CGV – CGU

Chapitre II – Le partage de l’occupation de l’immeuble

Partie I – Les villes compactes
Titre 2 – Les villes partagées
Sous-titre 2 – Le partage de l’immeuble
Chapitre II – Le partage de l’occupation de l’immeuble

3295 – Le partage : un moyen plus qu’un objectif. – Le partage de l’occupation de l’immeuble ne fait pas partie des objectifs assignés aux pouvoirs publics par l’article L. 101-2 du Code de l’urbanisme. Sans doute parce qu’il est plus un moyen d’atteindre un objectif qu’un but en soi.

Les règles de partage de l’occupation sont différentes en présence d’un immeuble individuel et d’un immeuble collectif.

L’occupation collective engendre nécessairement un partage dont l’intensité varie. En copropriété, les parties communes sont partagées. Dans l’habitat participatif, il s’agit des espaces communs. Les résidences dédiées aux étudiants ou aux personnes âgées partagent des services, etc. Quel que soit le cadre choisi, la réussite du projet repose sur les réflexions menées en amont, la maîtrise de l’usage complétant la maîtrise d’ouvrage.

3296 – Le partage : de la propriété à l’usage. – Pour un particulier, le partage est la mise en commun d’un objet ou d’une fonction dont l’utilisation se transforme en profit collectif. À l’inverse, pour le juriste, le partage est l’acte mettant fin à une situation d’indivision. Il conduit à une appropriation personnelle d’un bien (C. civ., art. 815), la propriété et l’usage convergeant vers un profit individuel. Ainsi, à travers le partage d’un bien, l’usage et la propriété s’entremêlent. Il est vrai que ces deux notions ne sont pas exclusives l’une de l’autre, l’usage étant un attribut du droit de propriété.

3297 – Le partage : entre liberté et contrainte. – En principe, le partage de l’occupation de l’immeuble est l’expression d’une volonté. Mais il se double aujourd’hui d’une nécessité collective permettant de lutter contre l’étalement urbain et d’optimiser l’espace. À l’image d’une voiture immobilisée 90 % du temps, les parkings des bureaux sont inoccupés la nuit, tandis que ceux des immeubles d’habitation le sont majoritairement le jour. Cette dualité s’exprime dans de nombreuses situations. Aussi convient-il de promouvoir pleinement le partage de l’occupation, en modifiant au moins partiellement le rapport des individus à la propriété : « La richesse consiste bien plus dans l’usage qu’on en fait que dans la possession »535.

3298 – Le partage : une mutualisation de l’immeuble. – Une étude récente diligentée par le réseau Guy Hoquet démontre que les Français sont favorables à certaines formes de partage de l’immeuble. Les co-parkings en constituent sans doute la forme la plus avancée536, mais certainement pas la seule. Près d’un tiers des personnes interrogées considère que les services mutualisés constituent une solution intéressante pour leurs projets immobiliers. Ils permettent d’optimiser la rentabilité d’un investissement, à l’image de nombreux immeubles new-yorkais partageant une laverie.

3299 – Le partage : une valeur immatérielle. – Le partage de l’occupation favorise l’échange d’expériences et la transmission des compétences. L’information circule en permanence. Ces valeurs immatérielles constituent l’essence du coworking. Elles nourrissent également les relations quotidiennes des particuliers dans le cadre de l’habitat participatif.

3300 – Le partage du logement : des formes variées d’habitat participatif. – L’habitat participatif représente une part importante du parc immobilier dans certains pays537. En France, la loi ALUR538encourage ce modèle par la création de deux nouvelles formes sociales adaptées aux enjeux de propriété et de gestion des espaces communs. Il s’agit des coopératives d’habitants (CCH, art. L. 201-1 et s.) et des sociétés d’attribution et d’autopromotion (CCH, art. L. 202-1 et s.). Ces groupements encadrent efficacement la gestion des espaces collectifs. Néanmoins, à l’instar des sociétés d’attribution d’immeubles en jouissance à temps partagé, ils concernent uniquement les immeubles à usage d’habitation539. La promotion de la multifonctionnalité des immeubles collectifs repose ainsi essentiellement sur le statut de la copropriété ou de la volumétrie.

3301 L’occupation d’un immeuble est le plus souvent une prérogative d’un propriétaire ou d’un locataire.

Les modes d’appropriation en commun ayant fait l’objet d’études récentes540, il convient aujourd’hui de s’intéresser au partage de l’occupation. À ce titre, l’occupation conjointe de l’immeuble constitue une véritable mixité spatiale (Section I). L’occupation séquencée ou alternative est quant à elle l’expression de la mixité temporelle (Section II).

Section I – L’occupation conjointe : la mixité spatiale

3302 La mixité spatiale permet à plusieurs personnes d’occuper un même espace en même temps. Cette occupation partagée satisfait principalement un besoin de logement (§ I), mais elle accompagne également le développement de l’activité professionnelle (§ II).

§ I – La satisfaction d’un besoin de logement

3303 – Des motivations différentes. – L’accès au logement dans les villes compactes n’est pas toujours aisé. Si l’aspect financier est une motivation importante du partage, la dimension humaine intervient également. Le vivre ensemble devient une tendance de fond dont les professionnels de l’immobilier et les pouvoirs publics font la promotion.

La cohabitation s’exerce principalement en colocation (A) ou par l’intermédiaire de la sous-location (B). Pour un propriétaire, la mise à disposition d’une partie de sa résidence principale constitue également une modalité de partage d’un logement (C).

A/ La colocation

3304 La colocation, longtemps réservée aux étudiants, séduit de plus en plus les jeunes actifs et les familles monoparentales541.

3305 – Définition de la colocation. – La colocation est la prise à bail par plusieurs locataires d’un même logement, constituant le plus souvent leur résidence principale. Elle est formalisée par la conclusion d’un ou plusieurs contrats entre les preneurs et le bailleur542. Ce mode de location, autorisé depuis longtemps pour les bailleurs privés, a été étendu en 2009 aux sociétés d’habitation à loyer modéré543. Ces organismes peuvent aujourd’hui louer des logements à un ou plusieurs étudiants, aux personnes de moins de trente ans, ou aux personnes titulaires d’un contrat d’apprentissage ou de professionnalisation (C. action soc. et fam., art. L. 442-8, 4°).

3306 – Quel bail pour un bailleur privé ? – À défaut de législation spécifique, la colocation est régie par la loi du 6 juillet 1989544. Depuis le 1er août 2015, les contrats de colocation d’une résidence principale sont obligatoirement établis selon un bail type, permettant par exemple au bailleur de souscrire un contrat d’assurance pour le compte des colocataires ou de faire payer les charges locatives sous la forme d’un forfait définitif545.

Le propriétaire conserve néanmoins le choix de signer un contrat par locataire ou un bail unique avec l’ensemble des colocataires. En pratique, le bail unique est préférable pour le bailleur. Il permet en effet de répondre plus aisément aux critères de décence du logement et d’exiger une solidarité entre ses locataires.

