CGV – CGU

Chapitre I – Les difficultés de la densification

Partie I – Les villes compactes
Titre 1 – Les villes densifiées
Sous-titre 1 – Les ressources du foncier non bâti
Chapitre I – Les difficultés de la densification

3092 – La définition du droit de l’urbanisme. – « Le droit de l’urbanisme peut être défini comme l’ensemble des règles et des institutions établies en vue d’obtenir une affectation de l’espace conforme aux objectifs d’aménagement des collectivités publiques »157. C’est au titre de ces règles, compilées dans le Code de l’urbanisme, que la mobilisation des ressources foncières disponibles apparaît comme une priorité.

Dans les villes compactes, cette mobilisation se traduit en un mot : la densification.

3093 – La densification, moyen plus que but. – À lire le Code de l’urbanisme, la densification ne fait pas partie des objectifs à atteindre (C. urb., art. L. 101-2). Elle constitue en revanche un moyen essentiel de les réaliser.

La densification apparaît en effet en filigrane dans de multiples lois d’urbanisme. Ainsi, le respect des besoins en bâtiments de toute nature et le souci de maîtriser le développement urbain ne sont concevables que dans la densification des espaces déjà bâtis. Et sans densifier, comment peut-on combiner sur la durée l’édification de nouvelles constructions avec l’objectif de protection des milieux naturels, des paysages et des espaces verts ?

3094 – Vaincre le tabou de la densification. – La nécessité d’une densité accrue s’oppose pourtant à un tabou. Terrain de tiraillements entre les nécessités collectives et les envies individuelles, la densification fait peur. Dans la lignée de l’imagerie négative qu’elle véhicule, on lui prête les maux les plus fâcheux. Elle déshumaniserait, elle éloignerait, elle enlaidirait. Sans doute, au travers de l’histoire, certains projets ont-ils à raison fait l’objet de critiques en ce sens. Mais les évolutions urbanistiques, architecturales et sociétales offrent de nouveaux moyens de la pratiquer en évitant ces écueils.

À ce titre, il convient dans un premier temps de renforcer l’efficacité des règles d’urbanisme permettant la densification (Section I) ; ensuite, d’en favoriser une progression raisonnable dans le cadre d’un urbanisme sur-mesure (Section II).

Section I – Le manque d’efficacité de l’urbanisme de densification

3095 – La pyramide de l’urbanisme. – L’efficacité des règles d’urbanisme repose sur l’équilibre précaire d’un jeu de construction juridique en forme de pyramide.

Les textes de portée nationale servent de base à la documentation urbanistique. Issus de lois portées par des visions politiques diverses, ils définissent une planification stratégique formant un socle instable.

Au-dessus, les textes réglementaires de portée locale émanent d’une pléthore d’administrations et servent à des organismes à compétence et géographie variables. Ils s’entremêlent dans un enchevêtrement complexe. Souvent modifiées, ces règles parviennent à se contredire entre elles, créant un sentiment de mouvement permanent et une assise chancelante.

Au sommet de la pyramide, tâchant tant bien que mal de conserver l’équilibre sur son mouvant promontoire, par ailleurs soufflé par le vent des pressions, notamment électives, le maire est le garant objectif du bon fonctionnement du processus de délivrance d’une autorisation d’urbanisme.

Le mécano n’est pas stable, car « le vrai de l’équilibre, c’est qu’il suffit d’un souffle pour tout faire bouger »158.

Ainsi, l’urbanisme français manque d’efficacité, victime de règles trop complexes(Sous-section I) et de décisions trop aléatoires (Sous-section II).

Sous-section I – Des règles d’urbanisme trop complexes

3096 – Les documents d’urbanisme. – « L’expression documents d’urbanisme (…) doit être entendue comme désignant les documents élaborés à l’initiative d’une collectivité publique et ayant pour objet de déterminer les prévisions et règles touchant à l’affectation et à l’occupation des sols et opposables aux personnes publiques ou privées »159.

Ces documents d’urbanisme relèvent de deux ordres : la planification stratégique au niveau national (§ I)160, définissant un cadre général d’aménagement du territoire, et la planification réglementaire à l’échelle communale ou intercommunale (§ II), dont les documents définissent les règles d’urbanisme opposables aux demandes d’autorisation.

§ I – La planification stratégique

3097 – La loi SRU. – Les documents de planification stratégique fixent les grandes orientations dans une logique prospective et prévisionnelle. Issus de la loi SRU du 13 décembre 2000161, ils sont aujourd’hui porteurs d’un véritable projet de territoire et ont pour objectif de réaliser un équilibre entre, d’une part, des exigences d’urbanisme et de protection de l’environnement et, d’autre part, des exigences sociales.

Malheureusement, s’ils révèlent un fort potentiel (A), les outils mis en place par la loi SRU pâtissent d’une trop grande instabilité (B).

A/ Des outils à fort potentiel

3098 – Le mille-feuille des documents d’urbanisme. – Revenir sur l’ensemble de la réglementation traitant des documents d’urbanisme de portée nationale serait inutile pour plusieurs raisons. D’abord parce que les textes existants constituent un mille-feuille réglementaire d’une densité telle que leur analyse phagocyterait tout autre développement. Ensuite parce que ces textes évoluent continuellement dans le détail, amenant à n’en retenir que les axes principaux. Enfin parce que certains congrès des notaires ont déjà fait le travail remarquable de tenter de rendre l’écheveau législatif compréhensible162.

3099 – L’exemple du SCoT. – Le schéma de cohérence territorial, dispositif pivot dans la hiérarchie des normes, est un exemple parlant lorsqu’il s’agit de dresser le bilan des documents d’urbanisme créés par la loi SRU.

Le SCoT est l’outil de conception et de mise en œuvre d’une planification stratégique intercommunale, à l’échelle d’un large bassin de vie ou d’une aire urbaine, dans le cadre d’un projet d’aménagement et de développement durables (PADD). Il est destiné à servir de cadre de référence pour les différentes politiques sectorielles, notamment celles centrées sur les questions d’organisation de l’espace et d’urbanisme, d’habitat, de mobilité, d’aménagement commercial, d’environnement. Il en assure la cohérence, en respectant les principes du développement durable163.

Dans l’objectif de couvrir la quasi-totalité du territoire national en SCoT, les communes ou leurs groupements sont fortement incités à s’en équiper164. À défaut, un principe d’urbanisation limitée de plus en plus contraignant est prévu165.

3100 – Le SCoT : un fort potentiel. – Quelques années après son entrée en vigueur, le SCoT attirait des commentaires élogieux : « Cette approche novatrice de la planification est des plus importantes. Sans la qualifier de révolutionnaire, on ne peut qu’approuver son caractère novateur et voir là un outil extrêmement important pour appréhender une gestion économe des sols »166.

Il résulte d’un rapport du Conseil général de l’environnement et du développement durable (CGEDD) intitulé « Quelle évolution pour les schémas de cohérence territoriale ? »167que le SCoT est bien adapté aux préoccupations environnementales, de consommation d’énergie et de développement durable ayant envahi la sphère décisionnelle, elle-même de plus en plus ouverte aux habitants. Il répond en outre au problème de la consommation des espaces naturels et agricoles, invitant de facto à la densification. Prenant en compte ces problématiques contemporaines, il a surtout largement contribué au déploiement d’une culture de l’urbanisme et du projet territorial en France.

L’outil est ainsi structurellement de bonne qualité, propice à mener une approche prospective et à définir une stratégie de développement à vingt ou trente ans.

B/ Une trop grande instabilité

3101 – Le mieux, ennemi du bien. – Malgré la qualité structurelle d’un outil créé à la fin des années 2000, le SCoT a déjà été impacté directement ou indirectement par plus d’une quinzaine de lois et ordonnances depuis son instauration168, souvent de manière non négligeable. Ainsi, la moyenne est à plus d’une modification par an ! L’emplacement et le numéro du SCoT dans le Code de l’urbanisme ont également changé à plusieurs reprises169.

Sa place même dans la hiérarchie des règles d’urbanisme est en pleine évolution, suite à l’émergence du schéma régional d’aménagement, de développement durable et d’égalité des territoires (SRADDET) créé par la loi NOTRe (CGCT, art. L. 4251-1 à L. 4251-11)170, dont il a l’obligation de prendre en compte les objectifs.

