CGV – CGU

Chapitre I – La végétalisation des villes

Partie I – Les villes compactes
Titre 3 – Les villes vertueuses
Sous-titre 2 – Les villes vertes
Chapitre I – La végétalisation des villes

3424 – Végétalisation de la ville, une conviction ou une mode ? – Comment ne pas être sensibilisé à la végétalisation de la ville de demain, à l’heure où, à grand renfort de communication, de nombreuses cités affichent leurs ambitions726 ? Les projets imaginés pour « Paris Smart City 2050 » en sont une parfaite illustration727. Alors, conviction véritable ou simple mode ? En toute hypothèse, ce phénomène traduit la volonté collective de répondre aux défis posés par la croissance urbaine et son empreinte écologique. En effet, si les plans locaux d’urbanisme tentent de préserver les zones naturelles728, la satisfaction des besoins immédiats supplante souvent le respect de l’environnement. Les villes sont menacées en raison des dérèglements climatiques, de la pollution de l’air et de l’eau (V. nos a3061 et s.). Les nouveaux écoquartiers constituent une réponse ambitieuse, adaptée aux enjeux. Ils représentent néanmoins une part infime des logements en ville. Ainsi, il faut œuvrer à partir du bâti existant.

Dans une acception large, la végétalisation est à la fois une réponse à une demande citoyenne, un levier de croissance économique et une piste de réflexion pour un nouveau modèle de ville verte. Mais, en pratique, de quoi s’agit-il vraiment ?

3425 – Définition de la végétalisation. – Pour le dictionnaire Larousse, la végétalisation est l’action de couvrir une surface de végétaux, notamment de plantes herbacées. Dans le contexte des réflexions menées sur la ville de demain, la végétalisation est définie comme une opération visant à augmenter la quantité de végétaux présents dans un espace donné, motivée par des objectifs environnementaux et d’amélioration de la qualité de vie en milieu urbain.

3426 – Le passé végétal. – La réussite de la végétalisation future implique la connaissance des expériences passées. Sous l’impulsion de Jean-Charles Alphand, directeur de la voie publique et des promenades de Paris, bras droit du baron Haussmann, des parcs, des bois et des squares ont été créés729ou remodelés730. À Paris, les avenues étaient plantées d’arbres. Cette nature bien ordonnée permettait des promenades dans un cadre esthétique et fournissait à la ville des lieux salubres et aérés. Les défis de demain sont différents : il s’agit de reconstituer un véritable écosystème en ville, ne se limitant pas aux espaces verts classiques, mais concernant également les façades, les toits et les rues. Au fond, une nature plus diffuse et mieux répartie.

3427 – La ville : un autre écosystème. – Les villes ont longtemps vécu en vase clos grâce à l’autonomie permise par le regroupement de toutes les fonctions vitales en leur sein. Cet écosystème urbain a lentement disparu en raison de la segmentation des différentes activités citadines. La multifonctionnalité favorise la réintroduction des diverses fonctions nécessaires au maintien de cet écosystème, le respect de la nature en constituant le terreau. Cette nature est source pour la ville de trois grands services écosystémiques : alimentaire, environnemental et culturel731. Elle devient ainsi multifonctionnelle. Alors que l’étalement urbain réduit toujours plus les zones agricoles et naturelles, le biomimétisme entre en scène, inversant le paradigme actuel. En s’inspirant de la nature, ce processus permet de reconnecter les villes à l’environnement732. Chacun tire profit de la proximité de l’autre. Ainsi, végétaliser ne se limite pas à verdir le gris existant. Il s’agit également d’une insertion pérenne de la biodiversité par l’offre de lieux de refuge, de repos, de nourrissage et de reproduction pour la faune. C’est un enjeu majeur des trames vertes et bleues porté par le Grenelle de l’environnement.

3428 – Un état des lieux symbolique d’une ville dense : Paris. – Le projet du Grand Paris va nécessairement accroître l’artificialisation de sols733. Or, Paris est déjà l’une des métropoles touristiques les moins vertes de la planète. À l’inverse, Singapour, Toronto et Vancouver sont parmi les plus verdoyantes au monde selon un indice virtuel de verdure récemment mis au point par un laboratoire du célèbre Massachusetts Institute of Technology (MIT)734. À Paris, chaque habitant dispose en moyenne de 5,8 mètres carrés de surface d’espaces verts. Avec le bois de Boulogne et le bois de Vincennes, cette surface atteint 14,4 mètres carrés. C’est beaucoup moins qu’à Amsterdam ou à Madrid où les surfaces d’espaces verts atteignent respectivement trente-six et soixante-huit mètres carrés par habitant. L’importante densité urbaine de Paris et son manque de terrains disponibles expliquent en partie ce résultat. Des reconversions de sites sont encore possibles735, mais il faudra dorénavant s’appuyer sur d’autres surfaces pour enraciner la végétalisation.