3307 – Logement décent et colocation : un facteur aggravant ? – Un logement loué est décent s’il offre une pièce principale ayant au minimum une surface habitable de neuf mètres carrés ou un volume habitable de vingt mètres cubes546. Certains auteurs estiment qu’un logement, considéré dans sa globalité comme décent dans le cadre d’une location classique, pourrait ne plus l’être dans le cadre d’une colocation547. Ainsi, en présence d’un appartement trop petit pour conclure une pluralité de baux, le bailleur doit privilégier la régularisation d’un bail unique.

3308 – Solidarité, indivisibilité et caution. – La signature d’un bail unique n’emporte pas de plein droit solidarité entre les locataires548. L’insertion d’une clause de solidarité et d’indivisibilité offre ainsi une garantie importante au propriétaire, notamment pour le paiement des loyers dus pendant la période de préavis d’un colocataire. À défaut, le locataire sortant peut s’en exonérer en invoquant la dispense de loyer prévue par l’article 15, I, alinéa 3 de la loi du 6 juillet 1989549. Le colocataire restant permet ainsi au colocataire sortant de s’exonérer de son obligation à la dette pendant cette période.

Du point de vue du bailleur, il est également judicieux d’insérer une clause stipulant que le locataire sortant reste tenu de sa part dans les loyers tant qu’un nouveau locataire n’a pas été trouvé.

Cette clause est valable pour une durée ne pouvant excéder six mois après la date d’effet du congé.

Le bailleur est libre de se prévaloir de la clause de solidarité et d’invisibilité à l’encontre de l’un ou l’autre seulement des locataires550. La condition essentielle de la solidarité est bien sûr la signature effective du bail par le locataire poursuivi551. Pour les baux conclus à compter du 27 mars 2014 ou tacitement reconduits depuis le 8 août 2015, l’engagement solidaire du colocataire ayant donné congé prend fin à la date d’expiration du délai de préavis, à condition qu’un nouveau colocataire figure au bail. À défaut, il reste solidaire du paiement du loyer jusqu’à six mois après son départ552.

Le bail mobilité annoncé par le gouvernement d’Édouard Philippe dans son « plan logement » du second semestre 2017 prévoit une clause de non-solidarité entre locataires en cas de colocation meublée, la garantie attendue par le bailleur provenant du dispositif Visale553.

3309 – Le congé dans la colocation. – Chaque colocataire peut délivrer un congé au bailleur pour sa partie privative sans que cela n’entraîne de conséquences sur la validité du bail unique. La situation est évidemment la même en cas de pluralité de contrats de location.

En ce qui concerne le bailleur, il convient d’adresser un congé à chaque colocataire, sauf si une clause de solidarité figure dans le bail unique. Dans cette hypothèse, le congé adressé par le bailleur à un seul locataire vaut en effet pour tous les autres.

3310 – Quel bail pour les organismes HLM ? – À l’inverse des propriétaires privés, les organismes HLM ont l’obligation de conclure un bail unique contenant une clause de solidarité. La limitation de durée de la solidarité résultant de la loi ALUR n’est pas applicable aux baux du secteur HLM554.

B/ La sous-location partielle

3311 Il est parfois tentant de sous-louer son logement, notamment pour partager le montant du loyer.

I/ La définition et le régime de la sous-location

3312 – Un encadrement légal et une liberté conventionnelle. – La sous-location est le contrat par lequel un locataire donne en location tout ou partie de son logement555. Elle nécessite l’autorisation discrétionnaire du bailleur. En pratique, il convient de justifier de cette autorisation au sous-locataire par écrit, concomitamment à la fourniture de la copie du bail principal556. Deux rapports locatifs coexistent :

le bailleur et le locataire principal sont liés en vertu du bail initial ;

les rapports entre le locataire principal et le sous-locataire sont régis par une convention rédigée librement. Il s’agit néanmoins d’une liberté encadrée, le montant du loyer au mètre carré de surface habitable étant plafonné à celui du bail principal557. Par ailleurs, la qualification de sous-location est conditionnée à l’existence d’un paiement ou d’une contrepartie véritable à l’occupation558.

Un lien juridique apparaît parfois entre le bailleur et le sous-locataire à l’occasion d’un défaut de paiement du locataire principal. Dans cette hypothèse, le bailleur peut en effet réclamer directement au sous-locataire le montant du loyer à concurrence du prix de la sous-location (C. civ., art. 1753).

3313 – La sous-location et le simple hébergement. – Un locataire bénéficie du libre usage de son logement. À ce titre, il peut héberger gratuitement les personnes de son choix, aucune atteinte ne pouvant être portée à ce principe559. En revanche, le versement d’une contrepartie financière ou en nature caractérise une sous-location nécessitant l’accord écrit du bailleur.

3314 – La sous-location d’une habitation à loyer modéré. – La sous-location d’un logement HLM est en principe interdite sous peine d’une amende de 9 000 € (CCH, art. L. 442-8). Par dérogation, les locataires ont la faculté de sous-louer une partie de leur logement à des personnes âgées de moins de trente ans, de plus de soixante ans, ou à des personnes adultes présentant un handicap, après information de l’organisme bailleur (CCH, art. L. 442-8-1). Cette disposition, introduite par la loi Molle, est un moyen de lutter contre la sous-occupation s’apparentant à de la vacance partielle560.

II/ Les sanctions d’une sous-location irrégulière

3315 – Pas de résolution contractuelle. – La clause résolutoire sanctionnant la cession du bail contractuellement proscrite est réputée non écrite561. Ainsi, la résiliation du bail pour infraction à une interdiction de sous-louer et le versement de dommages et intérêts au propriétaire sont soumis à l’appréciation souveraine des juges du fond.

3316 – L’appréciation des juges à défaut de prévision contractuelle. – En cas de sous-location non autorisée, les tribunaux apprécient les faits pour satisfaire ou non la demande du propriétaire. Un tribunal a considéré que les manquements au contrat engendrés par une sous-location non autorisée ne justifiaient pas la résiliation du bail, mais que la procédure valait avertissement solennel562. Dans une autre espèce, les locataires ont été condamnés à verser au bailleur une somme de 5 000 € à titre de dommages et intérêts pour avoir loué leur logement sur la plate-forme Airbnb563. Sauf trouble manifeste de voisinage564, les tribunaux prononcent rarement la résiliation du bail, évitant ainsi des expulsions contraires à l’esprit de la loi de 1989.

C/ La mise à disposition par un propriétaire d’une partie de sa résidence principale

3317 En quittant le foyer familial, les enfants laissent parfois un grand vide derrière eux. Pour le combler, certains propriétaires hébergent des personnes en leur proposant les chambres disponibles. Il s’agit d’un véritable partage de l’occupation, le logement étant habité par le propriétaire et un autre occupant. Deux situations se distinguent : la location d’une partie de la résidence principale (I) et l’hébergement intergénérationnel contre services (II).

I/ La location d’une partie de la résidence principale

3318 – Civilement, une véritable location. – La location d’une partie de la résidence principale obéit aux contrats types des locations de biens à usage d’habitation vides ou meublés565. La pièce louée doit répondre aux conditions de décence imposées par la loi (V. n° a3307).