3102 – Quel avenir pour le SCoT ? – Le rapport sur le SCoT commandé par les pouvoirs publics (V. n° a3100) cultive les paradoxes. On y fait suivre un florilège des qualités reconnues à un outil n’ayant jamais eu sa chance à périmètre constant sur la durée, par un flot de critiques. On y lit que « la nécessité d’une pause, d’un temps de stabilité juridique est unanimement exprimée »171. Mais, comble de l’ironie, les auteurs préconisent « six grandes pistes pour repenser le SCoT » !

3103 – Un exemple dupliqué pour les autres outils d’urbanisme. – L’instabilité législative critiquée à l’égard du SCoT est malheureusement dupliquée avec les autres outils de la matière urbanistique. L’interaction des documents étant la règle, les évolutions en matière d’intercommunalité remettent en cause l’ensemble de l’édifice construit dans les années 2000. Les SRADDET sont symptomatiques d’une législation avide de créations nouvelles, impactant forcément les anciennes. La possible transformation des PLU en PLUi ou PLU-H172révèle également une insatisfaction chronique relative à la réglementation existante173.

Il convient par ailleurs de compter avec le droit européen, la loi Grenelle 2 ayant introduit dans notre législation un régime d’examen au cas par cas de la nécessité de faire précéder les projets d’une étude d’impact sur l’environnement ou la santé humaine, conformément aux objectifs poursuivis par une directive européenne (C. env., art. L. 122-1)174.

3104 – Un urbanisme à tout faire. – Depuis l’an 2000, sous couvert d’une modernisation incessante et de lois toujours plus nombreuses175, de nouveaux objectifs sont sans cesse ajoutés aux documents d’urbanisme. Toutes les préoccupations touchant à l’environnement viennent à ce titre s’empiler sur les fonctions régaliennes du droit de l’urbanisme, au risque de perdre les fonctionnalités les plus primaires de ces outils.

Les rapports se multiplient pour évaluer les modifications récentes et proposer de nouvelles mesures ciblées176, renforçant la confusion générale.

3105 – La simplification ou la révolution. – À l’heure actuelle, est-on réellement en mesure de simplifier le droit de l’urbanisme sans le révolutionner ? Par quel tour de magie peut-on envisager de rendre les règles actuelles compréhensibles par ceux à qui elles s’appliquent ? Le souhaite-t-on seulement ?

La réponse à ces questions est d’autant plus essentielle que les outils urbanistiques créés par les réglementations nationales sont utilisés au niveau local.

§ II – Au niveau local

3106 – Un luxe de détails pour le SCoT. – La multiplication de textes prônant tous le même engagement en faveur d’une mobilisation du foncier dans les zones déjà bâties devrait aboutir à une densification satisfaisante177. Ce n’est pourtant pas le cas. Si les textes existent, leur mise en application au niveau local est délicate, sinon déficiente.

La complexité étant le propre de la planification à la française, l’inflation réglementaire a créé un excès de normes non hiérarchisées, privant le SCoT de toute liberté. Conçu comme un projet de territoire, ce document apparaît de plus en plus comme un exercice réglementaire, à portée exclusivement juridique et par là même fortement exposé au contentieux. Son caractère normatif lui confère une tournure lourde, répétitive et peu lisible, mais également très technique, difficilement maîtrisable par les élus178.

3107 – Des SCoT très disparates. – Selon leur date d’établissement et l’interprétation qu’en ont faite les concepteurs locaux, les SCoT sont très disparates. Certains ont un périmètre très vaste, d’autres très étroit. Certains sont très détaillés, d’autres beaucoup moins. Cette hétérogénéité ne plaide pas en faveur de ce document.

3108 Quid des autres documents d’urbanisme ? – Lorsque le SCoT est très dense, sa précision le rapproche du PLU, et plus encore du PLUi, augmentant le risque de démarches redondantes, qui plus est à la même échelle.

Les plans locaux d’urbanisme sont élaborés dans le but d’encadrer l’utilisation du sol. En dépit des recommandations renouvelées des ministères179, ils se perdent souvent dans un luxe de détails allant jusqu’à englober la forme et l’aspect des bâtiments180.

Les plans locaux d’urbanisme ont beau ne pas avoir de structure réglementaire imposée, ils se ressemblent tous, établis sur le modèle jadis obligatoire du plan d’occupation des sols. Presque aussi denses que les POS, de nombreux PLU contiennent au surplus des dispositions non adaptées à la situation géographique locale.

Ces documents font eux aussi l’objet d’une « modernisation » incessante, actuellement portée par une vague de verdissement181.

Ainsi, la multiplication des normes tant nationales que locales rend excessivement délicate la mise en œuvre des projets d’urbanisme, devenant parfois aléatoires.

Sous-section II – Des autorisations d’urbanisme trop aléatoires

3109 L’objectif des documents d’urbanisme est de fixer les conditions applicables aux autorisations d’urbanisme demandées, de sorte que leur délivrance soit cohérente. La pratique révèle néanmoins de nombreux problèmes, tant dans la prise de décision (§ I) que dans l’application de l’autorisation délivrée (§ II).

§ I – Les difficultés dans la prise de décision

3110 – Les refus abusifs. – Les autorisations d’urbanisme ne devraient subir aucun aléa. Dans un monde idéal, une demande conforme aux conditions d’exigence des textes la régissant aboutit à une délivrance, et une demande en contradiction avec les règles d’urbanisme impose un refus. En pratique, il existe un phénomène dilatoire de refus abusif des permis de construire. Il complète, mais à une tout autre échelle, la technique ancienne et très habituelle consistant à demander au dernier moment la production de nouvelles pièces en complément du dossier d’origine182.

Mis en évidence par le rapport du préfet Duport183, le refus abusif consiste à s’opposer à des projets manifestement conformes aux prescriptions édictées par l’administration elle-même. La manœuvre est d’autant plus courante qu’elle est efficace.

Pour lutter contre cette attitude, la loi dite « Macron » a modifié l’article L. 424-3 du Code de l’urbanisme, en imposant aux élus de compléter leur refus par une mention intégrale et exhaustive des motifs du refus. Pourtant, il est peu probable que le juge des référés constate l’existence de situations d’urgence ou que le juge de l’excès de pouvoir, s’il annule les refus, enjoigne autre chose que de simples réexamens des dossiers184. Ainsi, à défaut de mesures complémentaires plus sévères185, le refus dilatoire a encore de beaux jours devant lui.

3111 – La partie cachée de l’iceberg. – Bien plus que le refus officiel d’autorisation de construire, la discussion informelle en amont du dépôt de la demande est de pratique courante. Alors que les élus locaux prônent la densification des villes compactes, ils s’arrangent régulièrement pour que les projets de permis de construire déposés n’utilisent pas l’intégralité des droits à construire autorisés par les règles d’urbanisme.

Ces négociations ont la plupart du temps lieu lors de réunions de présentation des projets, dirigées par des responsables de l’urbanisme local, parfois accompagnés de l’architecte des Bâtiments de France (ABF). À la fin de la séance, soit une autorisation informelle est donnée, souvent agrémentée de demandes de modifications, soit des objections plus ou moins rédhibitoires sont soulevées.

Il est bien sûr possible de passer outre les « recommandations » dès lors que le projet est conforme aux règles d’urbanisme. La bonne entente des promoteurs avec les élus est néanmoins un élément trop important pour risquer d’indisposer celui qui délivre toutes les autorisations.

3112 – Arbitraire et politique. – Il arrive que des autorisations d’urbanisme soient refusées à cause des difficultés liées à l’interprétation de la multitude des textes applicables. Dans un cas litigieux, il est toujours moins dangereux de refuser un permis que d’en accorder un illégal186.

Mais, le plus souvent, les refus abusifs ou les recommandations de sous-densification relèvent de l’arbitraire des responsables de l’urbanisme. Parfois, l’électorat n’est pas prêt à accepter une densification massive187ou le maire n’accepte pas de voir une partie de ses concitoyens déclassés188. D’autres fois, le souci des équilibres de la commune, insuffisamment dotée d’équipements publics, justifie ces refus informels aux yeux des édiles189. Mais, dans ces cas-là, le rôle de l’élu est de modifier les documents d’urbanisme locaux pour les rendre compatibles avec la réalité du terrain, pas de les laisser s’appliquer à des situations ingérables.

