3623 – Un amour évident. – La France aime la campagne et ses habitants. Cette évidence transparaît dans les discours de tous les élus du pays. Elle résulte également des objectifs légaux, directement par la recherche d’un équilibre entre « les populations résidant dans les zones urbaines et rurales » ou par « la revitalisation des centres (…) ruraux » (C. urb., art. L. 101-2, 1°, a et b), mais également de manière plus indirecte. En effet, comment ne pas voir dans « la protection des sites, des milieux et paysages naturels » (C. urb., art. L. 101-2, 6°), une main tendue aux individus souhaitant vivre au grand air et proches de la nature ?
3624 – La réalité de « l’hyper-ruralité ». – L’heure n’est guère à l’assouvissement des chimères. En effet, alors que 44 % des Français rêveraient de vivre en milieu rural1041, les zones rurales sont en déclin et les territoires « hyper-ruraux » sont même « au seuil de l’effondrement »1042. Ces territoires, à l’écart de toute grande agglomération, représentent 26 % de la surface de l’Hexagone mais seulement 5,4 % de la population française.
Marqués par la paupérisation, le vieillissement et le manque d’équipements et de services, 250 bassins de vie hyper-ruraux ont été identifiés, principalement autour d’une « diagonale du vide », allant des Pyrénées à la Lorraine. Dans cette société vivant à contre-courant d’une France moderne, mobile et connectée, tout est frappé du sceau de l’éloignement1043. Pour ramener la vie dans les campagnes les plus isolées, le rapport sénatorial sur l’hyper-ruralité rendu en 2014 prône la mise en place d’un « pacte national » fondé sur différentes mesures et recommandations, dont le point commun est de porter sur l’action publique. Ainsi, la mise en place d’intercommunalités fortes d’au moins 20 000 habitants, d’un nouveau corps de la fonction publique dédié aux territoires hyper-ruraux et d’une fiscalité dérogatoire pour la réhabilitation du bâti vacant des bourgs ruraux, fait partie du panel des solutions proposées.
3625 – La « métropolphobie ». – Délocaliser des pôles de compétence administrative ou « démétropoliser » des implantations de l’État et de ses satellites dans des villes moyennes de l’hyper-ruralité1044sont sans doute des recommandations susceptibles d’apporter un confort conjoncturel à telle ou telle agglomération. Mais elles ont le défaut d’opposer des territoires de nature différente. Au nom des déséquilibres et des inégalités, elles alimentent une « métropolphobie » française oublieuse de la redistribution et de la solidarité1045. Car plus encore que les pactes de réciprocité signés entre les métropoles et les territoires ruraux sous l’égide de France Urbaine1046, les grandes villes servent d’amortisseurs à la crise structurelle d’une ruralité envoyant de plus en plus de « navetteurs » travailler dans l’aire urbaine1047.
3626 – Des territoires complémentaires. – Les territoires urbains et ruraux ne sont pas antagonistes. Bien au contraire, ils sont par nature complémentaires. Les natifs des campagnes devraient avoir le choix d’une vie comblant leurs aspirations personnelles sur leur lieu de naissance. Les citadins ne supportant plus les contraintes de la ville devraient également trouver dans les grands espaces cette douceur de vivre recherchée1048. À l’échelle du pays, cette arrivée des « néo-ruraux » est cependant trop rare pour rééquilibrer le territoire. Elle ne compense même pas l’exode rural.
Pour endiguer l’effondrement d’un monde incapable de combler les besoins individuels modernes, il convient d’apporter dans les territoires ruraux, sans les dénaturer, ce que la population est contrainte d’aller chercher ailleurs (V. n° a3057).
La nourriture étant relativement aisée à trouver en campagne, les besoins primaires et fondamentaux manquant dans les coins les plus reculés sont l’habitat de qualité, les soins, l’éducation, l’emploi, les commerces, certains loisirs, les transports, et à présent, le numérique.
Les premiers de ces besoins sont séculaires. Il est indispensable de continuer à les assouvir (Section I). À lui seul, le numérique permet de satisfaire les besoins complémentaires (Section II).
3627 – Le curé, le commerçant, l’instituteur, le maire et le docteur. – La campagne française a longtemps vécu autour de villages concentrant en leur bourg le curé, le commerçant, l’instituteur, le maire et le médecin. À ce minimum, se rajoutaient très souvent un bureau de poste et un notaire… Aujourd’hui, les lieux de culte sont toujours situés au centre des villages de plus de 18 000 communes de moins de 500 habitants, mais le maire s’y sent souvent bien seul.