3319 – Un choix souvent fiscal. – Pour des raisons fiscales, le bailleur opte souvent pour la location meublée566. En effet, les revenus tirés de cette location sont exonérés de toute imposition s’ils sont raisonnables. Pour 2017, le loyer annuel hors charges par mètre carré de surface habitable est plafonné à 184 € en Île-de-France et 135 € dans les autres régions (V. n° a4686). Dans cette hypothèse, la durée du bail est d’une année minimum tacitement reconductible, ou de neuf mois non reconductible en cas de location à un étudiant567.

II/ L’hébergement intergénérationnel contre services

3320 – Une dérogation au régime de la location. – L’hébergement intergénérationnel contre services est l’expression d’un engagement solidaire réunissant des jeunes en quête d’un logement et des seniors recherchant des individus bienveillants susceptibles de leur rendre quelques services au quotidien. C’est en quelque sorte un échange de bons procédés par des prestations de services.

Les parties signent une convention d’hébergement provisoire dérogatoire au statut du bail d’habitation. Ce contrat détaille les lieux occupés et les engagements de chacun. La participation aux charges du logement est adaptée en fonction de l’implication de la personne hébergée.

À l’heure où la dépendance des personnes âgées s’accentue et où la recherche de lien social s’accroît, nul doute que cette formule connaisse un succès grandissant. Pour accompagner son développement, des clarifications fiscales et sociales s’imposent néanmoins.

§ II – L’accompagnement du développement de l’activité professionnelle

3321 Les besoins des professionnels évoluent au rythme des nouvelles techniques de la communication et de l’information. Pour satisfaire les travailleurs nomades, les acteurs de l’immobilier innovent dans des offres de bureaux partagés en autorisant la sous-location commerciale partielle (A) et en développant l’accueil dans des tiers-lieux de travail (B).

A/ La sous-location commerciale partielle

3322 – Une solution contre la vacance. – La sous-location commerciale séduit de nombreux locataires en leur permettant de rentabiliser des surfaces louées non utilisées568. Elle constitue également une solution judicieuse permettant aux entreprises sous-locataires d’accéder à des locaux moyennant un loyer abordable.

En matière commerciale, la sous-location est avérée lorsqu’elle comporte des prestations réciproques569.

I/ Les conditions de validité de la sous-location

3323 – Autorisation et participation du bailleur à l’acte de sous-location commerciale. – La sous-location commerciale requiert l’autorisation du bailleur aux termes d’une clause du bail principal ou a posteriori, de façon expresse ou tacite (C. com., art. L. 145-31, al. 1 et 4). Il est préférable de solliciter une approbation écrite du bailleur afin d’éviter les aléas liés à l’absence d’agrément tacite570. L’autorisation du bailleur est discrétionnaire. En cas de refus, les tribunaux ne sont pas compétents pour autoriser la sous-location ou juger des motifs invoqués.

Le bailleur ayant autorisé la sous-location est invité à concourir à l’acte par lettre recommandée avec demande d’avis de réception ou par exploit d’huissier (C. com., art. L. 145-31, al. 2). Cette invitation est obligatoire même si la sous-location est autorisée aux termes du bail initial ou qu’elle prend la forme d’un bail dérogatoire571. À défaut de réponse dans les quinze jours ou en cas de refus du propriétaire d’intervenir, le locataire principal peut signer l’acte de sous-location.

En pratique, il convient de porter une attention particulière à la rédaction de la clause du bail autorisant la sous-location. En particulier, il est possible de prévoir l’agrément du sous-locataire par le bailleur. Par ailleurs, à défaut de restriction dans le bail initial, l’autorisation de sous-location est transmise avec le bail, le propriétaire perdant ainsi le contrôle de l’occupation de son bien.

Proposition de clause d’autorisation de sous-location

Le preneur est autorisé à sous-louer une partie des locaux, à condition d’obtenir l’accord exprès écrit du bailleur. Le preneur invite alors le bailleur à concourir à la signature de l’acte par acte extrajudiciaire ou par lettre recommandée avec demande d’avis de réception. Dans les quinze jours de la réception de cet avis, le bailleur doit faire savoir s’il entend concourir à l’acte. Au-delà de ce délai, il est passé outre. Le sous-locataire n’est autorisé à changer d’activité que dans les conditions des articles L. 145-49 et suivants du Code de commerce. Cette autorisation est consentie à titre personnel, le preneur ne pouvant la céder à quelque titre que ce soit.

II/ Le régime tripartite de la sous-location commerciale

3324 La sous-location commerciale crée des relations croisées entre le bailleur, le locataire et le sous-locataire, dont les enjeux sont parfois importants.

a) Des rapports directs entre le locataire principal et le sous-locataire

3325 – La durée de la sous-location. – Dans le respect de la destination du bail principal, le locataire endosse le costume du bailleur en procurant une jouissance paisible à son sous-locataire et en lui délivrant des lieux conformes à l’usage auquel ils sont destinés. Le sous-locataire est tenu pour sa part au paiement des loyers et à une obligation d’entretien. Au-delà des obligations générales, la question de la durée de la sous-location mérite d’être précisée.

Il n’est pas indispensable que la durée du bail principal et celle de la sous-location coïncident572. Une sous-location peut ainsi être conclue pour une durée inférieure à celle du bail principal. En revanche, la durée de la sous-location ne peut pas être supérieure à celle du bail principal en vertu du principe nemo plus juris ad alium transferre potest quam ipse habet. Le cas échéant, la sous-location prend fin avant son terme prévu, en même temps que le bail principal. Cette règle est impérative même si la sous-location est soumise conventionnellement au statut des baux commerciaux.

Par ailleurs, en cas de rattachement conventionnel audit statut, le sous-locataire bénéficie du droit au renouvellement de son bail commercial par son « preneur/bailleur », sous réserve que le bail principal soit lui-même renouvelé ou reconduit. Dans ce cas, la durée de la sous-location renouvelée varie selon la durée du bail principal restant à courir, le droit au renouvellement du sous-locataire s’exerçant seulement pour la durée résiduelle du bail principal. Si le locataire principal refuse le renouvellement de la sous-location commerciale, il devient débiteur de l’indemnité d’éviction à l’égard de son sous-locataire. Hors statut, l’indemnité peut prendre la forme de dommages et intérêts demandés sur le fondement de la responsabilité civile, ce qui nécessite de prouver une faute ou une fraude du locataire principal.

b) Le maintien des rapports entre le bailleur et le locataire

3326 – Le débiteur du loyer. – Le bailleur ne connaît en principe que le locataire principal, répondant seul des manquements au bail de sous-location. La seule porosité pouvant naître entre le bail principal et la sous-location provient de la fixation du second loyer. En effet, lorsque le loyer de la sous-location est supérieur à celui du bail principal, le bailleur est en droit d’exiger une augmentation du loyer principal (C. com., art. L. 145-31, al. 3). La comparaison du prix au mètre carré de surface louée est retenue pour l’ajustement du loyer principal. Le versement d’un pas-de-porte par le sous-locataire est également pris en compte573. À défaut d’accord amiable, le bailleur bénéficie d’une action en réajustement du loyer principal (C. com., art. L. 145-31, al. 3). Cette action se prescrit par deux ans à compter du jour où le bailleur a connaissance du montant de la sous-location (C. com., art. L. 145-60).

c) Les rapports entre le bailleur et le sous-locataire

3327 – L’action en paiement de loyer. – Le bailleur dispose d’une action directe contre le sous-locataire pour le paiement du loyer principal, dans la limite du montant du loyer de la sous-location (C. civ., art. 1753).