3429 Dans ce contexte, il convient d’insister sur les multiples enjeux de la végétalisation de la ville (Section I). Les obligations réglementaires et les initiatives privées favorisant la végétalisation méritent également une attention particulière (Section II). Enfin, un aperçu des autorisations préalables nécessaires s’impose (Section III).

Section I – Les multiples enjeux de la végétalisation de la ville

3430 La végétalisation des rues, des toits et façades des bâtiments, et de tout autre espace disponible en ville est une nécessité collective. L’identification des enjeux de la végétalisation permet le recensement d’une partie des maux dont souffre la ville compacte. La ville de demain est inconcevable sans une intégration accrue d’espèces végétales répondant aux enjeux environnementaux et sanitaires (§ I), patrimoniaux (§ II) et économiques (§ III).

§ I – Les enjeux environnementaux et sanitaires

3431 Les pays ayant participé à la conférence internationale de Paris sur le climat du 30 novembre au 12 décembre 2015 ont signé un accord contraignant pour contenir la hausse du réchauffement climatique planétaire en dessous de 2 °C (V. n° a3059). La végétalisation constitue une partie de la solution dont l’efficience dépend du traitement qualitatif et quantitatif des espèces et procédés employés736.

3432 – D’un îlot de chaleur à un îlot de fraîcheur. – À Paris, la nuit du 21 juin 2017 a été la plus chaude jamais enregistrée ce même mois depuis 1872. Le lendemain, les 37 °C relevés dans la capitale étaient de quatorze points supérieurs à la normale737. Le dérèglement climatique expose régulièrement la France à des pics de forte chaleur. Les urbains en sont les premières victimes, les villes engendrant des « îlots de chaleur » dans lesquels les températures s’élèvent plus qu’ailleurs et redescendent moins le soir, auto-alimentant le phénomène. En cause, la conception et les matériaux urbains emmagasinant la chaleur avant de la restituer dans l’atmosphère, les activités industrielles, la circulation routière et les climatiseurs. A contrario, le manque de végétation nuit au rééquilibrage des températures. À ce titre, la végétalisation des façades et des toits en complément des parcs publics est incontestablement bénéfique. L’air ambiant est rafraîchi et humidifié grâce à l’évapotranspiration des végétaux738. Au cours de la journée, la température d’une zone bénéficiant d’une canopée d’arbres matures est inférieure d’en moyenne 3 °C par rapport à une zone sans arbres739. Par ailleurs, un îlot de fraîcheur entraîne une diminution des besoins en climatisation, réduisant d’autant les sources de réchauffement climatique.

3433 – Pollution de l’air, captation du CO². – Les végétaux font partie des stratégies développées pour atténuer les températures, piéger les polluants de l’air et améliorer la santé de la population. Si les arbres sont connus pour capter le CO², d’autres espèces y contribuent également. L’imagination n’a pas de limite. Des entreprises ont ainsi développé une activité de production de murs végétaux à installer à l’intérieur des bâtiments740. Les bienfaits de l’amélioration de l’isolation et de l’hygrométrie de l’air ambiant profitent aux occupants.

Récemment, une colonne Morris d’un nouveau genre a été installée dans le 14e arrondissement de Paris. Il s’agit d’une colonne remplie d’eau dans laquelle croissent des millions de micro-algues fixant le gaz carbonique présent dans l’air. L’air purifié est ensuite expulsé vers l’extérieur. Des spécialistes affirment qu’un puits de carbone de un mètre cube d’eau permet de fixer une quantité de CO² équivalente à celle de 100 arbres741.

3434 – Isolation thermique et phonique. – Faire pousser un tapis végétal composé de végétaux enracinés dans la terre sur une toiture améliore l’isolation et l’inertie thermique des bâtiments, ainsi que l’isolation phonique742. Le toit végétal produit principalement des effets bénéfiques pour le dernier étage, tandis que la façade végétale agit sur toute la hauteur du bâtiment.