Dans les plus petits bourgs, le curé est décédé et n’a pas été remplacé ; les commerçants ont déserté ; l’école a fermé et le docteur passe de temps en temps faire des visites aux domiciles des derniers habitants, généralement peu mobiles. Que ce soit en terme d’habitat de qualité (§ I), de commerce (§ II), d’éducation (§ III), de services publics (§ IV) et d’emploi (§ V), l’autopsie d’un bourg mort aide à soigner les villages malades.
3628 – Un habitat vernaculaire1049et vieillissant. – L’habitat des zones rurales mérite une attention particulière. Il constitue en effet une architecture vernaculaire racontant l’histoire du pays. À ce titre, il est nécessairement concerné par « la protection, la conservation et la restauration du patrimoine culturel » (C. urb., art. L. 101-2, 1°, d).
Mais cet aspect historique est souvent loin des préoccupations des habitants, plus sensibles au vieillissement des immeubles et à la dégradation de leurs conditions d’occupation. La moitié seulement des résidences principales des communes rurales satisfait aux normes de confort standard1050. Cette situation provient de l’ampleur des réhabilitations nécessaires sur des biens n’ayant pas fait l’objet de travaux lourds depuis des décennies et du manque de moyens des occupants1051.
Les besoins étant immenses et le saupoudrage des aides publiques notoirement insuffisant, il est difficile d’entrevoir une solution pérenne à un problème tenant plus du traitement de la pauvreté en général que de l’habitat des zones rurales en particulier.
3629 – Le symbole des bistrots. – De toutes les difficultés des villages, la disparition progressive des bistrots est sans doute la plus symbolique1052. Des quelque 600 000 cafés que comptait le pays dans les années 1960, il n’en reste qu’un peu moins de 35 000, disséminés sur 10 619 communes. 26 045 villages en sont ainsi dépourvus. Les causes sont connues. Le vieillissement et la désertification des bourgs ainsi que la répression de l’alcoolisme au volant ont privé ces commerces de rentabilité.
Or, le bistrot est un élément essentiel du lien social. Dépassant le plus souvent la fonction de débit de boissons pour offrir les services d’une supérette, il permet de redynamiser l’économie et la vie des plus petites communes.
3630 – Le superflu et l’essentiel. – Les habitants de l’hyper-ruralité ont la faculté de vivre sans le superflu1053, mais ils ne peuvent pas se passer de l’essentiel tout le temps. Ainsi, le maintien d’une épicerie de campagne est souvent une condition sine qua non de la survie d’un village. Cet impératif justifie les efforts effectués par les collectivités locales et les organismes publics pour accueillir les rares candidats repreneurs1054de ces commerces « à tout faire »1055, derniers points de rencontre des fidèles du village. Malheureusement, en dépit des aides, travailler du matin au soir six ou sept jours par semaine n’est en général plus suffisant pour dégager des bénéfices permettant de faire vivre une famille. Ces commerçants s’inscrivent ainsi dans un choix de vie déconnecté de l’appât du gain.
3631 – Une école fermée, la mort d’un village. – Chaque année, au moment de la rentrée des classes, certains villages retiennent leur souffle, espérant que la nouvelle carte scolaire ne les contraigne pas à fermer les portes de leur école. Car une école qui ferme, c’est un village qui meurt. Avant de penser à gagner une population venant de l’extérieur, il importe de ne pas perdre celle du cru. Or, les enfants qui partent sont bien souvent suivis par leurs parents, soucieux du bien-être de leur progéniture, susceptible d’être terni par un internat ou un abus de transports scolaires.
3632 – Le calice jusqu’à la lie. – L’affectation des enseignants relève de l’État1056, fondant sa décision de supprimer un poste uniquement sur l’analyse prévisionnelle du nombre d’élèves1057, y compris pour les écoles à classe unique. L’inspecteur d’académie a le pouvoir de supprimer un poste s’il estime que les prévisions d’inscriptions scolaires sont volontairement gonflées pour éviter la fermeture1058. La situation est analysée année par année, quand bien même la commune assure mener une politique d’accueil des familles devant conduire à terme à un accroissement des effectifs.