3328 – La demande de renouvellement par le sous-locataire. – Le sous-locataire a la possibilité de demander le renouvellement de son bail directement auprès du bailleur lorsque le bail principal ne produit plus d’effet (C. com., art. L. 145-32, al. 2). En cas de refus, il a droit au paiement d’une indemnité d’éviction574. Néanmoins, cette possibilité existe uniquement si la sous-location a été autorisée par le bailleur et que les locaux sont divisibles (C. com., art. L. 145-32, al. 3). En pratique, il est judicieux d’insérer une clause d’indivisibilité conventionnelle dans le bail principal afin d’éviter ce cas de figure.

Si le bail principal est en cours, le sous-locataire sollicite le renouvellement auprès de son propre bailleur (C. com., art. L. 145-32, al. 1).

Proposition de clause d’indivisibilité

Le locataire est autorisé à sous-louer une partie des locaux, sous réserve du maintien de sa propre exploitation dans le surplus des lieux. Les parties conviennent à titre de condition essentielle que l’ensemble de la location forme un tout indivisible, indépendamment de la configuration des locaux loués. En conséquence dans l’hypothèse où le bail principal ne produirait plus d’effets, le sous-locataire ne pourra prétendre à aucun droit au renouvellement, le tout sans indemnités.

III/ Les sanctions d’une sous-location irrégulière

3329 – Inopposabilité et résolution de la convention. – Outre son inopposabilité au bailleur, la sanction d’une sous-location irrégulière est la résolution judiciaire systématique du bail principal. Les juges sont tenus d’appliquer la clause résolutoire figurant dans le bail575. À défaut de clause résolutoire, les tribunaux se prononcent selon la gravité des faits576.

La disparition du bail principal entraîne la résiliation de la sous-location577.

Par ailleurs, le bailleur a la faculté de refuser le renouvellement du bail principal sans s’exposer au paiement d’une indemnité d’éviction578, la sous-location irrégulière constituant un motif légitime de non-renouvellement579. Enfin, le sous-locataire irrégulier ne bénéficie pas du droit au renouvellement580.

B/ Les tiers-lieux de travail

3330 – Les tiers-lieux, représentation physique d’un esprit collaboratif. – Les tiers-lieux sont des espaces permettant à leurs usagers de travailler individuellement ou en équipe. Implantés localement dans les quartiers et les territoires, ils constituent une alternative à l’entreprise conventionnelle et au travail indépendant. Avant même la flexibilité des horaires de travail et le coût, les principaux avantages mis en avant par leurs utilisateurs sont le développement de leur réseau professionnel et l’interaction avec les autres occupants581. Le partage est ici encore une valeur fondamentale.

Si l’offre s’est organisée principalement autour du coworking et de l’accueil à domicile, un tiers-lieu peut être tout endroit « connecté » dans lequel un travail est réalisé, comme un café de quartier ou une gare.

3331 – Les tiers-lieux en pratique. – Le coworking est la vitrine publicitaire des tiers-lieux. En progression constante avec plus de 600 espaces d’accueil courant 2017, il séduit par sa simplicité et sa souplesse autant les salariés que les indépendants582. Accueillir chez soi un professionnel pour qu’il dispose par exemple d’une salle de réunion est une expression plus poussée de la mutualisation. C’est encore ici une réponse originale aux enjeux liés au coût de l’immobilier et à la mobilité professionnelle dans les grandes villes. De nombreux intervenants mettent en relation l’offre et la demande583.

3332 – Quel régime juridique ? – Les contrats de location classiques sont inadaptés pour des professionnels à la recherche de souplesse d’utilisation. Les baux précaires ou dérogatoires de courte durée ne sont pas plus satisfaisants, l’engagement du locataire étant continu quand son objectif n’est de payer que la durée réellement « consommée ». Ne pouvant satisfaire cette demande par un contrat de location, le propriétaire se mue en prestataire de services.

Le contrat de prestation de services permet aux parties de définir librement leurs niveaux d’engagement. Il a pour objet principal la fourniture de plusieurs prestations bureautique et logistique, ainsi que, le cas échéant, d’autres prestations annexes telles que la restauration ou le ménage. Il est bien sûr assorti d’un droit d’accès à des locaux, parfois même vingt-quatre heures sur vingt-quatre. Un risque de requalification du contrat en bail commercial est encouru si les services proposés ne sont pas réels, la mise à disposition du local se devant de n’être que leur accessoire584.

Section II – L’occupation séquencée ou alternative : la mixité temporelle

3333 L’occupation séquencée constitue une véritable mixité temporelle. Son développement est un phénomène relativement récent, révélé par la location touristique temporaire (§ I) et l’occupation partagée des places de stationnement (§ II).

§ I – La location touristique temporaire
A/ Le phénomène Airbnb

3334 – Une nouvelle offre pour de nouveaux touristes. – Le développement de l’offre touristique collaborative répond à une demande exponentielle585. Pour le propriétaire, il s’agit d’un revenu complémentaire échappant au plafonnement des loyers586. Plus de 20 000 logements ont ainsi été retirés de la location classique à Paris, nuisant de manière importante à l’équilibre du secteur de l’habitat. Dans les grandes villes, les locations de courte durée sont placées sous surveillance des pouvoirs publics. Les règles varient très rapidement au gré des abus des propriétaires ou de leurs locataires sous-louant, dans un contexte de concurrence avec l’hôtellerie classique.

B/ La définition et le régime du meublé de tourisme

3335 – De nouvelles règles de principe pour cette nouvelle offre. – La location saisonnière est régie par le Code civil (C. civ., art. 1713 et s.). La durée, le prix et les conditions du contrat sont fixés librement par les parties587. La location meublée de courte durée correspond à la définition légale des meublés de tourisme : il s’agit en effet d’une offre de logement à l’usage temporaire et exclusif du locataire n’y élisant pas son domicile (C. tourisme., art. D. 324-1)588. Elle est obligatoirement déclarée en mairie, sous peine d’une amende d’un montant maximum de 450 € (C. tourisme., art. L. 324-1-1). En outre, ce type de location constitue un changement d’usage dans les communes de plus de 200 000 habitants et dans les départements des Hauts-de-Seine, de la Seine-Saint-Denis et du Val-de-Marne (CCH, art. L. 631-7)589. Le passage d’un logement vers un usage hôtelier nécessite une autorisation préalable de la commune. Le propriétaire est éventuellement contraint de proposer en compensation un autre bien destiné à usage d’habitation ou à défaut d’acheter des droits de commercialité pour obtenir une autorisation temporaire renouvelable590. Dans les vingt-huit agglomérations comprenant des villes de plus de 50 000 habitants déclarées en zones tendues, le conseil municipal peut rendre obligatoire cette autorisation temporaire591.