3113 – La transition vers un autre échelon de décision. – Ces pratiques posent la question du bon échelon décisionnaire pour la délivrance des autorisations d’urbanisme.

En principe, le maire est compétent pour délivrer les autorisations d’urbanisme au nom de l’État (C. urb., art. R. 422-1). Cependant, à titre exceptionnel, ces autorisations relèvent de la compétence du préfet.

Avec l’entrée en vigueur du PLU intercommunal, cette solution est-elle encore justifiée ?190 Pour une meilleure vision d’ensemble et pour éviter les pressions locales, l’échelon départemental, voire régional semble préférable.

§ II – Les difficultés dans l’application de l’autorisation délivrée

3114 – Le chantage, source de blocage majeur. – Dans les villes compactes, la multiplication des recours contre les décisions d’urbanisme est devenue une « source de blocage majeur de la mobilisation du foncier privé »191. À côté de citoyens entendant simplement défendre leur « bon droit » sans arrière-pensées mercantiles, d’autres, s’attaquant principalement aux autorisations de construire des immeubles collectifs d’habitation ou de bureaux, voient dans l’action judiciaire un moyen de chantage rémunérateur192 (A). Les pouvoirs publics cherchent depuis quelques années des solutions à ce problème (B).

A/ Le mécanisme du chantage

3115 – Un équilibre des droits à trouver. – Pour les citoyens subissant un préjudice lié à une autorisation d’urbanisme irrégulière, l’accès au juge relève des droits constitutionnels193. Les droits fondamentaux garantissent également la possibilité offerte au propriétaire de valoriser son terrain par l’utilisation d’une autorisation d’urbanisme régulière. Dès lors, aux yeux des pouvoirs publics, les droits de tous sont respectés au moment même où, en dernière instance, le juge détermine le caractère régulier ou irrégulier de l’autorisation d’urbanisme. Cependant, cet axiome ne tient que dans l’absolu, avec une justice prenant position sans retard.

3116 – Les délais judiciaires, source de déséquilibre et cause du chantage. – Dans la pratique, les délais judiciaires sont tels qu’ils déséquilibrent le bel ordonnancement théorique, toujours en faveur de celui qui s’attaque à la décision donnant des droits à construire, et, par conséquent, au détriment du pétitionnaire de l’autorisation d’urbanisme. Certains l’ont compris et intentent une action en justice contre une autorisation qu’ils savent régulière, soit pour gagner du temps sur la construction gênante, soit pour négocier des contreparties financières avec le titulaire du permis. Ce dernier, ayant le plus souvent déjà fait des investissements conséquents dans l’ingénierie du dossier, redoute tellement l’importance prévisible du retard de son projet qu’il accepte régulièrement de céder au chantage194.

Ainsi, dans les avant-contrats de vente de terrains à bâtir portant sur des immeubles collectifs, au titre de la condition suspensive d’obtention d’une autorisation d’urbanisme purgée de recours et de retrait195, la formule prévoyant une période de maintien de la validité de la promesse en cas de recours, le temps de négocier avec les requérants, devient une clause de style.

B/ Les solutions possibles

3117 Le problème est d’une telle importance et dure depuis tellement longtemps que les pouvoirs publics ont essayé de faire bouger les lignes, malheureusement de manière insuffisante (I). C’est pourquoi il convient de proposer de nouvelles avancées (II).

I/ Des avancées insuffisantes

3118 Les progrès provenant tant du législateur (a) que de la justice (b) restent insuffisants.

a) Des avancées législatives

3119 – Le rapport « Labetoulle ». – Dans le prolongement de travaux antérieurs196, le rapport « Labetoulle »197, rendu au ministre de l’Égalité des territoires et du Logement le 25 avril 2013, a émis plusieurs préconisations afin de mieux équilibrer les droits des titulaires d’autorisations de construire et des requérants les attaquant.

3120 – L’ordonnance du 18 juillet 2013. – L’ordonnance du 18 juillet 2013198, prise dans le but d’accélérer le règlement des litiges dans le domaine de l’urbanisme et de prévenir les contestations dilatoires ou abusives, a repris plusieurs préconisations du rapport « Labetoulle », en visant à encadrer l’intérêt à agir des tiers (i), et en créant un recours indemnitaire à l’encontre des recours abusifs (ii).

i) L’encadrement de l’intérêt à agir des tiers et de leur délai d’action

3121 – La notion d’intérêt à agir. – Pour lutter contre les habitudes très libérales des tribunaux administratifs, l’ordonnance du 18 juillet 2013 a redéfini de manière stricte la notion d’intérêt à agir des tiers à l’encontre des autorisations d’urbanisme. Dorénavant, un tiers199n’est recevable à former un recours pour excès de pouvoir contre une autorisation d’urbanisme que dans les cas où « la construction, l’aménagement ou les travaux sont de nature à affecter directement les conditions d’occupation, d’utilisation ou de jouissance du bien » sur lequel il bénéficie d’un droit de propriété actuel ou futur, ou d’occupation régulière (C. urb., art. L. 600-1-2). Le pétitionnaire doit désormais préciser l’atteinte invoquée pour justifier d’un intérêt à agir, en faisant état d’éléments précis et étayés200.

Sauf circonstances particulières, l’intérêt à agir s’apprécie à la date de l’affichage de la demande du pétitionnaire en mairie et non plus à la date de l’introduction du recours201.

3122 – Le délai pour déposer les pièces. – La loi Égalité et citoyenneté202a prévu un principe de caducité de la requête lorsque, sans motif légitime, le requérant ne produit pas les pièces nécessaires au jugement dans un délai de trois mois à compter de la requête ou dans le délai imparti par le juge (C. urb., art. L. 600-13). Cette disposition est la bienvenue, les justiciables pressés ressentant comme un supplice les procédés dilatoires tels que l’envoi des pièces au compte-gouttes. Ainsi, le requérant n’est pas privé de son droit, mais il est en revanche forcé de l’exercer dans des délais raisonnables, sans abuser des artifices de procédure.

ii) Le recours indemnitaire à l’encontre des recours abusifs

3123 – Un premier pas certes, mais seulement un premier pas… – L’article L. 600-7 du Code de l’urbanisme, fruit de l’ordonnance du 18 juillet 2013, a introduit dans la législation française un recours indemnitaire à l’encontre des recours abusifs écartés par les juridictions administratives. Le titulaire de l’autorisation d’urbanisme attaquée par un recours qu’il estime dilatoire et/ou abusif a la faculté de saisir le juge administratif d’un mémoire distinct de sa défense sur le fond du litige, réclamant la condamnation du requérant à lui allouer des dommages et intérêts en raison du préjudice que le recours lui fait subir.

Cette action indemnitaire s’est substituée à la simple amende, limitée à 3 000 €, à laquelle le juge pouvait auparavant condamner le requérant. Ce premier pas est important mais insuffisant, tant au regard des conditions imposées (1) que de la cible visée (2).

a – Les conditions du recours

3124 – Comme au poker. – Le recours indemnitaire ne prospère que lorsque le droit de former un recours pour excès de pouvoir contre l’autorisation d’urbanisme a été mis en œuvre dans des conditions excédant la défense des intérêts légitimes du requérant et causant un préjudice excessif au bénéficiaire du permis203.

Qu’est-ce qu’un préjudice excessif ? Quelles sont les conditions excédant la défense des intérêts légitimes ? L’opacité du vocabulaire employé offre une très grande liberté d’appréciation aux juges, s’agissant tant du principe de la condamnation que du quantum de la réparation. Il revient en outre au titulaire de l’autorisation, au moyen d’un mémoire distinct de celui par lequel il défend la validité de son permis, d’apporter les preuves de l’existence et de l’importance de son préjudice, ainsi que du caractère abusif de la requête de son opposant.

Ce texte distribue une carte de plus dans la partie de poker menteur jouée entre le promoteur et le « maître chanteur », mais sans fondamentalement changer les règles du jeu. Le titulaire de l’autorisation de construire est à présent dans l’incertitude sur ce qu’il aurait à gagner à laisser la justice suivre son cours, mais il sait toujours ce qu’il a à perdre à ne pas négocier. Comme tout bon joueur de poker, son adversaire lit facilement dans les pensées du promoteur. L’article L. 600-7 du Code de l’urbanisme pourra faire peur aux « joueurs amateurs », mais il y a fort à parier qu’il n’effraiera pas longtemps les professionnels du recours204.