Quand le maire et son équipe ont perdu la bataille de l’instituteur, ils doivent encore boire le calice jusqu’à la lie, la fermeture des établissements scolaires relevant d’une décision du conseil municipal, après avis du préfet du département1059.
3633 – Quid de l’école numérique ? – Les enfants ont besoin de cet encadrement donné de manière séculaire par le maître ou la maîtresse, figure de proue de l’Éducation nationale, symbole de l’égalité affichée de tous les Français. Peut-on se passer de ces personnes si estimées et les remplacer par des ordinateurs ? L’école numérique peut-elle être une solution alternative ? Ce scénario est difficile à imaginer mais il n’est pas à exclure, les facteurs de temps et de lieu n’étant plus fondamentalement constitutifs de l’acte d’enseigner.
3634 – Les déserts médicaux. – Les déserts médicaux sont une réalité du monde rural. Ils obligent souvent le patient à se déplacer très loin de son domicile et à attendre très longtemps un rendez-vous chez un spécialiste. Le phénomène s’explique à la fois par les difficultés rencontrées pour remplacer les médecins prenant leur retraite1060et par la fermeture d’hôpitaux jugés coûteux ou inadaptés.
Jusqu’aux premières lois de décentralisation en 1986, la médecine relevait conjointement des politiques de santé et d’aménagement du territoire. Aujourd’hui, elle ne dépend plus que des seules politiques de santé, axées sur la qualité des soins mais aussi sur la maîtrise des coûts.
3635 – Les remèdes. – La télémédecine est une alternative crédible à l’absence de médecins dans les zones rurales1061, au moins pour gérer le tout-venant médical. Néanmoins, elle ne réglerait pas les problèmes les plus importants tels que les urgences. Par ailleurs, tant que les zones rurales ne seront pas mieux desservies par le très haut débit, il est indispensable d’explorer d’autres voies1062.
Il serait envisageable d’inscrire la politique de santé dans le cadre de la politique migratoire du pays, en conditionnant l’attribution d’un visa aux médecins étrangers à leur installation et leur maintien temporaire dans un désert médical. Une telle mesure ne peut cependant être aussi efficace qu’au Canada, en Australie et en Nouvelle-Zélande, l’absence de statut public des médecins libéraux limitant cette contrainte aux seuls professionnels de santé non communautaires.
Cette difficulté pourrait être contournée en conférant le statut de fonctionnaire stagiaire aux étudiants en médecine. Touchant un traitement de fonctionnaire pendant leurs études, ils pourraient en contrepartie se voir imposer un certain nombre d’années au service public de la médecine, avant de retrouver une totale liberté d’installation. Les jeunes diplômés choisiraient le lieu de leur établissement sur une liste d’État, dans l’ordre de leur classement. La fonctionnarisation de la médecine, même temporaire, n’est cependant pas dans l’ère du temps.
Enfin, une spécialisation des petits hôpitaux ruraux est évoquée. Elle permettrait de maintenir un maillage de l’espace hospitalier, à défaut de pouvoir répondre partout aux singularités d’une patientèle forcément généraliste dans ses besoins.
3636 – Les autres services publics. – Les difficultés du service public de la santé sont transposables dans tous les autres domaines de la fonction publique. À ce titre, les propositions du sénateur Bertrand (V. n° a3624) sont pertinentes. Elles sont malheureusement limitées par l’état des finances publiques. Le déploiement de la fibre partout sur le territoire est victime des mêmes restrictions financières, alors qu’il permettrait un traitement à distance de la plupart des demandes des usagers des services publics1063.
3637 – De l’emploi pour tous, mais pas tous les emplois. – De très nombreux emplois n’existent pas dans les zones de l’hyper-ruralité1064. L’exode rural a d’ailleurs souvent pour cause la recherche d’un emploi inexistant à la campagne.
Pourtant, le moindre coût de la vie en zone rurale est de nature à favoriser l’implantation d’activités, principalement dans les domaines ne nécessitant pas beaucoup de transports. À titre d’exemple, le tarif médian pour un hébergement permanent dans une résidence pour personnes âgées s’élève à 3 154 € à Paris et dans les Hauts-de-Seine, contre 1 616 € dans la Meuse1065. On mesure ainsi le caractère gagnant-gagnant des implantations en zones rurales, au surplus moins polluées.