C/ Un régime dérogatoire pour la résidence principale

3336 – L’exception au principe. – Par exception, la mise à disposition de la résidence principale ne nécessite aucune autorisation (CCH, art. L. 631-7-1, A)592. La résidence principale est définie comme le logement occupé au moins huit mois par an, sauf obligation professionnelle, raison de santé ou cas de force majeure, par le preneur ou son conjoint ou une personne à charge593. En cas de contestation de la mairie, le ministère public est chargé de prouver le caractère secondaire de la résidence louée, en se basant exclusivement sur le temps d’occupation annuel par le propriétaire. En cas d’infraction avérée, l’amende civile prononcée par le tribunal de grande instance peut s’élever jusqu’à 50 000 € (CCH, art. L. 651-2)594. Sur demande de la mairie, le président du tribunal peut en outre ordonner le retour à l’usage d’habitation dans un délai fixé sous peine d’astreinte d’un montant maximal de 1 000 € par jour et par mètre carré utile.

D/ Une possible atteinte au régime dérogatoire

3337 – Une exception à l’exception : le retour au principe ? – La loi pour une République numérique permet aux conseils municipaux de rendre obligatoire l’enregistrement de toute location meublée temporaire auprès de la commune595, même s’agissant de la résidence principale du propriétaire. La délibération fixe par exemple le nombre de nuitées annuelles à partir duquel l’enregistrement est obligatoire. Les informations contenues dans la déclaration exigée par la commune sont fixées par décret.

E/ Les conséquences d’une sous-location non autorisée

3338 – Une tolérance judiciaire en cas d’infraction au principe ? – Un locataire ayant sous-loué son logement sans l’autorisation de son propriétaire durant huit nuitées en 2016 n’a pas été condamné, les juges ayant estimé que la période de sous-location était trop faible pour attester d’un préjudice et qu’elle ne constituait pas non plus un motif de résiliation du bail596.

3339 – La location meublée à l’épreuve de la copropriété. – Sur le plan administratif, le local bénéficiant d’une autorisation temporaire de location ne change pas de destination (CCH, art. L. 631-7-1, A). Il convient néanmoins de s’assurer que la clause de destination de l’immeuble contenue dans le règlement de copropriété autorise les locations meublées temporaires.

L’analyse de la jurisprudence permet de répondre à cette question. Jusqu’en 2013, une clause d’habitation bourgeoise exclusive interdisait les locations meublées temporaires en raison de leur qualification commerciale597. À l’inverse, lorsque le règlement de copropriété autorisait l’installation des professions libérales, la location meublée temporaire pouvait être pratiquée à condition de ne pas créer de nuisances plus importantes qu’auparavant598.

Néanmoins, deux arrêts de la cour d’appel de Paris rendus les 11 septembre 2013599et 21 mai 2014600opèrent un revirement. Il n’y a plus à distinguer selon le caractère exclusif ou simple de la destination bourgeoise de l’immeuble. Le caractère commercial de la location meublée temporaire est contraire à la notion même d’habitation.

L’interdiction peut également être prononcée à la requête d’un copropriétaire sur le fondement du trouble anormal de voisinage caractérisé par des allées et venues incessantes, diurnes comme nocturnes, de touristes en nombre circulant avec leurs valises dans les parties communes de l’immeuble, peu soucieux de la tranquillité et du repos des occupants, de l’usure accentuée des parties communes601, ou pour non-respect de la réglementation relative au changement d’usage (CCH, art. L. 631-7 et s.)602.

L’article 19 de la loi ALUR prévoyait la possibilité d’exiger un accord préalable de l’assemblée générale des copropriétaires pour de telles locations. Le Conseil constitutionnel a écarté cette disposition, jugeant qu’elle portait une atteinte disproportionnée aux droits de chacun des copropriétaires d’user librement de ses biens603.

Les hésitations jurisprudentielles et législatives traduisent la complexité juridique d’un secteur en pleine mutation604. Or, la croissance exponentielle de la location touristique temporaire engendre une activité économique considérable. Elle mérite à ce titre un encadrement structuré, respectant à la fois les libertés individuelles et l’intérêt supérieur de l’accès au logement pour tous. L’accueil des Jeux olympiques en 2024 à Paris va certainement être un accélérateur de revenus, mais aussi de réformes.

§ II – L’occupation partagée des places de stationnement

3340 – Une volonté individuelle et collective. – La location d’un emplacement de stationnement est un acte de gestion du patrimoine privé d’un propriétaire. Elle résulte également parfois d’une volonté politique imposant au promoteur de réserver temporairement des places de stationnement en foisonnement aux occupants des logements, bureaux et commerce de l’immeuble.

3341 – La place de la voiture en ville. – Partager le stationnement permet d’économiser l’espace en maîtrisant la place de la voiture en ville. Ce raisonnement poursuit deux objectifs : réduire l’usage de l’automobile et, corrélativement, éviter qu’une trop faible rotation des véhicules nuise à l’attractivité des commerces. La loi MAPTAM a organisé la dépénalisation du stationnement en transférant son entière gestion aux collectivités à compter du 1er janvier 2018605. Les produits engendrés par les amendes sont notamment destinés à financer l’amélioration des transports en commun ou respectueux de l’environnement. Cet accompagnement législatif est un vrai signal donné aux collectivités pour faire en sorte que la voiture retrouve sa juste place en ville.

Aussi convient-il de confronter le partage du stationnement606à l’exercice du droit de propriété (A), avant de l’envisager sous l’angle du droit réel de jouissance spéciale (B).

A/ Le foisonnement du stationnement, une prérogative du droit de propriété

3342 – Distinction mutualisation et foisonnement. – La mutualisation du stationnement permet de limiter la création de parkings en regroupant les besoins complémentaires de plusieurs projets proches607. Ce système dépasse l’échelle de l’immeuble, les parkings étant construits pour l’usage complémentaire de plusieurs immeubles. Les réalisations de ce type se rencontrent essentiellement dans les opérations d’aménagement d’envergure608.

Le foisonnement du stationnement poursuit également un objectif d’économie d’espace. Il consiste en l’utilisation partagée d’un même emplacement à des horaires et par des utilisateurs différents609. Ce système est relativement aisé à mettre en place, les principes de la mise à disposition (I) étant complétés par les spécificités en matière de copropriété (II).

I/ Les principes de la mise à disposition

3343 – La mise à disposition au profit d’un particulier. – La mise à disposition d’une place de stationnement résulte le plus souvent d’un contrat de louage, laissant toute latitude aux propriétaires et aux locataires pour convenir des conditions de jouissance du bien (C. civ., art. 1709 et s.). Les parties conviennent notamment que le locataire profitera du stationnement à certaines heures ou pendant certains jours de la semaine en l’absence du propriétaire.

3344 – La mise à disposition au profit d’une société. – L’enjeu d’une convention de foisonnement conclue au profit d’une société est la qualification du contrat en bail commercial ou en simple contrat de louage. Sauf volonté commune des parties, les dispositions du statut des baux commerciaux ne s’appliquent pas, les emplacements de stationnement n’étant pas des immeubles au sens de bâtiments construits610. Ils ne constituent pas non plus des locaux accessoires, le local principal étant en principe la propriété du bailleur.

