Les paramètres du raisonnement juridique

Les paramètres du raisonnement juridique

? Le raisonnement juridique. ? Le raisonnement juridique constitue la base de la délivrance d'un conseil personnalisé par le professionnel du droit C. Jubault, Les professions réglementées dans la révolution numérique?propos introductif : CDE 2018, dossier 14. . Un dictionnaire du vocabulaire juridique en donne une définition qu'il importe de reproduire dans son intégralité tant chaque mot est important G. Cornu, Vocabulaire juridique, PUF, coll. « Quadrige », 13e éd., 2020, Vo Raisonnement juridique, p. 840. . Le raisonnement juridique est une « opération intellectuelle relevant de la science fondamentale et de l'application pratique du Droit qui, consistant en général dans l'application d'une règle à un cas, suppose : 1/ la recherche et l'affirmation de la règle juridique applicable ; 2/ la recherche et la détermination de son domaine d'application ; 3/ l'analyse du cas particulier (constatations de fait, qualification juridique) ; 4/ la conclusion (en forme d'avis ou de décision, etc.) issue du rapprochement du cas concret qualifié et de la règle abstraite, en quoi l'opération s'appuie sur la logique formelle (prenant parfois la forme d'un syllogisme) Le syllogisme juridique est un raisonnement aristotélicien en trois étapes, fonctionnant comme suit : la première étape (la majeure) est l'énoncé de la règle de droit de manière générale et abstraite, se référant à des textes précis, loi, règlement, contrat… La deuxième étape (la mineure) indique quels sont les faits, en les qualifiant juridiquement, c'est-à-dire en les faisant entrer dans des catégories juridiques adéquates. Il s'agit ici de « traduire » en termes juridiques une situation. La troisième étape (la solution) aboutit à la solution juridique résultant de l'application de la règle de droit (majeure) aux faits (mineure). Elle énonce des droits subjectifs (dans la « conclusion ») qui sont déduits du droit objectif (énoncé dans la « majeure » et la « mineure »). , tout en faisant une part importante à la dialectique (notamment dans la détermination du domaine d'application), le raisonnement prenant, en définitive, des orientations sensiblement différentes selon qu'il a pour objet une série de cas (raisonnement explicatif d'une réforme) ou la solution d'un litige (consultation doctrinale, décision de justice) et, s'il s'agit du raisonnement judiciaire (dans lequel les faits de l'espèce ont leur importance), selon qu'il est manié par le juge dans sa décision, par l'avocat dans sa plaidoirie, par son adversaire, par le ministère public dans ses observations… ».
? Les paramètres juridiques. ? La première étape du raisonnement juridique nécessite de connaître les règles de droit pour être en mesure de déterminer celle applicable au cas précis. Une fois défini, son champ d'application sera déterminé lors de la deuxième étape. Ces paramètres purement juridiques sont à même d'être réalisés aussi bien par l'homme que par la machine. Cette dernière sera d'ailleurs beaucoup plus rapide dans l'exécution de ces étapes que l'humain V. infra, no . .
? Les paramètres non juridiques. ? La troisième étape du raisonnement juridique nécessite des paramètres non juridiques. L'analyse du cas particulier implique de connaître précisément l'environnement du client. Des objectifs d'ordre psychologique (volonté de privilégier un enfant plutôt qu'un autre, volonté de rédiger un testament avant une opération chirurgicale, d'exhéréder le conjoint…), économique (baisser ses impôts, augmenter ses revenus…), patrimonial (vendre un actif plutôt qu'un autre, acquérir ou donner…)… entreront en ligne de compte. Au fil des échanges et discussions entre le client et le professionnel, toutes ces informations sont ensuite classées et priorisées par degré d'importance. Les risques seront aussi répertoriés et mesurés selon les objectifs donnés. Au-delà de toutes ces informations indispensables, pour la quatrième étape, le professionnel utilisera (plutôt inconsciemment d'ailleurs) ses propres valeurs morales, ses émotions, sa sensibilité selon ce qu'il aura vu, entendu, pensé ou ressenti. Autant de capacités intuitives inhérentes au cerveau humain que ne peut reproduire la machine V. infra, no . .
? Définition de la consultation juridique à revoir ? ? Plus particulièrement, le rapport de la Mission relative à l'avenir de la profession d'avocat, remis le 26 août 2019 www.justice.gouv.fr/publications-10047/rapports-thematiques-10049/remise-du-rapport-relatif-a-lavenir-de-la-profession-davocat-33454.html">Lien , attire l'attention sur l'impact de l'IA sur la notion même de « consultation juridique » www.justice.gouv.fr/art_pix/Mission_avenir_profession_avocat_rapport.pdf">Lien . Elle relève que la « prestation intellectuelle syllogistique consistant à analyser la situation de fait qui lui est personnelle pour y appliquer ensuite la règle de droit abstraite correspondante », décrite par la Cour de cassation Cass. crim., 21 mars 2017, no 16-82.437 (https://juricaf.org/arret/FRANCE-COURDECASSATION-20170321-1682437">Lien). va être profondément bouleversée par l'IA. Selon le rapport, l'IA sera à même de donner des réponses structurées, en langage naturel, équivalentes à l'application d'une règle de droit abstraite à une situation individuelle. Le rapport préconise de définir la consultation juridique sous un angle téléologique, à l'image du droit allemand Loi allemande sur les services juridiques (Rechtsdienstleistungsgesetz [RDG]), art. 2, § 1. . Ainsi toute activité relative à la conduite des affaires concrètes d'autrui nécessitant un examen juridique du cas individuel doit être qualifiée de prestation juridique. « Le besoin des consommateurs est donc déterminant et le service est défini par rapport à sa finalité. Repartir ainsi du besoin du consommateur permettrait de disposer d'une définition qui ne dépendrait pas du niveau que pourrait atteindre l'intelligence artificielle. »