3435 – Gestion des eaux de pluie. – La nature est résiliente, à l’image de certaines zones en Inde capables d’absorber des millions de mètres cubes d’eau à chaque mousson grâce à un nombre incalculable de plantes. Après les pics de chaleur, les épisodes orageux ne sont jamais très loin. Les toitures et façades végétalisées inspirées par les écosystèmes naturels retiennent les eaux pluviales, réduisant ainsi la saturation des réseaux d’évacuation. Plus généralement, les sols perméables offrent un volume d’infiltration plus important pour recharger les ressources souterraines et une eau de meilleure qualité.

La prise en compte de ces enjeux rend la densité plus agréable à vivre. Elle limite par ailleurs l’extension continue des villes étendues, rendant possible une offre de logements « verts » dans les villes denses (V. n° a3454).

Source : Boris Transinne

§ II – Les enjeux patrimoniaux

3436 La réduction des risques sanitaires constitue la priorité de la végétalisation. Néanmoins, les enjeux patrimoniaux méritent une attention particulière à double titre : sous l’angle de l’attractivité de la ville (A), et également en considération d’une acception plus financière : la valeur verte de l’immobilier (B).

A/ L’attractivité de la ville

3437 – Une qualité de vie à partager. – La nature participe au bien-être des citoyens. Une façade végétalisée change radicalement l’image d’un bâtiment et la perception qu’en ont les individus. Les espaces verts accessibles à proximité des logements et des bureaux constituent une valeur ajoutée importante pour les occupants. Ainsi, la végétalisation améliore l’image de certains quartiers et des villes en général. Dans la compétition pour attirer de nouveaux habitants et de nouvelles entreprises, la végétalisation est un atout significatif.

3438 – Des produits d’appel. – Pour attirer les touristes, les villes mettent en avant leurs bâtiments remarquables, véritables produits d’appel. Pour certaines, des réalisations emblématiques participent à leur rayonnement mondial743. L’introduction de la nature dans les nouveaux ouvrages d’envergure augmente l’intérêt médiatique pour certaines grandes villes. À Milan, dans le programme « Bosco verticale »744, deux tours bâties en plein centre-ville abritent un hectare de forêt sur les balcons. À Nanjing (Chine), deux tours multifonctionnelles arborent au total 6 000 mètres carrés de végétalisation. Et que dire de la démesure des jardins Gardens by the bay situés à Singapour… À Paris, la tour M6B2, également appelée « tour de la biodiversité », est le porte-drapeau de la future Green City.

B/ La valeur verte de l’immobilier

3439 – Le vert dans le prix. – Le jardin est la deuxième « pièce » préférée des Français devant la cuisine, constituant ainsi un élément de valorisation745. L’opportunité de posséder un jardin dans une ville dense est plus faible qu’ailleurs. La végétalisation des balcons, terrasses et toitures accessibles revêt ainsi une importance particulière. Le choix d’une habitation est conditionné par l’impondérable trajet domicile-travail, la présence de commerces et de services publics. Pour 85 % des Français, la proximité d’un espace vert est également un critère important au moment de déménager746. Des études menées par Plante et Cité concluent à une véritable survaleur des logements situés à proximité d’espaces verts, décroissante à mesure de l’éloignement747. Celles réalisées sur la base des conclusions des diagnostics de performance énergétique vont dans le même sens748. L’ensemble de ces études démontre l’existence d’une véritable valeur verte.

3440 – Biodiversité et certification. – Les constructions nouvelles sont susceptibles de bénéficier d’une certification tenant compte du rôle écologique des végétaux utilisés et de leur impact sur l’environnement urbain et la biodiversité749. En France, la certification Haute Qualité Environnementale (HQE) n’y fait pas directement référence. Certaines organisations regroupant des professionnels du bâtiment ont créé les nouveaux labels « Biodivercity » et « Effinature ». Un nouveau label RBR 2020 verra prochainement le jour en France750. Cette multiplication des labels est regrettable. En effet, la promotion de l’efficacité environnementale des bâtiments mérite une meilleure lisibilité pour l’acquéreur.

§ III – Les enjeux économiques

3441 Les enjeux économiques de la végétalisation complètent ses bienfaits sanitaires et ses valorisations patrimoniales. De nouveaux acteurs concourent à la production de la végétalisation (A), source d’économies et de gains de productivité surprenants (B).