Les limites du contrat de louage tiennent à sa nature de droit personnel n’emportant pas pour le locataire certains attributs du droit de propriété conférés par un droit réel.

II/ Les spécificités de la mise à disposition de stationnements en copropriété

3345 En copropriété, les parkings constituent soit des parties privatives, soit des parties communes.

3346 – Le stationnement foisonné en parties privatives. – La convention de mise à disposition en foisonnement d’un stationnement doit être compatible avec le statut de la copropriété. En effet, certaines restrictions au droit de louer à des personnes extérieures à la copropriété sont licites lorsqu’elles sont fondées sur la destination de l’immeuble611. Par exemple, la clause de destination d’habitation bourgeoise dans un immeuble de grand standing a pu justifier le refus d’une colocation612.

3347 – La qualification des équipements et le paiement des charges de copropriété. – La propriété d’une place de stationnement implique une participation aux charges de copropriété. Or, l’existence de stationnements foisonnés suppose des équipements spécifiques : signalétique extérieure, barrières, bornes de contrôle d’accès, dispositif de décompte du temps de présence, etc. Ces équipements engendrent un surcroît de charges pour des copropriétaires n’en voyant pas toujours l’utilité, a fortiori si à cela s’ajoute un contrat de maintenance conclu avec un prestataire imposé par la collectivité613.

3348 – Le stationnement foisonné en parties communes. – Le syndicat des copropriétaires est susceptible d’exploiter un patrimoine constitué de parties communes, engendrant ainsi des revenus pour la copropriété. Les places de stationnement constituent parfois ce patrimoine commun. Le règlement de copropriété détermine la destination de ces parties communes et leurs conditions d’utilisation614. L’exploitation d’un parking foisonné s’effectue à l’initiative du syndicat des copropriétaires, le syndic en assurant l’effectivité pratique. Au-delà des règles de fonctionnement et de conformité à la réglementation comme celles s’appliquant aux établissements recevant du public, la question du statut de ces deux entités est posée. Si, dans l’avenir, la mutualisation des espaces et des services prospère, leur gestionnaire devra pouvoir en assumer pleinement l’exploitation et la conservation. À ce jour, tant le syndicat des copropriétaires que le syndic ne semblent pas pleinement compétents ou posséder suffisamment de moyens pour remplir cette mission.

B/ Le foisonnement du stationnement, une application concrète pour le droit réel de jouissance spéciale

3349 – La rencontre du troisième type. – Quel rapport existe-t-il entre le foisonnement du stationnement et le droit réel de jouissance spéciale ? Deux mots : jouissance spéciale, car il est effectivement très spécial de conférer une jouissance partagée sur un bien immobilier. Néanmoins, dans le cas du stationnement, ces deux notions semblaient faites pour se rencontrer.

I/ De quelques rappels généraux

3350 – Un nouveau droit réel très commenté. – Les arrêts Maison de Poésie I et II ont inspiré de nombreux auteurs615. Cette abondance de littérature est légitime. En effet, ces deux décisions, exhumant les principes de l’arrêt Caquelard616, ont ouvert la voie aux libres conventions de jouissance et de démembrement. Ce droit réel sui generis, non perpétuel, s’inscrit parfaitement dans l’ère du temps, valorisant les usages d’un bien.

3351 – Un nouveau droit pour de multiples usages. – Le caractère réel du droit de jouissance spéciale constitue une alternative judicieuse à la multiplicité des droits de propriété individuels. Son objet peut en effet être une activité civile, commerciale, agricole ou industrielle617. L’inventivité des praticiens permet d’imaginer de nombreuses applications en matière immobilière618. Par exemple, pour compléter les prestations de services facilitant la mise à disposition de bureaux, la conclusion d’un droit réel de jouissance spéciale permettrait également d’encadrer efficacement leur occupation séquencée. Ainsi, un bénéficiaire pourrait être autorisé à occuper un bureau tous les lundis, jour de fermeture de son propriétaire.

II/ Les intérêts de la mise en place du droit réel de jouissance spéciale pour le foisonnement

3352 – Intérêts pour le propriétaire. – Le propriétaire consentant un droit réel de jouissance spéciale sur un emplacement de parking tout en continuant à l’utiliser à temps partiel accomplit la volonté première de tout bon gestionnaire : valoriser au mieux son bien. En percevant en une seule fois l’intégralité du prix correspondant à l’abandon partiel de jouissance619, il écarte au surplus le risque d’impayé assumé par un bailleur traditionnel.

3353 – De nombreux intérêts pour le bénéficiaire. – Garantir l’usage des stationnements nécessaires à l’exercice d’une activité économique pendant une durée donnée est primordial dans certains secteurs. À ce titre, l’indication d’un terme pouvant aller jusqu’à quatre-vingt-dix-neuf ans sécurise le bénéficiaire. En outre, le caractère réel de ce droit lui permet d’exploiter son objet directement ou indirectement, de le louer, de le céder et de le donner en garantie. Par exemple, le bénéficiaire d’un droit réel de jouissance sur un emplacement de stationnement a la faculté d’amortir comptablement cet investissement.

3354 – Un accompagnement vers le partage des nouveaux usages. – Dans la promotion des nouveaux usages immobiliers, les constructeurs commencent à commercialiser des emplacements de stationnement à jouissance partagée. Un coût d’achat moindre suffira-t-il à changer les mentalités actuelles ? Il semble en toute hypothèse que les nouvelles façons de consommer finiront par convertir une majorité des usagers de l’immobilier.

III/ Les modalités conventionnelles à définir pour sa bonne application

3355 – La liberté, guide rédactionnel. – La convention conférant un droit réel de jouissance spéciale impose une rédaction sur-mesure. En matière de foisonnement du stationnement, la vigilance du rédacteur porte notamment sur les points suivants :

durée du contrat ;

répartition des frais d’entretien, charges diverses et taxes ;

sécurité des accès ;

possibilité de location ;

en copropriété : participation aux assemblées générales, répartition des charges appelées par le syndic.

L’imagination respectueuse de l’ordre public n’a finalement pour seule limite que sa traduction juridique.

IV/ Le droit réel de jouissance spéciale est-il urbano-compatible ?

3356 – Une politique du stationnement à la baisse. – Pour limiter la place de la voiture en ville, les pouvoirs publics accentuent le développement des modes de transport propres et limitent l’offre de places de stationnement dans le parc privé. Les PLU permettent la baisse du nombre de stationnements des futurs bâtiments en fonction des dessertes existantes (V. n° a3283). Ils permettent également leur délocalisation sur des assiettes foncières voisines (C. urb., art. L. 151-33, al. 1). Par ailleurs, le titulaire d’une autorisation d’urbanisme peut satisfaire l’exigence de production de stationnements, soit en bénéficiant d’une concession à long terme dans un parc public ou privé, soit par l’acquisition de places à proximité de l’opération de construction. À noter qu’une aire de stationnement attribuée dans une telle concession ne peut pas l’être une seconde fois pour autoriser un nouveau projet (C. urb., art. L. 151-33, al. 2).