Par ailleurs, à défaut d’accès suffisant au numérique, de nombreux emplois ne sont pas proposés aujourd’hui en zones rurales.
3638 – Les smart villages ? Tout le monde vante les mérites des smart cities, mais rares sont ceux évoquant les smart villages. Et pour cause ! Si les villes moyennes sont encore trop souvent mal desservies par le haut débit, que dire des zones rurales… La résolution des problèmes de téléphonie mobile et du numérique constitue en partie le salut des territoires ruraux.
Concernant la téléphonie mobile, la couverture totale du territoire repose sur le cumul de couverture des quatre principaux opérateurs du pays. Ainsi, le choix d’un résident ne captant qu’un réseau est réduit à néant. En outre, un grand voyageur désirant être joignable à tout moment est contraint de souscrire quatre abonnements différents, sous réserve qu’il ne se trouve pas dans l’une des innombrables zones blanches parsemant encore l’hyper-ruralité française1066.
Le problème du numérique est pire encore. Et pourtant, « le très haut débit partout, c’est possible ! »1067.
Il s’agit de la solution principale aux problèmes de la ruralité, à condition de ne pas la dénaturer. En effet, il est fondamental de conserver un équilibre entre ce qui fait la beauté de la campagne et ce qui permet d’y rester, sans que la dépendance à l’un nuise à l’autre.
Alors, la modernité devient un atout, permettant notamment de pallier les transports insuffisants (§ I), sans risquer de faire encourir à la ruralité les méfaits du numérique (§ II).
3639 – Les transports, fléau de la ruralité. – Le véritable fléau de la ruralité, et plus encore de l’hyper-ruralité, réside dans les transports. Leur difficulté est plus prégnante encore dans les zones isolées qu’en ville, puisqu’au problème du temps s’ajoute celui de la distance.
La revitalisation du monde rural passe ainsi par la diminution du besoin de transports. Dans le monde moderne, le numérique a cette fonction. Il constitue la solution principale aux problèmes de désenclavement du monde rural, à l’instar du désengorgement des métropoles.
Tous les domaines d’activités sont concernés par le numérique. Il est à ce titre indissociable du tourisme, ne serait-ce qu’au point de vue marketing. Qui découvrira la maison d’hôtes de ses rêves s’il ne la rencontre pas sur internet ? Qui connaîtra les trésors cachés d’une commune reculée s’ils ne sont pas dévoilés sur la toile ?
3640 – Le télétravail. – En 2015, 71 % des Français pensaient que le télétravail était une véritable révolution que les entreprises devraient s’empresser de développer1068.
Dans un pays marqué par la tertiarisation des activités, les avantages sont évidents pour le salarié travaillant à domicile. Dispensé de tout ou partie des déplacements de son habitation à son lieu de travail, il gagne en temps de transport et en pouvoir d’achat. Il dispose également d’une importante flexibilité pour choisir son lieu de résidence loin des centres urbains les plus onéreux. Sur place, il gère son temps et sa vie personnelle. Il travaille en musique s’il le souhaite, de nuit s’il le préfère et si son emploi est « nocturno-compatible ».
Libre d’entrecouper son ouvrage d’activités de son choix, il gagne en productivité. L’employeur y trouve aussi son intérêt, dès lors que le travail réclamé est fait avec la même qualité qu’au bureau. Il réduit ainsi ses besoins d’espace.
La difficulté tient au pari constitué par le télétravail. L’encadrement à distance est basé sur la confiance. Un management éclairé est la seule manière d’éviter l’indiscipline d’un salarié, qui, de son côté, doit éviter de devenir victime d’un système potentiellement asservissant.
En théorie, pour une série de professions dont la liste est de plus en plus longue, le télétravail est possible à tout endroit du territoire, et notamment dans les zones rurales1069. En pratique, il est impossible sans le très haut débit numérique, loin de desservir tout le pays.
3641 – Le coût de la réduction de la fracture numérique. – Ainsi, l’accès de tous au très haut débit est le point névralgique de la revitalisation des campagnes, alors même que les opérateurs se montrent peu enclins à mettre la main à la poche pour équiper les régions les plus reculées1070. Or, la réduction de la fracture numérique a un coût important. Le Plan France Très Haut Débit l’évalue à vingt milliards d’euros1071. Pour la Cour des comptes, la facture sera plus proche de trente-cinq milliards d’euros1072.