A/ De nouveaux acteurs pour de nouveaux chantiers

3442 – La végétalisation en quelques chiffres. – Si le vert est synonyme d’espérance, la conviction des professionnels se fonde sur une réalité plus terre à terre : l’intérêt économique. Lorsque Nantes a été élue capitale verte européenne en 2013, elle a accueilli la même année le Congrès mondial de la végétalisation du bâtiment organisé par l’ADIVET, réunissant divers professionnels de la filière751. À cette occasion, des chiffres intéressants ont été communiqués752. Avec 1,5 million de mètres carrés réalisés en 2016, la France fait partie des leaders mondiaux. Cette progression constante s’explique par les commandes privées et publiques, mais également par les nouvelles obligations légales (V. n° a3449). Elle est néanmoins loin derrière l’Allemagne, végétalisant entre douze et quinze millions de mètres carrés chaque année. Cela démontre la marge de progression pour les entreprises françaises intervenant dans ce secteur.

3443 – L’opportunité des ravalements de façades et réfections de toitures. – Depuis le 1er janvier 2017, des travaux d’isolation thermique par l’extérieur sont obligatoires à l’occasion de ravalements de façades, de réfections de toitures (CCH, art. R. 131-28-7 et R. 131-28-8). Cela concerne les travaux de ravalement comprenant la réfection de l’enduit existant, le remplacement d’un parement existant ou la mise en place d’un nouveau parement, concernant au moins 50 % d’une façade du bâtiment, hors ouvertures. De nombreuses dérogations sont prévues en fonction de la faisabilité technique et économique de ces travaux753.

3444 – Les start-up vertes. – L’intérêt économique d’une activité est souvent révélé par l’apparition de start-up, exploratrices des nouveaux marchés. Ainsi, une société française propose des toitures végétalisées accessibles aux particuliers en commercialisant des kits composés de dalles de fibres végétales754.

B/ Des économies et des gains de productivité surprenants

3445 – La végétalisation, une source d’économies très variée. – Réintégrer la nature dans l’aménagement urbain diminue les coûts, le béton constituant une charge financière plus importante que la végétation. Par exemple, l’imperméabilisation des sols engendre un coût « à double détente ». Les trottoirs et voiries réalisés nécessitent en effet une gestion rigoureuse en matière d’eaux pluviales et de réseaux. En favorisant la perméabilité des sols par la végétalisation, la diminution des coûts est certaine. Dans un tout autre registre, si la fonction médicinale des végétaux est bien connue, les vertus liées à leur simple visibilité le sont moins. Une étude menée aux Pays-Bas indique que les personnes vivant à proximité d’espaces verts ont moins de problèmes de santé755. Plus surprenant encore, les durées d’hospitalisation pour une même pathologie sont raccourcies lorsque la chambre de l’hôpital donne sur la verdure756 ! Avec la mutualisation des dépenses de santé, un bienfait individuel devient de facto collectif.

3446 – Une productivité accrue. – Il est communément admis qu’un individu heureux est plus performant au travail. À l’heure de l’entreprise libérée, la verdure contribue à ce phénomène. En effet, au-delà de leur rôle économique, les entreprises ont une responsabilité sociétale. Il est en effet démontré qu’un salarié est moins stressé au contact de la nature, devenant ainsi plus performant. Par ailleurs, une étude menée aux États-Unis conclut que l’absentéisme au sein d’une entreprise est moindre pour les salariés travaillant côté jardin plutôt que côté cour757.

Section II – Des obligations réglementaires et des initiatives privées

3447 Si l’intérêt de la végétalisation est bien compris, sa traduction en ville résulte principalement d’obligations réglementaires (§ I) et d’initiatives privées (§ II).

§ I – Les obligations réglementaires

3448 – Les trames vertes et bleues. – Les lois Grenelle 1758et 2759ont créé les trames vertes et bleues en introduisant dans le Code de l’urbanisme (C. urb., art. L. 101-2) et le Code de l’environnement (C. env., art. L. 371-1 et s.) des dispositions associant la nature au projet urbain. Les trames vertes et bleues sont des réseaux formés de continuités écologiques terrestres et aquatiques, identifiées par les schémas régionaux de cohérence écologique (SRCE) et prises en compte dans les documents de planification760. En pratique, il s’agit de réseaux reliant l’ensemble des espaces de nature entre eux, ceux du milieu urbain comme ceux des espaces périurbains et ruraux. Ils servent ainsi la biodiversité. Ces connexions permettent en effet à la faune et à la flore de circuler au sein des corridors écologiques à l’intérieur et à l’extérieur de la ville761. Ce maillage s’appuie sur les liaisons existantes : avenues bordées d’arbres, voies de chemin de fer, talus, terrains non bâtis, friches, etc. Les façades végétalisées complètent les réseaux d’espaces verts, participant ainsi à l’objectif des trames vertes.