Seules des décisions jurisprudentielles très sévères, inédites à ce jour, pourraient changer la donne.

3125 – Une présomption d’intérêt légitime… pour les associations. – Le dernier alinéa de l’article L. 600-7 du Code de l’urbanisme prévoit qu’une association régulièrement déclarée et ayant pour objet principal la protection de l’environnement est présumée agir dans les limites de la défense de ses intérêts légitimes. Il n’est pas précisé si cette présomption est simple ou irréfragable. Pour autant, il est facile de voir dans cette disposition une sorte de message subliminal appelant à une certaine mansuétude à l’égard des pétitionnaires « pots de terre » contre les promoteurs « pots de fer ».

b – La cible de l’action

3126 – Un tir à côté de la cible. – Si l’article L. 600-7 du Code de l’urbanisme vise les opposants aux projets d’urbanisme « jusqu’au-boutistes » ou « mafieux », il passe à côté d’une partie de sa cible.

En effet, une partie importante des requérants prêts à tout pour aller au bout des procédures judiciaires est d’ores et déjà constituée en associations de protection de l’environnement (C. env., art. L. 141-1). Du fait de la présomption leur profitant, ces associations devraient ainsi pouvoir continuer à attaquer impunément tous les permis délivrés dans leur zone. Au pire, elles subiront la construction finale mais avec retard ; au mieux, elles l’empêcheront.

Quant aux opposants de type mafieux, ils n’entendent par définition pas aller au bout de la procédure judiciaire. Au contraire, leur objectif principal réside dans l’abandon de leur recours contre indemnité. Ainsi, l’article L. 600-7 ne les vise qu’indirectement, en donnant à leur opposant un argument dans la négociation205.

b) Des avancées de la justice

3127 – Des avancées en matière de temps. – Eu égard à l’importance des enjeux, la juridiction administrative a fait de gros efforts pour raccourcir la durée des contentieux en matière d’urbanisme et d’aménagement. Le délai moyen au niveau national a été ramené à moins de deux ans206. C’est encore trop, surtout avec plusieurs degrés de juridiction207.

Parallèlement, la juridiction administrative a réduit ses stocks de contentieux en instance208. Les auteurs du rapport « Goldberg » s’en félicitent et y voient les premiers fruits des mesures de 2013, tout en regrettant que les acteurs de la construction ne partagent pas leur ressenti. Il reste à se demander si ce différentiel de perception ne tient pas à ce que l’amélioration toucherait numériquement les permis de construire de maisons individuelles, laissant le problème se concentrer sur les programmes collectifs, moins nombreux mais présentant des enjeux financiers beaucoup plus importants209.

3128 – Très peu d’avancées en matière d’argent. – Certains promoteurs voyaient dans l’article L. 600-7 du Code de l’urbanisme la fin de leurs tourments relatifs aux recours abusifs. Il ne leur fallut pas longtemps pour déchanter, le juge administratif estimant fréquemment que le recours n’était pas mis en œuvre dans des conditions excédant la défense des intérêts légitimes du requérant210, ou que le préjudice ne présentait pas de caractère excessif211.

Cet article avait bien été appliqué par le juge administratif de Bordeaux212, mais le jugement avait limité l’attribution de dommages et intérêts à une somme de 4 000 €.

Une décision leur redonne espoir pourtant. Par jugement du 17 novembre 2015, le tribunal administratif de Lyon a condamné les requérants au paiement d’une somme de 82 700 €213. Motivé par un intérêt à agir lacunaire, affaibli par une production de pièces utiles si tardive qu’elle en avait provoqué un report d’audience, fondé sur des moyens inopérants ou faiblement argumentés, le recours a été jugé abusif au sens de l’article L. 600-7 du Code de l’urbanisme. Le montant des dommages et intérêts a été évalué en tenant compte du préjudice matériel, le tribunal administratif retenant notamment le coût de portage financier, les coûts liés à la hausse du taux de TVA ou les pertes de revenus locatifs214. Cet arrêt ressemble cependant à un îlot perdu au milieu de l’océan.

II/ De nouvelles propositions

3129 Le rapport Goldberg contient d’autres propositions permettant d’améliorer encore le traitement des recours (a). Ces préconisations n’ont pas été suivies d’effet ou correspondent à des vœux pieux. Il est pourtant urgent de trouver des solutions plus radicales. Le rapport Maugüé les propose (b).

a) Les propositions évoquées dans le rapport Goldberg

3130 – Le vœu pieux de la médiation. – Afin de favoriser les règlements amiables, le rapport Goldberg entend également obliger les tribunaux administratifs à informer les parties sur l’intérêt et l’objet de la médiation et à leur proposer d’y avoir recours. De telles propositions sont sans doute opportunes à l’égard d’une population de bonne foi. Elles semblent en revanche vouées à l’échec lorsqu’elles visent un public « jusqu’au-boutiste » ou à visée indemnitaire, pouvant même feindre de se laisser tenter pour gagner un peu de temps avant de repartir sur la voie contentieuse.

3131 – Le refus d’une mesure plus radicale. – Le rapport Goldberg évoque la possibilité de créer une procédure devant le juge des référés, souvent réclamée par certaines personnes auditionnées dans le cadre de la mission. Cette proposition n’a pas été retenue jusqu’à présent au motif qu’elle encombrerait des tribunaux déjà surchargés, ne rendrait pas une décision en dernier ressort et aurait peu de chance de dissuader le requérant de prolonger son recours au fond215.

b) Le rapport Maugüé : des propositions plus radicales

3132 – Et pourtant, le référé… – Le 11 janvier 2018, Mme Christine Maugüé, conseillère d’État, a rendu un nouveau rapport216procédant à l’évaluation des dispositions existantes en termes de lutte contre les recours abusifs dans le champ de l’urbanisme et proposant vingt-trois mesures d’amélioration.

Il est bien évidemment trop tôt pour savoir quelles seront les dispositions finalement adoptées dans la loi « Évolution du Logement et Aménagement Numérique » (ELAN) actuellement en préparation. Mais il est intéressant de noter les quatre objectifs visés par ces mesures, savoir :

réduire les délais de jugement ;

consolider les autorisations existantes ;

accroître la stabilité juridique des constructions achevées ;

et améliorer la sanction des recours abusifs.

L’axe de proposition le plus emblématique est assurément d’imposer à la juridiction administrative un délai de dix mois, tant en première instance qu’en appel, pour juger des autorisations d’urbanisme permettant la construction de logements collectifs217en zone tendue. Il fait peser l’effort de lutte sur les juges administratifs218et raccourcit le temps de la justice.

D’autres mesures bienvenues sont prévues, comme la cristallisation automatique des moyens au bout de deux mois à compter de la communication aux parties du premier mémoire en défense, la mise en place d’un sursis à statuer judiciaire en vue d’une régularisation lorsque les conditions en sont remplies ou encore l’obligation pour un requérant dont le référé-suspension219serait rejeté pour défaut de moyen sérieux, de confirmer le maintien de son recours au fond sous peine de désistement d’office.

Enfin, il a été prévu de réécrire l’article L. 600-7 du Code de l’urbanisme pour faciliter la sanction des recours abusifs, notamment en supprimant la notion de préjudice excessif et en substituant les « conditions qui traduisent un comportement déloyal de la part du requérant » aux « conditions excédant la défense des intérêts légitimes ».

À cet égard, il nous semble dommage que le groupe de travail n’ait pas eu l’audace de réclamer la mise en place, à l’initiative du titulaire de l’autorisation d’urbanisme, d’un référé défensif empruntant les caractéristiques du référé-suspension. Le juge des référés qui aurait ainsi donné un premier avis favorable sur la légalité de l’autorisation d’urbanisme, aurait en quelque sorte servi à inverser la charge de la preuve quant au comportement loyal ou déloyal du requérant. Défait en référé, ce requérant serait peut-être sensible au risque encouru par lui d’une condamnation importante s’ils s’obstinait dans sa lutte220contre une autorisation d’urbanisme présumée valable.

Ce processus peut paraître machiavélique221, mais l’objectif de réduction de l’incertitude juridique pesant sur les projets de construction et de prévention des recours abusifs susceptibles de décourager les investissements est quant à lui d’intérêt général, ainsi que vient de le juger le Conseil constitutionnel222.