Le premier aspect retenant l’attention est le renvoi à la notion de concession dans un parc de stationnement. Le droit réel de jouissance spéciale satisfait-il cet impératif ? Une réponse ministérielle récente620concernant l’occupation du domaine public précise que : « Les aires de stationnement concédées doivent être réservées à l’usage exclusif du constructeur et leur attribution ne doit pas avoir un caractère précaire ». Le Conseil d’État a jugé qu’un engagement de location de quinze ans constitue une concession à long terme621. Ainsi, la titularité d’un droit réel excluant toute précarité correspond aux exigences administratives.

Ensuite, la notion d’usage exclusif peut être interprétée de deux façons. La plus restrictive correspond à un usage personnel et non concurrent. La seconde s’accommode d’un usage partagé dans le temps mais exclusif dans son exercice séquencé. Selon l’interprétation retenue lors de la délivrance du permis de construire, le droit réel consistera soit en une jouissance concédée intégralement à son bénéficiaire, soit en une jouissance séquencée. La même question se pose pour les concessions dans un parc privé.

Enfin, l’article L. 151-33, alinéa 3 du Code de l’urbanisme érige en principe que le stationnement concédé une première fois ne peut pas être pris en compte pour une nouvelle utilisation. Or, le droit réel de jouissance spéciale présente la particularité d’être utilisable de façon séquencée. Ainsi, son utilisation semble être en mesure de pallier les exigences de construction de stationnements pour des opérations dont les usages sont complémentaires (V. n° a3250). Une modification de texte pérennisant cette solution serait la bienvenue.