3449 – Le coefficient de biotope (milieu d’accueil) par surface. – Le coefficient de biotope par surface est un indicateur facultatif créé par la loi ALUR. Il résulte d’un ratio entre la surface favorable à la nature et celle d’une parcelle construite ou en passe de l’être762. Les surfaces favorables à la biodiversité sont celles non imperméabilisées et éco-aménageables (C. urb., art. L. 123-1-5, III et L. 151-22). Le porteur du projet choisit librement les aménagements permettant d’atteindre l’objectif fixé : réduction de l’emprise au sol ou végétalisation (engazonnement, végétalisation de la toiture, etc.).

3450

Aux grands maux les grands remèdes

À Berlin, le coefficient de biotope par surface est obligatoire.

À Singapour, symbole de la ville verte malgré la rareté du foncier disponible, la loi impose à tout projet de comporter un nombre de mètres carrés végétalisés équivalent à son emprise au sol. Ainsi, les surfaces végétalisées augmentent au fur et à mesure des reconstructions d’anciens immeubles non végétalisés.

Dans le canton de Bâle, l’obligation de végétaliser les toits plats existe depuis 2002, ce qui représente aujourd’hui 30 % des surfaces de toiture existantes.

3451 – Des surfaces commerciales vertueuses. – Depuis le 1er mars 2017, les demandes de permis de construire concernant les projets soumis à autorisation d’exploitation commerciale proposent obligatoirement une toiture supportant une unité de production d’énergie renouvelable et/ou un système de végétalisation isolant favorisant la reconquête de la biodiversité (C. com., art. L. 752-1)763. Au surplus, les surfaces de stationnement intègrent des aménagements hydrauliques ou des dispositifs végétalisés favorisant la perméabilité et l’infiltration des eaux pluviales ou leur évaporation, et préservant les fonctions écologiques des sols (C. urb., art. L. 111-19).

3452 – Pour aller plus loin encore. – Outre les avantages directs procurés aux bâtiments, la végétalisation sensibilise le propriétaire privé à la satisfaction de l’intérêt général. Elle le contraint lorsqu’un coefficient de biotope est obligatoire en vertu du PLU. Il serait souhaitable que son développement soit favorisé par d’autres mesures telles que l’intégration des toitures végétalisées dans les cahiers des charges d’opérations d’aménagement ou la réduction de la taxe d’assainissement pour les projets vertueux en matière de gestion des eaux par exemple. Les réflexions à mener concernent diverses échelles d’une commune ou d’un territoire. Par exemple, une orientation d’aménagement intégrée au PLU permet de définir des mesures précises sur un secteur donné pour mettre en valeur l’environnement, les continuités écologiques et les paysages (C. urb., art. L. 151-7).

§ II – Les initiatives privées

3453 – La végétalisation autour de l’immeuble. – Les valeurs matérielle et immatérielle de la végétalisation incitent un grand nombre d’entreprises à accueillir leurs salariés dans des lieux de plus en plus verdoyants, les jardins devenant des lieux de partage et de performance. Les ensembles immobiliers font également la part belle aux jardins. Ils sont accessibles, partagés et parfois exploités. À l’image des Community gardens aux États-Unis, des particuliers réunis au sein d’associations proposent aux mairies des usages transitoires pour les terrains municipaux sans destination particulière. Ces jardins collectifs, vecteurs de lien social et de solidarité, ont aussi une fonction alimentaire. La frontière avec l’agriculture urbaine se rapproche (V. nos a3459 et s.).

3454 – Les « gradins jardins ». – Le choix entre une maison individuelle avec jardin éloignée du centre-ville et un appartement en centre-ville dépourvu de verdure penche très souvent du côté du tropisme pavillonnaire. Pour lutter contre l’étalement urbain induit par ce choix, certains promoteurs développent de nouvelles formes de logements intégrant une réponse verte sous forme de « gradins jardins »764. Chaque appartement bénéficie d’une large terrasse faisant office de petit jardin. L’attrait principal de cette innovation architecturale réside dans la conservation des bienfaits du centre-ville, sans perte des avantages liés à la notion du « dedans/dehors » habituellement réservée aux périphéries. L’offre de logements des acteurs de l’immobilier s’adapte ainsi aux besoins du consommateur.