3133 – Les assurances. – À défaut pour ce « plan de la dernière chance » de fonctionner enfin, il semble qu’il ne restera plus que la voie de l’assurance.

En effet, désespérés de ne pas trouver une solution judiciaire convenable, certains promoteurs se tournent vers les assurances, garantissant à prix d’or le remboursement de tous les individus ayant acquis des biens en l’état futur d’achèvement pendant la procédure judiciaire, en cas de permis finalement jugé illégal. Ce montage est fondé sur une étude très stricte du dossier contentieux, généralement menée par des cabinets d’avocats spécialisés. Lorsque le risque est estimé négligeable, l’assurance apporte sa caution au programme immobilier. Bien sûr, eu égard aux sommes engagées, cette assurance est réservée aux promoteurs les plus puissants223.

Il est certain que le problème doit trouver rapidement une solution durable. À défaut, il risque d’être un frein rédhibitoire à l’urbanisme sur-mesure dont le pays a besoin.

Section II – Pour un urbanisme sur-mesure

3134 – Du l’urbanisme prêt-à-porter au sur-mesure. – Longtemps, les terrains constructibles apparaissaient tellement abondants que leur gestion relevait de la gestion du gros, plus quedu détail. Mais les règles propres à gérer convenablement un urbanisme prêt-à-porter ne fonctionnent plus avec la densification, quand il s’agit d’économiser chaque chute de terrain avec la précision du sur-mesure. Aujourd’hui, la rigidité des textes empêche les élus de s’adapter à chaque contexte, alors que la qualité urbaine dépend d’arbitrages très fins.

L’armature actuelle de notre réglementation freine également l’imagination des concepteurs. Pourtant, il est nécessaire d’inventer de nouveaux concepts conciliant des objectifs contradictoires, tels que la densité et la verdure ou la concentration et l’espace.

3135 – La règle au service du projet. – Un concept permet de répondre aux besoins locaux d’adaptation. Il est résumé par la formule suivante : « Il n’appartient plus au projet de se contraindre à la règle, mais à la règle d’être au service du projet »224.

Ce concept se matérialise sous deux formes différentes, intimement liées entre elles : l’urbanisme de projet (Sous-section I) et l’urbanisme négocié (Sous-section II).

Sous-section I – Pour un urbanisme de projet

3136 Il est nécessaire d’appréhender le concept d’urbanisme de projet (§ I), avant d’analyser l’ampleur de ce qu’il permet, par l’exemple du Grand Paris (§ II).

§ I – Le concept de l’urbanisme de projet

3137 – Un urbanisme de projet trop étriqué. – Même si le sujet est évoqué depuis un certain temps225, il n’existe aucune définition de l’urbanisme de projet. Si l’on s’en tient au rapport rendu à M. Benoist Apparu sur le sujet le 27 mai 2011226, cet urbanisme de projet pourrait ne correspondre qu’à une inflexion du PLU, appelé à retrouver sa vocation d’être le garant du projet de territoire, plutôt qu’un document de plus en plus volumineux définissant avec de multiples détails la manière d’utiliser le sol.

À l’aune de cette vision restrictive, la définition de l’urbanisme de projet semble trop étriquée227. Il ne s’agirait alors que d’une nouvelle retouche du PLU, visant son énième simplification228et sa restriction aux seules règles strictement nécessaires à la réalisation du projet de territoire exprimé dans le projet d’aménagement et de développement durable (PADD). Quelle serait sa plus-value par rapport à ce PADD229et aux orientations d’aménagement et de programmation (OAP)230, qui sont déjà des outils d’un urbanisme de projet ?

3138 – Pour un urbanisme de projet permettant la flexibilité des règles. – Certes, un assouplissement des conditions de rédaction du règlement du PLU est utile, en ce qu’il confère un pouvoir plus grand aux élus locaux dans la définition des règles applicables au territoire communal231, comme la possibilité pour certaines parties du territoire communal de ne pas faire l’objet de règles écrites (C. urb., art. R. 151-8).

Mais il ne doit en rien empêcher d’autres avancées, comme augmenter de manière générale la flexibilité dans l’application du PLU. Il est peu probable que prospère l’idée de considérer les normes édictées par le PLU comme de simples directives à caractère indicatif232. En revanche, revenir sur le tabou interdisant à l’administration d’octroyer des dérogations aux projets bloqués par des difficultés non envisagées au moment de l’édiction de la règle d’urbanisme donnerait une véritable bouffée d’oxygène au système233, lorsqu’ils sont compatibles avec le projet d’ensemble de la zone concernée234.

3139 – Une PIL déchargée. – Une vision encore plus extensive de l’urbanisme de projet consiste à permettre une procédure simplifiée et rapide de modification des règles d’urbanisme locales incompatibles avec un projet d’intérêt général. Le projet voulu par la collectivité publique justifie une dérogation dans le circuit si compliqué de réformation des textes d’application locale. Le projet est le vecteur déclenchant de la modification de la norme.

Ces outils existent : il s’agit de la déclaration de projet (C. urb., art. L. 300-6)235et de la procédure intégrée pour le logement dite « PIL » (C. urb., art. L. 300-6-1), étendue également à l’immobilier d’entreprise236.

L’une et l’autre sont appliquées de temps en temps, mais sans doute moins qu’escompté par leurs créateurs.

La PIL concerne une opération de construction d’intérêt général appelant une mise en compatibilité de documents d’urbanisme et devant concourir à la mixité sociale. Elle permet de mettre en compatibilité plusieurs documents d’urbanisme conjointement. Le retour d’expérience est décevant237. En effet, les services appelés à manipuler la PIL le font avec une prudence telle qu’elle la rend inopérante. Vue comme une procédure dérogatoire appelée à ne s’appliquer qu’à certaines opérations de logement dans un contexte particulier ne nécessitant l’évolution de documents d’urbanisme que sur des points restreints, la PIL est très peu utilisée. Le peu de recul en matière de jurisprudence quant à la justification de l’intérêt général n’invite pas non plus à l’emballement.

Toutes proportions gardées, s’agissant d’un projet hors normes, l’adaptation des dispositions législatives et réglementaires au projet du Grand Paris va dans le sens de cet urbanisme de projet.

§ II – L’exemple du Grand Paris

3140 – Le pari du Grand Paris. – Si Paris est la capitale française d’aujourd’hui, le Grand Paris entend déjà répondre au défi de la ville de demain au niveau mondial. Projet d’aménagement à l’échelle d’une agglomération de douze millions d’habitants, il fait le pari d’améliorer le cadre de vie des habitants sur un modèle durable, tout en corrigeant les inégalités territoriales.

Dans sa phase opérationnelle, le projet du Grand Paris repose sur la rénovation et le développement d’un réseau de transport public de voyageurs pour la région Île-de-France, et sur l’émergence de véritables projets urbains tout au long de ce tracé de transport. Ainsi, de nouveaux quartiers sont appelés à accueillir, principalement autour des gares, des fonctionnalités multiples mêlant logements et activité économique, pôles universitaires et équipements culturels238. Des quartiers isolés seront désenclavés, dans la logique d’un meilleur équilibre entre l’est et l’ouest, Paris et sa banlieue, territoires riches et pauvres.

La lutte contre le dérèglement climatique fait également partie intégrante du projet, ainsi qu’une moindre consommation de tout ce qui n’est pas renouvelable, la protection des espaces naturels et l’idée d’une proximité aux services essentiels.

3141 – Un exemple atypique. – Les gouvernements successifs et les collectivités territoriales portent ensemble la réalisation de cet ambitieux projet de modernisation et de développement depuis des années. Mais la législation n’était pas compatible avec une réalisation efficace et rapide d’un projet faisant consensus. Qu’à cela ne tienne, il suffit d’adapter la norme au projet. Dans le cas du Grand Paris, la norme évolutive est législative. Ainsi, depuis 2010, huit lois ont créé le Grand Paris puis l’ont impacté directement. Plusieurs articles du Code des transports et du Code général des impôts lui ont été dédiés239. Les particularités provenant de ces lois diverses donnent à penser qu’il y a un droit de l’urbanisme parisien différent de celui du reste du pays240. Ainsi, cet exemple est totalement atypique241. Il est pourtant révélateur d’un constat important : lorsque le projet le mérite, la règle peut changer pour lui donner les moyens de prospérer. Il en serait de même à plus petite échelle avec un urbanisme négocié.