Quel qu’en soit le coût, dans le cadre de sa déclaration de politique générale du 4 juillet 2017, le Premier ministre Édouard Philippe a promis de garantir l’accès au très haut débit partout en France au plus tard d’ici à 2022. En privilégiant une solution mixte mariant la fibre et la 4 G, le Président de la République Emmanuel Macron a avancé ce calendrier à la fin de l’année 20201073, quitte à utiliser la « contrainte à l’égard des opérateurs de téléphonie ».
3642 – 3D : tout à la maison (et même la maison). – La supérette permet d’acheter régulièrement de la nourriture. C’est ce qui la rend tellement essentielle à la vie des villages français. Pourtant, à défaut de pouvoir se ravitailler régulièrement, la population s’est habituée à manger des plats sortant du micro-ondes. Demain, elle s’habituera à manger des plats sortants d’une imprimante 3D alimentaire1074.
Ainsi, toute notre manière de consommer pourrait être remise en cause par la technologie 3D.
Les objets du quotidien, les vêtements, et pourquoi pas demain les chaussures, pourraient provenir de ces imprimantes nouvelle génération. L’isolement à l’égard du commerce perdrait alors de son importance pour les besoins primaires.
Ces progrès tiennent encore beaucoup de la prospective1075. Pourtant, il convient de rappeler qu’il existe d’ores et déjà des imprimantes permettant de bâtir à moindre coût des petites maisons sans fioritures1076. Indépendamment du problème de l’emprise des constructions sur les espaces naturels, de telles constructions sur les terrains bon marché de l’hyper-ruralité permettraient peut-être d’insuffler une nouvelle vie aux campagnes les plus dépeuplées.
3643 Dans les campagnes, les risques liés au numérique sont moindres (A) ; la dépendance également (B).
3644 – Un black-out de moindre conséquence. – Le 21 octobre 2016, un très grand nombre de sites internet de premier ordre (Twitter, PayPal, Netflix, etc.) sont soudain devenus inaccessibles. Une attaque DDos avait noyé dans le flot d’un botnet infecté par le malware Mirai, les serveurs de Dyn en charge de reconnaître les DSN faisant le lien entre les adresses IP et les URL1077. Ces données techniques compréhensibles des seuls initiés n’ont aucun intérêt en soi. En revanche, elles révèlent que l’armée informatique dont les hackers malveillants avaient pris le contrôle n’était pas constituée d’ordinateurs dont ils avaient réussi à « cracker » le mot de passe, mais de simples objets connectés. À l’époque des faits, ces appareils n’étaient que six milliards. Ils devraient être plus de vingt milliards en 20201078. Et ils ont presque tous un mot de passe ridiculement facile à percer (0000, 1234, admin…), ne changeant pas entre l’usine et le domicile de son propriétaire.
La ville est en train de devenir dépendante d’un numérique envahissant tous les univers urbains. Dès lors, une cyberattaque géante serait de nature à déstabiliser toutes les métropoles.
La ruralité semble à l’abri d’une telle dépendance1079. Si elle en a besoin pour travailler à égalité de chance avec son voisin urbain, elle trouve sa liberté ailleurs que dans les algorithmes, fussent-ils présentés comme le nec plus ultra de l’écologie par la réduction des consommations.
3645 – Une ubérisation limitée. – Le numérique est le terreau de l’ubérisation. Mais l’ubérisation est-elle une bonne chose1080 ? Pour chaque secteur économique concerné, elle permet des gains de productivité et une baisse des coûts favorable aux consommateurs1081. Mais ses détracteurs prophétisent une augmentation sensible du chômage dans les professions où elle concurrence les institutions en place1082, ainsi qu’un risque accru de délocalisation. Surtout, la fiscalité inadaptée aux secteurs ubérisés prive les finances publiques françaises de rentrées très importantes, tant en impôts qu’en charges1083.
Le numérique des zones rurales connaît bien évidemment ces risques, mais il en est beaucoup moins dépendant.
3646 – Le lien social. – Il semble que le lien social n’ait jamais profondément évolué dans le monde rural. Dans un bourg, tout le monde connaissant tout le monde, les amitiés sont sincères et les haines farouches. L’arrivée du numérique n’est pas de nature à transformer des comportements implantés depuis des siècles. Les habitants des villages ne changeront pas, laissant la geek attitude1084aux citadins.