Section III – Quelles autorisations administratives pour végétaliser ?

3455 – Copropriété et voisinage. – La végétalisation d’un logement nécessite d’avoir la main verte, mais également de respecter un certain nombre de règles de droit. Le statut de la copropriété limite parfois la végétalisation des balcons en application des règles de sécurité ou de nuisances de voisinage. Celle du toit et des façades soulève des interrogations plus spécifiques (V. nos a3503 et s.). L’aménagement d’un jardin implique également le respect de certaines règles. Ainsi, à défaut d’usages locaux, la hauteur des arbres et des haies proches des propriétés voisines est limitée (C. civ., art. 671). Par ailleurs, les servitudes aident à gérer les situations de surplomb nécessaires à la végétalisation d’une façade.

3456 – Les autorisations administratives classiques. – La végétalisation d’une toiture ou d’une façade, relevant de l’aspect extérieur des constructions, nécessite l’obtention d’un arrêté de non-opposition à déclaration préalable de travaux (C. urb., art. R. 421-17). Un arrêté de permis de construire est nécessaire si les travaux s’accompagnent d’un changement de destination (C. urb., art. R. 421-14, c). L’arrêté ne peut pas s’opposer à l’utilisation de matériaux renouvelables ou permettant d’éviter l’émission de gaz à effet de serre, à l’installation de dispositifs favorisant la retenue des eaux pluviales ou la production d’énergie renouvelable (C. urb., art. L. 111-16). Ces dispositions ne sont pas applicables à certains secteurs tels que les sites inscrits ou les abords des monuments historiques (C. urb., art. L. 111-17).

3457 – Des dépassements possibles. – Il est possible d’obtenir des dérogations aux règles d’emprise au sol et de hauteur des bâtiments pour l’isolation par l’extérieur ou pour la protection contre le rayonnement solaire (C. urb., art L. 152-5). Le dépassement maximum autorisé est de trente centimètres en plus des limites usuelles (C. urb., art. R. 152-6 et R. 152-7)765. En revanche, les règles d’occupation du domaine public ne sont pas assouplies. Une autorisation de la collectivité concernée est nécessaire. Enfin, un dépassement des règles relatives au gabarit peut être modulé jusqu’à 30 % pour les constructions faisant preuve d’exemplarité environnementale (C. urb., art. L. 151-28, 3°).

3458 – Un permis de végétaliser le domaine public. – Les habitants désirant végétaliser leur environnement sont invités à aménager certains espaces du domaine public : pieds de façades, trottoirs, pieds d’arbres en terre, murs de pierre, etc. À ce titre, la collectivité conclut avec le particulier une convention d’autorisation temporaire du domaine public, véritable permis de végétaliser.

À de nombreux égards, la végétalisation de la ville tutoie la notion d’agriculture urbaine, autre phénomène en plein essor.


726) Le permis de végétaliser bientôt comme à Lyon et Paris ? : www.estrepublicain.fr, 4 avr. 2017 ; « Cela devrait être la nouveauté pour les semaines, mois et années à venir : le permis de végétaliser ».
727) V. Callebaut architectures, Paris Smart City 2050, 8 prototypes of energy-plus towers eco-conceived to fight against climate change, Paris, 2014-2015 : http://vincent.callebaut.org.
728) PEAN, ENS, SPR, etc.
729) Le parc des Buttes-Chaumont, le parc Montsouris et le Champ-de-Mars.
730) Le bois de Boulogne et le bois de Vincennes.
731) Végétaliser la ville de demain : quels enjeux pour l’immobilier ? : Les Cahiers de la Chaire Immobilier et Développement durable 2015, p. 19, ESSEC Business school.
732) O. Floch, organisateur de BIOMIM’EXPO avec le Centre européen d’excellence en biomimétisme de Senlis (CEEBIOS).
733) www.societedugrandparis.fr.
734) Paris est en queue de peloton de l’analyse comparative de plusieurs villes dans le monde. Avec un Green View Index de 8,8 %, c’est la ville la moins végétalisée. Londres et New York tournent autour de 13 %. Amsterdam et Francfort dépassent allègrement les 21 % (A. Groot, Treepedia, l’outil qui analyse la couverture végétale des métropoles : www.urbanews.fr, 18 mai 2017).
735) À l’image du Parc André Citroën inauguré en 1992, et plus récemment du Parc des Rives de Seine inauguré en 2017.
736) Pour une analyse technique des procédés constructifs et des espèces végétales utilisés, V. les différents sites spécialisés comme www.soprema.fr et www.adivet.net.
737) Relevé météo de la station de Paris-Monstouris.
738) Le végétal absorbe la chaleur et rejette de la vapeur d’eau refroidissant l’air.
739) V. Le verdissement montréalais pour lutter contre les îlots de chaleur urbains, le réchauffement climatique et la pollution atmosphérique, Conseil régional de l’environnement de Montréal, 2007.
740) Voire à leur extérieur (source : La Chine construit sa première forêt verticale : www.bioalaune.com, 7 juin 2017).
741) Chiffres avancés par le concepteur Fermentalg lors de la COP 21.