Sous-section II – Pour un urbanisme négocié

3142 L’urbanisme de projet est le marchepied vers l’urbanisme négocié, de plus en plus prôné pour la production d’un foncier constructible242. L’urbanisme négocié se différencie de l’urbanisme de projet en ce qu’il correspond à une contractualisation des relations entre l’administration et ses interlocuteurs. Cette contractualisation existe d’ores et déjà dans le cadre d’un urbanisme concerté (§ I), qu’il faudrait dépasser pour aboutir à un véritable urbanisme négocié (§ II).

§ I – L’urbanisme concerté

3143 – Une contractualisation encadrée. – La contractualisation dans le cadre d’un urbanisme concerté laisse le pouvoir de décision à la collectivité et vise essentiellement au financement d’équipements publics. Ainsi, l’aménagement étant une prérogative de puissance publique, l’autorisation du projet d’urbanisme reste toujours de la compétence administrative. L’aménageur bénéficiaire d’une concession d’aménagement ne fait que réaliser un projet décidé par la collectivité avec laquelle il contracte et ayant d’ailleurs souvent fait l’objet de décisions unilatérales d’urbanisme243.

Le projet urbain partenarial (PUP) est de cette même veine contractuelle, limité à l’urbanisme concerté et s’arrêtant aux confins de la négociation. Les premiers projets de rédaction de la loi le concernant prévoyaient une contractualisation sur l’évolution des documents d’urbanisme. Mais, le Conseil d’État ayant manifesté sa désapprobation, le PUP est resté la convention financière que l’on connaît, même s’il est évident qu’il engendre des négociations et que les préoccupations d’urbanisme n’en sont jamais éloignées. Les retours d’expérience sont plutôt positifs quant à ces PUP244, même si la question du sort des espaces collectifs pose souvent difficultés.

3144 – Les SEMOP. – La société d’économie mixte à opération unique (SEMOP)245peut également être un outil de coopération entre le secteur public, représenté par une collectivité ou un groupement de collectivités locales détenant entre 34 % et 85 % du capital social, et le secteur privé, constitué d’un ou plusieurs opérateurs économiques détenant entre 15 % et 66 % du capital. La compétition entre promoteurs ou aménageurs n’a pas lieu pour l’attribution d’un contrat, mais en amont, pour la sélection des partenaires privés de la collectivité publique. Ce type de partenariat paraît d’autant plus propice à la qualification d’urbanisme concerté que la SEMOP n’a vocation à exécuter que le seul et unique objet du contrat attribué par la personne publique. En cas d’opération de construction d’un programme de logements par exemple, la société sera dissoute dès la réalisation de son objet.

3145 – La concertation citoyenne. – La concertation n’est pas l’apanage des acteurs directs de l’urbanisme. La population est prête à accepter l’adaptation des règles du paysage urbain, dès lors qu’elle a lieu en concertation avec les habitants, et qu’elle recherche un équilibre entre mutation raisonnée et caractère du quartier. Indépendamment de toutes les règles d’urbanisme, dont elle n’a d’ailleurs souvent pas une connaissance précise, elle cherche surtout à éviter les transformations brutales et sans transition. À cet égard, elle est demanderesse d’implication.

L’ordonnance du 3 août 2016246démocratise le dialogue environnemental. En ouvrant la prise de décision à la participation du public, elle cherche à lui donner une légitimation démocratique.

De plus en plus de projets sont ainsi soumis à la concertation de la population, quand ils ne sont pas « coproduits » avec les usagers247.

§ II – L’urbanisme réellement négocié

3146 – L’urbanisme, un pouvoir de police administrative. – Les professionnels sont demandeurs d’une administration autorisée à négocier directement avec eux, comme cela se pratique parfois à l’étranger248.

Mais l’urbanisme constitue un pouvoir de police administrative. Ainsi, l’autorité compétente pour délivrer une autorisation d’urbanisme ne peut contracter avec un promoteur en dehors des cas prévus par la loi, et s’engager à lui délivrer un permis d’aménager ou de construire en contrepartie d’avantages pour la collectivité249.

Dès lors, les outils contractuels tolérés demeurent modestes et d’application limitée. Il s’agit principalement de conventions et de chartes conclues entre les collectivités locales et les professionnels ou les propriétaires. Malheureusement, sans doute soucieuses de contracter au mieux des intérêts des citoyens qu’elles représentent, les collectivités se montrent souvent très exigeantes. Ainsi, la plupart de ces chartes ou conventions reposent sur une série d’obligations contraignantes. La conception des bâtiments, leur insertion dans l’environnement, leur commercialisation mais également leur densité sont alors contrôlées par la puissance publique250. Quant aux promoteurs, il n’est pas toujours facile de leur faire comprendre que ces contrats ne sont pas conçus pour leur permettre de dépasser les limites réglementaires !

L’une des objections majeures à une réforme en profondeur du droit de l’urbanisme vers une contractualisation semblant pourtant de nature à faciliter la densification est la crainte de l’arbitraire. Un changement de l’échelon décisionnaire quant à la délivrance des autorisations d’urbanisme serait peut-être de nature à aplanir en partie cette inquiétude.

3147 – La négociation sans texte. – Plus que tous les outils juridiques créés ces dernières années, il apparaît que la meilleure matière première de l’urbanisme négocié est encore le discours permanent basé sur la confiance que certains promoteurs et aménageurs parviennent à nouer avec les élus sur certains projets ciblés. Les premiers accords de discussion, sous forme de « conventions d’objectifs » ou de « conventions de partenariat », échappent à la loi des marchés publics. Après des mois de mise au point en commun, de concertations, d’efforts réciproques pour faire coïncider des calendriers souvent différents, la loi MOP ne gêne pas les prises de décisions finales251.