535) Aristote, Éthique à Nicomaque.
536) L’Agefi Actifs avr. 2016, n° 13.
537) S.-L. Leconte, L’entre-soi et le mouvement coopératif en copropriété : AJDI avr. 2015, p. 257. – En Suisse, l’habitat participatif représente 8 % du parc immobilier (jusqu’à 20 % à Zurich), en Norvège : 15 % (40 % à Oslo), à Québec, 50 000 habitants sont logés en habitat participatif.
538) L. n° 2014-366, pour l’accès au logement et un urbanisme rénové, 24 mars 2014 : JO 26 mars 2014.
539) Rapport du 112e Congrès des notaires de France, Nantes, 2016, p. 802 à 834.
540) Rapport du 113e Congrès des notaires de France, Lille, 2017, p. 539 à 543 et 548 à 560.
541) De la colocation à la location partagée, Panorama d’un mode de vie en pleine mutation : Appartager.com et Action Logement, mars 2016 : https://groupe.actionlogement.fr.
542) L. n° 2014-366, 24 mars 2014 : JO 26 mars 2014.
543) L. n° 2009-323, 25 mars 2009, de mobilisation pour le logement et la lutte contre l’exclusion : JO 27 mars 2009.
544) L. n° 89-462, 6 juill. 1989, tendant à améliorer les rapports locatifs et portant modification de la loi n° 86-1290 du 23 décembre 1986 : JO 8 juill. 1989.
545) D. n° 2015-587, 29 mai 2015 : JO 31 mai 2015.
546) D. n° 2002-120, 30 janv. 2002 : JO 31 janv. 2002.
547) N. Damas : Loi Égalité et Citoyenneté et baux d’habitation : AJDI 2017, p. 256.
548) Cass. 3e civ., 2 oct. 2012, n° 11-22.812 : AJDI 2012, p. 862.
549) « Il est redevable du loyer et des charges concernant tout le délai de préavis si c’est lui qui a notifié le congé, sauf si le logement se trouve occupé avant la fin du préavis par un autre locataire en accord avec le bailleur » : Cass. 3e civ., 28 oct. 2009 : AJDI 2010, p. 318, comm. V. Zalewski.
550) Cass. 3e civ., 7 juill. 2016, n° 15-21.657 : AJDI 2016, p. 691.
551) Cass. 3e civ., 26 janv. 2017, n° 15-28.020 : Loyers et copr. avr. 2017, n° 4, comm. 69, B. Vial-Pedroletti.
552) L. n° 89-462, 6 juill. 1989, art. 8-1.
553) Caution accordée par Action Logement au locataire pour prendre en charge le paiement du loyer et des charges locatives de sa résidence principale, dans le parc privé, en cas de défaillance.
554) Cass. 3e civ., 18 janv. 2017, n° 16-10.324.
555) L. n° 89-462, 6 juill. 1989, art. 8.
556) L. n° 2014-366, 24 mars 2014, art. 1 : JO 26 mars 2014.
557) L. n° 89-462, 6 juill. 1989, art. 8.
558) Cass. 3e civ., 5 juill. 1995, n° 93-10.924 : JurisData n° 1995-001822 ; D. 1996, somm. p. 363, obs. CRDP Nancy II.
559) Cass. 3e civ., 6 mars 1996, n° 93-11.113 : JurisData n° 1996-000762.
560) L. n° 2009-323, 25 mars 2009, de mobilisation pour le logement et la lutte contre l’exclusion, art. 61, V : JO 27 mars 2009.
561) L. n° 89-462, 6 juill. 1989, art. 4, g).
562) TI Paris, 9e ardt, 13 févr. 2014.
563) TI Paris, 5e ardt, 6 avr. 2016 : JurisData n° 2016-010240 ; Loyers et copr. 2016, comm. 163, note B. Vial-Pedroletti.
564) Cass. 3e civ., 17 mai 2006, n° 05-13.045 : JurisData n° 2006-033950.
565) J.-L. Puygauthier, La loi ALUR et la location meublée : JCP N 2014, n° 15.
566) L. n° 89-462, 6 juill. 1989, art. 25-4.
567) L. n° 89-462, 6 juill. 1989, art. 25-7.
568) Une étude menée en 2014 pour le site bureauxapartager.com conclut que 13 % des espaces loués sont en réalité disponibles, soit 5 millions de mètres carrés en Île-de-France (L’immobilier dans la ville de demain : vers de nouveaux usages et partages : Les Cahiers de la Chaire Immobilier et Développement durable avr. 2014, n° 2, ESSEC Business School).
569) Cass. com., 15 janv. 1963 : Bull. civ. 1963, III, n° 38.
570) Cass. 3e civ., 26 nov. 1991, n° 90-17.102 : Gaz. Pal. 1992, 1, 83, note J.-D. Barbier.
571) Cass. 3e civ., 1er mars 1995, n° 93-11.445.
572) Cass. 3e civ., 24 févr. 1988 : Bull. civ. 1988, III, n° 44. V. également J. Viatte, Réflexion sur la durée du sous-bail commercial et son renouvellement : Rev. loyers 1981, pt 348.
572) Personne ne peut transférer à autrui plus de droits qu’il n’en a lui-même.
573) Cass. 3e civ., 28 mai 1997, n° 95-18.894 : Bull. civ. 1997, III, n° 121.
574) Cass. 3e civ., 14 juin 2006, n° 05-15.975 : Bull. civ. 2006, III, n° 149 ; AJDI 2006, p. 1893, obs. Y. Rouquet.
575) Cass. 3e civ., 16 déc. 1964 : Bull. civ. 1964, III, n° 559.
576) CA Paris, 14 juin 2006 : AJDI 2006, p. 826.
577) Cass. 3e civ., 5 mai 1970 : Bull. civ. 1970, III, n° 309.
578) Cass. 3e civ., 29 nov. 1995 : Loyers et copr. 1996, n° 267.
579) Cass. 3e civ., 5 janv. 2010, n° 08-21.062.
580) Cass. 3e civ., 19 sept. 2006, n° 05-18.363.
581) Les chiffres du coworking en France et ailleurs : http://domaine-entrepreneurs.fr, 1er juin 2016.
582) C. Boyer, En cinq ans, le nombre d’espaces de coworking a été multiplié par dix : https://start.lesechos.fr, 6 nov. 2017.
583) www.officeriders.com ; www.bureauxapartager.com.
584) Cass. 3e civ., 19 nov. 2015, n° 14-13.882, concernant un contrat de prestations de services réciproques conclu aux fins de mise à disposition de locaux commerciaux dans un magasin d’usine, ayant été requalifié en bail commercial.
585) Six chiffres pour savoir ce que pèsent Airbnb et la location touristique à Paris : immobilier.lefigaro.fr, 5 avr. 2017. Paris est la première ville mondiale en offre de logements touristiques. Ils sont en effet estimés à 70 000. Un propriétaire parisien loue son logement en moyenne vingt-huit nuitées par an.
586) À Paris, douze nuitées permettent de percevoir l’équivalent d’un loyer.
587) L. n° 70-9, 2 janv. 1970, dite « loi Hoguet » : « Est considérée comme une location saisonnière pour l’application de la présente loi la location d’un immeuble conclue pour une durée maximale et non renouvelable de quatre-vingt-dix jours consécutifs ».
588) D. n° 2017-678, 28 avr. 2017, art. 1 : JO 30 avr. 2017.
589) L. n° 2014-366, 24 mars 2014 : JO 26 mars 2014.
590) Rapport du 112e Congrès des notaires de France, Nantes, juin 2016, p. 327 et s.
591) D. n° 2013-392, 10 mai 2013 : JO 12 mai 2013.
592) Ord. n° 2015-1174, 23 déc. 2015, art. 9.
593) L. n° 2014-366, 24 mars 2014, art. 1 : JO 26 mars 2014.
594) L. n° 2016-1547, 18 nov. 2016, art. 59 : JO 19 nov. 2016.
595) L. n° 2016-1321, 7 oct. 2016, art. 51 : JO 8 oct. 2016.
595) D. n° 2017-678, 28 avr. 2017 : JO 30 avr. 2017.
596) TI Nogent-sur-Marne, 21 févr. 2017, minute n° 250/2017, n° 11-16-000860.
597) Cass. 3e civ., 4 janv. 1991, n° 89-10.959 : Bull. civ. 1991, III, n° 2.
598) Cass. 3e civ., 8 juin 2011, n° 10-15.891 : JurisData n° 2011-011067.
599) CA Paris, pôle 4, ch. 2, 11 sept. 2013, n° 11/12572 : JurisData n° 2013-019520.
600) CA Paris, pôle 4, ch. 2, 21 mai 2014, n° 12/17679 : JurisData n° 2014-011746.
601) CA Paris, pôle 4, ch. 2, 15 juin 2016, n° 15/18917 : JurisData n° 2016-010338.
602) H. Périnet-Marquet, Les meublés touristiques dans les immeubles en copropriété, évolutions jurisprudentielles récentes : JCP N 2017, n° 27, p. 23 et s.
603) Cons. const., 20 mars 2014, n° 2014-691 DC.
604) D. Richard, Airbnb et la loi de 1989 ou la prochaine extension du domaine de l’ordre public ? (Bail d’habitation ou mixte [L. 1989]) : Loyers et copr. nov. 2016, étude 14, p. 7.
605) L. n° 2014-58, 27 janv. 2014, de modernisation de l’action publique territoriale et d’affirmation des métropoles : JO 28 janv. 2014.
606) Qualifié de « foisonnement ».
607) P. Taithe, La mutualisation du stationnement : amorces et limites juridiques : Rev. Transport, Environnement, Circulation avr.-juin 2009, n° 202.
608) Par ex., le parking des Machines sur l’Île de Nantes.
609) X. Couton et L. Santoni, Mutualisation et foisonnement du stationnement : les difficultés de montages pourtant grenello-compatibles : Constr.-Urb. 2011, étude 9.
610) Cass. 3e civ., 18 mars 1992 : Bull. civ. 1992, III, n° 94 ; Loyers et copr. 1992, comm. 229.
611) L. n° 65-557, 10 juill. 1965, art. 8, al. 2.
612) CA Paris, ch. 4-2, 23 mai 2012, n° 10/07710 : « L’immeuble est à destination exclusivement bourgeoise compte tenu de son standing cossu avec dispositif de sécurité codé ou magnétique permanent ».
613) Pour une illustration du refus de payer les charges de copropriété afférentes aux places de stationnement en foisonnement : CA Aix-en-Provence, ch. 1 B, 31 janv. 2013, n° 11/20248.
614) L. n° 65-557, 10 juill. 1965, art. 8.
615) Cass. 3e civ., 31 oct. 2012, n° 11-16.304. –  Rapport du 112e Congrès des notaires de France, Nantes, 2016. – JCP N 2016, hors-série, n° 1, p. 13 ; JCP G 2012, 14000, F.-X. Testu ; D. 2013, p. 53, L. d’Avout et B. Mallet-Bricout ; D. 2013, p. 2123, N. Reboul-Maupin ; RDC 2013, p. 584, R. Libchaber ; Rev. Lamy dr. civ. févr. 2013, 4964, J. Dubarry et M. Julienne ; RD imm. 2013, p. 80, J.-L. Bergel ; LPA 16 janv. 2013, p. 11, F.-X. Agostini ; Defrénois 2013, p. 12, spéc. p. 13, L. Tranchant ; RTD civ. 2013, 141, obs. W. Dross. – Cass. 3e civ., 8 sept. 2016, n° 14-26.953 : JCP N 2016, 1294, note J. Dubarry et V. Streiff ; JCP G 2016, 1172, note J. Laurent ; JCP G 2016, 1191, note H. Périnet-Marquet ; Defrénois 2016, n° 21, p. 9, note H. Périnet-Marquet ; Dr. et patrimoine nov. 2016, p. 93, J.-B. Seube ; Constr.-Urb. 2016, n° 134, C. Sizaire.
616) Cass. req., 13 févr. 1834 : DP 1834, 1, 118 ; S. 1834, 1, 205.
617) RD imm. 2016, p. 598, obs. J.-L. Bergel.
618) A. Muzard et C. Pommier, Les nouveaux droits réels au cœur de la pratique notariale, Actes du colloque du 18 janvier 2017 : Notaires Vie Professionnelle mai-juin 2017, cah. prat. n° 324, p. 21 et s.
619) A. Thurel, Les nouveaux droits réels au cœur de la pratique notariale, Actes du colloque du 18 janvier 2017 : Notaires Vie Professionnelle mai-juin 2017, cah. prat. n° 324, p. 25 et s.
620) Rép. min. n° 20071 à QE n° 18843 J.-L. Masson : JO Sénat CR 19 mai 2016, p. 2107.
621) CE, 8 déc. 2000, req. n° 202766, Ville de Paris.

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