercommunale. A. Walravens a dénombré près de vingt-cinq droits de préemption différents (A. Walravens, Le droit de préemption, thèse, Panthéon-Assas, 2015, ss dir. M. Grimaldi).
917) H. Bosse-Platière, préc., p. 74 : « Tout se passe comme si le législateur avait doté des organismes de prérogatives exorbitantes, avec des missions communes sur un même territoire mais sans les obliger à s’entendre et à coexister ».
918) Rapport du 104e Congrès des notaires de France, Nice, 2008, p. 158 et s.
919) C’est le cas avec le droit de préemption des départements dans le cadre des espaces agricoles et naturels périurbains (PAEN), qui n’est au final pratiquement jamais utilisé, alors qu’il est en concurrence avec le droit de préemption de la SAFER et/ou celui des EPF locaux.
920) Ou peut-être d’en adapter un existant, de type établissement public foncier.
921) Tel que proposé par le 104e Congrès des notaires de France à Nice en 2008.
922) Comme en matière de droit de préemption urbain.
923) Créé par L. n° 2005-157, 23 févr. 2005, relative au développement des territoires ruraux : JO 24 févr. 2005.
924) Après les zones agricoles protégées (ZAP), créées par la loi n° 99-574 du 9 juillet 1999 d’orientation agricole (JO 10 juill. 19999) et indépendamment des périmètres de protection contre les risques d’inondation, ou des zones de captage d’eau, des espaces littoraux ou des trames vertes et bleues.
925) Même les experts en perdent leur latin, à l’instar d’un auteur, qui, dans la même page, cite cinq fois le PEAN, mais aussi deux fois le PAEN : I. Savarit-Bourgeois, préc., p. 59.
926) Cette interdiction est la même pour les secteurs constructibles d’une carte communale ou en ZAD.
927) Et ce d’autant plus que la profession agricole, les propriétaires fonciers, les communes et les EPCI concernés sont associés à l’élaboration de ce programme, afin d’en faire un projet réellement partagé à l’échelle géographique du SCoT.
928) H. Bosse-Platière, préc., p. 75 : « Au 1er janvier 2013, on dénombrait 5 PAEN ».
929) Une évaluation des ZAP et des PAEN, agrémentée de préconisations quant à des voies d’amélioration, est attendue début 2018 (Rép. min. n° 965, Lagleize : JO 17 oct. 2017, p. 4983.
930) B. Grimonprez, Vers un concept juridique d’agriculture de proximité, in Agriculture et ville : vers de nouvelles relations juridiques, préc., p. 193.
931) Ne rejoint-on pas là l’idée des offices fonciers en charge de la maîtrise et de l’administration du sol, patrimoine commun, vantée il y a fort longtemps ? (E. Pisani, Utopie foncière, Gallimard, 1977).

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