157) H. Jacquot, Droit de l’urbanisme, Dalloz, 1989.
158) J. Gracq, Le rivage des Syrtes, éd. José Corti, 1951.
159) CE, avis, 1re et 4e ss-sect. réunies, 17 janv. 1997 : Rec. CE 1997, n° 183072.
160) Elle désigne « des procédures de planification spatiale ayant pour objet de définir les grandes orientations à long terme (vingt ou vingt-cinq ans) de l’aménagement des territoires qu’elles concernent » : H. Jacquot et F. Priet, Droit de l’urbanisme, Dalloz, coll. « Précis », 6e éd. 2008, n° 147.
161) L. n° 2000-1208, 13 déc. 2000, relative à la solidarité et au renouvellement urbains : JO 14 déc. 2000, ayant utilement substitué de nouveaux outils à ceux créés par la loi n° 67-1253 du 30 décembre 1968, d’orientation foncière (LOF) : JO 3 janv. 1968.
162) 112e Congrès des notaires de France, Nantes, 2016, 2e commission, p. 493 à 519. – 104e Congrès des notaires de France, Nice, 2008, 1re commission, p. 19 à 80.
163) Principe d’équilibre entre le renouvellement urbain, le développement urbain maîtrisé, le développement de l’espace rural et la préservation des espaces naturels et des paysages ; principe de diversité des fonctions urbaines et de mixité sociale ; principe de respect de l’environnement.
164) Au 31 décembre 2016, 463 SCoT étaient approuvés, couvrant ainsi 57 % de la population. En y ajoutant les SCoT en cours d’approbation ou en projet, la couverture globale montait à plus de 80 % de la population française et 76,5 % des communes : Droit de l’Aménagement, de l’Urbanisme, de l’Habitat, Le Moniteur, 2017, p. 201.
165) Depuis le 1er janvier 2017, et sauf dérogation préfectorale, le principe de l’urbanisation limitée en l’absence de SCoT s’applique à toutes les communes non couvertes par un SCoT (C. urb., art. L. 142-4).
166) 104e Congrès des notaires de France, Nice, 2008, 1re commission, p. 25.
167) Rapp. n° 010656-01, 7 juin 2017 : www.cgedd.developpement-durable.gouv.fr.
168) Par ex. : L. n° 2003-590, 2 juill. 2003, dite « Urbanisme et habitat » : JO 3 juill. 2003. – L. n° 2006-436, 14 avr. 2006, relative aux parcs nationaux, parcs naturels marins et parcs naturels régionaux : JO 15 avr. 2006. – L. n° 2014-366, 24 mars 2014, dite « loi ALUR » : JO 26 mars 2010.
169) C. urb., art. L. 122-1 et s. du 1er avril 2001 au 13 janvier 2011 ; C. urb., art. L. 122-1-1 et s. du 13 janvier 2011 au 1er janvier 2016 ; C. urb., art. L. 141-1 et s. depuis le 1er janvier 2016.
170) L. n° 2015-991, 7 août 2015, portant organisation territoriale de la République : JO 8 août 2015.
171) Rapp. n° 010656-01, préc., p. 24.
172) Traitant au sein d’un même document les questions d’urbanisme et d’habitat.
173) Un promoteur interrogé dans le cadre de la préparation du présent rapport était ainsi persuadé que le PLU-H lyonnais n’était pas le plan local d’urbanisme et d’habitat, mais la huitième version du PLU (après les PLU-A-B-C-D-E-F et G)…
174) PE et Cons. UE, dir. n° 2014/52/UE, 16 avr. 2014, modifiant la directive n° 2011/92/UE concernant l’évaluation des incidences de certains projets publics et privés sur l’environnement. Instauré en 2012, le tableau en découlant a déjà été modifié douze fois !
175) P. Dupuis, Le contenu du plan local d’urbanisme en voie de modernisation : JCP N 2016, n° 5, act. 235.
176) A. Cocquière, Généralités, in Droit de l’Aménagement, de l’Urbanisme, de l’Habitat, Le Moniteur, 2017, p. 105.
177) C’est par exemple le cas de Rennes Métropole ayant traduit son obligation de densification dans son SCoT. Par le concept de « ville archipel », l’aire urbaine est traitée comme une île entourée d’un océan de nature et de terres agricoles à préserver. L’urbanisation linéaire qui ferait se rejoindre les communes de périphérie au centre-ville est exclue.
178) Et les parties des SCoT à dominante politique sont plus souvent incantatoires que suivies d’effet (rapp. préc., p. 20).
179) Selon une circulaire du ministère de l’Environnement du 18 juin 1980 sur « la pathologie des POS » (non publiée), « la continence doit être la règle en matière de réglementation ».
180) F. Wellhoff et J.-M. Pérignon : « Beaucoup d’articles 11 décrivent de manière précise la maison “traditionnelle” à laquelle il est demandé de ne pas déroger » : Influence sur la qualité architecturale de la réglementation issue des documents d’urbanisme : du bon usage de l’article 11 des plans locaux d’urbanisme, CGEDD/JGAP, mars 2010, p. 16.
181) Urbanisme – La modernisation du PLU, entre assouplissement et verdissement, Le Moniteur, 12 févr. 2016, p. 80.
182) Demande limitée à un délai d’un mois à compter de la réception ou du dépôt du dossier à la mairie, depuis le 1er octobre 2007 (C. urb., art. R. 423-38).
183) Rapport remis par J.-P. Duport, préfet de région, à S. Royal et S. Pinel le 3 avril 2015 : Accélérer les projets de construction – Simplifier les procédures environnementales – Moderniser la participation du public (consultable sur le site du ministère du Développement durable).
184) G. Laumet, L’obligation de motiver intégralement les décisions refusant des autorisations d’urbanisme : une fausse bonne idée aux conséquences contentieuses incertaines : Constr.-Urb. 2017, étude 8.
185) Comme de prévoir que les maires condamnés par la justice pour refus abusif d’autorisation de construire se voient retirer le pouvoir de délivrer ces autorisations.
186) Et ce, même si de l’autre côté du prisme il devient de plus en plus difficile de faire démolir une construction érigée de façon illégale (source : L’obligation de démolition devient l’exception : batiactu.com, 22 juin 2015).
187) On a ainsi vu des maires suspendre des projets pendant plusieurs mois pour ne les signer que le lendemain de leur réélection.
188) C’est notamment le cas lorsque les prix des appartements augmentent trop et trop vite.
189) Pour le cas typique d’un maire de banlieue lyonnaise condamné en appel en juin 2017 pour avoir refusé un permis de construire en juin 2014 : Terrain des Maraîchers : le tribunal donne raison au promoteur : Le Progrès 10 juill. 2017.
190) Cette perspective de transfert de la délivrance des autorisations d’urbanisme à l’intercommunalité effraie les élus locaux, au point que certains sénateurs craignaient qu’ils ne se montrent réticents à une participation active à la mise en place des PLUi : Les outils fonciers des collectivités locales : comment renforcer des dispositifs encore trop méconnus ?, Rapp. Sénat n° 1, F. Pillet, R. Vandierendonck, Y. Collin et Ph. Dallier, 1er oct. 2013, note de synthèse.
191) La formule provient d’un rapport d’information dit « rapport Goldberg » (Rapp. AN n° 3503, D. Goldberg, 16 févr. 2016, portant sur la mobilisation du foncier privé en faveur du logement. – Première partie, III, B). Selon la Fédération des promoteurs immobiliers, 28 000 logements seraient ainsi bloqués.
192) La formule provient également du « rapport Goldberg » préc. – Première partie, III, B, 1.
193) Le Conseil constitutionnel le rattache à l’article 16 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789. Une protection équivalente existe au titre de l’article 6 de la Convention européenne des droits de l’homme.
194) En pratique, plus qu’un retard de plusieurs années, c’est la viabilité même du projet qui est en cause, les conditions de commercialisation évoluant rapidement et les organismes financiers n’étant pas connus pour leur patience.
195) Permis de construire ou permis d’aménager.
196) Notamment le rapport « Pelletier », Propositions pour une meilleure sécurité juridique des autorisations d’urbanisme, remis au garde des Sceaux en janvier 2005, consultable sur le site www.ladocumentationfrancaise.fr, rubrique « Rapportspublics », n° 054000147.
197) Construction et droit au recours : pour un meilleur équilibre, rapport du groupe de travail créé autour de Me Daniel Labetoulle, avocat, par lettre du 11 février 2013 de Mme Cécile Duflot.
198) Ord. n° 2013-638, 18 juill. 2013, relative au contentieux de l’urbanisme : JO 19 juill. 2013, p. 12070, texte n° 24.
199) Autre que les personnes publiques ou une association.
200) CE, 10 juin 2015, n° 386121, Gino Brudel.
201) Pour éviter la constitution artificielle d’intérêt, par une prise à bail ou la signature d’un avant-contrat d’opportunité (C. urb., art. L. 600-1-3).
202) L. n° 2017-86, 27 janv. 2017 : JO 28 janv. 2017.
203) Le législateur a bien tenté récemment de supprimer le qualificatif « excessif » attaché au préjudice, mais le Conseil constitutionnel a sanctionné ce cavalier législatif sans lien suffisant avec la loi Égalité et citoyenneté du 27 janvier 2017 prévoyant cette initiative.
204) Or, les recours se font par voie d’avocats, étant par définition des professionnels.