742) Une réduction de quinze à vingt décibels (A. Garric, Les « toits verts » se multiplient dans les villes françaises : www.lemonde.fr, 6 avr. 2013).

743) Tour Eiffel à Paris, tour Burj Khalifa à Dubaï, etc.
744) Forêt verticale.
745) Terrasses et jardins : nouvelles valeurs des Français, étude UNEP-IPSOS, 2009.
746) Ville en vert, Ville en vie : un nouveau modèle de société, étude UNEP-IPSOS, 2016.
747) www.plante-et-cite.fr. Par ex., à Brest, un appartement situé à plus de cent mètres d’un espace vert subit une décote de 17 % par rapport à un appartement similaire situé à proximité immédiate d’un même espace.
748) La valeur verte des logements d’après les bases notariales BIEN et PERVAL, DINAMIC, mars 2015.
749) Par ex., le label britannique BREEAM et, dans une moindre mesure, le label d’origine américaine LEED.
750) Réglementation bâtiment responsable dit « Label énergie carbone ».
751) Association française des toitures et façades végétales.
752) Quelques chiffres sur les toitures terrasses végétalisées en France, en 2002 : 60 000 m², en 2007 : 300 000 m², en 2010 : 900 000 m², en 2012 : 1,3 million de m² (soit environ 130 hectares). Les prix, variant selon la surface et les systèmes de mise en œuvre, sont divers.
753) D. n° 2016-711, 30 mai 2016 : JO 31 mai 2016.
754) Il s’agit de la société MonToitVert, finaliste du prix de l’innovation EDF Pulse 2016.
755) S. de Vries, R. Verheij et al., Natural environments-healthy environments, An exploratory analysis of the relationship between greenspace and health : Environment and Planning A 2003, vol. 35, n° 10, p. 1717-1731.
756) Végétaliser la ville de demain : quels enjeux pour l’immobilier ? : Les Cahiers de la Chaire Immobilier et Développement durable 2015, n° 3, p. 146, ESSEC Business school.
757) Végétaliser la ville de demain : quels enjeux pour l’immobilier ?, préc., p. 147.
758) L. n° 2009-967, 3 août 2009, de programmation relative à la mise en œuvre du Grenelle de l’environnement : JO 4 août 2009.
759) L. n° 2010-788, 12 juill. 2010, portant engagement national pour l’environnement : JO 13 juill. 2010.
760) Carte communale, PLU, PLUi ou SCoT.
761) Pour un exemple de renards filmés au bois de Vincennes, V. le documentaire diffusé le 1er janvier 2017 sur M6 (F. Fougea, La plus belle ville du monde, 2016).
762) La ville de Paris l’a adopté.
763) Il est important de noter que ces deux procédés ne sont pas concurrents et que la promotion de la végétalisation est complémentaire de celle de la production d’énergie renouvelable.
764) Quitte à remettre en cause un certain nombre de principes urbanistiques classiques comme le « front de rue » (Immobilier et société en mutation : éléments de réflexion sur la ville de demain : Les Cahiers de la Chaire Immobilier et Développement durable 2013, n° 1, p. 96, ESSEC Business school).
765) L. n° 2015-992, 17 août 2015, relative à la transition énergétique pour la croissance verte (LTECV). – D. n° 2016-802, 15 juin 2016.

Texte ici



Aller au contenu principal