205) Quant à l’intérêt dissuasif du nouvel article L. 600-8 du Code de l’urbanisme prévoyant l’obligation d’enregistrer auprès de l’administration fiscale les transactions par lesquelles un requérant met fin à un contentieux, il reste à démontrer.
206) Vingt-trois mois en première instance, selon le rapport « Goldberg » préc. Il faut cependant rajouter entre seize à dix-huit mois en appel et quatorze en cassation.
207) Il convient cependant de noter que le décret n° 2013-879 du 1er octobre 2013, relatif au contentieux de l’urbanisme, a supprimé à titre expérimental du 1er décembre 2013 au 1er décembre 2018 l’appel dans les zones dites « tendues ». – L’article R. 811-1-1 du Code de justice administrative qu’il a institué et dont la demande de suspension a été rejetée par le Conseil d’État (CE, réf., 23 déc. 2013, n° 373468) permet aux tribunaux administratifs de ces zones de statuer en premier et dernier ressort, sous réserve des pourvois en cassation au Conseil d’État.
208) Représentant entre un et deux ans d’activité en fonction des territoires, selon le rapport « Goldberg ».
209) Une étude calculant le nombre de logements bloqués conduirait sans doute à justifier le ressenti des promoteurs alors que seuls 1,4 % du total des permis accordés en 2014 ont fait l’objet de recours.
210) CAA Marseille, 16 oct. 2015, n° 14MA01001. – CAA Lyon, 3 nov. 2015, n° 14LY00610.
211) CAA Marseille, 20 mars 2014, n° 13MA02161.
212) TA Bordeaux, 16 avr. 2015, n° 1403072.
213) F. Angevin, Recours abusif contre un permis de construire : une condamnation dissuasive : www/lemoniteur.fr, 21 mars 2016.
214) En revanche, il n’a pas tenu compte de l’augmentation du coût de la construction ni du préjudice moral ou d’angoisse allégué par la partie attaquée.
215) « Son caractère opérationnel pour limiter les recours abusifs semble peu certain. En effet, un tiers qui dépose un recours contre un permis de construire pour espérer le ralentir, voire l’annuler, ne mettra sûrement pas un terme à la procédure engagée tant que le recours n’aura pas été jugé au fond, quand bien même un jugement en référé sur le sérieux de ses moyens lui aura donné tort » : rapport Goldberg, préc., Première partie, III, B, 2.
216) Intitulé « Propositions pour un contentieux des autorisations d’urbanisme plus rapide et plus efficace » (www.cohesion-territoires.gouv.fr).
217) Au sens de l’article R. 111-18 du Code de la construction et de l’habitation.
218) Sans sanction en cas de dépassement, mais « l’expérience montre que la juridiction administrative s’attache à respecter les délais qui lui sont fixés pour rendre ses décisions, même à titre indicatif ».
219) Ce référé-suspension ayant pour objectif d’obtenir la suspension des travaux commencés malgré l’attaque en justice contre l’autorisation d’urbanisme.
220) Potentiellement créatrice d’un fort préjudice pour sa victime.
221) Aux grands maux les grands remèdes, et le machiavélisme n’est-il pas salvateur s’il permet de lutter contre des personnes mal intentionnées ?
222) Dans sa décision n° 2017-672 QPC du 10 novembre 2017.
223) Ce montage est d’ailleurs rejeté par le Conseil supérieur du notariat en secteur protégé depuis une instruction du 25 juillet 2012, au motif que les ventes en l’état futur d’achèvement qu’il est censé protéger sont des actes solennels incompatibles avec le mécanisme résolutoire qu’il impose.
224) Ministère du Logement, à l’occasion de la parution du décret du 28 décembre 2015, relatif à la modernisation du contenu du plan local d’urbanisme : D. n° 2015-1783, 28 déc. 2015 : JO 29 déc. 2015.
225) Circ. 18 juin 1980 sur « la pathologie des POS », préc. : « La règle ne doit statuer que sur l’objectif souhaité et être ajustée à lui ».
226) Alors secrétaire d’État chargé du logement et de l’urbanisme, il avait missionné un an plus tôt un comité de pilotage sur le chantier intitulé « Pour un urbanisme de projet ».
227) « (…) l’outil PLU (…) paraît à même de porter un “urbanisme de projet”. C’est donc moins le droit du PLU que la pratique du PLU qui fait la difficulté. L’outil est bon mais a besoin d’une main adroite » : étude du GRIDAUH, La règle locale d’urbanisme en question : Constr.-Urb. 2011, n° 10, étude 12, p. 7.
228) Comme de prendre des règles qualitatives plutôt que quantitatives par exemple : étude du GRIDAUH, préc., p. 8.
229) Définissant les orientations générales pour le territoire couvert par le PLU.
230) Définissant des projets sur tel ou tel secteur.
231) Cet assouplissement est l’objet du décret n° 2015-1783 du 28 décembre 2015 : JO 29 déc. 2015.
232) Étude du GRIDAUH, préc., p. 9.
233) Ce ne serait pas historiquement incongru, la dérogation ayant été beaucoup employée dans les années 1950 et 1960. Une circulaire du 17 mars 1972 relative à l’application des règlements d’urbanisme érigeait même officiellement la dérogation en remède à la rigidité des plans d’urbanisme : Circ. 17 mars 1972 : JO 9 avr. 1972. – Malheureusement, la sur-utilisation de cette tolérance a fait naître un sentiment d’arbitraire et d’inégalité, ayant conduit à une loi du 31 décembre 1976 d’interdiction des dérogations autres que pour des adaptations mineures très encadrées.
234) Et, par conséquent, avec l’intérêt général.
235) Prévue par L. n° 2003-710, 1er août 2003 : JO 2 août 2003, pour permettre aux communes et aux établissements publics réalisant des opérations d’aménagement, notamment des opérations de rénovation urbaine, de disposer d’une procédure simple de mise en conformité des schémas de cohérence territoriale et des plans locaux d’urbanisme (PLU), lorsque ces documents n’avaient pas prévu l’opération, en se prononçant par une déclaration de projet sur l’intérêt général de l’opération.
236) Créée par Ord. n° 2013-888, 3 oct. 2013 : JO 4 oct. 2013.
237) Source : Journée PIL 15 nov. 2016 : paca.developpement-durable.gouv.fr.
238) Certaines voix s’élèvent déjà contre les injustices dans l’implantation des activités économiques nouvelles, doutant que le pourcentage des sites réservés aux PME correspondent aux 48 % qu’ils pèsent dans l’économie du pays : F. Lichentin, in Comprendre et anticiper la ville de demain, Les Entretiens du Cadre de Ville, CCI Paris Île-de-France, 17 oct. 2017.
239) Par ex. : L. n° 2010-597, 3 juin 2010, relative au Grand Paris : JO 5 juin 2010. – L. n° 2014-366, 24 mars 2014, pour l’accès au logement et un urbanisme rénové, art. 166 : JO 26 mars 2014. – L. n° 2017-257, 28 févr. 2017, relative au statut de Paris et à l’aménagement métropolitain, art. 57, 64 et 66 : JO 1er mars 2017.
240) À titre d’exemple, la commune de Paris va devenir une collectivité à statut particulier regroupant la commune et le département de Paris sous le nom de Ville de Paris, bénéficiant de compétences exorbitantes du droit commun : Bull. Cridon Paris 15 mars 2017, n° 6, Le transfert des compétences en matière de DPU dans le périmètre de la métropole du Grand Paris.
241) Y compris au niveau financier. Alors qu’il est si difficile de boucler les budgets, le projet devrait coûter aux collectivités publiques de l’ordre de trente milliards d’euros (Logement neuf : les raisons des chiffres records en Île-de-France : La Tribune 8 mars 2017), si ce n’est trente-cinq milliards d’euros (La facture très salée du Grand Paris : Le Parisien 15 sept. 2017), voire 38,5 milliards d’euros (Les coûts du Grand Paris Express dérapent de 13 milliards : Le Figaro 17 janv. 2018).
242) Notamment dans le rapport « Mobilisation du foncier privé en faveur du logement » rendu le 14 mars par D. Figeat, président de l’observatoire régional du foncier d’Île-de-France, à la ministre du Logement et au secrétaire d’État au budget.
243) Comme dans les zones d’aménagement concerté (ZAC) par exemple.
244) Ainsi, le PUP de la colline des Mathurins à Bagneux a permis l’aménagement d’une opération de seize hectares qui n’aurait sans doute pas pu voir le jour sans cet outil. Ce PUP a permis de financer trente classes réparties sur deux écoles, trois hectares de voirie et plus de deux hectares de parcs, pour un total dépassant les dix millions d’euros.
245) Créée par L. n° 2014-744, 1er juill. 2014 : JO 2 juill. 2014.
246) Ord. n° 2016-1060, 3 août 2016 : JO 5 août 2016.
247) Comme cela est présenté pour le projet des berges nord de l’île de Nantes.
248) En Allemagne notamment, la contractualisation de l’urbanisme existe : étude du GRIDAUH, Contrat et urbanisme, déc. 2014, p. 9.
249) F. Gillig, D’un urbanisme concerté à un urbanisme négocié ? : Constr.-Urb. 2016, n° 5, alerte 34.
250) R. Noguellou, La règle d’urbanisme et le PLU – Où se trouve la règle d’urbanisme ? : RFDA 2016, p. 872.
251) L. n° 85-704, 12 juill. 1985, relative à la maîtrise d’ouvrage publique et à ses rapports avec la maîtrise d’ouvrage privée : JO 13 juill. 1985.

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